Deuxièmes Journées d’étude « Travail, solidarités familiales et mobilité sociale dans le monde rural » co-organisées par le CERHIO et le GDR Sociétés rurales européennes Université Rennes 2, jeudi 19 et vendredi 20 mai 2011 Animateurs : Fabrice Boudjaaba et David Celetti Les historiens ruralistes ont longtemps porté une attention soutenue aux systèmes de transmission successorale du patrimoine (principalement inégalitaire), dans la mesure où le patrimoine foncier est un élément central pour l’activité des paysans et qu’il est en même temps au cœur du droit de la famille dans les coutumes d’Ancien Régime (qui sont généralement moins préoccupées par le devenir des biens mobiliers). Le rôle de la famille dans les processus de mobilité sociale ne se limite pourtant pas à la question des héritages et de la transmission du statut, il passe également par quantité d’autres voies que celles de la succession au sens large (qu’il s’agisse de successions ab intestat ou par testament ou encore de la donation notamment par contrat de mariage). Le parcours professionnel et patrimonial des individus peut notamment s’appuyer sur des formes multiples d’entraide familiale plus ponctuelles et plus informelles, d’association dans le travail, voire d’association commerciale, entre parents, entre père et fils bien entendu mais également par exemple entre frères. Mais ce type d’enquêtes très riches pour comprendre la complexité des processus de reproduction et de mobilité sociale a surtout jusqu’ici concerné le monde urbain pour des raisons de sources notamment (les études sur les frérèches commerciales ou sur les mises en apprentissage dans les milieux marchands urbains sont par exemple très nombreuses) ou les régions de partage inégalitaire où l’organisation de la succession commande en grande partie les relations au sein de la fratrie. Pour le monde rural en particulier pour les pays de partage égalitaire, ce type d‘investigation reste rare. C’est pourquoi nous avons souhaité consacrer l’an passé une journée d’étude aux les formes de relations et de solidarités économiques familiales qui permettent à chacun des membres de la famille de construire son propre parcours professionnel et patrimonial. Cette approche impliquait que la question de l’héritage père/fils, sans être naturellement totalement écartée, ne soit pas au centre des questionnements mais que soient privilégiés d’autres types de lien de parenté ainsi qu’une analyse au niveau intra générationnel. Bien que les lois successorales commandent le partage (ou non) des exploitations, il existe des formes de collaboration économique et professionnelle, temporaire ou non, formelles ou informelles entre frères et sœurs ou entre parents plus éloignés qui sont elles aussi très importante pour la construction du parcours de chacune mais également pour le fonctionnement économique des exploitations familiales. La première journée d’étude a permis de mettre en évidence une série de thématiques à approfondir dans lesquelles les nouvelles communications pourraient s’insérer. Ces thèmes constituent la trame de l’ouvrage collectif qui sera publié à la suite de ces deux journées d’étude. 1er thème : le travail en famille. Dans l’économie paysanne, la famille joue un rôle central dans l’organisation du travail sur l’exploitation. Cela est vrai pour les petites exploitations sans salarié naturellement, mais cela semble aussi fréquent pour des exploitations de plus grande taille et ce y compris jusqu’à aujourd’hui. Même dans le cadre d’exploitation de type capitaliste, la famille peut encore jouer un rôle important dans l’organisation du travail et les processus de transmission de l’exploitation. Comment le travail quotidien s’organise-t-il au sein de la famille, quelles formes prennent le partage des tâches et du pouvoir au sein des exploitations ? On se demandera notamment quel est le rôle des femmes et des filles aussi bien dans le travail que dans les processus de transmission du métier et de l’exploitation. 2e thème Exploitation paysanne et mobilité sociale au sein des familles : la reprise et le maintien des exploitations subordonnent fréquemment le destin socioprofessionnel des enfants selon qu’ils restent ou qu’ils quittent l’exploitation mais inversement on peut également dire que les choix professionnels des enfants conditionnent la survie de l’exploitation et les conditions d’existence de celui des enfants qui reprend l’exploitation familiale. Il s’agit ici d’aborder l’articulation entre le maintien et la transmission des exploitations d’une part et la mobilité socioprofessionnelle des enfants en tenant compte des configurations familiales. Quels effets peuvent avoir la taille des fratries, les solidarités mais également les concurrences entre frères et sœurs notamment pour « succéder », le destin de l’exploitation et le parcours socioprofessionnel de chaque membre de la famille ? 3e thème : La famille paysanne face aux contraintes de la production et au changement économique La pluriactivité est un phénomène extrêmement répandu dans l’économie paysanne traditionnelle ; elle signale la complémentarité des activités et des membres de la famille pour assurer les conditions d’existence du groupe en particulier lorsque la production agricole de l’exploitation est insuffisante pour assurer l’équilibre économique du groupe. Audelà, la famille paysanne doit également faire face dans certains contextes spécifiques ou conjonctures difficiles qui l’obligent à modifier et à adapter ces modes d’organisation du travail, à redéfinir le partage des tâches au sein du groupe familial. C’est particulièrement le cas lorsqu’en Europe le monde rural affronte le processus d’industrialisation, source à la fois de déséquilibre pour l’économie traditionnelle et d’opportunités de ressources nouvelles (pou r le groupe et/ou l’individu) ou lors de crises économiques graves ou encore par exemple aujourd’hui quand les activités touristiques et/ ou commerciales viennent compléter le revenu de certaines exploitations. 4e thème : Travail, familles, idéologies Enfin, l’articulation des thèmes du travail et de la famille comporte également une dimension politique et idéologique évidente. La famille paysanne et le travail ont pu constituer à certains moments des enjeux politiques de premier plan. On peut distinguer deux moyens d’approcher cette question. D’une part une approche plus « économique » qui renvoie à la place de la famille dans le fonctionnement économique des exploitations, notamment dans le cadre de réflexions théoriques. On pense ici par exemple aux débats initiés notamment par les physiocrates sur les inconvénients de l’économie paysanne et aux débats historiques sur la « peasant economy » et la place de la petite exploitation paysanne face au développement d’une agriculture de type capitaliste (Lénine versus Chayanov). D’autre part une approche plus politique au sens strict. On pense bien sûr à l’utilisation de la famille paysanne et du travail agricole par la France de Vichy mais également dans l’Italie fasciste ou l’Espagne franquiste ;cette liste n’étant pas limitative. *** Les communications de ce second atelier devront, autant que possible, s’insérer dans ces thématiques dégagées à partir des discussions de l’atelier de novembre 2009 et à partir desquelles a été construit ce projet de publication. Les propositions (titre, bref résumé), devront parvenir par mail au plus tard le 31 décembre 2010. [email protected] Les papiers sont attendus pour le 2 mai 2011 afin de permettre une véritable discussion lors de l’atelier des 19 et 20 mai 2011. Les versions définitives devront nous parvenir en juillet 2011. contacts : Fabrice Boudjaaba [email protected]