Être résistant signifie à partir de la défaite de juin 1940 qu’on souhaite poursuivre le combat
par une action volontaire, clandestine, avec pour but de lutter contre l’occupant nazi et le régime de
Vichy. Pour exprimer cette opposition, des hommes et des femmes, peu nombreux au sein de la
société française, ont utilisé plusieurs moyens d’action : contestations orales, graffitis, diffusion de
tracts et de journaux clandestins, recueils de renseignements pour les Alliés, protection de populations
discriminées par le nouveau pouvoir, mais aussi lutte armée et constitution de maquis.
Dans ces multiples gestes de résistance, la part du monde rural est importante : un maquis par
exemple ne peut survivre que grâce à l’aide des paysans fournissant l’alimentation, une ferme isolée
est également souvent un excellent refuge pour ceux qui doivent se cacher des autorités. Même si
l’ensemble du monde rural n’a pas été actif au sein de la Résistance, son appui a permis le
développement de multiples actions.
Rappelons qu’en 1939, la France est un pays fortement rural : la moitié de la population vit
dans les campagnes et l’agriculture est un secteur clé de l’économie du pays. Qu’entend on réellement
par « monde rural » ? Cette expression, qui n’est pas employée durant la Seconde Guerre mondiale (on
parle alors de monde des campagnes ou de France des paysans) désigne les espaces où la population
est rassemblée dans des communes de moins de 2 000 habitants. Plus généralement, on associe à ces
petites communes les petites villes qui sont étroitement liées aux espaces ruraux, tant par leur mode de
vie que par les activités économiques.
Le monde rural se définit également par d’autres critères importants pour l’étude de la
Résistance : les collectivités rurales vivent en autonomie relative par rapport à l’ensemble de la
société. Le fonctionnement économique des campagnes permet d’être autonome, phénomène renforcé
en temps de guerre. Les ruraux peuvent mieux subvenir à leurs besoins et ont entre leurs mains les clés
du ravitaillement de l’ensemble de la population. Le monde rural est de plus composé de petits
ensembles, où tout le monde se connaît et qui ont de faibles relations avec l’extérieur. Dans ces petites
communautés, ceux qu’on appelle les notables, (maires, prêtres, instituteurs, gendarmes) jouent un
rôle décisif. On va en trouver à la tête des organisations résistantes qui se développent en milieu rural.
Le discours vichyste du « retour à la terre » :
un piège pour la paysannerie ?
Le régime de Philippe Pétain voit dans le monde rural un des piliers de la France nouvelle
qu’il souhaite instaurer grâce à son programme de Révolution nationale.
Après la défaite de juin 1940, l’agriculture française est fortement déstabilisée, d’abord par la
mobilisation militaire puis par la captivité des prisonniers de guerre, ce qui la prive de 13 % de sa
population active, mais aussi par les prélèvements allemands et le blocus anglais. Cela accroît un recul
des terres cultivées et de l’élevage qui provoque une rapide pénurie alimentaire. Lorsque le maréchal
Pétain et les hommes du gouvernement de Vichy instaurent leur programme politique, intitulé la
« Révolution nationale », qui s’appuie sur un ensemble d’idées réactionnaires, le monde rural ainsi que
l’artisanat en deviennent des composantes majeures. Sous l’égide de la devise « Travail , Famille,
Patrie » et sous couvert d’une longue tradition historique de la France rurale, ces hommes politiques
prônent le « Retour à la terre » face à une industrialisation qui aurait appauvrie la nation. Pétain
déclare dans un discours prononcé à Tulle, le 20 avril 1941, « La France redeviendra ce qu’elle
n’aurait jamais dû cesser d’être : une nation essentiellement agricole. Elle restaurera les antiques
traditions artisanales ». Le ministre de l’Agriculture et du ravitaillement, Pierre Caziot, surenchérit
quelques mois plus tard, le 21 septembre, en déclarant qu’ « il faut oser proclamer la primauté de la
paysannerie et la nécessité d’une politique donnant à la production agricole la première place dans
l’économie de la nation ».
La paysannerie est donc mise à l’honneur par une intense propagande qui souhaite maintenir le
poids de l’agriculture face au monde urbain, discours qui semble être entendu à l’heure des
restrictions.