La tradition impérialiste
Introduction :
Depuis quelques temps, les commémorations napoléoniennes sont très à la mode. Tous les ans, on
fête le 200ème anniversaire d’une œuvre, d’une étape de la vie de Napoléon :
2004 200ème anniversaire du Code civil (qui conserve encore la structure donnée par Napoléon)
décembre 2004 200ème anniversaire du couronnement de Napoléon
2005 200ème anniversaire d’Austerlitz
Mais toutes ces commémorations ne sont pas politiques : on commémore le + souvent la création
d’organismes d’Etat (BDF, tribunaux…), parfois l’histoire militaire (Austerlitz…), mais rarement
l’histoire politique.
La mémoire de l’Empire dans notre pays est en effet difficile, ambiguë, donc pas fêtée.
Cette mémoire a connu 4 grandes périodes :
- la Restauration : période marquée par une façon de rappeler l’histoire que les romains
avaient appelé « damnatio memorie » : condamnation de la mémoire (ex : quand un tyran
mourait, on grattait son nom de tous les édifices publics). Ainsi, pendant la Restauration, on
appelait Napoléon « Bonaparté », pour rappeler qu’il n’était pas français. On le voyait
comme un usurpateur. Cette période a duré jusqu’environ en 1930.
- Au milieu du 19ème, avec Louis Phillipe : statut de Napoléon rétablie sur la colonne
Vendôme. La mémoire de Napoléon connaît une apothéose, relayée par tous les anciens
soldats de Napoléon et les données de l’histoire. En témoigne, en 1840, la cérémonie
éclatante à Paris pour le transfert des cendres de Napoléon de Sainte-Hélène au dôme des
invalides. Cette période d’apothéose va conduire au retour au pouvoir de son neveu,
Napoléon III. Ainsi, sous le Second Empire, l’apothéose de Napoléon est la doctrine officielle
de la France. Or ce Second Empire s’achève sur le désastre militaire de Sedan.
- En 1870 commence alors une nouvelle période de damnatio memorie : les Républicains au
pouvoir considèrent Napoléon comme le mauvais génie de la France, l’homme des aventures
militaires… (ils reprochent à Napoléon et à Napoléon III d’avoir voulu la guerre, et précipité
la France dans la défaite de 1870). On célèbre encore un peu le général Bonaparte (général
de la Républiqueacceptable pour l’idéologie républicaine), mais pas Napoléon (tyran).
- Depuis cette période, la mémoire de Napoléon a retrouvé sa place, mais demeure
controversée (très peu de statues, rues…). Car Napoléon Bonaparte, c’est l’homme de
toutes les contradictions :
à la fois l’homme qui a consolidé la Révolution, et qui l’a « assassinée » par un coup
d’Etat.
A la fois l’homme qui a construit l’Etat (institutions…), mais il a aussi établi une
dictature de type militaire.
Il a symbolisé pendant longtemps la gloire militaire de la France, mais il a aussi
asservi l’Etat.
Il a conquis l’Europe, mais au prix d’un million de morts.
PLAN : I) Napoléon, l’homme de la Révolution
II) Napoléon, le restaurateur de l’Etat
III) Napoléon, l’homme de la gloire militaire
I) Napoléon, l’homme de la Révolution
Bonaparte peut être vu comme l’homme de la Révolution, qu’il a consolidée.
En décembre 1999, Bonaparte, premier Consul, propose aux français une nouvelle Constitution :
« Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commandé ; elle est finie ».
Il emploie bien le terme « citoyens » : la citoyenneté, telle que définie par la Constitution,
demeurera un fondement de son pouvoir. Il se proclame d’ailleurs « empereur des français » (≠roi
de France).
« fixée aux principes qui l’ont commandé » : la Révolution fait pour lui désormais partie de
l’histoire, et ses principes demeureront (il entend de la Révolution ses grands principes, pas la
terreur).
« la Révolution est finie » : Bonaparte veut achever les désordres engendrés par la Révolution, mais
il n’est jamais question pour Napoléon de revenir à l’Ancien Régime. Il n’est pas l’homme de ma
réaction politique, mais de la consolidation politique.
Et surtout, Napoléon est l’homme de la Révolution car il lui doit tout !
(Bonaparte obtient une bourse, peut donc faire ses études d’officier d’artillerie. Sans la révolution,
il serait resté un officier comme un autre, et ne serait jamais devenu général de la République)
Il est aussi l’homme des Lumières (lecture de Montesquieu dans sa jeunesse…).
Ainsi, l’œuvre de l’œuvre de la 1ère partie de l’Europe napoléonienne : le Consulat
(Napoléon se dit 1er Consul en référence à la République romaine).
Il met en œuvre les grands principes de 89 : égalité juridique, fiscale, accession à tous les emplois…
sont réafirmés. Il met en place un code : le « Code Napoléon », ou « Code civil », qu’il réalise avec
Portalis, publié en 1804 (c’est la 1ère fois que la France possède un unique code civil, qui donne à
tous les français les mêmes droits).
Cependant, dans le Code civil :
- pour jouir de l’ensemble de la capacité juridique dont peut jouir un individu d’après le
code, il vaut mieux être : un homme, jeune, propriétaire.
- Le rôle du père est essentiel : dans la famille, c’est lui qui détient l’autorité sur les enfants
et sur la femme (père=chef de famille, et la femme doit obéissance à son mari : c’est une
mineure juridique : elle ne peut pas administrer elle-même ses biens, elle ne peut pas
quitter le domicile familial, si elle hérite, ses biens sont gérés par son mari, l’adultère est
puni d’emprisonnement, juridiquement, elle est « incapable »).
immense problème dans l’idéologie des Lumières : pourquoi cette exclusion des femmes
(mineure juridique et incapable politique), au tournant du 19ème siècle ?
- les enfants (- de 21 ans) n’ont ni droits politiques ni juridiques (par exemple, ils ne peuvent
pas hériter). Le père dispose du droit de « correction paternelle », permettant de faire
emprisonner les enfants récalcitrants (cette autorité s’exerce bien sur dans la famille civile
(enfants et femme légitimes).
Un autre élément fort du Code civil est le droit de propriété :
- propriété de droit romain
- propriété individuelle et entière (« droit d’user et d’abuser »), soumise à aucune législation
de l’Etat.
Quant au cadre politique, c’est celui d’un régime plébiscitaire, fondé sur la souveraineté du peuple
(même si Napoléon s’est fait sacrer, il ne se présenta pas comme un monarque de droit divin, mais
tire sa légitimité de 1er consul des français).
Cette souveraineté s’exerce par des plébiscites (consultation populaire). Le pouvoir impérial est
fondé sur le suffrage universel masculin (mais, en principe, tous les hommes). Mais ces consultations
seront très rares, et en pratique sur des listes de notabilité. Il s’agit donc d’une démocratie de
façade !
La Constitution que N.B. va donner à la France (la Constitution de l’An 8) témoigne de ce régime
plébiscitaire fondé sur la légitimité du peuple.
N.B. : « une bonne Constitution doit être brève et obscure »
l’exécutif
Il est tout entier détenu par le 1er Consul, qui commande également les armées, et dispose du droit
de grâce.
le législatif
Il est divisé entre 4 Assemblées :
- un Conseil d’état qui prépare les lois
- un corps législatif qui examine les lois mais ne les vote pas
- un tribunal, qui vote mais n’examine pas les lois
- un Sénat, gardien de la Constitution
Cette division du pouvoir législatif l’affaibli bien sur considérablement.
le pouvoir judiciaire
Il est en principe indépendant (les juges sont inamovibles), mais les juges sont nommés par le
ministre de la Justice !
On est donc dans une logique de pouvoir personnel.
Mais Bonaparte dispose, quand il va devenir empereur (au 19ème, Empire=Etat) des français, de
soutiens sociaux dans le pays : il va s’appuyer sur :
- l’armée
- les notables issus de la Révolution française : très favorables à l’Empire, car ils redoutent
un retour à l’Ancien régime
- les corps religieux (catholiques…), qui lui sont favorables car il a rétabli la paix.
Et Napoléon Bonaparte, (« homme du peuple »), va être très attentif à donner une bonne image de
son gouvernement dans les couches populaires.
Témoignage de l’évolution conservatrice : il crée une nouvelle noblesse (héréditaire), fondée sur la
gloire civile.
II) Napoléon, le restaurateur de l’Etat
réorganisation administrative
Il crée les préfets et sous-préfets, il invente et met en place les Conseils généraux, Conseils
d’approfondissement et les Conseils municipaux (ils représentent les citoyens, mais sont nommés
par les préfets et les notables).
Il réorganise l’administration centrale (on dit aujourd’hui que l’administration est demeurée
napoléonienne).
réorganisation financière
Il crée en 1800 la Banque de France, alors que n’existaient que des banques privées, dans le but de
garantir la monnaie (le franc-or, qui demeurera inchangé jusqu’en 1914).
réorganisation fiscale
Il crée 4 grands impôts :
- la taxe immobilière
- la taxe mobilière
- la taxe sur les portes et fenêtres
- la patente (pour les commerçants).
Ces impôts demeureront jusqu’à la mise en place de l’impôt sur le revenu pendant la Grande
Guerre.
réorganisation de la Justice
Les juges ne sont plus élus, mais nommés, mais demeurent inamovibles.
Le système judiciaire s’organise : un tribunal civil par arrondissement, un tribunal criminel et une
cour d’assises par département, une cour d’appel et une cour de Cassation.
Ces différents juridictions appliquent les codes de Napoléon (1804 : code civil, et 1810 : Code
pénal).
réorganisation de la religion
Bonaparte crée les conditions du retour à la paix religieuse, et passe un concordat avec le peuple.
C’est le gouvernement qui nomme les évêques catholiques (et c’est le pape qui leur donne les
pouvoirs moraux).
Mais Napoléon ne met pas en place que le culte catholique : l’Etat reconnaît, protège et contrôle
les cultes protestants et israélites.
réorganisation de l’éducation
Il crée en 1802 le lycée (basé sur les humanités), puis les universités. Cela augmente l’autorité de
l’Etat, très centralisateur autour de Paris.
III) Napoléon, l’homme de la gloire militaire
La gloire impériale et ses limites
1802 : paix d’Amiens (la France était en guerre contre toute l’Europe, elle n’est plus en guerre
que contre l’Angleterre avec cette paix)
Mais le projet de débarquement en Angleterre de Napoléon échoue : c’est l’échec naval de
Trafalgar.
Napoléon se lance alors dans une grande politique continentale pour détruire économiquement
l’Angleterre : c’est le blocus continental. Il tente d’empêcher tous les navires anglais de porter
leurs marchandises en Europe, en convaincant les Etats européens de ne pas accepter les
navires anglais (blocus). Il fait ainsi redémarrer la guerre en Europe.
Cela aboutit à la domination napoléonienne en Europe :
En 1811, N.B. atteint les limites de l’extension de l’empire français (131 départements, il
emprisonne le pape à Fontainebleau…) ; N.B. est à son apogée militaire.
Mais la démesure de Napoléon va le conduire à vouloir abattre la Russie et s’établir en Espagne.
La guerre d’Espagne sera la plus meurtrière
La campagne de Russie (Moscou incendié) marque le début des défaites/
En 1813, la campagne d’Allemagne est une défaite
En 1814, de France défaite.
D’où, en 1814, son abdication, puis son exil.
Mais, au printemps 1815, il revient (« les 100 jours ») :
Il s’agit de sa dernière tentative pour retrouver le pouvoir, et ce sera sa dernière défaite, à
Waterloo, il est écrasé par les armées anglaises et allemandes.
Conclusion :
Paradoxe napoléonien en Europe :
- il ne croyait qu’à la « Grande Nation », il a exporté les idées révolutionnaires (pour lui, la
France est la « Lumière de l’Europe »)
- c’est à l’époque de Napoléon que va commencer à se développer l’idée de sentiment
national en Europe.
Il va déterminer une nostalgie nationale : la domination de la France sur l’Europe (jamais plus la
France ne dominera seule l’Europe).
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