Histoire du Proche-Orient ottoman – Cours de C. Verdeil – Notes de

Histoire du Proche-Orient ottoman Cours de C. Verdeil Notes de M. Erpelding
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Histoire du Proche-Orient ottoman - 2e semestre : Le Proche-Orient ottoman au temps des Tanzîmât
- Le problème historiographique
La plupart des histoires de l’Empire ottoman sont des histoires nationales
o L’histoire est cloisonnée à cause des frontières actuelles qui sont différentes de
celles de l’époque ottomane
o Les histoires sont nationales et nationalistes
Chacun se voit comme un cas particulier et met en avant sa singularité
pour expliquer son indépendance
Or l’indépendance n’était pas toujours en germe dans ces provinces et il
n’était pas forcément cessaire d’avoir un statut particulier pour
prétendre à l’indépendance
De nombreuses histoires de l’Empire ottoman partent d’une vision anthropologique de
celui-ci, vision aujourd’hui remise en cause
o Le XVIIIe siècle n’est plus vu comme la confirmation du déclin progressif de
l’Empire
o S’agissant du XIXe siècle, les historiens ne mettent plus l’accent sur « l’homme
malade » que serait l’Empire ottoman, mais insistent sur le processus de
réformes et la volonté de se maintenir et de se moderniser
o Cette remise en cause suscite cependant de nouveaux questionnements : si le
XVIIIe siècle n’est pas parcouru par des crises, alors pourquoi les réformes
paraissent-elles si nécessaires au XIXe siècle ?
L’historiographie traditionnelle partait de ruptures chronologiques claires
o 1798 : Campagne de Bonaparte en Egypte et début de la pénétration
européenne dans les provinces
o 1839 : 1er texte fondateur de la période des Tanzîmât
CM 1 et 2 : La politique des réformes
- Entre 1789 et 1923, l’Empire ottoman connaît une ère de réformes, connue sous le nom de
période des Tanzîmât (« réorganisation »)
Ces réformes concernent tous les domaines de l’État : militaire, économique,
administratif, judiciaire
Objectif : renforcer l’État ottoman
Ces réformes ont longtemps été vues comme une forme d’occidentalisation, subies par
un État passif
En réalité, le pouvoir ottoman a beaucoup plus de poids dans ce processus
- Contexte du XIXe siècle
Période d’affirmation des nationalismes (action centrifuge contre l’Empire)
o l’Empire ottoman cherche lui-même à fédérer ses provinces et de valoriser
l’Empire ottoman comme Etat national
Menaces extérieures
o Expansion coloniale européenne (surtout la France et la Grande-Bretagne)
o Menace de la Russie
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Le XIXe siècle est une époque à la fois de renouveau et de crise
- 5 dates clés
1836 et 1856 : Promulgation des deux textes fondateurs des Tanzîmât
1876: Constitution de l’Empire ottoman
1878: Fin de la guerre russo-turque, l’Empire perd l’essentiel de ses provinces
européennes, il se recentre sur sa partie asiatique et l’Orient
1908: Révolution jeune-turque
I. Des réformes venues du sommet de l’État
1) Les prémisses
- Selim III (1789-1807)
Réformes dans le domaine militaire
o Déjà amorcée par Abdül Hamîd Ier (1774-1789) après la défaite contre les Russes
(1769-1774) et le traité de Küçük Kaïnardji, très défavorable à l’Empire : la Russie
devient la protectrice des chrétiens orthodoxes de l’Empire tandis que la Crimée
devient indépendante (elle sera finalement annexée par la Russie en 1779)
Création d’une artillerie moderne
Création d’une marine moderne
Présence de conseillers militaires étrangers, en particulier français
(renvoyés en 1787)
o Création d’un nouveau corps d’infanterie, le nizâm-i jedîd (« la nouvelle
organisation »)
But : créer une nouvelle armée différente des janissaires et des sipâhî
Entraîné par des officiers français, anglais et allemands
Soldats recrutés essentiellement en Anatolie par voie de conscription
o 1795 : Création de l’École du génie militaire
Destinée à former des officiers spécialisés, notamment pour l’artillerie
o Poursuite de la modernisation de la marine
o N. B. : Ces réformes ont un lourd impact sur les finances publiques de l’Empire et
provoquent le mécontentement de nombreux dignitaires locaux, qui craignent le
renforcement de l’État central à leurs dépens
Réformes dans le domaine civil
o Généralement, elles sont d’ampleur beaucoup moins importante que dans le
domaine militaire
Réorganisation des finances
Approvisionnement des villes
Meilleur contrôle du respect des traditions vestimentaires
L’administration reste largement « sclérosée, corrompue ou
incompétente » (Mantran)
Recrutement moins par le devchirme qu’au sein des élites
musulmanes locales : favorise le népotisme
Enseignement n’a pas évolué depuis deux siècles
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o Une exception : réformes importantes dans le domaine de la diplomatie
Représentations permanentes en Europe
1793 : Londres
1795 : Prusse et Autriche
1797 : Paris (rupture des relations en 1798 suite à l’expédition de
Bonaparte en Égypte)
Si les ambassadeurs nommés dans les différentes capitales sont souvent
incompétents, leurs secrétaires, nettement plus instruits, participeront
plus tard à la mise en place des Tanzîmât
La réforme militaire n’arrive pas à son terme
o 1807 : Selim III est déposé suite à une révolte des janissaires (hostile à la
nouvelle armée concurrente dont elle réclame l’abolition)
o 1807-1808 : Mustafa IV, personnalité faible soutenue par les contre-
réformateurs, mais les deux camps s’affrontent
o 1808 : Selim III est assassiné et Mustafa IV aussi peu après, Mahmud II est
proclamé sultan
- Mahmud II (1808-1839)
Véritable initiateur des réformes dans l’Empire ottoman
o Contexte : insurrection grecque (1821-1830), modèle de Mehmed Ali en Égypte
o Peut compter sur un certain nombre de jeunes fonctionnaires bien formés
(certains ont é secrétaires d’ambassade en Europe) et acquis à l’esprit des
réformes
Parachève la réforme militaire
o Élimine les janissaires et les sipâhî en 1826 et les remplace par une armée
moderne (celle-ci remplacera bientôt le turban par le fez, adapté de la chéchia
tunisienne)
o 1827 : Création d’une école de médecine militaire (volonté d’améliorer l’armée
et la santé publique)
En 1827, Mehmet Ali fonde aussi la 1e école de médecine en Egypte
o Les premiers officiers sont formés en Europe (surtout en France et dans les États
allemands)
Réforme administrative
o Réforme du gouvernement central
Gouvernement divisé en ministères et départements (évolution
progressive qui ne s’achèvera que dans les années 1870)
Ex. en 1836, le bureau des chefs des secrétaires est transformé
en ministère des Affaires étrangères
Autres ministères : Intérieur, Justice, Finances, Agriculture,
Travaux publics, Commerce
Mise en place d’un Conseil de la Sublime Porte qui a pour tâche
d’examiner les propositions de loi
o Réformes touchant les sujets de l’Empire
Recensements de la population
Cadastre
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Collecte des impôts non plus par des fermiers, mais par des agents
salariés de l’État (l’affermage sera toutefois partiellement tabli par la
suite)
o Réforme du statut des fonctionnaires
o Participe à la rédaction de la future charte de Gülkhâne, proclamée 4 mois après
sa mort
Nouvelle manière de régner
o Apparition du sultan en public, organisation de réceptions et de bals
o Voyages dans les provinces
o Ouverture à l’étranger (le sultan parle le français et a adopté le costume à
l’européenne)
1839 : Mahmud II meurt de la tuberculose, il est remplacé par Abdül-Mejîd (1839-1861)
2) L’ère des réformes (1839-1876)
- 3 novembre 1839 : khatt-i cherîf (charte impériale ou noble rescrit) de Gülkhâne
Préparé par Mahmud II mais promulgué par Abdül-Mejîd
Rôle important de Mustafâ Rechîd Pacha (1800-1858), parfois considéré comme le
« père » des Tanzîmât (Paul Dumont)
o Origines modestes : fils d’un administrateur de waqf de Constantinople
Profil atypique : ni esclave du palais ni membre de la haute aristocratie
Toutefois, il doit être noté que Mustafâ Rechîd Pacha partage ce type de
profil tout comme une jeunesse vouée aux études religieuses, un
apprentissage progressif des rouages de l’État et une bonne
connaissance de l’Occident avec d’autres chefs de file des Tanzîmât,
tels Mehmet Emîn Alî Pacha (1815-1871), Mehmet Fû’âd Pacha (1815-
1869) et Midhat Pacha (1822-1884)
o Grâce à ses relations, il entre au bureau du grand vizir et monte les échelons
o Devient ambassadeur en France et en Grande-Bretagne, il s’affilie à la franc-
maçonnerie
o Devient ministre des Affaires étrangères en 1837 et grand vizir en 1846
Contenu
o Deux parties : un préambule et l’annonce des réformes
o Marqué par une influence européenne et musulmane
Volonté de revenir aux lois de l’Empire (charia)
Réformer l’assiette et prélèvement de l’impôt, protéger les biens et les
personnes, améliorer l’administration de la justice, rationaliser l’Etat
Développer l’attachement des sujets à l’Empire
o Limites
Ne prononce pas d’égalité entre citoyens
Il ne s’agit pas d’une constitution
- 18 février 1856 : khatt-i mayün
Promulgué une semaine avant la Conférence de Paris qui met fin à la guerre de Crimée
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Les réformes sont toujours en lien avec les interventions européennes sous couvert de
protéger les minorités
Amplification de la réforme de 1839 (texte plus précis et plus long)
Contenu plus proche de l’esprit des Lumières
o Egalité des sujets quelles que soient la religion et la classe
Liberté de culte
Disparition du statut de dhimmi
Égalité devant l’impôt, fin de la jaziya
Égalité devant la justice, l’accès aux emplois, le service militaire
(toutefois : possibilité pour les non-musulmans de payer le bedel, taxe
permettant le rachat du service militaire)
o Invite toutefois les communautés à s’organiser elles-mêmes
Chaque communauté doit se doter de textes réglementaires, souvent
appelés constitutions
« Une arme à double tranchant » (Paul Dumont)
Mesure censée susciter la bienveillance des communautés
minoritaires envers l’Empire
Or, en leur accordant de gérer librement leurs affaires internes,
elle les autorise aussi, du même coup, à s’enfermer dans leurs
particularismes (une véritable vie politique parallèle se crée au
sein de certaines communautés, notamment chez les
Arméniens)
- Constitution de 1876
Mise en place
o Élaborée sous l’impulsion de Midhat Pacha, devenu grand vizir en 1876
o Promulguée par Abdül-Hamîd II (1876-1908)
Arrivé au pouvoir après deux dépositions de sultan
Affaibli par un manque de légitimité et un contexte de crise
o But : Réfréner les velléités d’intervention des puissances européennes dans
l’Empire
Contenu
o Etablit deux assemblées
Une assemblée de notables nommés à vie par le sultan
Une assemblée élue
Parlement réuni pour la 1re fois en mars 1878
Vote le budget et les lois mais son pouvoir est faible
o Limites
Le sultan n’est responsable devant personne
Le sultan nomme et démet les ministres, convoque et dissout le
Parlement
Peut recourir à des décrets pour contourner le pouvoir du Parlement
Peut exiler des individus sur base d’un simple rapport de police (c’est
d’ailleurs ce qui arrivera à l’un des auteurs de la Constitution de 1876)
o Le texte contient néanmoins des nouveautés importantes
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