personnalités étaient intervenues sans succès en sa faveur, dont plusieurs chefs d'État africains, Indira
Gandhi, des dirigeants soviétiques, le président américain, voire le pape… On avait même eu recours aux
services de marabouts africains; c'est ainsi que la circulation fut un jour arrêtée devant l'ambassade
d'Allemagne à Paris, avenue Franklin Roosevelt, pour laisser les sorciers opérer ! Je tiens cette anecdote
de l'ambassadeur d'Allemagne lui-même, qui m'a montré la note d'honoraires des marabouts…
Hamid Barrada : Combien ?
André Lewin : Quelques milliers de marks… Toujours est-il que tous les moyens possibles avaient été
mis en oeuvre pour connaître enfin le sort d'Adolf Marx. Les parents de celui-ci, hôteliers à Aix-la-
Chapelle, avaient déclenché une campagne pour dénoncer la "passivité" des pouvoirs publics, campagne
de presse qui avait pris une ampleur un peu comparable à celle de l'affaire Claustre en France. Le
gouvernement allemand s'était démené davantage et sans trop se faire d'illusions, avait voulu profiter du
voyage de Waldheim; ce dernier emportait donc dans ses bagages le dossier Marx et devait tenter de faire
quelque chose au cours de son périple africain qui se terminait par la Guinée…
Hamid Barrada : C'était votre premier contact avec l'Afrique noire ?
André Lewin : Pratiquement; auparavant, je n'avais été qu'au Mali, l'ancien Soudan français. Et au
début de ma carrière diplomatique, j'étais présent au Quai d'Orsay, à une place modeste, lors de la
signature par Saïfoulaye Diallo en mai 1963 de plusieurs accords franco-guinéens de coopération, qui ne
furent pratiquement pas appliqués. Avant notre arrivée à Conakry, j'avais pris soin de prévenir le
secrétaire général : "Vous savez, je suis Français, et qui plus est, diplomate français; comme les
rapports entre la Guinée et la France sont détestables depuis quinze ans, il n'est pas impossible que je
sois refoulé à l'aéroport." C'est dire que j'étais loin de me voir jouer un rôle dans la normalisation des
relations entre Paris et Conakry. Le seul qui ait envisagé cette possibilité était le général Gowon, alors
président du Nigeria, où nous avions séjourné avec Waldheim au cours de ce voyage. Nous avions évoqué
le rapprochement entre son pays et la France, auquel j'avais modestement contribué en 1972 en tant que
chef de cabinet d'André Bettencourt, premier ministre français à se rendre à Lagos après plusieurs
années de brouille dues à notre position dans l'affaire du Biafra et aux expériences nucléaires françaises
au Sahara. Le général Gowon, qui revenait lui-même de Conakry, m'avait dit : "Vous avez maintenant
une tâche plus importante devant vous, le rétablissement des relations entre la France et la Guinée."
Hamid Barrada : Vous n'aviez pas eu affaire avec Sékou Touré en tant que collaborateur d'André
Bettencourt ?
André Lewin : Si, mais d'une manière qui aurait dû me décourager ! En 1967 ou 68, André Bettencourt,
alors secrétaire d'État aux affaires étrangères, avait reçu du président Sékou Touré, qui aimait offrir ses
oeuvres un peu à tout le monde, une collection complète de ses livres, aimablement dédicacés. Sékou