Colloque international
Anthropologie des abris de loisirs
Organisateurs : Gilles Raveneau et Olivier Sirost
Université Paris X- Nanterre : 25 - 27 octobre 2006
L’abri de loisirs, à travers son modèle originel qui est la cabane, est un objet de
référence de la culture occidentale. Apparu avec la révolution industrielle, l’abri de
loisir est indissociable de l’avènement de la culture de masse. Le terme abri désigne un
objet dont la dimension métaphorique permet d'explorer l'« habiter » et dont la
dimension conceptuelle conduit à problématiser la question de l'habitat. L’abri de loisirs
est une construction éphémère qui se définit moins par la durée (très variable) qui lui est
accordée que par les intentions de ses créateurs. Cette construction se caractérise, d’une
part, par l’absence d’impératifs de solidité (d’où le choix de matériaux de récupération
ou périssables), et des techniques de construction révélatrices de diverses formes de
bricolage ; d’autre part, cette construction s’oppose au provisoire en ce sens qu’elle n’est
pas un pis-aller en attendant autre chose, mais une architecture existant pour elle-même,
le temps que quelque chose se produise. L’abri de loisirs apparaît alors comme
fondamentalement lié au jeu, aux loisirs, à la fête et à des pratiques de retrait social. Cet
objet de recherche, qui pourrait sembler futile et dérisoire, en dit pourtant long sur nos
sociétés et sur ce que sont et ce que font nos contemporains. Notre hypothèse de travail
consiste a) à envisager l’abri de loisirs comme le révélateur et le support du
développement des loisirs dans nos sociétés contemporaines, b) à s’interroger sur les
passages à un habitat multiforme à des fins ludiques.
Les abris de loisirs sont un signe fort de l’émergence du « Plein air » dans les sociétés
occidentales. La mise en paysage de la nature dans l’esthétique du XVIIIe siècle, les
philosophies et les nouveaux usages du jardinage font de l’habitat temporaire un jeu. Ce
jeu, qui consiste à habiter par intermittence et en condition de précarité la nature, est
concomitant de l’avènement des pédagogies nouvelles, de L’Emile de Jean-Jacques
Rousseau aux scoutismes et autres mouvements de jeunesse. Il est également un des
catalyseurs du tourisme moderne dès le tournant du XXe siècle avec les loisirs sportifs,
le camping, la randonnée et les pratiques sportives de pleine nature. A l’occasion de la
diffusion de ces activités largement tournées vers la jeunesse, l’abri de loisirs devient un
élément constitutif des sociétés et de leurs mentalités : congés payés, utopies
communautaristes, villages recomposés, hygiénisme social, figures d’explorateurs et
d’aventuriers… sont autant de circonstances où se rejouent les rapports nature-culture
propres à l’Occident.
Bien que l’histoire et la sociologie des loisirs soient des champs de recherche désormais
établis et que nombre de travaux en sciences sociales traitent des loisirs et de l’habitat,
les « abris de loisirs » ne sont jamais apparus comme catégorie d’analyse. Et pourtant,
des recherches portant sur différents types d’abri de loisirs existent en sciences sociales,
de l’histoire à l’anthropologie en passant par l’architecture, la géographie et la
sociologie. L’objet empirique existe donc sous des formes variées, mais il n’a pas encore
été reconnu et désigné comme objet de recherche. L’objectif du colloque est précisément
d’en faire un objet d’étude en soi, en tentant de regrouper les recherches éparpillées et
hétérogènes et d’unifier un domaine encore en friche. Le moment est propice pour