Thierry Maucour *: mariage, naufrage, sauvetage

publicité
Thierry Maucour *: mariage, naufrage, sauvetage
Après vingt et un ans de mariage, son épouse demande le divorce. Tout s'effondre. Au cœur de la tempête, ce père de
quatre enfants se tourne vers Dieu. Qui l'invite à pardonner et à demeurer fidèle à l'alliance. Entretien.
"Que s'est-il passé " Après coup, on cherche mille raisons pour expliquer la rupture. En avez-vous trouvé une de
satisfaisante?
Satisfaisante, non, car personne ne s'approche de l'autel le jour de son mariage dans la perspective de divorcer. La seule
et unique raison de notre séparation vient de l'endurcissement de nos cœurs. Petit à petit, on s'enfonce dans la
désespérance, on cherche ailleurs, et surtout pas dans le Christ. On trouve mille bonnes raisons de placer le Seigneur,
non pas au centre de nos vies, mais à côté.
Au début de notre mariage, nous pratiquions. Puis nous avons pâti des pressions de la vie professionnelle, sociale, qui
m'ont fait préférer jouer au tennis le dimanche matin plutôt que d'aller à la messe.
Nous avons connu des alertes, bien sûr, qui se traduisaient par des fermetures - du cœur, du corps. Mais je les analysais
comme des crises normales, passagères, sans prendre conscience d'une altération du fond.
Qu'est-ce qui vous a le plus coûté, au début de votre séparation?
Tout ! parce que tout s'effondre. Tout m'a le plus coûté: l'absence de mon épouse à mes côtés, son remariage civil, le
frigo vide dont j'ignorais la fréquence de remplissage. J'ai pris un appartement, et, quand je suis allé chercher mes
enfants la première fois au domicile conjugal, pour le week-end, cela m'a fait bizarre...
Comment gérer le sentiment d'injustice face à la décision unilatérale du conjoint de rompre l'alliance?
On éprouve plutôt un sentiment de trahison lié à l'abandon. Dans les premiers temps, on ressent comme une volonté de
mise à mort du conjoint: "Tu as existé et maintenant tu n'existes plus, tu ne dois plus exister". Gardons-nous cependant
de considérer d'un côté une victime sans tache et de l'autre un bourreau sanguinaire.
Humainement, qu'est-ce qui vous a soutenu pendant cette douloureuse période?
Je me suis tourné vers quelques amis, souvent des connaissances communes. Certains ont su faire preuve d'accueil. La
famille soutient aussi, mais elle ne comprend pas toujours. Parfois, le réconfort vient de personnes auxquelles on s'attend
le moins.
Alors chef d'entreprise, j'avais coutume de déjeuner dans un petit bistro tenu par un couple qui me connaissait bien. La
patronne vient prendre ma commande. "Un verre d'eau..." J'avais plus envie de crever que de manger. Elle a réussi, avec
délicatesse, à me faire avaler quelque chose chaque jour. Je lui en suis infiniment reconnaissant.
Qu'attendiez-vous de vos amis?
L'essentiel: ne pas dire du mal de mon épouse. Elle est présente dans ma blessure puisque je souffre à cause d'elle.
Dans les premières années de la séparation, l'entourage devrait agir comme le bon Samaritain: il n'a pas lancé une vaste
enquête judiciaire pour savoir pourquoi ce blessé se trouvait dans le fossé ; il s'est contenté de le soigner. Comment
éviter que les enfants culpabilisent, et deviennent partie prenante de l'un ou l'autre parent? De toute façon, ils subissent.
Que signifie amoindrir leur souffrance? Je n'ai pas de recettes, hélas... A l'époque, nos aînés avaient 20, 18 et 16 ans, et
notre cadet 5 ans. Ma femme l'a inscrit chez un pédopsychiatre. C'est très bien, c'est un lieu de parole ; mais cela
n'empêche pas de souffrir. Justifier, expliquer cette "bonne décision" , ne les console pas davantage.
Comment exercer à distance votre rôle de père?
Dans un premier temps, l'autorité parentale conjointe semble un leurre. Elle ne peut s'exercer sans vie commune. Je l'ai
douloureusement expérimenté à l'adolescence de notre quatrième. Que vouliez-vous qu'il fasse seul à 13 ans, dans
l'appartement de sa mère partie en week-end? Il savait pertinemment que je pouvais intervenir partout... sauf là. C'est
dramatique, et terriblement déstructurant. Un soir, les aînés m'ont prévenu qu'il avait été odieux chez sa maman. Je leur
ai répondu: "Mes enfants, que voulez-vous que je fasse? Vous touchez du doigt la réalité de la séparation de vos
parents".
Le rôle du père consiste à intervenir quand le gamin dérape ; il le remet debout en lui expliquant: "Ça, c'est la ligne jaune,
tu ne la franchis pas. La route, c'est par là ". Mais que faire quatre jours plus tard, une fois la limite dépassée?
Puis, au fil des années, j'ai réalisé que je pouvais exercer ma paternité par la fidélité. J'ai mesuré combien il fallait
d'abord être époux pour être père. Du fait du lien de la chair, la maman a toujours une place dans le cœur de ses
enfants. Alors qu'il suffit à l'époux de dégrader sa relation à l'épouse pour dégrader sa relation à l'enfant. Sa paternité
s'obscurcit aussitôt.
Une femme qui "évacue" le père ou abîme son image, tend à surinvestir auprès des enfants. A l'inverse, la maman fidèle
à son mari infidèle le maintient à sa place de père dans leur cœur.
Quelle place dans votre famille, dans vos prières, pour le compagnon de votre épouse? Civilement, il est son mari. Dans
notre famille, il est un tiers. Et il convient que le tiers reste à sa place de tiers. L'époux civil n'a pas sa place dans
les réunions familiales. Il importe d'éviter toute confusion. Ce tiers est apparu assez vite après notre séparation. Je
le connaissais depuis longtemps, ainsi que sa femme et ses enfants. Prier pour lui... ça m'arrive, comme Dieu nous
appelle à prier pour nos ennemis. Le Seigneur ne me demande pas de les associer dans la prière. Mon épouse demeure
mon "unique plus proche prochain".
"Personne ne connaît mieux le cœur de l'épouse que l'époux", écrivez-vous. Le mari civil ne peut-il en dire autant?
Je persiste à croire que non. Quand nous vivons quelques grâces de réconciliation, nos deux cœurs se reconnaissent. Je
l'ai expérimenté au chevet de notre petit-enfant malade, à l'hôpital, ou lors d'un coup de fil inattendu pour nous souhaiter
mutuellement un joyeux Noël.
Certes, il existe une réalité affective dans ce lien nouveau. Mais par la fidélité offerte, l'union des époux continue à se
construire, mystérieusement. Non pas aux yeux des hommes, mais dans le corps du Christ. C'est un acte de foi au-delà
du vérifiable.
L'amertume du divorce s'atténue-t-elle avec le temps?
Heureusement, le Seigneur est grand et panse nos plaies. La douleur s'atténue, mais la blessure demeure. La
souffrance n'est pas l'enfer. C'est la souffrance non offerte qui l'est. Voilà notre combat spirituel: retomber dans la
souffrance, et nous y enfermer, ou vivre de l'offrande.
Comment se tourner vers un avenir incertain, quand le présent rappelle sans cesse la séparation?
On tente d'expliquer, de mettre au placard, de regretter: "Jamais je n'aurais dû épouser celle-ci..." Mais ce n'est pas avec
des si que l'on dirige une barque. Le seul secret consiste à vivre l'aujourd'hui de Dieu. Et comme projet d'avenir?
Poursuivre ce chemin semé d'embûches qu'il m'est donné de vivre, que je n'ai pas choisi. Demain se suffit à lui-même.
Conseillers conjugaux ou psychothérapies peuvent-ils aider les couples qui se déchirent?
Tant qu'existe une volonté conjointe des époux de vivre le mariage, les conseillers peuvent apporter un soutien effectif.
Dès lors que l'un fuit à l'extérieur, cela ne relève plus du médiateur. Mais du domaine de la grâce, de la foi, de
l'espérance et de la charité. Le Seigneur se sert de tout, y compris des conseillers conjugaux, mais lui seul sauve, dans
son Eglise.
Comment Dieu s'est-il manifesté à vous?
Dieu est venu me chercher par le col, par prévenance, un an avant notre séparation. J'ai senti qu'il me demandait de le
placer à nouveau au centre de ma vie. Alors j'ai nourri ma foi, ma vie chrétienne. Après la séparation, la parole de Dieu
m'a apporté beaucoup de consolation. Et j'ai puisé dans la vie sacramentelle: l'eucharistie, la confession - et le sacrement
du mariage, ne l'oublions pas.
A force de contempler le mystère de la miséricorde divine, Dieu a suscité dans mon cœur le désir de pardonner. Et il
m'en a donné la capacité. On chemine longtemps avant de s'y résoudre ! Et c'est toujours à reprendre. Parfois, l'affection
demeure, elle titille... alors, on croit pardonner à bon compte: "Puisqu'il (elle) est heureux(se) comme ça, c'est l'essentiel".
C'est un faux pardon. Dans le mariage, il y a un dû en justice, une exigence objective, qui ne peuvent être escamotés.
Avez-vous rapidement senti cet appel à demeurer fidèle à votre alliance?
Certains ont tôt fait d'assimiler le divorcé à un parti possible pour une nouvelle union. Il faut très vite se déterminer. Pour
masquer notre souffrance, on est tenté de trouver des subterfuges, de se réfugier dans l'amitié, voire dans une vie
affective nouvelle. Mais là ne se trouve pas le bonheur.
Lors d'une retraite dans un Foyer de Charité, j'ai lu le livre de Paul Salaün (1), cofondateur de la Communion NotreDame-de-l'Alliance. En une nuit. Dans mes ténèbres intérieures, Jésus m'a invité à poser un acte de volonté dans la foi:
choisir la fidélité. J'ai dit oui.
La fidélité de l'époux séparé ne tient que par la grâce de Dieu, non par volontarisme. Ce chemin n'a rien d'évident, mais il
est fécond.
Quelles répercussions positives de votre fidélité avez-vous perçues auprès de vos enfants, par exemple?
Lorsque j'accueille nos enfants, nos petits-enfants, la présence de mon épouse absente est vivante dans mon cœur. Je
leur témoigne qu'ils ne sont pas le fruit du hasard ou de la nécessité, mais d'un amour - aujourd'hui blessé - qui demeure.
Ils peuvent s'appuyer sur cette fidélité conjugale entière pour se lancer à leur tour dans le mariage.
On reproche souvent à l'Eglise de manquer de "service après-vente" pour accompagner les couples séparés. En son
sein, qu'est-ce qui vous a soutenu?
Deux pôles m'ont aidé: la communauté paroissiale, et la Communion Notre-Dame-de-l'Alliance.
La paroisse décentre de la souffrance de la séparation. Les fidèles m'ont entouré, écouté, invité à déjeuner à la sortie de
la messe, à prendre un café à l'improviste.
A Notre-Dame-de-l'Alliance, j'ai trouvé une confirmation et un soutien fraternel pour avancer sur ce chemin de fidélité et
de pardon que je désirais. Nous partageons entre hommes et femmes ayant fait le même choix de vie. Je trouve très
riche cette présence des deux sexes, car à la suite d'une séparation, le sexe opposé devient vraiment... opposé.
Paradoxalement, votre divorce vous a donc fait découvrir l'indissolubilité du mariage chrétien?
Il m'a permis d'approfondir et de révéler la grandeur de ce sacrement. (Cela ne nécessite pas automatiquement une
séparation, je vous rassure !) Abandonné, vais-je abandonner?
J'ai pris conscience que notre identité fondamentale n'est pas celle de l'état civil, mais notre identité chrétienne. En me
découvrant enfant de Dieu, j'ai retrouvé ma vérité intérieure d'époux chrétien. Dieu s'est engagé avec nous.
L'indissolubilité du lien trouve sa source dans le Christ lui-même. Il est l'Alliance nouvelle et éternelle en laquelle est
scellée l'alliance des époux. Or, lui ne sépare pas ce qu'il unit. Qu'on le veuille ou non, ce lien est et demeure vivant.
Avez-vous envisagé une reconnaissance de nullité de mariage?
Le doute dans la souffrance est inévitable. Pour autant, ni moi, ni mon épouse, n'avons remis en cause la réalité de notre
mariage. Elle sait que je suis son époux devant Dieu. Même si elle s'en défend, même si elle est incapable de le vivre
actuellement, elle n'en doute pas. De manière générale, la nullité ne devrait pas faire peur: la vérité rend libre. Il faut se
poser la question du don libre et réel. Me suis-je donné ou pas, le jour de mon mariage? Les empêchements allégués
relèvent souvent du vice du consentement. Le concubinage par exemple, très répandu aujourd'hui, vient probablement
entacher cette liberté.
Vous intervenez lors des préparations au mariage de votre paroisse. Quel message transmettez-vous aux fiancés?
Le mariage est grand, beau, essentiel ! Je m'attache à leur montrer qu'il n'y a pas de petites infidélités. Qu'il ne faut pas
attendre une séparation pour découvrir et pratiquer le pardon dans le couple, au quotidien. Tout cela n'a rien de naturel ;
c'est une réalité sacramentelle. A eux de décider d'en vivre.
Comment définiriez-vous votre mission au sein de l'Eglise?
Vivre le sacrement du mariage, même si mon épouse n'est plus à mes côtés. Je suis témoin de notre alliance. Le
Seigneur a suscité la Communion Notre-Dame-de-l'Alliance afin de témoigner de cette fidélité de Dieu pour chaque
personne.
N'êtes-vous pas un reproche vivant pour les divorcés remariés?
Je ne le souhaite pas. J'ai emprunté le chemin que le Seigneur me propose de vivre et je le suis avec lui. La plus grande
souffrance pour les personnes divorcées remariées, c'est de s'unir à quelqu'un qui n'est pas leur époux(se) en Dieu.
Incapables pour le moment de reconnaître cette réalité, ils l'enfouissent, vivent en contradiction avec elle. Et se heurtent
parfois à des révélateurs de cette souffrance. Savez-vous de quoi les divorcés remariés me demandent de parler? Du
mariage. Je le fais avec respect, sans provocation. Ils sentent que je touche là leur identité chrétienne.
Certains vivent courageusement et de façon édifiante ce que l'Eglise demande pour eux quant à l'accès aux sacrements.
J'en connais, et bien plus qu'on ne l'imagine, qui ont commencé par respecter cette abstinence sacramentelle. Elle a peu
à peu creusé en eux le désir de vivre "en frère et sœur", et leur a donné la force de sortir d'une situation faussement
conjugale.
Et si l'autre revient... le fossé qui a grandi peut-il se combler?
Cela ne peut se réaliser que par la conversion en vérité des deux cœurs. Je connais des couples qui ont vécu ces
retrouvailles. Parfois, le Seigneur lui-même enclenche ce chemin de retour en demandant à l'un des conjoints "qu'as-tu
fait de ton mariage?"
Le mariage ne consiste pas à se mettre, se démettre et se remettre ensemble. C'est tout autre chose. C'est devenir le
témoin de l'Alliance, de l'union du Christ et de l'Eglise. C'est aimer en actes, dans une réalité quotidienne. La vie
commune n'est pas toujours idyllique, mais c'est là que nous sommes appelés à devenir des saints. Il s'agit de retrouver
cette volonté d'aimer l'autre, tel qu'il est, et quoi qu'il arrive.
(1) Paul Salaün, Séparés, divorcés, une possible espérance, Nouvelle Cité.
Père de quatre enfants, divorcé depuis quinze ans, Thierry Maucour fut modérateur pendant cinq ans de la Communion
Notre-Dame-de-l'Alliance (lire encadré "La Communion Notre-Dame-de-l'Alliance").
Dans J'ai choisi de lui rester fidèle - Un homme divorcé témoigne (édifa, coll. "Promesse d'amour", mars 2006, 128 p., 12
euros), il n'évoque son histoire qu'en filigrane, avec pudeur. Il parle du cheminement de ceux et de celles qui ont décidé
de rester fidèles au conjoint dont ils sont séparés. Sans cacher sa souffrance, il montre combien cette fidélité,
humainement incom-préhensible, manifeste la présence de Dieu au cœur du mariage.
La Communion Notre-Dame-de-l'Alliance
Mouvement de pastorale familiale, la Communion Notre-Dame-de-l'Alliance rassemble
époux et épouses chrétiens séparés ou divorcés, vivant seuls par choix de fidélité.
Chaque groupe fonctionne de manière informelle (dîners, réunions de prière, sorties culturelles...). Prêché par un prêtre,
le week-end régional trimestriel offre des temps d'enseignement, de partage et d'écoute. La récollection nationale
regroupe, qui dure cinq jours, regroupe cent cinquante personnes.
Les membres de la Communion reçoivent le bulletin mensuel L'Anneau de feu.
Communion Notre-Dame-de-l'Alliance, "Aïn-Karim", 6, rue de l'Hôtel-Dieu, 35000 Rennes (02 99 63 12 04 ; www.cnda.org).
Les personnes divorcées remariées font-elles toujours partie de l'Église?
Le divorcé remarié est plus que jamais baptisé, car le Christ ne lâche pas une seconde la personne qui change de vie.
Ce n'est pas possible qu'il ne soit pas là où il y a de la misère et de la souffrance, lui qui est le spécialiste de l'espérance !
"Le baptisé est celui qui commence la vie éternelle ". Comment supposer que Dieu dise à quelqu'un avec qui il a créé
un lien: maintenant, c'est fini? Au contraire, Dieu va faire des folies pour sauver l'éternité de l'homme. Quand des
personnes divorcées remariées me demandent si elles font partie de l'Église, je réponds en tendant la main et en disant: "
Nous sommes l'Église ". Il faut appeler les divorcés à redécouvrir les forces baptismales qui sont en eux.
Pourquoi la situation de divorcé remarié est-elle incompatible avec l'approche des sacrements de l'eucharistie et de la
pénitence?
Le sacrement, c'est la rencontre du Christ avec une personne. Quels sont les liens profonds que la personne divorcée
remariée a avec le Christ? C'est cela qui est en jeu. Si quelqu'un a aimé au point d'être capable de s'engager comme
ministre du sacrement de mariage, que fait-il de son amitié avec le Christ en vivant une nouvelle union? S'il n'y est pas
fidèle, c'est lui qui rend incompatible la manifestation extérieure de ce qui va demeurer: l'alliance du Christ avec l'Église
dans le sacrement de mariage. En conséquence, le divorcé remarié ne peut pas recevoir l'eucharistie, ni le pardon qui
ferait de lui un baptisé innocent. Mais l'Église a toujours quelque chose à lui offrir.
Quel est le sens de la " communion de désir " à laquelle on invite les personnes divorcées remariées pendant
l'eucharistie?
Il s'agit de venir dire à Jésus: " J'aime ton amour et ton cœur ". Il est important que le prêtre ose dire pendant la messe: "
Si parmi vous certains ne communient pas, qu'ils n'aient pas peur de venir recevoir une bénédiction ou bien de venir
mettre les mains sur l'Évangile ".
Quelle expérience du pardon de Dieu peuvent vivre ces personnes qui ne reçoivent pas l'absolution?
Chaque homme est tellement aimé de Jésus que le plus petit geste d'humilité et de contrition l'introduit dans un début de
pardon. Quand un divorcé remarié vient me parler de ses péchés, et souhaite s'améliorer, Jésus est profondément
heureux ! Il est toujours possible d'offrir un de ses péchés à Jésus et de se convertir.
Comment tenir ensemble la vérité de l'indissolubilité et la miséricorde?
Il faut toujours partir de l'expérience profonde de la personne, et de tous ses enfants, pour lui faire découvrir la continuité
de sa vie chrétienne, alors même qu'elle se croit perdue. Comme le disait une psychanalyste: pour espérer, il faut
avoir fait la relecture de sa vie, et le chemin que Dieu a fait faire. Les divorcés remariés ne sont pas " exclus " des
sacrements, ils sont appelés à se préparer à les recevoir à nouveau. Le plus grand pécheur peut venir me demander
s'il a le droit au sacrement de la pénitence, je dois lui répondre: oui, et je vais t'y préparer. " Ne jugez pas ", dit
Jésus. Plus on est pécheur, plus Jésus est proche de nous pour nous sauver... Et moins on est pécheur, plus Jésus est
proche de nous pour faire de nous des missionnaires de sa miséricorde.
N'est-il pas légitime de vouloir " refaire sa vie "?
"Refaire sa vie", ce serait supposer qu'elle est morte. On ne refait pas sa vie, on choisit une autre voie. J'ai
beaucoup appris des membres de la Communion Notre-Dame de l'Alliance (divorcés non remariés - voir l'encadré p. 23):
ils m'ont appris la grandeur et le courage de rester fidèles à leur sacrement de mariage, qui demeure, même dans la
douleur.
Mais quand les gens me demandent s'ils peuvent recevoir une bénédiction pour leur remariage, la plupart du temps ils
savent très bien que ce n'est pas possible, parce qu'ils ont toujours l'expérience religieuse de leur premier mariage. Mais
dans le fond, ils signifient qu'ils veulent aimer l'autre autant qu'ils avaient essayé de le faire la première fois avec
Jésus-Christ. Je leur dis: "Qu'as-tu fait du "oui" de Jésus? " Lui ne divorce jamais. Son oui est jusqu'à la mort... c'est-àdire jusqu'à la Résurrection. Beaucoup de personnes ne savent que faire de leur première union. Il faut oser dire
qu'après vingt ans de divorce, on peut continuer à être ministre de son sacrement de mariage.
Penser à son premier conjoint, prier pour lui, subvenir à ses besoins, s'occuper des enfants, c'est vivre ce ministère
conjugal.
Certains couples ont pu pâtir d'un manque de sérieux dans la préparation au mariage. Après l'échec de leur union, leur
responsabilité n'est-elle pas atténuée?
Quand je discute avec des personnes divorcées remariées, je les invite toujours à reconsidérer leur sacrement de
mariage, et à envisager la demande de reconnaissance en nullité. Il n'y a que le couple qui peut évaluer que son mariage
n'est pas valide. L'Église a une immense confiance en eux.
Concernant la préparation, je préfère parler d'" entrée dans le sacrement du mariage ", c'est plus vrai. Quatre questions
devraient être posées avant de faire ce choix: 1/Est-ce que nous sommes capables de nous dire: je jure de t'aimer
jusqu'à la mort? 2/ Quels moyens prendrons-nous pour ne jamais divorcer? 3/ Combien voulons-nous d'enfants
ensemble? 4/ À qui devons-nous pardonner (parents, beaux-parents, etc.) avant de nous engager pour la vie?
Vivre en frère et sœur, comme le demande l'Église, est-ce réaliste?
L'étude de la validité du mariage est un droit. Mais Benoît XVI nous dit: "Là où la nullité n'est pas reconnue, l'Église
encourage à vivre la relation comme amis, comme frères et sœurs ".
Récemment, un homme remarié est venu me voir: " Je ne peux plus supporter d'être celui qui empêche ma nouvelle
femme de participer à l'eucharistie. - Qu'est-ce que tu veux faire? ", ai-je dit. Lors d'une petite liturgie, ils se sont engagés
à vivre une vie fraternelle, non conjugale. Ils sont très heureux de ça, depuis des mois. C'est une leçon fantastique
d'espérance et de miséricorde ! Mais ce n'est pas facile. Ce qui m'attriste, c'est que beaucoup ne croient pas que ce soit
possible. Être pleinement fidèle au Magistère, c'est pourtant accepter de revenir à son mariage sacramentel. En vivant en
frère et sœur, on va rester administrativement mariés, mais en fait on ne l'est plus.
Si l'Église crée des lieux d'accueil pour les divorcés remariés, soit une forme de reconnaissance, ne marginalise-t-elle
pas ceux qui choisissent de rester fidèles?
La réponse est dans la parabole du fils prodigue. Il faut autant sanctifier le mariage que sauver les perdus. Le père est
fou de joie d'accueillir celui qui avoue avoir péché contre le Ciel et contre lui. Mais il aimerait dans le même temps
partager cette joie avec l'aîné qui dit à son cadet: "Je n'ai pas besoin de toi".
Le Christ n'a au fond qu'une idée, c'est de sauver dans la fidélité les époux jusqu'à sa mort, et de sauver ceux qui sont
partis. Jésus offre toujours au pécheur un chemin de conversion. Comme dit JP II, dans son encyclique Dives in
misericordia: " La signification véritable et propre de la Miséricorde s'exprime quand elle tire le bien de toutes les formes
de mal qui existent dans le monde et dans l'homme ".
- Secrétariat de Cana Samarie: Isabelle Greenwood, 10, rue Henri-IV, 69287 Lyon Cedex 02 (tél.: 04 78 42 72 95 ;
[email protected]).
- Lancées en 1997, les équipes Reliance sont une émanation des Équipes Notre-Dame (END) destinée aux personnes
divorcées vivant en couple. Fondé sur l'indissolubilité du sacrement de mariage, le mouvement de spiritualité conjugale
ne pouvait les intégrer directement dans ses équipes, mais a souhaité " ne pas fermer la porte en créant des équipes
spécifiques ", explique Jean-François Fournier, un responsable national. Les équipes Reliance: un parcours sur trois ans
On y retrouve la pâte des END: réunion mensuelle, partage en équipe, accompagnement d'un conseiller spirituel et d'un
couple issu des équipes " traditionnelles ". Toutefois, les équipes Reliance s'appuient sur un parcours adapté, sur trois
ans. La première année est consacrée à la relecture du passé.
La deuxième étape, plus courte, invite à faire le point sur sa vie de couple actuelle. Enfin, le parcours se termine par une
réflexion sur la place du couple recomposé dans l'Église: l'eucharistie, le pardon, le baptême des enfants.
Après une décennie d'existence, les équipes Reliance semblent répondre à un " vrai besoin ", selon Jean-François
Fournier. Cette année, une dizaine d'équipes ont cheminé, principalement dans les grandes villes.
[email protected] ; 01 43 36 08 20 (standard des END).
- Parcours à Paray-le-Monial. Depuis trois ans, les sessions des familles organisées par la Communauté de l'Emmanuel
à Paray-le-Monial incluent un parcours spécifique pour les couples divorcés remariés. Menée par une équipe de prêtres
et de laïcs issus de l'association " Amour et Vérité ", cette mini-retraite s'inspire de l'expérience et de la pédagogie du
Père Nourissat (voir notre entretien p. 22). Son but: accueillir et toucher les cœurs sans esquiver la vérité de l'Église.
" Chaque étape part de l'Évangile, et se prolonge dans une démarche paraliturgique individuelle ", explique Yves de
Clerck, membre avec son épouse de l'équipe d'animation: geste de paix donné par un prêtre, en signe d'appartenance à
l'Église comme baptisé ; lavement des pieds ; démarche de pardon, en déposant le prénom du premier conjoint au pied
de la croix...
Au terme de la retraite, chacun réfléchit sur l'appel à la sainteté qui lui est propre.
Le succès de ces parcours - jusqu'à quarante couples par session - incite les organisateurs à voir plus loin et à envisager
la formation de prêtres et de laïcs dans les paroisses.
http://www.sanctuaires-paray.com/
- Les Ouvriers de la 11e heure
Née à Dijon il y a une dizaine d'années, autour du Père Jacques Nourissat, cette fraternité accueille les personnes
divorcées et divorcées remariées. Rencontres mensuelles, deux week-ends par an pour " oser grandir dans des pardons
à donner et à recevoir, pour entendre les appels du Christ dans ses eucharisties, pour s'engager dans de nouvelles
responsabilités familiales et dans l'Église ". [email protected] ; 03 80 55 46 44.
- Communion Notre-Dame d'Alliance: pour les divorcés non remariés
Fondée en 1983 par deux divorcés mis en lien par des moines de Timadeuc, la Communion Notre-Dame d'Alliance
(CNDA) est un lieu de fraternité et de soutien pour les personnes qui choisissent de rester fidèles au sacrement du
mariage en dépit de la séparation et du divorce. Les membres se regroupent une fois par trimestre pour un week-end
régional ; une fois par an pour une retraite.
" Sur les trois personnes qui s'en-gagent - les époux et le Christ -, deux peuvent toujours rester fidèles, malgré la rupture
du couple civil ", résume Chantal Fronteau, modératrice de la Communion. Les personnes renouvellent leur engagement
à rester fidèle au mariage brisé, en privé, mais aussi en public, à la fin de la retraite annuelle ; elles récitent chaque
vendredi la prière des foyers, en communion de pensée.
La CNDA rassemble à ce jour 250 personnes, répartis dans treize groupes régionaux (dont un en Belgique).
http://www.cn-da.org/fr ; 02 99 63 12 04.0
Téléchargement