REVUE ROUMAINE DE LINGUISTIQUE
TOME XXVII, Bucarest, 1982, N°1
LES FONCTIONS DE COMME
PAR PAÏSSY HEISTOV et YORDANKA KROUMOVA
Dans les ouvrages de linguistique française et dans les dictionnaires
COMME est traité, selon ses emplois, d'adverbe, de conjonction et de pré-
position
1
. Il se pose le problème de savoir quelles sont les caractéristiques
sémantiques et morpho-syntaxiques de ce mot pour qu'il puisse remplir des
fonctions différentes. «On peut s'étonner de voir dans le système prépositionnel
COMME auquel on reconnaît traditionnellement des fonctions conjonctives et
adverbiales. Et pourtant COMME est soit en position prépositive : cf. comme toi,
comme ministre, comme étourdi, soit en position conjonctive (conjonction de
subordination et « adverbe » exclamatif ), c.-a-d. à cheval comme plusieurs
autres prépositions sur les deux classes de mots, les prépositions et les
conjonctions »
2
.
Pour expliquer les emplois syntaxiques de COMME il faut essayer de
définir son sens linguistique et de démontrer comment il se concrétise dans les
différents emplois de ce mot. Les observations préalables sur les valeurs de
COMME nous permettent de constater qu'au niveau linguistique il exprime
l'idée de correspondance entre deux éléments. Cette correspondance se réalise
différemment en raison de la nature de la proposition dans laquelle on le
rencontre. Dans ce qui suit nous tâcherons de mettre en évidence les
changements que subit la valeur linguistique de COMME dans les différentes
espèces de propositions et les fonctions syntaxiques qui en dérivent.
Pour que COMME puisse manifester pleinement sa valeur établir une
correspondance entre deux entités linguistiques il faut que celles-ci soient
bien matérialisées dans la phrase. Notre étude aura pour point de départ la
phrase complexe à proposition subordonnée où nous nous attendrons à une
réalisation complète de sa valeur, et, en passant par la proposition simple, elle
aboutira au syntagme dans lequel COMME a un emploi assymétrique, c.-à-d. il
ne se réfère qu'à un seul élément.
A. PHRASE COMPLEXE
COMME au niveau de la phrase complexe sert à établir une
correspondance entre le procès principal et le procès de la proposition
subordonnée. La nature de ces procès, leur place sur l'axe temporel, leur
conditionnement mutuel doivent être pris en considération pour découvrir ce
qu'il y a de spécifique dans la valeur de COMME. Ce sont justement les rapports
entre les deux procès en cause qui imposent son emploi dans les subordonnées
comparatives, causales et temporelles. Il est bien évident que dans la phrase
complexe COMME joue le rôle d'une conjonction de subordination.
1. COMME DANS LA PROPOSITION SUBORDONNÉE COMPARATIVE
La valeur comparative de COMME se manifeste d'ordinaire dans le cas où
l'on doit traduire une correspondance entre un procès actuel et un procès virtuel
dans une marche du particulier vers le général. Le plus souvent c'est du même
procès qu'il s'agit : dans la principale il est concret et dans la subordonnée il
implique le résultat d'une longue expérience. Le pronom indéfini on est la
marque grammaticale de la généralisation exprimée dans la subordonnée. Ainsi,
après avoir énoncé un procès concert, on cherche à voir ce qu'il y a de commun
avec les procès du même genre, et, l’ayant découvert, on s'en sert, dans un
mouvement en sens inverse, pour indiquer les modalités de l’accomplissement
du premier procès. Ou eu schéma :
Premier mouvement Deuxième mouvement
Procès I Procès II Procès II Procès I
recherche d'une qualification qualification
/Comment ?/
La proposition principale interroge indirectement sur le mode
d'accomplissement du procès et contient implicitement la question
«Comment ?» dont la réponse se trouve dans la subordonnée. La comparaison
s'avère un moyen indirect de qualification et, sémantiquement, la proposition
comparative n'est qu'une subordonnée de modalité.
Il n'est pas exclu que la comparaison s'établisse entre deux procès
particuliers de même nature : Ils s'assirent sur les sacs de toile la main dans la
main comme ils avaient été la main dans la main le matin sur le bord du bassin.
(B. Vailland).
Au niveau lexical les deux procès peuvent être traduits par le même verbe
qui dans la principale a un sujet concret et dans la subordonnée le plus souvent
un pronom indéfini (on, quelqu'un) : Elle hésita un instant sur le seuil comme on
hésite à plonger dans une eau glacée (M.-Jorès) ; Chacun mangeait comme on
mange en province sans honte d'avoir bon appétit et non comme à Paris
(Wagner et Pinchon) ; II s'est retourné comme quelqu'un qui s'éveille (J.
Laffite).
Le verbe dans la subordonnée peut avoir pour sujet un substantif à valeur
générale: II habitait Paris comme un rossignol habite la forêt (Balzac). II me
regardâit un peu comme regarde un fauve en cage (DFC).
Pour éviter la reprise du verbe de la principale on peut se servir du
substitut faire : S’il s'agissait d'un autre que moi, je le jugerais comme vous le
faites.
La loi de l'économie du langage permet d'omettre le verbe dans la
subordonnée et de réduire l'énoncé à une phrase elliptique, à une comparative
incomplète il est facile de restituer le verbe qui manque : II avait un goût
amer dans la bouche comme lorsqu'on a trop fumé (R. Vailland). J'oublierai
cela comme (on sous-entend j'oublierai) le reste (P. Robert). II a été puni comme
tous les autres (on sous-entend ont été punis).
Les deux derniers exemples peuvent être considérés comme un stade
intermédiaire entre l'emploi de COMME dans la phrase complexe en fonction de
conjonction et son emploi dans la proposition simple en fonction de préposition.
Quand dans la principale et dans la subordonnée sont employés des verbes
différents, exprimant des procès étroitement liés, le rapport qui s'établit entre les
deux est senti comme une correspondance aussi bien que comme une
comparaison : II écrit comme il parle. II ment comme il respire.
2. COMME DANS LA PROPOSITION SUBORDONNÉE DE MODALITÉ
Nous y rangeons les emplois de COMME dans une phrase complexe pour
insister sur le mode d'action en correspondance avec certaines prédispositions du
sujet. La structure de la phrase est pareille à celle de la comparative que nous
venons d'étudier, mais dans la subordonnée on emploi un verbe modal, d'opinion
ou de dire qui interdit l'idée de comparaison : Ce sera comme il voudra. Faites
comme il vous plaira. II va répondre comme il doit. Elle le fera comme elle dit.
Si nous insistons sur le fait qu'en l'occasion COMME traduit la
correspondance dans une subordonnée de modalité, c'est pour souligner qu'un
classement absolu des propositions subordonnées de ce genre ne saurait être
réalisé puisque aux critères morphologiques viennent se greffer les particularités
sémantiques qui compliquent l'étude des faits linguistiques. Et si la fonction
conjonctionnelle de COMME ne soulève pas de problèmes, sa valeur
sémantique dépend en grande partie des éléments mis en rapport.
3. COMME DANS LA PROPOSITION SUBORDONNÉE CAUSALE
Les phrases à subordonnées causales indiquent que le procès de la
principale dépend étroitement d'autres procès qui le conditionnent et imposent.
Le rapport de cause à effet est un rapport de correspondance directe et il n'est
pas étonnant que COMME avec sa valeur linguistique de correspondance
assume la fonction conjonctionnelle dans ce cas. Tandis que dans la comparative
la correspondance traduit les traits communs de deux procès indépendants dont
le moment d'accomplissement est sans importance pour le rapport de
comparaison, la valeur causale de COMME résulte de la juxtaposition de deux
procès qui se suivent dans le temps et dont le premier impose la réalisation du
deuxième : Comme elle était contente de sa cuisinière, elle désirait lui donner
une robe (Zola). Comme Colomba était à la ville, Orso put parler librement à
Miss Névil (P. Mérimée). Comme je savais que Sennes avait été entièrement
détruite par l'incendie de 1720, je m'attendais à n'y rien trouver d'intéressant
sous le rapport de l'architecture (Stendhal).
4. СОMMЕ DANS LA PROPOSITION SUBORDONNÉE TEMPORELLE
Entre les procès de la principale et de la subordonnée temporelle il ne
s'établit ni un rapport de ressemblance pour traduire la comparaison, ni un
rapport de dépendance pour exprimer la cause. Etant donnée que COMME
indique la correspondance en général, dans la phrase à proposition subordonnée
temporelle il ne lui reste qu'à traduire une correspondance entre les moments de
l'accomplissement des deux procès et le rapport ne peut être que celui de la
simultanéité. Le procès dans la subordonnée marque l'époque pendant laquelle
intervient le procès de la principale. Le premier s'exprime par un temps d'époque
(l'imparfait), alors que le deuxième s'exprime par un temps d'événement (le
passé simple, le passé composé) : Comme je commençais à m'endormir,
j'entendis du bruit dans la maison (P. Robert). Comme nous rentrions de
l'infirmerie, un coup de tonnerre épouvantable a fait retentir ces rochers nus
(Stendhal).
Les analyses que nous venons de faire du rapport entre les procès dans les
phrases à subordonnées de comparaison, de modalité, de cause et de temps,
introduites par COMME, prouvent que la fonction conjonctionnelle de ce mot
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