« Qui est-il donc, celui-ci,
pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Cette question demeure comme en suspens dans l’Evangile de Marc.
Qui est-il donc ? Celui qui parle si admirablement, du Royaume et de
ses mystères : juste avant cet épisode, c’étaient les merveilleuses
petites paraboles que nous avons entendues la semaine dernière. Qui
est-il donc celui qui, juste après cet épisode manifestera sa puissance
dans une scène d’exorcisme particulièrement spectaculaire, celle du
démoniaque de Gérasa ?
Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui
obéissent ? Même sans réponse explicitement formulée, cette
question dans la bouche des disciples est lourde de sens. Dans les
Ecritures juives, comme dans l’extrait de Job que nous avons
entendu, plus encore peut-être dans le psaume 106 que nous avons
chanté, commander aux éléments déchainés est le propre de Dieu.
Seule la Parole créatrice a le pouvoir sur la Création. Seul celui qui a
dit « Les eaux qui sont au-dessous du ciel, qu’elles se rassemblent en
un seul lieu, et que paraisse la terre ferme. » Et ce fut ainsi...peut dire
à ces mêmes eaux, à ce même vent « Silence, tais-toi » et ce fut ainsi
Qui donc est celui-ci ? N’allons pas trop vite en disant : il est Dieu.
Nous le savons après vingt siècles de christianisme, et surtout après
l’expérience décisive de Pâques et l’inouï de la résurrection, après
aussi de longues années de controverse théologique pour enfin
approcher le mystère de Celui dont on n’aura jamais fini de scruter
l’identité : « Qui donc est-il ? » Pour les disciples, cette question en
suspens signifie peut-être : qui donc est-il ? Un prophète, mais plus
grand que le plus grand des prophètes, Moïse, qui n’a pas lui-même
commandé à la mer, avec l’autorité de celui-ci mais a obéi à Dieu qui,
manifestement, dans l’Exode, mène intégralement la danse. Alors
qu’ici, c’est la Parole même de Jésus qui est absolument souveraine.
Le psaume, connu des disciples, disait : « Dans leur angoisse, ils ont
crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, duisant la
tempête au silence, faisant taire les vagues. » Mais le « Il » du
psaume était précisément Adonaï, le Seigneur. Celui-ci serait-il donc à
ce point du monde du Seigneur ? Il faudra du temps, et surtout
l’expérience de Pâques, et le don de l’Esprit pour que les disciples
saisissent que cette Parole était effectivement non pas comme mais
la Parole créatrice, que cet homme, Jésus, était la Parole elle-même
faite chair. La Parole originaire, venue dans le monde pour une re-
création. Et Paul pourra s’émerveiller : « Si donc quelqu’un est dans le
Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un
monde nouveau est déjà né. » C’est probablement en contemplant
l’œuvre pascale, l’œuvre de re-création opérée par le Christ que,
peut-être nous pouvons entrer dans le mystère de la première
création et pas l’inverse. On va beaucoup parler de création, de
sauvegarde de la création dans les semaines, les mois qui viennent
avec la belle encyclique de François et la Coop 21 qui se profile. La
Bible n’a pas couvert que Dieu était créateur par une réflexion
philosophique, la révélation que Dieu était créateur est comme une
conséquence, tardive mais décisive, de l’expérience fondamentale
d’Israël selon laquelle Dieu était un Dieu libérateur, un Dieu qui ne
demeurait pas insensible à la misère de son peuple. L’expérience de
l’Exode est première « J’ai vu, j’ai entendu la souffrance de mon
peuple » Et ce Dieu qui avait libéré son peuple par la force de son
bras et de sa main puissante, le peuple hébreu a compris peu à peu,
et notamment dans l’épreuve de l’Exil, au contact de ces cultures qui
adoraient de multiples divinités cosmiques, agraires, solaires, que si
Dieu était bien ce Dieu qui avait manifesté sa puissance libératrice en
Egypte, si Dieu est Dieu, alors il ne peut être que le maître des astres,
des eaux et des vents, il ne peut-être que le Créateur. Et le peuple
hébreu, dans un effort magnifique de reprendre les vieux chants
cosmologiques des babyloniens mais en substituant l’Unique,
Yahveh, le Seigneur aux puissances astrale qui sont réduits au simple
rang utilitaires de luminaires accrochés à la voûte céleste pour le bien
des hommes. C’est la conscience, vive, profonde, vitale de la
sollicitude de Dieu pour son peuple qui, très logiquement, a amené
Israël à découvrir, sous le mode de l’action de grâce, que le cosmos
était une création, un don de Dieu fait aux hommes qu’il aime. Il me
semble que beaucoup de malentendus dans le domaine de la
théologie de la Création, et évidemment d’abus dans le domaine
écologique se présenteraient d’une toute autre manière si nous re-
découvrions le cosmos sous le mode de l’action de grâce, de
l’émerveillement pour le don de la Création. C’est exactement ce que
fait François d’Assise dans le merveilleux Cantique des créatures. La
Création est d’abord pour lui un sujet d’émerveillement et de
louange. Alors qu’approche l’été, alors que certains d’entre nous
vont peut-être prendre le temps de goûter à nouveau la beauté, le
miracle de la Création, entendons simplement ces mots
inoubliables du Poverello. Nous aurons l’occasion, à la rentrée de
revenir, sur la théologie de la création, notamment avec l’Encyclique
de François et plus spécialement à la messe des étudiants à Lozère.
Mais rappelons-nous qu’un juste rapport avec les questions
environnementales, y compris dans leur dimension politique, ne peut
se passer, dans la tradition biblique qui est celle de François, d’un
enracinement dans l’attitude spirituelle de la louange et de l’action
de grâces. Amen !
Loué sois-tu mon Seigneur,
avec toutes tes créatures,
et surtout Messire frère Soleil,
lui, le jour dont tu nous éclaires,
beau, rayonnant d'une grande splendeur,
et de toi, ô Très-Haut, portant l'image.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur la Lune et les étoiles
que tu as formées dans le ciel,
claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour frère le Vent,
et pour l'air et le nuage et le ciel clair
et tous les temps par qui tu tiens en vie
toutes tes créatures
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur Eau, fort utile,
humble, précieuse et chaste.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour frère Feu, par qui s'illumine la nuit,
il est beau, joyeux, invincible et fort.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur notre mère la Terre
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
et les fleurs diaprées et l'herbe.
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâces et servez-le,
tous en toute humilité!
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour ceux qui pardonnent par amour
pour toi,
qui supportent épreuves et maladies,
heureux s'ils conservent la paix, car par
toi,
Très-Haut, ils seront couronnés.
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre soeur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut
échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péc
mortel,
heureux ceux qu'elle surprendra faisant
ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.
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