Chapitre 2 : les systèmes de détermination du produit national par la demande globale Le principe même de l’équilibre macro consiste à écrire : le produit global offert = produit global demandé, cette égalité n’est pas dans la plupart des modèle un équilibre réciproque, il y a un côté de cet équilibrage qui est déterminant du niveau de l’autre côté. L’autre approche, la macro de l’offre : le produit offert détermine le produit demandé, il peut y avoir des ajustements réciproques. On s’intéressera à la première. Le produit offert n’est pas très adapter dans ce cas : le terme anglo saxon s’approprie : supply qui s’oppose à demande. Le terme offre indique une proposition qui en quelque sorte indépendante de la demande. Si on admet que c’est le produit demandé : composante de la demande globale qui va déterminer le niveau des biens qui seront produit, et qui donneront le total : produit offert, on voit que parmi les composantes de la demande globale il y en a 2 qui sont importantes, ce sont les consommations des ménages et les investissements des entreprises. Ceci explique que l’essentiel des recherches sur l’équilibrage macro par la demande, apporté sur l’association entre ces 2 grandes fonctions de consommation et d’investissement. Section I. Les modes d'associations des fonctions de consommation et d'investissement: Il existe deux manières possibles de combiner ces fonctions: - opérer une addition des deux fonctions : on a un comportement des consommateurs d'une part et un comportement des entrepreneurs de l'autre, en prenant en compte une valeur de consommation et une valeur d’investissement, si on additionne les deux on aura l'élément central de la demande globale. L'addition de leurs variations fournit l'élément essentiel du rythme de croissance. - une seconde approche keynésienne est privilégiée par la théorie économique. Cette approche consiste à souligner les phénomènes d'interrelation entre les deux fonctions. La consommation est dépendante des revenus des ménages et ce revenu est sensible à l'impact qu'a l'investissement sur le produit des ménages et donc sur la consommation qui en découle. D'autre part, la consommation des ménages au niveau individuel détermine le niveau de revenu national et détermine donc de façon finale la consommation. La décision de consommer va donc influer sur l'opinion des investisseurs et va donc modifier le produit national qui modifiera lui-même la consommation. Il existe donc de nombreuses interrelations. Malgré ces phénomènes d'interrelation, la prévision économique à court terme préfère raisonner de manière additive et introduit peu ces phénomènes. §1. L'équilibrage macroéconomique par l'addition des composantes de la demande globale Le niveau du produit national (en tout cas en courte période) apparaît comme l'addition de certains éléments. - consommations - investissements - variation des stocks - montant des exportations -1- Pour satisfaire à cette demande croissante des ménages, l'économie nationale fait aussi appel à des producteurs étrangers et il faut donc déduire des éléments précédents le montant des importations pour obtenir le niveau du produit national. On a donc : C + I + Δst + G + X = Demande (C + I + Δst + G) – M = Yo = coté de l’offre Yd La consommation des ménages se monte à 2313 Mds de Fcs consommation des administrations à 743 Mds de Fcs formation brute de capital fixe à 762 Mds de Fcs variation de stocks à 4 Mds de Fcs Les exportations à 1266 Mds de Fcs -------- On retranche les importations : 5088 Mds de Fcs - 1193 Mds de Fcs -------- Et on trouve le PIB 3893 Mds de Fcs La demande de chaque composante étant de tant, et connaissant le PIB, on retrouve le montant des importations. C’est donc l’addition de ces différentes composantes et la soustraction des importations qui déterminent la formation du produit offert YO, le PIB. On a alors une formule de la forme Y0 + M = Yd Ou YO = Yd – M Il y a alors une solution pour conserver la relation YO = Yd qui est de modifier la notion même de produit demandé Yd. On peut considérer que la consommation est seulement la consommation des produits nationaux et que l’investissement recensé est seulement l’investissement en biens produits par les producteurs nationaux. De même pour les autres composantes on exporte que des produits nationaux, dans ce cas l’équation est rétablie en éliminant les importations. La manière la plus raisonnable consiste à opérer une déduction du côté demandé entre le montant des exportations et le montant d’importations. On considère alors que le montant du produit demandé est donné par C + I + (X – M) = Yd Ce regroupement revient à séparer les autres composantes de la demande globale, les éléments proviennent du commerce extérieur. On dira que celui-ci a joué plus ou moins selon que le solde (X-M) est positif ou négatif. On obtient ainsi le rétablissement de la formule Y0 = Yd avec ce rôle déterminant du montant de Yd sur la formation de l’équation macroéconomique. L’aspect le plus intéressant de cette formule tient à la mise sur le même plan des différentes composantes de la demande globale qui sont toutes en quelque sortes des déterminants équivalent, même si leur importance est différentes, c'est à dire quelles sont autonomes les unes par rapport aux autres. Et puisque c’est leur addition qui forme le montant du produit offert elles apparaissent comme des variables autonomes par rapport au montant du produit offert. C => Yd => YO I => Yd -2- Yd C I Yd C I Yo Dépendance du Yo // à Yd. Autonomie de cet I //Yo Sur un plan théorique et analytique, cette méthode n'est pas satisfaisante et on s'est efforcé de mettre en valeur les interdépendances des variables qui interviennent dans la formation du produit national. §2. Les mécanismes de l'interdépendance keynésienne C'est depuis la théorie générale qu'on estime normal de mettre l'accent sur la demande globale pour déterminer le PIB National, mais dans cette théorie générale de KEYNES, la détermination de l'investissement se fait par une prévision de la rentabilité. En effet, ce mode de détermination de l’investissement fait que cette variable macroéconomique apparaît comme indépendante à l'égard du niveau du produit national alors que la consommation est déterminée par le revenu des ménages qui dépend du niveau du produit national. Cette approche particulière conduit à associer une variable autonome du produit national : l'investissement, et une variable dépendante du produit qui est la consommation. On a ainsi un mécanisme de circuit économique qui est partiellement ouvert au niveau de l'investissement, variable qui doit se trouver équilibrée par une résultante du circuit économique qui est l'épargne. Ici, on ne retient plus que consommation et investissement. C + I = Yd, c(Yo) + I = Yd. -3- L'investissement génère une demande globale qui détermine un produit qui génère un revenu qui sera pour partie consommée et qui va accroître le montant de la demande globale. Le supplément de demande globale va alors déterminer une production supplémentaire qui va engendrer une offre supplémentaire et une demande supplémentaire. On entre alors dans un phénomène contemplatif où on a égalité entre produit offert et produit demandé quand le montant des fuites s'égalise au montant des sources. C(Yo) = cYo, Yd = Yo. CYo + I = Yo I = Yo – cYo = S , I = (1-c)Yo = S. Yo = I/(1-c) Dans cette optique partielle, tout se passe comme si le montant de l'investissement déterminait à lui seul le montant du produit à travers un coefficient multiplicateur keynésien égal à 1/s = 1/(1-c) Si on adaptait ce point de vue, l'économie devrait être relativement instable car l'investissement connaît des variations importantes, or on constate que l'économie montre une très grande stabilité de niveau. Dans sa formulation de la fonction de consommation, KEYNES souligne que les consommateurs ont des habitudes de consommation et qu'ils maintiennent cette consommation autant que possible même en cas de diminution des revenus. Cela signifie qu’une partie seulement de la consommation des ménages doit être considéré comme une dépense autonome par rapport au revenu, et on peut alors modifier l'expression du circuit économique pour intégrer cette part autonome de la consommation. C’est pourquoi on va voir que la consommation est souvent représentée comme une constante autonome qui ne dépend pas du revenu. C = B + cYo où B représente une partie autonome constante. On peut donc réécrire la formule d’équilibre : B + cYo + I = Yd B + I = (1-c)Yo Yo = (B + I) / (1-c) Le multiplicateur keynésien existe toujours mais il est modifié et ne prend plus en compte seulement l'investissement comme seul déterminant. En effet, même si l'investissement varie de manière importante, la partie autonome de la consommation va jouer un rôle essentiel pour ajuster le PNB. On va considérer que, normalement, la partie autonome de la consommation ne change pas d'une période à l'autre, ce qui peut être le cas, alors que l'investissement peut varier d'une manière importante d'une période à l'autre. On va donc raisonner en terme de niveau : Yd = Yo cYo + I = Yo I = Yo – cYo -> Yo = I / (1-c) Même si l’investissement n’est pas la variable déterminante, il demeure l’élément qui varie de manière importante, et c’est donc la variation de l’investissement qui fait varier le produit d’une période à l’autre. -4- On constate que le problème actuel semble être l'évolution du niveau d’investissement qui détermine la croissance, la reprise économique n'étant possible que lorsqu'il y aura une reprise de l'investissement suffisamment importante dans les pays développés. Graphiquement, on a : Pour obtenir le point d’équilibre, on ajoute le montant de l’investissement, ce qui nous donne ainsi Yd = cYo + I ; Selon que l’investissement est plus ou moins élevé, le produit sera plus ou moins élevé. Dans une autre optique, on a : Dans cette hypothèse, la consommation à elle seule permet d’obtenir un certain niveau de production déterminé par l’équilibre macroéconomique, mais en principe on a toujours un certain niveau d’investissement que l’on va ajouter à cette consommation autonome B. Selon que cet investissement est plus ou moins important, l’équilibre sera obtenu au point de rencontre entre la bissectrice et la courbe Yd. Si l’on transcrit dans ce graphique l’exemple précédent, cela n’aurait pas un intérêt comparatif puisque ce serait une simple addition. On n’a pas d’interdépendance, chaque variable se déterminant d’elle-même. -5- La consommation est d’une part dépendante du revenu et d’autre part autonome. Ainsi, les conditions dans lesquelles se forme l’équilibre utilisent l’interdépendance entre le niveau du Produit National et le niveau de la Demande Globale. A l’équilibre, on a égalité entre Produit et Demande Globale (Produit Offert et Produit Demandé). On a une égalité entre les sources autonomes de la demande et les fuites du circuit économique. Cette égalité s’interprète comme l’égalité entre l’épargne et l’investissement. L’épargne est typiquement une fuite car elle ne donne pas lieu à l’investissement, tandis que l’investissement est une source autonome type. Cette égalité s’interprète dans un sens causal, qui est l’inverse de celui des classiques, car c’est le niveau de l’investissement, déterminé en dehors du circuit économique, qui entraîne la formation d’une épargne équivalente ; non pas directement, mais à travers la fixation d’un produit national tel qu’il génère une épargne égale au niveau de l’investissement. Rappel : Dans la logique classique, c’est l’épargne qui est décidée par les agents privés, et elle se transforme de manière directe ou indirecte en investissement. La transformation est directe si l’épargnant investit directement, et indirecte s’il offre un prêt ou un moyen de paiement à d’autres agents qui eux vont acquérir ces biens d’équipement. A l’équilibre, Yd = Yo cYo + I =Yo I = (1-c)Yo Yo = I / (1-c) -6- Si on s’intéresse à une présentation qui montre en partie une demande autonome et une partie conditionnée par le niveau du produit, partie dépendante de Yo, on a : On peut se demander quelle est l’égalité qui s’établit en terme de demande autonome et de variable complémentaire dans le schéma. Il existe deux variables autonomes du circuit : l’investissement (I) et la partie autonome de la Demande (B), et on remarque que la consommation peut fort bien varier sans qu’il n’y ait de variation du revenu, et ces variations ont souvent plus d’importance en volume que celles de l’investissement. Il est important d’en tenir compte. C’est pour cela que, lorsque l’on veut avoir une courbe « réaliste » dans l’analyse macroéconomique, on utilise une courbe de la forme B +cYo plutôt que simplement une courbe en cYo, et on considère par-là qu’il y a une demande autonome de la part des consommateurs, soit une demande de consommation qui peut pratiquement ne pas être influencer par le revenu de la période. On va donc être amené à dire que l’équilibre entre le Produit Offert et le Produit Demandé implique l’égalité entre le montant de la dépense autonome et la part du Produit qui ne détermine pas une dépense induite. Dans le premier cas, cette part du produit qui ne détermine pas une dépense induite, c ‘était l’épargne. Dans le cas présent, c’est toujours l’épargne (part non consommée du revenu), mais aussi la contre-valeur de la consommation autonome (B). Autrement dit, dans ce cas présent, la valeur (1-c), qui correspond à la partie du revenu qui n’induit pas une dépense, ne correspond pas à l’épargne seule, mais à la dépense autonome, c’est à dire le montant de la consommation autonome. Yd = Yo B + cYo + I = Yo B + I = (1-c)Yo Yo = (B + I)/(1-c) où (1-c) est la partie du revenu qui n’aboutit pas à une dépense induite. c traduit la propension générale. Une partie de la dépense autonome va donc être compensée par une partie de la dépense induite du revenu. On a toujours égalité entre épargne et investissement puisque avec B + I, on a une part du revenu consacrée Si d’autres composantes sont introduites, l’égalité I = S disparaîtrait. En revanche, l’égalité entre la dépense autonome et la partie de ce revenu qui n’est pas consacrée à une dépense induite serait maintenue (dans le schéma keynésien). -7- Même le modèle le plus simple d’interdépendance keynésienne aboutit à des résultats inattendus et non saisissables, et c’est ce qu’on va retrouver avec : §3 L’interdépendance entre la fonction de consommation et la fonction d’investissement fondée sur l’accélération (modèle de HARROD, 1939) Il a considéré que son modèle complétait celui de KEYNES en lui donnant une signification et une profondeur dynamique. Ce modèle semble erroné. HARROD propose un modèle élémentaire avec une fonction de consommation la plus simple possible à un temps t. Ct = cYt où c est la partie induite du revenu. L’investissement demeure autonome par rapport au produit réalisé de la période, mais en revanche il dépend par le jeu de coefficient de capital (accélération), de la variation anticipée dans le produit, correspondant à la forme : It = g ( Xt – Yt-1 ) g = coefficient de capital Xt = produit anticipé par les investisseurs Yt-1 produit constaté en t-1 On s’écarte de la conception de KEYNES puisque ce qui va décider les investisseurs, ce n’est pas la rentabilité prévue des investissements, mais plus simplement le niveau du produit qu’ils anticipent sur la période même, et c’est donc une conception très simpliste de l’investissement puisque les biens d’équipement durent un certain nombre d’années. HARROD a la volonté de répondre à un besoin de liquidité sur la période causé par l’accroissement du niveau du produit d’équilibre. Mais les investisseurs ne connaissent pas le niveau d’équilibre et ils font une hypothèse en anticipant ce niveau. Ce qui intéresse HARROD est que cette hypothèse va se révéler erronée, ce qui peut paraître paradoxal puisque c’est la décision d’investir qui détermine directement le niveau du point d’équilibre. Or ce produit d’équilibre ne sera pas, très généralement, l'équivalent du produit préalablement anticipé par les investisseurs. Les investisseurs décident du niveau du Produit en déterminant l’investissement, mais bien qu’ils soient les seuls actifs, ils provoquent une valeur erronée du produit. (Ce problème reste peu profond à résoudre). Sur la base de ces anticipations on peut très facilement construire un modèle : Yd = Yo cYt + g(Xt – Yt-1) = Yt = (Produit réellement offert) g(Xt – Yt-1) = (1-c)Yt Yt = [g / (1-c)] . (Xt – Yt-1) Yt = (g/s) (Xt – Yt-1) On prend s car on considère qu’il n’y a pas de complément sur la demande de consommation Yt-1 est donné, ainsi que g (coefficient de capital = 3 à 5) et s (niveau d’épargne). C’est Xt qui détermine la valeur de Yt, et les investisseurs ne connaissent pas la valeur du rapport g/s, mais connaisse (Xt-Yt), c’est à dire la différence entre le niveau de leurs anticipations futures d’investissement et le produit réalisé. C’est donc l’ignorance de ce rapport (g/s) qui fait que les décisions des investisseurs seront en général erronées, ce qui fait -8- que leurs anticipations ne correspondent pas au niveau du produit qui sera constaté à la fin de la période. Pourquoi n’a-t-on pas coïncidence entre réalisation et anticipation ? C’est tout l’intérêt de la démonstration de HARROD : A quelle condition a-t-on Xt= Yt ? Comme Yt = Xt , Yt / Xt = 1 (Yt / Xt) = (g / s) . [(Xt – Yt-1) / Xt] = 1 d’où (Xt – Yt-1) / Xt qui est le taux de croissance anticipé des investisseurs = s / g. Conclusion : Ce qui résulte de cela est que l’équilibre keynésien s’exprime sous la forme d’un taux de croissance anticipé, c’est à dire que si les investisseurs anticipent le taux de s / g, leurs anticipations seront bonnes quand elles correspondront au produit escompté, soit égales au taux de croissance s / g, et le taux réalisé sera donc égal au taux anticipé. s / g est donc ici le taux garanti, ce qui signifie que si ce taux est réalisé, il est anticipé, mais si la garantie ne va pas (ou va) au-delà, la réalisation sera différente de ce qui était anticipé. Si (Xt – Yt-1) / Xt = s/g = (Yt – Yt-1) /Yt (spécificité du modèle de HARROD, où l’on a au dénominateur non pas Yt-1 mais Yt) Qu’est qui va se passer si le taux de croissance anticipé est supérieur à s/g ou au contraire s’il est inférieur à s/g ? On est certain d’une chose, c’est que dans ce cas il y aura une divergence entre le niveau du produit anticipé et le niveau du produit réalisé, et donc une divergence entre le taux de croissance réalisé et anticipé. Par convention, HARROD propose une situation où : Taux de croissance anticipé = Ŷt = (Xt – Yt-1)/Xt Taux de croissance réalisé = Ẏt = (Yt –Yt-1)/Yt, appelé « Y point t » Quand Ŷt = s / g = Ẏt, mais quand Ŷt s / g, alors Ẏt Ŷt. Il faut relier Ẏt à Ŷt. Ẏt = 1 - Yt-1/Yt et on sait que Yt = (g/s)(Xt - Yt-1) Ŷt = 1- (s/g) . [Yt-1/(Xt - Yt-1)] Démonstration : Ŷt = 1 – Yt-1/Xt Yt-1= Xt * (1-Ŷt) s Xt(1- Ŷt) s 1-Ŷt Alors, Ўt = 1 - --- x ----------------- = 1 - ---- x -----g Xt(1-1+Ŷt) g Ŷt -9- s 1-Ŷt 1 - ---- x ------- Ŷt g Ŷt et s Ŷt -1 ---- x --------- (Ŷt -1) g Ŷt s/g Ŷt Ŷt s/g Ẏt Ŷt . Sachant que lorsque le taux de croissance anticipé est différent de s/g il va y avoir une divergence entre le taux de croissance réalisé et le taux de croissance qui était anticipé. Quel est le mécanisme qui détermine le sens de cette divergence ? Comme le taux de croissance réalisé est toujours déterminé par le taux de croissance anticipé, on peut toujours visualiser le lien de causalité entre taux de croissance réalisé et taux de croissance anticipé. Si on réalise cette substitution, on constate que lorsque Ŷt (taux de croissance anticipé) > s/g, le taux de croissance réalisé constaté (Ẏt) va se trouver lui aussi supérieur au taux de croissance anticipé. Si les investisseurs sont « optimistes » au sens de HARROD, la réalité sera encore plus favorable qu’ils ne le pensaient, c’est à dire que le produit national constaté sera supérieur à celui qu’ils anticipaient, et on peut penser que de ce fait, ils vont devenir encore plus optimistes, et que ce faisant, ils vont provoquer une nouvelle situation où le taux de croissance anticipé sera supérieur à celui qu’ils anticipaient de nouveau. Inversement, si les investisseurs sont « pessimistes » (s’ils anticipent un taux de croissance inférieur à s/g) le niveau du produit constaté sera inférieur à celui qu’ils anticipaient et comme ils vont anticiper un niveau de produit plus faible, ils vont de ce fait provoquer l’apparition d’un taux de croissance et d’un produit plus faible que celui qu’ils anticipaient. Il va y avoir un processus cumulatif. La raison de ce processus est que les anticipations des investisseurs déterminent un niveau d’investissement plus ou moins élevé. Et c’est ce niveau qui va déterminer le niveau d’équilibre de la période. Leurs anticipations ne sont pas auto-réalisatrices. On a donc trois possibilités : - soit (s/g = Ŷt) et on a équilibre, le niveau de la croissance est donc stable. - soit les investisseurs sont plus optimistes et on a une hausse du niveau de la croissance économique. - soit les investisseurs deviennent plus pessimistes et on a une baisse du niveau de la croissance économique. Il est important de rappeler que « optimisme » et « pessimisme » ne déterminent pas la valeur s/g que ne connaissent pas les investisseurs. On aboutit alors à des résultats surprenants car ils s’expriment en terme de taux de croissance directement. - 10 - On s’est longtemps demandé s’il n’y avait pas d’explications, notamment des mécanismes cycliques de l’économie et du ralentissement qui s’accentue (phénomènes compliqués). Il s’agit ici uniquement de la croissance ou du ralentissement de la demande globale sans que cela ait forcément des conséquences sur l’évolution des capacités de production. Puisque la variable stratégique est l’investissement, en phase de croissance accélérée, les capacités de production sont progressivement élargies par l’investissement mais le produit d’équilibre réalisé est toujours supérieur à celui qui est rendu possible par l’investissement (i.e. la croissance accélérée dans le modèle de HARROD a un caractère inflationniste et l’ajustement se fait par une hausse des prix de plus en plus forte). On ne considère comme croissance effective que ce qui se traduit par un accroissement du produit et non pas de la Demande Globale. Ce mécanisme est celui des révisions des anticipations de la part des investisseurs qui constatent à la fin de chaque période qu’il y a un écart entre le taux de croissance anticipé et le taux de croissance effectivement réalisé. Ils révisent donc leurs anticipations en fonction de l’écart constaté. Il existe une infinité de mécanismes possibles pour que les investisseurs révisent leurs anticipations en fonction de l’écart constaté, et HARROD propose la formule suivante : Ŷt = Ŷt-1 + λ (Ẏt-1 – Ŷt-1) avec λ > 0. Et donc si Ẏt-1 > Ŷt-1, on a une hausse de Ŷt L’évolution des taux de croissance anticipés et du produit national va avoir un caractère quasi-explosif lorsque le taux de croissance anticipé est supérieur à s/g. Et inversement, lorsque le taux de croissance est inférieur à s/g, l’évolution va être extrêmement négative et va aboutir à un effondrement rapide du produit national. On peut représenter ce phénomène par : Dans ces modèles keynésiens, la morale est que l’économie décentralisée (laissée à l’initiative des agents privés que sont les investisseurs) est spontanément déséquilibrée. Dans le cadre keynésien traditionnel, ce déséquilibre s’exprime par le fait que le produit national de chaque période est différent du produit de plein emploi. Dans le cadre du modèle de HARROD, le déséquilibre spontané tient au fait qu’il n’y a aucune raison pour que les investisseurs anticipent un taux de croissance égal à s/g. L’économie est donc précipitée tantôt dans une forte expansion quand leurs prévisions sont supérieures à s/g et tantôt dans la dépression quand la prévision est inférieure à s/g. - 11 - Remède : Il faut que les autorités économiques (gouvernement, banque centrale) agissent sur les paramètres de l’économie de façon à faire coïncider les anticipations des investisseurs avec le taux garanti s/g, ou il faut qu’ils complètent l’investissement pour que la croissance effective se fasse à s/g en rappelant alors un point qu’il a lui-même souligné, qui est que l’économie est instable puisqu’il y a peu de chance pour que s/g soit égal au taux de croissance anticipée. Selon HARROD, si l’économie évoluait régulièrement à ce rythme, ce taux de croissance de la demande globale ne serait pas nécessairement un taux de croissance de plein emploi. Pour que ce soit le cas, il faudrait que le taux de croissance de la force de travail suive. Ce taux tient à deux éléments : - le taux de croissance de la population active. - la croissance de la productivité de chaque unité de travail. C’est ce que HARROD appelle (n + m), soit le « taux naturel » égal au taux garanti. Il ne suffirait pas pour assurer le plein emploi de rendre l’économie conforme au taux s/g. Il faudrait aussi faire coïncider le taux s/g avec le taux de croissance de la force de travail de l’économie. Ceci se rapproche de la théorie keynésienne, selon laquelle il n’y a aucune chance pour que l’économie évolue spontanément de manière à assurer le plein emploi de la force de travail présente dans cette économie. En revanche, il y a une divergence importante entre la thèse de HARROD et celle de KEYNES : Selon les keynésiens, l’économie spontanée tend plutôt à s’établir dans un état stable de sous-emploi et il n’y a aucune raison particulière pour que l’économie évolue soit vers un niveau plus faible d’activité soit vers une amélioration de ce niveau d’activité. La caractéristique dominante de la pensée keynésienne est que l’économie tend à stagner en sousemploi alors que chez Harrod, l’évolution tend toujours à s’aggraver. Mais laissons de côté le modèle de HARROD qui illustre les interactions entre l’investissement et la consommation, et revenons au modèle keynésien que l’on va élargir. §4. Le modèle keynésien avec élargissement des composantes autonomes et induites de la demande globale. Il y a deux raisons pour ne pas se contenter d’interactions entre la fonction d’investissement et la fonction de consommation. Raison 1 : Dans l’économie concrète il y a d’autres variables macroéconomiques importantes, notamment celles qui dépendent de la dépense gouvernementale et de la dépense extérieure. Ces variables complémentaires sont des instruments d’action de la politique économique. Il est donc important de les expliciter dans le mécanisme de l’équilibre macroéconomique. Raison 2 : Au niveau des composantes de la demande globale, à côté de la consommation et de l’investissement, les exportations sont des variables autonomes par excellence par rapport au produit national, puisque les exportations d’un pays sont directement déterminées par les niveaux des produits nationaux des partenaires commerciaux de ces pays. Ex. : Le premier déterminant des exportations françaises vers l’Allemagne, c’est l’évolution du PIB de l’Allemagne. En effet, si ce PIB Allemand augmente, alors les exportations françaises vont augmenter rapidement, et inversement, comme c’est le cas actuellement (mars - 12 - 2003), si le PIB de l’Allemagne stagne, les exportations françaises vont stagner à leur tour. Ainsi le PIB qui détermine les exportations de la France vers l’Allemagne n’est pas, comme on pourrait le penser, le PIB français, mais le PIB Allemand. Les exportations sont donc une variable autonome. Pour ce qui est de la dépense gouvernementale (raison 1) de biens et services consommables qui recouvrent la demande de l’État, des administrations centrales, mais aussi des collectivités locales, on peut considérer que le niveau de la demande a un caractère autonome par rapport au niveau du Produit, mais les dépenses que peut faire un pays ont forcément un lien avec le PNB. (Les dépenses françaises militaires ne dépassent pas 1,8% du PNB, tandis que celle des Etats-Unis avoisine les 3,9% du PNB. Il n’y a pas de fonction stable qui relie ce produit national et cette dépense gouvernementale. L’un peut stagner et l’autre peut augmenter. Il y a un lien mais il est instable. En l’absence de toute fonction sérieuse, on considère la dépense gouvernementale comme un élément autonome dans le circuit économique. Le circuit économique se trouve stabilisé au niveau national quand : Yo = Yd Yd t = Yd t-1 M+S+T+C=X+I+G+C M+S+T = X + I + G, et on a égalité entre variables induites et variables autonomes. Cette situation d’équilibre entre les sources et les fuites du circuit a un résultat surprenant : désormais l’égalité s’impose entre l’ensemble de ces variables et non plus entre certaines des sources et certaines des fuites. En particulier, il n’y a alors plus égalité entre I et S, puisque la différence qui peut exister entre ces deux variables peut être compensée par une différence inverse entre l’ensemble des autres variables. - 13 - Il existe une relation importante qui est : (X – M) = S + (T – G) - I (X – M) = E -I L’excédent commercial d’un pays (X – M) va être déterminé entre d’une part la différence entre l’épargne (privée et publique) notée E et d’autre part le montant de l’investissement. En effet si T-G < 0, et se déduit donc de S, on constate que le montant de l’épargne totale (E) va être moins important comparé aux investissements, et qu’ainsi l’excédent commercial va s’en trouver diminuer. Ex. : Le déficit commercial américain est du au fait que l’épargne américaine est nettement inférieure au montant de l’investissement réalisé chaque année aux USA. La conséquence de cela est l’existence d’un important déficit commercial, ce qui ne veut pour autant pas dire que les Etats-Unis exporte moins qu’ils n’importent. Remarque 1 : Il y a disparition de l’égalité entre l’épargne et l’investissement qui caractérisait le modèle keynésien simple dans lequel on raisonne simplement sur l’interaction entre la fonction de consommation et la fonction d’investissement. Peut-on par ailleurs donner les liaisons fonctionnelles qui nous rapprocheraient de ce modèle élémentaire ? Remarque 2 : Il nous faudra également déterminer quelle est la manière pour déterminer T,G,... Intéressons-nous d’abord à déterminer les variables induites par le revenu. La manière la plus simple est d’affecter un coefficient à chaque variable M, S, T, et C. On va donc prendre pour coefficient de proportionnalité de M, m ; pour S, s ; pour T, t ; et pour C, c. Yo = (m + s + t+ c)Yo Avec m + s + t + c = 1 Et 1 - c = m + s + t, où (1-c) devient la dépense non-induite dans le circuit. Yd = cYo + X + I + G = Yo = mYo + sYo + tYo + cYo. Yo = Yd (m + s + t)Yo = X + I + G X+I+G X+I+G Yo = ------------- = ------------------(m + s + t) 1–c Le multiplicateur qui détermine le niveau d’équilibre est beaucoup plus faible que dans le modèle keynésien puisque 1/ (m + s + t) < 1/ s. Ex : s = 10% ) alors k = 1/ (m + s + t) = 1/0.5 = 2 m = 20% )- 50% tandis que k = 1/s = 1/0.1 = 10 t = 20% ) Pourquoi ce coefficient se réduit-il ? - 14 - Car désormais il n’y a plus que l’épargne comme fuite mais on considère d’autres fuites que sont s et t, et ainsi un accroissement d’une des variables autonomes a des effets multiplicateurs assez limités dans le circuit. Le multiplicateur est donc rarement supérieur à 1, ce qui montre l’importance des fuites dans le modèle. Néanmoins la politique économique a désormais un grand nombre de variables sur lesquelles elle va pouvoir jouer : les exportations, l’investissement, la Dépense Globale, et chacune d’entre elles va influer sur le niveau de le Demande Globale. De plus, on voit que ces variables peuvent être modifiées, et peuvent donc servir de point d’action pour faire varier le PNB. Remarque : Ce qui est considéré comme dépenses publiques est constitué des marchandises et des services marchands, à l’exclusion des dépenses sous forme de salaires, car ceux-ci figurent déjà dans les revenus des ménages qui déterminent le montant de la consommation (on évite ainsi les « doublons »). Donc, si l’Etat prélève sur les revenus, il n’y a pas de changement du point de vue de la dépense dans le fonctionnement de l’économie. En revanche, s’il constitue des biens dans l’économie de marché, il provoque des changements dans le circuit. L’intégration de ces revenus supplémentaires et biens supplémentaires ne modifie pas le principe général de l’équilibre keynésien, qui s’établit toujours au niveau du produit pour lequel la somme des dépenses autonomes et induites s’égalise avec le niveau du Produit National Offert de l’économie. Pour envisager les implications de ce modèle élargi sur la politique économique, il faut évidemment faire apparaître une variable complémentaire, extérieure au modèle keynésien, qui est le niveau de Produit National qui correspondrait au Plein-Emploi des ressources productives, que l’on limite parfois au plein-emploi de la force de travail disponible pour simplifier. Par une représentation graphique, on a : G+I+X Yo = --------------- où m + s + t = 1c m+ s+ t Du point de vue keynésien, il y a toujours un équilibre qui se dégage, équilibre déterminé par les variables autonomes et les coefficients des fuites correspondantes. On va faire apparaître le plein-emploi des facteurs dans la théorie keynésienne traditionnelle. Le produit de plein-emploi est toujours au-delà du produit disponible, et l’économie spontanée, préconisée par KEYNES, n’assure pas automatiquement le plein-emploi. L’équilibre se trouve ainsi en général au-deçà du plein-emploi, et quelquefois même au-delà. - 15 - Le but de la Théorie Générale de KEYNES et de ses disciples est de montrer qu’il est possible, par la politique économique, de faire coïncider le Produit d’équilibre et le Produit de Plein-Emploi. Sur un plan graphique, qui n’est plus simplifié, pour opérer cette coïncidence, il suffit de relever dans le graphique la fonction de Dépense Globale de telle sorte que cette fonction coupe la bissectrice du graphique exactement au niveau du produit de plein-emploi des facteurs. De combien faut-il relever cette courbe pour obtenir cette coïncidence entre l’équilibre spontané et l’équilibre de plein-emploi ? Il faut relever la courbe C + I + G + X du niveau de l’écart du produit de plein-emploi entre la fonction de Demande Globale, et le niveau où se situe la bissectrice (où Yo=Yd). Comme le produit de plein-emploi est au-delà, on parle d’écart déflationniste. Si on parvenait à nuancer le montant de cet écart, il suffirait d’ajouter à la courbe de Demande Globale le même montant pour obtenir une coïncidence entre le produit d’équilibre et celui de plein-emploi. Il existe toute une gamme d’instruments sur lesquels la politique économique peut chercher à agir : - elle peut tout d’abord essayer d’agir sur les variables autonomes en favorisant l’investissement grâce à des crédits d’impôts, à des subventions, à une baisse du taux d’intérêt quand cela est possible, - mais il semble que l’autorité publique possède des moyens plus directs comme par exemple en augmentant les dépenses gouvernementales en achetant des biens et des services sur les marchés, ce qui va relever la courbe de Demande Globale. - L’action sur les exportations paraît plus difficile, mais il est cependant possible d’agir directement en favorisant une diminution de la valeur de la monnaie nationale sur le marché des changes, ce qui rend alors les produits nationaux moins chers que ceux des pays étrangers. Il existe éventuellement des cas différents à mettre en œuvre, comme la possibilité d’établir des subventions à l’exportation qui favorisent là-aussi les exportations. Il y a un problème pour les pays européens : ceux de la zone euro voient leur monnaie s’apprécier sur le marché des changes, ce qui va à l’encontre des mécanismes de stimulation de l’économie. En ce qui concerne la Dépense Gouvernementale directe, les principaux pays développés ont des problèmes, leurs budgets étant déjà déséquilibrés, ces Etats ne peuvent envisager l’accroissement des dépenses gouvernementales. Donc, sur le papier, il est très facile de résoudre ce problème, mais dans la pratique cela s’avère plus difficile. Les investissements sont destinés aux entreprises, pour la plus grande partie en variable économique, or nous le savons, c’est l’état d’ « optimisme » ou de « pessimisme » des entrepreneurs qui jouent. En cas de « pessimisme », il y a peu de possibilités pour obtenir une option supplémentaire d’investissement. Il y a toute une gamme d’actions nationales possibles, au niveau du dénominateur, pour obtenir le relèvement du Produit d’équilibre, qui permettrait de passer au produit de pleinemploi des facteurs. On peut agir sur G, I ou X, soit séparément, soit simultanément sur s, t et m. Il faut inciter les consommateurs à augmenter leur consommation pour un niveau de revenu donné, or, dans la situation présente, cela est impossible car les consommateurs sont - 16 - convaincus que pour des raisons de précaution due à la dégradation de la conjoncture économique et de la conjoncture internationale (guerre en Irak), cela ne facilite pas la consommation des agents. Il faut donc agir sur les dépenses publiques, en réduisant les taxes pour permettre un effet stimulant sur le Produit National d’équilibre. Si les consommateurs souhaitent développer leur épargne, une réduction de taxes pourrait aboutir à un accroissement du taux d’épargne, ce qui pourrait annuler l’effet stimulant sur le Produit National. L’action sur la dernière variable qu’est m (le pourcentage d’importation dans le revenu) qui a le même mécanisme qui permet d’agir sur les exportations : si la monnaie nationale perdait de sa valeur sur le marché des changes, cela renchérirait le prix des produits importés et il en résulterait une diminution des importations et dans le même temps, cela stimulerait les exportations. Or, nous le savons, en ce qui concerne la France, l’évolution de la monnaie commune sur le marché des changes tend à encourager les importations - l’€uro s’appréciant par rapport aux autres monnaies internationales - et ainsi à décourager les exportations. Le résultat serait totalement défavorable. Cependant, la hausse de la monnaie commune sur le marché des changes aurait un résultat favorable, étant de limiter la hausse des prix des produits pétroliers, et donc d’empêcher la baisse du revenu réel des consommateurs que l’on aurait constaté s’il y avait en même temps une hausse des produits pétroliers exprimés en $, et ainsi une baisse de valeur sur le marché des changes. L’actualité nous montre que la solution graphique du Produit de plein-emploi, si elle est extrêmement simple, n’est pas toujours utilisable, et il y a des situations concrètes qui interdisent l’emploi de ces solutions, mais cela n’enlève rien à la validité du principe abstrait, et si on éludait ces difficultés concrètes, on pourrait améliorer ces possibilités de plein-emploi en utilisant les éléments que l’on vient de démontrer. Il nous reste à évoquer l’impact d’une diminution des composantes s, t, et m d’un point de vue graphique. On a un relèvement de la courbe en posant 1-c = m + s + t. Une baisse de 1-c entraîne une baisse de m + s + t. G+I+X Yo = -------------- où m + s + t = 1-c m+s+t On a un nouvel équilibre du Produit de Plein-Emploi. Les mesures découlant du modèle semblent cependant difficiles à prendre, et on voit qu’en France, en Allemagne,…, tout va dans le sens d’une dégradation, et d’une impossibilité de réagir à cette situation. - 17 - Dans une situation inverse, si le produit de plein-emploi était en deçà du produit d’équilibre (Yo*<Yo éq), les mesures inverses permettraient d’obtenir un équilibre entre le produit d’équilibre et Yo*. Les mesures inverses consisteraient à réduire les Dépenses autonomes que sont G, I et X, ou bien à élargir les éléments du dénominateur, c’est à dire m, s et t. Cette situation est celle qu’on aurait si la coïncidence entre G + I + X se faisait avec un point d’équilibre supérieur au Produit de plein-emploi. Dans la terminologie keynésienne, on parlerait de gap (d’écart) inflationniste pour indiquer que la Dépense Globale tend à excéder le produit de plein-emploi, et l’ensemble des mesures restrictives évoquées doit viser à supprimer cet écart inflationniste en agissant soit sur le numérateur, soit sur le dénominateur, soit sur les 2 à la fois, mais il faudrait éliminer juste ce produit en contractant le revenu national. A priori, si les circonstances ne s’y prêtent pas, l’action directe des autorités publiques devrait permettre d’assurer ce produit d’équilibre au niveau du produit de pleinemploi, et il semble en particulier que les variables budgétaires, les dépenses publiques, et le montant des taxes puissent être adaptées à l’obtention de ce produit de plein-emploi. Autrement dit, à première vue, les graphiques keynésiens indiquent que la politique budgétaire suffit à assurer l’équilibre de plein-emploi des facteurs. Or, depuis 20 ans, dans la pratique macroéconomique, on a pris l’habitude de considérer que les circonstances sont toujours difficiles pour la politique budgétaire, et qu’il faut donc mettre en avant la politique monétaire relevant d’autres mécanismes, et qui pendant longtemps a été considérée par les économistes keynésiens comme un élément superflu de la politique économique, ou au mieux comme un élément subordonné et complémentaire de la politique budgétaire. Pour faire apparaître la politique monétaire, il faut utiliser d’autres graphiques. En revanche, différents aspects de la politique budgétaire ont été exploré par les économistes keynésiens, car cette politique semble avoir des effets multiplicateurs qui n’apparaissent pas au premier examen tel que celui des graphiques que nous venons d’examiner. §5. Le mode d’insertion des finances publiques dans le circuit macroéconomique : le théorème d’HAAVELMO. Ce théorème, qui se présente comme un paradoxe, résulte d’une réflexion sur les implications des opérations de prélèvements fiscaux et de dépenses publiques à l’intérieur du circuit macroéconomique. En effet, traditionnellement, on a 2 types de situation : - une situation de budget équilibré dans laquelle le prélèvement fiscal est équivalent aux dépenses publiques, et on a le sentiment qu’une telle situation est neutre du point de vue de l’impact des dépenses publiques sur la Dépense Globale. - au contraire, lorsque ces 2 variables sont inégales, (lorsque le prélèvement fiscal est inférieur ou supérieur à la Dépense Publique), il doit y avoir des effets de contraction de la dépense globale, ou au contraire, des effets expansifs sur cette dépense globale. C’est une question intuitive de bon sens, et c’est une autre manière d’envisager le rôle de la politique budgétaire à l’égard de la dépense globale. - 18 - Ce que HAAVELMO fait apparaître, c’est que même un budget équilibré devrait avoir des effets expansifs sur la dépense globale, et ceci pour une raison qui tient au fait que le prélèvement fiscal est réalisé sur des agents privés qui emploient le revenu dont ils disposent soit en consommation, soit en épargne. Si ce revenu est détourné par les finances publiques, et s’il est entièrement dépensé et employé (différemment de la théorie selon laquelle il faudrait conserver une partie de ces ressources pour résorber les déficits des pays, notamment en ce qui concerne l’Union Européenne) ; la Dépense Publique remplace pour partie la dépense privée, mais pour partie également elle se substitue à une épargne privée. Le résultat est que le dépense globale est accrue, et provoque un accroissement du PNB, et par le jeu des effets multiplicateurs, on aboutit à ce résultat surprenant selon lequel après les prélèvements fiscaux, le revenu net des agents privés reste au même niveau qu’auparavant. On va reconstituer le schéma macroéconomique en excluant les échanges extérieurs, et on aura 2 sources : la dépense gouvernementale et les investissements qui vont déterminer le montant du revenu demandé, qui va lui-même déterminer le revenu offert, lui-même alimenté par les taxes, et, avant la consommation, l’épargne. C = c(Yo-T) et S= (1-c)(Yo-T) Le montant des taxes est prélevé tout de suite, et c’est sur le RDB net que vont être distribuées la consommation et l’épargne. L’équilibre est réalisé quand Yd = Yo, soit quand Yo = I + G + c(Yo – T). Yo = cYo + G – cT + I Yo = [(G-cT) + I] / (1-c) HAAVELMO est intéressé par la situation où il y a un objet équilibré dans les dépenses publiques, c’est à dire où il y a un accroissement des dépenses publiques, et un accroissement du prélèvement fiscal de manière équivalente. (G = T). La modification du produit est alors : Yo = [G – cT] / (1-c) ; I n’intervient pas dans les changements éventuels. G – cT correspond à une variation positive, on ne tient compte que d’une partie du changement des taxes destinées à la consommation. Yo = (1-c) G / (1-c) Donc Yo = G (variation source supplémentaire) = T (variation fuite nette) L’augmentation du produit national qu’aura provoquée cette variation des variables budgétaires est exactement = l’accroissement des dépenses globales, et à l’accroissement des taxes ayant servies à les financer. - 19 - Si l’accroissement du Y est = à un accroissement des DG, les agents privés ne ressentent pas un accroissement des taxes dans le montant du revenu destiné à la consommation. Le fait de l’accroissement des dépenses publiques n’est pas compensé par l’accroissement des taxes, puisque C – ct est positif et l’accroissement du produit se trouve égal à l’accroissement des taxes et à l’accroissement de la dépense gouvernementale. Autrement dit, le changement opéré dans les finances publiques a supprimé une fuite du circuit économique constitué par une portion de l’épargne privée. Cette suppression d’une fuite a provoqué un accroissement du produit national d’équilibre. Ceci présente un aspect paradoxal, et cela amène HAAVELMO à s’interroger sur l’effet qu’aurait un accroissement de dépenses publiques qui ne serait pas immédiatement financé par un prélèvement équivalent, étant donné en effet qu’en général le montant des taxes correspond à un certain pourcentage du produit national. On peut donc se demander si l’effet expansif que génère l’accroissement de Dépenses Publiques n’aurait pour résultat d’élever le montant des taxes proportionnelles à un niveau tel qu’il corresponde exactement à l’accroissement initial de la Dépense Publique. Dans un cadre traditionnel de circuit, un accroissement de la dépense publique est financé par un accroissement de taxe, avec un effet neutre, et une fois que l’Etat augmente ses dépenses, il génère un effet multiplicateur dans l’économie qui entraîne une réduction des taxes, résultant une ressource fiscale équivalente. Cet argument se heurte, en France, à des difficultés dans la vie économique. C’est également une argumentation souvent employée dans l’ancienne France : la Royauté, en effet, qui avait beaucoup de mal à prélever des taxes, avait développé une argumentation qui est la suivante : les dépenses que je fais pour construire un château (Versailles), vont générer des accroissements de revenu, qui vont entraîner des augmentations proportionnelles du montant perçu, et ce par les taxes, qui vont compenser exactement le montant de la dépense initiale. Ce qui donne le pouvoir de multiplier aussi bien les château et le forteresse à condition qu’elles soient construites sur le territoire nationale et non à l’étranger sinon les fuites deviennent équivalente aux dépenses. On peut également faire l’inverse, c’est à dire prélever auparavant. Une hausse des dépenses publiques a des effets multiplicateurs et rééquilibrera le budget. HAAVELMO considère que le montant des taxes correspond à : T = tYo. Alors, avec Yo = Yd, on a Yo = I + G + c(Yo - tYo) Yo = G + c(Yo – tYo) (1 – c + ct) Yo = G d’où on tire Yo = G / (1 – c + ct) et on a donc une fuite dans le circuit due à l’épargne et au phénomène fiscal. La formule de variation du produit est alors connue. ? Est-ce que tYo = G (variation initiale de la Dépense Gouvernementale) ? tYo = tG / (1 – c + ct) = G et on doit avoir t = 1 – c + ct pour que la variation soit équivalente. D’où : t (1-c) = 1-c et t = (1-c) / (1-c) = 1. Cette hypothèse est inquiétante puisque si t = 1, cela veut dire que le montant des taxes proportionnellement générées par l’accroissement du PNB, doit être égal à 100% de ce - 20 - produit, c’est à dire qu’il faut que, au niveau de la taxation marginale, cette taxe soit égale à 100%, ce qui est peu concevable, et HAAVELMO en conclut donc que puisque le montant des taxes même marginales est toujours < à 100% du PNB, il n’est pas possible qu’un accroissement de dépenses gouvernementales génère un accroissement du même montant de recettes fiscales dans le cadre d’un circuit keynésien. Ceci est un nouveau paradoxe : lorsque le prélèvement est fait en même temps que la dépense gouvernementale, on a une augmentation du produit qui laisse les revenus inchangés, et si on laisse les taxes augmenter proportionnellement, on n’obtiendra pas d’équivalence entre dépenses gouvernementales et recettes fiscales. On peut se demander si l’opinion des Rois de France (Louis XIV, Richelieu,…) avait tort de croire que leurs dépenses en fortifications, en châteaux seraient automatiquement refinancé par des recettes fiscales induites. Il y a un cas qu’il n’envisage pas, qui est le cas où le coefficient de consommation (c) est égal à l’unité, c’est à dire le cas où les agents privés redépensent l’intégralité de leur revenu (ce qui n’est pas un cas keynésien puisque pas d’épargne) Avec t = 1 – c + ct, si c =1, on a : t = 1 – 1 + 1t, et ainsi t= t (le schéma est donc respecté) On peut représenter ceci dans un schéma à 2 variables : dépenses gouvernementales qui est la seule variable autonome qui détermine le produit demandé déterminant le produit offert, et une partie est dérivée sous forme de taxe. En revanche, le produit disponible (Yo – tYo) est entièrement redépensé (avec c =1). Dans ce cas, on a effectivement un équilibrage automatique entre tYo et G. Yo=Yd ; Yo = G +(Yo-tYo) où Yo – tYo = dép.priv. tYo = G, Yo = G / t Yo (↑) = G / t (↓) d’où l’intérêt de baisser le taux de l’impôt pour permettre une croissance plus rapide du revenu national. La fontaine dans « les membres et l’estomac » Les rois de France avait peut être raison en considérant que les dépenses intérieures seront intégralement refinancées, alors que les dépenses de guerre extérieures ne le seront pas puisque exogènes (n’amenant pas de contrepartie). Pour des raisons monétaires, Louis XIV possédait un schéma différent. Ceci explique l’importance du rôle leader des dépenses publiques qui alimentent le revenu national. On pourrait également dire que l’augmentation du revenu national en diminuant de la même manière les taxes, avec un pourcentage constant, permettrait d’augmenter le revenu national. - 21 - COLBERT, se considérant hostile à ce modèle : le produit national avait une limite qui était celle de la circulation monétaire, et selon lui on ne pourrait augmenter le produit national sans augmenter le montant de la consommation, et de ce fait l’augmentation des Dépenses Publiques ne peuvent pas, à stock monétaire constant, générer des recettes fiscales équivalentes. Cette idée d’une contrainte monétaire sur le circuit macroéconomique n’est pas propre à COLBERT, et c’est une idée qui va être approfondie par J.M. KEYNES. Au début du 19ème siècle ou triompher la doctrine de l’épargne, un certain nombre d’économistes français ont rappelle ce modèle, cette richesse de la France qui résultait de ces dépenses qui leur semblaient plus dynamique que l’épargne qui au contraire prive l’économie de ce flux de dépense qui est censé alimenter le circuit économique. Raisonnement de Keynes : le stock de monnaie disponible détermine le taux de l’intérêt selon il est vrai l’intensité de la demande de monnaie, et ce niveau du taux d’intérêt détermine à son tour compte tenu du degré de pessimiste ou d’optimiste des investisseurs, le niveau de l’investissement et dans le modèle simplifié, l’investissement qui constitue la seule source autonome détermine, compte tenu de la forme de la fonction de consommation, le niveau du produit national. M => r => I => Y Dès 1937 les disciples de Keynes ont eu le sentiment que ce raisonnement était trop linéaire car il y a un effet de retour. La déterminant de Y va influer sur r à travers la demande de monnaie. Si Y augmente, r augmente car L augmente. On a donc un système circulaire de liaison fonctionnelle que Hicks propose de réinterprétation dans un cadre d’équilibre générale simplifié qui va prendre la forme de modèle IS-LM. - 22 - Section 2 : L’interaction entre le marché de la monnaie et marché des biens et services Celle ci apparaît dès la théorie générale de KEYNES, d’où son titre : Théorie générale de l’emploi, du revenu et de la monnaie. Il y donc une insertion monétaire, des influences monétaires sur le circuit macroéconomique, cette insertion doit se faire selon KEYNES par le biais du taux d’intérêt et c’est pour cette raison que la fonction d’investissement adoptée par KEYNES est une fonction en terme de rentabilité car un élément déterminant du calcul de cette rentabilité est justement le taux d’intérêt pratiqué sur les marchés qui selon KEYNES est directement influencé par l’offre de monnaie. Les indications données par KEYNES pour associer la monnaie au circuit macroéconomique des biens et services sont assez compliquées et les disciples directs de KEYNES ont donc cherché un modèle simplifié qui rendrait compte avec un minimum de raisonnement de cette interaction de la monnaie et des biens et services et ils ont proposé un modèle célèbre dit modèle IS-LM. §1. La constitution du modèle IS-LM Le point d’ancrage est la théorie de l’investissement proposée par KEYNES, sa caractéristique est exprimée en terme de rentabilité mais plus particulièrement la notion d’efficacité marginale de l’investissement, rentabilité qui décroît avec le montant de l’investissement Plus l’investissement est élevé, plus l’efficacité marginale est faible. Cette courbe est une courbe psychologique liée à la rentabilité des investissements des investisseurs et elle se déplace selon le degré de pessimisme et d’optimisme des investisseurs. Mais à un moment donné du temps il existe une courbe qui reflète l’état psychologique des investisseurs sur le moment et on considère que sur la base de cette courbe les investisseurs vont décider de réaliser tous les investissements dont l’efficacité est égale ou supérieure au taux d’intérêt de marché Si rn = an alors le montant de l’investissement réalisé sera égal à In, avec un taux d’intérêt fixé par le hasard. Si rx = ax alors le montant de l’investissement réalisé sera égal à Ix, avec un taux d’intérêt fixé par le hasard. On peut donc refaire ce graphique en utilisant r : Si nous ne connaissons pas le montant du taux d’intérêt, nous n’avons plus de niveau d’investissement bien déterminé, mais nous savons que cet investissement sera d’autant plus important que le taux d’intérêt sera plus bas sur le marché. Autrement dit, nous avons une infinité de niveaux d’investissement possibles, qui les relie chacun de manière particulière au taux d’intérêt. - 23 - Dans un cadre keynésien d’économie fermée (sans échanges extérieurs), et où on néglige l’intervention des variables budgétaires, nous savons que l’équilibre sur le marché des biens et services va se faire à un niveau de revenu tel qu’il y a égalité entre l’investissement et l’épargne. Nous pouvons visualiser ce phénomène en considérant que le montant de l’épargne va dépendre du montant du revenu, et on peut donc représenter ce montant d’épargne dans le graphique du niveau d’investissement relié au taux d’intérêt en indiquant que l’épargne ne sera pas sensible au taux d’intérêt mais va dépendre du montant du revenu : Un produit faible va déterminer un montant faible d’épargne, et inversement. S1, S2, S3 correspondent à des niveaux de taux d’intérêt associé au niveau du Revenu National. En représentant dans le revenu, on a donc : Egalité entre Yo et Yd, et les points sont différents selon le niveau de taux d’intérêt, avec un revenu d’équilibre plus ou moins élevé. On a une situation indéterminée : jusqu’ici, on raisonnait avec un niveau d’équilibre du produit unique généré par un niveau d’investissement unique, et par la fonction de consommation, on trouvait un niveau de revenu d’équilibre unique. Désormais, on a une infinité de revenus nationaux du fait de l’infinité d’investissements possibles puisque chaque niveau d’investissement est fixé par un niveau de taux d’intérêt, qui lui, n’est pas fixé. On a donc un niveau différent selon le taux d’intérêt. Il faut souligner que la courbe IS va en réalité se déplacer dans le cadre graphique selon le degré d’optimisme ou de pessimisme des investisseurs, puisque cette situation psychologique - 24 - des investisseurs va générer une fonction d’investissement différente, et il y a donc un déplacement possible et parallèle à la courbe IS. Si les investisseurs sont optimistes, la courbe se déplace vers le haut ; s’ils sont pessimistes, elle se déplace vers le bas. Par ailleurs, en étudiant le modèle du circuit élargi, modèle qui intègre les variables internes et les variables externes, nous avons admis que l’intégration de ces variables ne changeait pas fondamentalement le mode de détermination du produit national par le circuit macroéconomique. Simplement, si on élargit le nombre de variables, on a plus d’égalité entre épargne et investissement, mais égalité entre l’ensemble des sources autonomes, et l’ensemble des fuites du circuit. Pour changer l’aspect général de la courbe, on peut raisonner sur la courbe XIG – MST. La courbe IS détermine quasiment la courbe XIG – MST, puisque seule l’investissement est sensible au taux d’intérêt. Cette indétermination de l’équation sur le marché des biens et services n’est intéressante que parce qu’elle donne la possibilité d’insérer dans l’équation macroéconomique le jeu de l’équilibre monétaire. On a un équilibre entre la masse monétaire offerte et la masse monétaire demandée. Avec Keynes, on parle de L : quantité de monnaie demandée, à mettre en parallèle à M : quantité de monnaie offerte. La quantité de monnaie offerte M est une quantité autonome du système, puisque l’offre de monnaie est considérée comme financée par les autorités monétaires, et c’est donc en fait la donnée la plus externe de l’équilibre économique. M est donc arbitraire et déterminé par la politique monétaire. En revanche, L apparaît comme une véritable fonction qui présente une double détermination : 1) l’une par le niveau du produit national. 2) L’autre par le taux d’intérêt. 1) Pour ce qui est du revenu national, on a L(Y) qui est rattaché à la nécessité de disposer d’un stock minimal de monnaie pour assurer des transactions sur le marché des biens et services. Donc plus la quantité de monnaie est élevée, plus la quantité de monnaie nécessaire pour effectuer les transactions est élevée (COLBERT, KEYNES). 2) Mais, et c’est là l’intérêt du modèle keynésien, L manifeste une sensibilité au niveau du taux d’intérêt, selon un raisonnement simplifié par les disciples de KEYNES, qui est que - 25 - lorsque le taux d’intérêt diminue, les agents économiques sont plus incités à placer la monnaie dont ils disposent sous forme d’achats financiers rémunérés n’ayant plus le caractère de monnaie, et ainsi plus le taux d’intérêt est faible, plus la détention d’encaisses monétaires sera forte et donc plus la demande de monnaie L sera forte. Les disciples keynésiens qualifient alors de Demande spéculative de monnaie cette partie de la demande de monnaie, partie sensible au taux d’intérêt. On a désormais 2 variables qui déterminent le niveau de la Demande Globale de monnaie et qui sont : - la variable revenu national - et le taux d’intérêt qui joue en sens inverse. + - L(Y,i) Graphiquement, on a : Pour un niveau M, on va avoir une demande L d’équilibre, selon le niveau du taux d’intérêt et le montant du revenu national. On peut alors retrouver le montant du revenu : Cette courbe LM assure le niveau de revenu pour r et Y qui repose sur M, M étant invariable. En superposant les 2 courbes IS et LM, on aboutit au modèle de Hicks-Hansen, qui est : Du fait de la contrainte M, on va avoir un certain niveau de revenu et du taux d’intérêt qui vont être déterminé. Yo =Yd M est déterminé par r2 et Y2 - 26 - Nous pouvons aisément constater que la courbe LM est croissante par rapport au revenu. De même la courbe IS est décroissante par rapport au revenu. C’est cela qui explique qu’il y ait un équilibre. La courbe IS est en pratique considérée comme la courbe XIG – MST Yo – cYo (demande induite) = I + G + X La forme générale de cette courbe est donnée par la pente de l’investissement plus ou moins pentue selon que l’on est en économie ouverte ou en économie fermée. Cet équilibre simultané qui va s’établir, avec un taux d’intérêt et un revenu d’équilibre, signifie qu’il y a interaction entre le marché des biens et services et le marché de la monnaie. Le taux d’intérêt d’équilibre résulte tout autant du marché des biens et services et aussi du marché de la monnaie. De manière complémentaire, le produit d’équilibre résulte du comportement des marchés des biens et services et du comportement du marché de la monnaie. A l’équilibre : Yo = Yd M =L { Y-cY = I(r) { M = L(Y,r) Solution = {(réq,Yéq)} Ce modèle n’est pas donné par KEYNES qui n’acceptait pas cette interdépendance, mais par un de ses disciples anglais : HICKS. Ce modèle a par la suite été (mal) interprété par un économiste américain : A.H. HANSEN. On parle alors tantôt du modèle IS-LM ou du modèle HICKS-HANSEN. Dans ce modèle, comme dans le modèle d’équilibre walrasien, il y a un équilibrage simultané des marchés qui détermine les deux inconnues : le produit national et le taux d’intérêt d’équilibre. Ce modèle est fondé sur un certain nombre de structures caractéristiques de l’économie : - la fonction d’investissement I(r), - la fonction de consommation (C(cYo)), - la fonction de demande de monnaie L(Y,r), - la fonction d’offre de monnaie M étant exogène, devenant le seul élément autonome. Avec le modèle élargi du type XIG-MST, on va réintroduire une ou deux variables autonomes : le montant des exportations (X) et les dépenses gouvernementales (G). - 27 - Dans le modèle réduit IS-LM, il n’y a que la fonction d’investissement, de consommation et de demande de monnaie. La quantité de monnaie disponible semble être la véritable déterminante de l’équilibre économique. Si la quantité de monnaie est modifiée, l’équilibre va se trouver à son tour modifié. Par exemple, si on augmente M, on va avoir un déplacement de la courbe de LM en LM’ (cf. graphique précédent). Il y a alors un déplacement en terme de taux d’intérêt et de revenu. Cette variable monétaire est une variable macroéconomique qui est contrôlée par l’autorité monétaire. Le graphique IS-LM indique que la politique monétaire a une action extrêmement forte sur le niveau de produit national et sur l’emploi. C’est sur ce point que l’interprétation de HANSEN va s’efforcer de réduire le rôle de l’action monétaire pour affirmer la primauté de la politique budgétaire (dans le cadre de IS-LM). Comment peut-on introduire la politique budgétaire dans ce graphique ? Qu’il s’agisse de la courbe LM ou de la courbe IS, l’action budgétaire va avoir pour effet de provoquer un déplacement de la courbe dans l’espace graphique. Il s’agit de ce fait d’une modification des fonctions qui régissent l’égalité sur le marché des biens et services. Cela signifie que la courbe IS peut être représentée à un moment donné dans l’espace graphique mais qu’elle doit subir des déplacements sous l’impact de la politique économique, mais aussi sous l’impact des changements de comportements des agents économiques. On pourrait remarquer également que la courbe LM peut connaître un changement dans l’espace graphique à la suite d’une modification des comportements des demandeurs de monnaie, la masse monétaire restant quant à elle identique. La courbe IS peut être déplacée à une courbe I’S’ et ceci, pour un assez grand nombre de raisons : - parce que les investisseurs sont devenus plus optimistes et qu’ils ont relevé le niveau de l’efficacité marginale de l’investissement ; à taux d’intérêt identique, on a un plus haut niveau d’investissement. - parce que les consommateurs épargnants ont décidé d’accroître leur propension à consommer ; et ainsi de réduire leur tendance à l’épargne. - parce que l’État a adopté une politique budgétaire ou fiscale en faveur de l’investissement. La courbe IS peut donc se déplacer, soit par l’action des agents privés, soit par l’action de la politique adoptée par l’État. En admettant que les comportements des agents ne changent pas, il semble que l’action monétaire aboutisse nécessairement à accroître le produit national d’équilibre lorsqu’il y a une augmentation ou permette de réduire ce produit national d’équilibre lorsque l’offre de monnaie est contractée (cf. LM’’ sur l’avant dernier graphique). En d’autres termes, la politique monétaire semble constituer l’instrument d’action le plus directement efficace, soit pour relancer l’activité de l’économie, soit pour combattre des tensions inflationnistes. - 28 - §2. L’évolution du rôle de la politique monétaire dans le modèle IS-LM De manière contradictoire, l’interprétation proposée par HANSEN au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale tend à réduire ou même à annuler l’influence de la politique monétaire sur la conjoncture économique. Le premier effort de démonstration consiste à montrer que la politique monétaire ne peut pas provoquer une évolution expansive de l’économie parce que les conditions concrètes d’application de cette politique ne sont pas conformes au cadre théorique de IS-LM. L’intérêt est plus considérable maintenant. A l’époque de HANSEN, dans les pays anglo-saxons, les taux d’intérêt étaient très bas. Or il semblait que les changements possibles de taux d’intérêt, sous l’influence d’une politique monétaire expansive, ne pouvait pas influer sur l’état de l’économie. Ils variaient de 1.5 à 3%, soit à un niveau peu supérieur à ceux actuels. Cela signifiait qu’une baisse supplémentaire des taux d’intérêt aurait une amplitude insuffisante pour agir sur le comportement des investisseurs. Pour ceux-ci, le coût du financement est devenu très faible et leur décision d’investir va dépendre de leurs perspectives de débouché (perspectives de croissance économique). Tout se passe comme si la courbe IS était verticale à ces niveaux de taux. Quand on passe de LM à LM’, cela ne change rien au niveau du produit national : seul r baisse. Cela ne sert donc à rien de baisser le taux d’intérêt. Une deuxième approche consiste à mettre l’accent sur l’existence d’une trappe à liquidité qui correspond à la partie quasi horizontale de la courbe LM qui exprime que les demandeurs de monnaie sont prêts à conserver en encaisses monétaires la totalité de l’offre de monnaie lorsque le taux d’intérêt est inférieur à un certain niveau. L’offre de monnaie est accrue, et on va donc avoir un déplacement de la courbe vers la droite mais il n’y aura pas de décalage aux niveaux bas de taux d’intérêt, l’accroissement de M n’apporte alors aucun changement quant au produit d’équilibre qui reste le même. Dans des périodes de faible taux d’intérêt (2ème Guerre Mondiale), on peut constater une rigidité de la décision d’investissement par rapport à des changements à la baisse du taux d’intérêt. - 29 - Cependant, on constate aussi que les banques centrales ne parviennent pas à provoquer une baisse sensible du taux d’intérêt en dessous d’un niveau minimum. Dans ce cas, la trappe à liquidité rend insensible à l’économie un changement de la quantité de monnaie : ni le taux d’intérêt ni le niveau de revenu ne change (aspect expansif). A la fin des années soixante, les taux d’intérêts sont remontés et on s’interroge sur la capacité de la politique monétaire à assurer la lutte contre les tendances inflationnistes (de plus en plus marquées à cette époque). Conclusion : la politique monétaire serait en fait incapable de lutter contre ces tendances inflationnistes car elle serait incapable de contrôler l’offre de monnaie. Ceci est avant tout le fait des banques commerciales contrôlées par les banques centrales au niveau de la liquidité des banques commerciales et en limitant la capacité de ces banques pour limiter l’offre de monnaie. Cette thèse a été développée dans le rapport RADCLIFFE fait au parlement anglais en 1959. Ce rapport exprime les changements dans les conditions de fonctionnement des banques commerciales qui expliqueraient la capacité des banques commerciales à limiter l’offre de monnaie. Les banques commerciales peuvent mettre à disposition des agents privés toute une gamme d’actifs liquides, au sein desquels la monnaie proprement dite, la monnaie moyen de paiement ne représente qu’une fraction qui peut être réduite sans porter atteinte à la liquidité effective des agents privés. Or, traditionnellement, les banques centrales s’efforcent de contrôler le stock de monnaie proprement dit en agissant sur la liquidité des banques. Ce faisant ils ne réduisent pas la liquidité de l’économie, ni la capacité des banques à maintenir ou développer leur capacité de crédit. Il y a donc toujours le même niveau de crédit et donc de création de monnaie à cause des actifs liquides non monétaires . La liquidité reste donc toujours la même malgré la politique restrictive. Il y a un fond de réalité dans ces critiques. C’est pourquoi, depuis le rapport RADCLIFFE, le concept de stock monétaire de référence s’est transformé en concept de liquidité de l’économie. On est passé d’un concept de masse monétaire M au concept de masse monétaire M1, M2, M3. Les banques centrales surveillent soit M2, soit M3, M1 étant insuffisant pour contrôler la liquidité de l’économie. - 30 - On peut modifier très légèrement les taux d’intérêt, ce qui permettait de provoquer un déplacement entre la monnaie et les autres actifs liquides non monétaires. En réalité, il paraît difficile d’admettre que l’action d’une banque centrale puisse être réellement inefficace car la réduction de la liquidité des banques (par le jeu des réserves bancaires) finit toujours par être efficace et par réduire la capacité de crédit du système bancaire. Il suffit d’imposer aux banques des réserves spécifiques, non seulement sur la monnaie, mais également sur les actifs liquides non monétaires. Si l’on s’intéresse à la capacité d’action expansive des banques centrales : - la notion de trappe à liquidité n’a pas beaucoup d’importance ; - il faut s’inquiéter de la capacité de l’économie monétaire à stimuler l’économie lorsque les taux d’intérêt ont atteint un niveau très faible (cf. Japon où les taux sont presque nuls). La banque centrale ne peut alors plus agir. Lorsque les taux d’intérêt ont atteint un niveau relativement élevé, l’action monétaire est efficace, mais au bout d’un délai d’au moins six mois avant qu’il y ait une réponse de l’économie. Si on accepte la situation actuelle, on est amené à considérer qu’en fait, depuis les années 70, dans le cadre IS-LM, c’est plutôt la politique monétaire qui va se révéler efficace alors que la politique budgétaire va se heurter à des difficultés croissantes. La principale difficulté est l’endettement très important de l’État qui lui interdit d’augmenter les dépenses, même lorsque cela lui serait nécessaire compte tenu de la faiblesse de la conjoncture et tout particulièrement de l’investissement. On s’est interrogé sur la répartition au sein du modèle IS-LM, à travers la politique monétaire et budgétaire, et on aboutit à une sorte de répartition des tâches selon le régime monétaire extérieur de la zone monétaire considérée. §3. La place relative des politiques monétaires et budgétaires selon le régime de change extérieur Le modèle MUNDELL-FLEMING (prix NOBEL 1999) présenté dans les années 1962 – 63 propose d’utiliser de manière implicite le modèle IS-LM (de la manière suivante) : I – S = XIG - MST - 31 - Dans un système de change fixe, la ligne BB signifie que l’équilibre extérieur de la balance des paiements du pays dépend des mouvements de capitaux qui peuvent entrer et sortir librement du pays considéré. Ce qui va déterminer s’ils vont entrer ou sortir, c’est l’écart entre les taux d’intérêt à l’intérieur et à l’extérieur du pays. En pratique, le taux intérieur va s’aligner sur le taux du marché international. S’il était supérieur au taux d’intérêt international, il y aurait une entrée massive de capitaux dans le pays, ce qui par la suite ferait baisser les taux dans ce pays. Réciproquement, s’il était inférieur, il y aurait une sortie massive de capitaux, ce qui ferait par la suite augmenter les taux dans ce pays, les agents préférant avoir un dividende plus élevé. Dans un système de change fixe, on aurait 1$ = 1 €, avec une parité irrévocable, comme à l’époque de la 2nde guerre mondiale jusqu’à 1973. Dans ce cadre, il y a une volonté dans le pays d’augmenter le produit national d’équilibre (point E) et d’obtenir ce résultat soit en utilisant la politique monétaire, soit en utilisant la politique budgétaire. La politique monétaire provoque un déplacement de la courbe LM de façon à obtenir la courbe L’M’. La politique budgétaire, par le biais d’un accroissement des dépenses publiques, provoque un déplacement de la courbe IS de façon à obtenir la courbe I’S’. Supposons que l’on utilise la politique monétaire : la banque centrale accroît l’offre de monnaie M en élargissant la liquidité des banques. Nous passons à L’M’, et IS reste inchangée. Ce déplacement aboutit à un nouvel équilibre (point G). Ce point provoque une sortie massive de capitaux parce que les taux d’intérêts sont inférieurs dans le pays. La banque centrale doit fournir sur le marché des changes les monnaies étrangères qui sont demandées pour faire des transferts de capitaux vers les économies étrangères. Ce faisant, la banque centrale est amenée à réabsorber les liquidités qu’elle avait émises précédemment puisqu’elle reçoit des moyens de paiement qui proviennent de la circulation monétaire interne, avec pour résultat une contraction de la courbe L’M’. Du fait de la perte de liquidité, l’équilibre sera ramené sur la ligne LM au point E, équilibre d’origine. Conclusion du modèle : en situation de change fixe, la banque centrale perd l’essentiel de son pouvoir monétaire et ceci est vrai également de son pouvoir de contraction de la masse monétaire. Examinons l’impact d’une politique budgétaire qui consisterait en un déplacement de IS en I’S’. Cette fois ci, il n’y a pas de politique monétaire d’accompagnement. Il y a donc un nouveau point d’équilibre F qui correspond à un accroissement du produit national, mais à une augmentation des taux d’intérêt internes très au-dessus du niveau des taux d’intérêt sur le marché international. Il doit donc y avoir une entrée massive des capitaux dans le pays considéré (pour obtenir une meilleure rémunération), et cette fois, il y a sur le marché des changes une forte demande sur le marché national, ce qui oblige la banque centrale à acheter les devises des monnaies étrangères offertes sur le marché des changes pour acquérir de la monnaie nationale. Pour réaliser cette opération, la banque centrale fournit des liquidités en monnaie nationale et ces liquidités sont transférées par leur détenteur aux banques commerciales qui vont donc élargir l’offre de monnaie de l’économie. - 32 - Résultat : la courbe LM se trouve déplacée vers L’M’. Un équilibre se rétablit au point H qui correspond à l’équilibre interne L’M’ et à l’équilibre externe selon la ligne BB. Le point H traduit la réussite de la politique budgétaire qui a provoqué une hausse importante du produit national qui est compatible avec l’équilibre des paiements extérieurs. Ceci explique que la thèse monétariste développée dans les années soixante (école de Chicago avec notamment Milton FRIEDMAN), selon laquelle la politique monétaire perd sa capacité d’action quand on est dans un système de change extérieur fixe ou rigide. Ce qui les a amené dans les années 60 à préconiser l’abandon des changes fixes pour rendre à la politique monétaire sa capacité d’agir sur l’économie et notamment sa capacité à combattre les tensions inflationnistes. Le vœu monétariste a été accompli en 1973 avec l’abandon des taux de changes fixes compte tenu du fait que l’on ne parvenait plus à maintenir ces taux sur le marché des changes internationaux. En cas de changes flexibles, la parité entre les diverses monnaies, parité €uro / $, se fixe en permanence en continu sur le marché des changes, de façon à équilibrer les offres et les demandes d’une monnaie par rapport à une autre. Or, et c’est un point non évident, le modèle FLEMING considère que ce qui détermine avant tout la monnaie d’échange, c’est le mouvement des capitaux : si les capitaux affluent dans la zone euro, la valeur de l’euro augmente par rapport au $, et inversement, si il y a une sortie de capitaux, la valeur de l’euro diminue comparé au $. Les mouvements de marchandises n’ont pas en eux-mêmes une incidence sur le taux de change et seuls les mouvements de capitaux influent, la conséquence étant que les mouvements de marchandises vont être influencés par la parité de change mais n’auront quant à elles aucune influence sérieuse sur ces parités de change. La politique monétaire, en change fixe, se révèle inefficace, au contraire de la politique budgétaire qui tend à provoquer un déplacement du Produit National en hausse. Supposons, dans un cadre de change flexible, l’utilisation de la politique budgétaire qui provoque un déplacement de la courbe IS en I’S’ avec un nouvel équilibre qui s’établisse au point caractérisé par un taux d’intérêt supérieur au taux international. Ceci va provoquer un déplacement des capitaux vers le pays qui pratique cette politique budgétaire, et par voie de conséquence, la valeur de la monnaie va alors augmenter par rapport aux monnaies des autres pays. Cette situation va avoir une conséquence directe qui est une déterminante des échanges de marchandises vers l’étranger : le niveau des exportations va diminuer consécutivement à la hausse de la valeur de la monnaie, les produits nationaux étant trop chers par rapport aux produits étrangers, et parallèlement, les produits étrangers vont être importés, étant à des prix plus faibles qu’auparavant. Une des sources (X) de l’équilibre macroéconomique voit son débit diminuer, tandis qu’une des fuites voit son volume augmenter (M). On a donc un retour de la courbe I’S’ vers la courbe IS. - 33 - XIG – MST retour à IS. La courbe LM ne connaît aucun déplacement car la banque centrale n’intervient plus sur le marché des changes, car l’autorité n’achète plus de monnaie pour équilibrer la parité officielle entre la monnaie nationale et la monnaie internationale, qui va s’équilibrer entre les offreurs et les demandeurs. On repasse donc du point F au point E et il n’y a donc aucun effet de la politique budgétaire sur le niveau du produit national en cas de changes flexibles. Supposons maintenant une politique monétaire expansive qui va déplacer la courbe LM vers L’M’. On aboutit alors à un nouvel équilibre. Les grands pays de la zone euro sont en difficultés budgétaires, avec des déficits considérables, et ils ne peuvent pas se permettre de stimuler l’économie par une augmentation de leurs dépenses budgétaires, trop élevées par rapport aux règles posées dans le cadre de la zone euro. Selon la règle d’HAAVELMO, en augmentant les impôts et les dépenses, il est probable que cette mesure soit efficace puisque la réduction d’impôts stimulerait l’épargne, et non pas la demande des consommateurs. Cette technique serait favorable à la demande. Le niveau des impôts est déjà tel qu’une augmentation sensible de ces impôts, même avec une augmentation des dépenses publiques, serait impossible à réduire davantage. On essaie ici de montrer la signification du modèle IS-LM dans des situations différentes en les adaptant. Il faut alors tenir compte des taux de change qui sont soit flexibles, soit fixes, et ce dans le cadre IS-LM. - 34 - Section III. La prise en compte des effets prix dans les modèles de Demande Globale, sensés déterminer le niveau d’équilibre macroéconomique. Que l’on soit dans un modèle keynésien simple, avec simplement l’association des fonctions de consommation et d’investissement ou que l’on soit dans un modèle un peu plus développé (IS-LM), on raisonne sur la formation d’un équilibre macroéconomique qui détermine le niveau du Produit National de manière nominale. Le produit national d’équilibre qui intéresse les économistes n’est pas simplement le niveau nominal, mais plutôt ce qui résulte des niveaux de Produit National, une fois éliminé par le calcul l’effet d’une hausse des prix d’une période à l’autre, et on a alors l’évolution du Produit National Réel. Or, l’approche keynésienne initiale, même dans le modèle IS-LM, n’a pas grand chose à dire sur la variation des prix associée à la formation de l’équilibre macroéconomique. Remarque : on peut penser que si l’équilibre macroéconomique tend à se faire au-delà de la capacité de production de l’économie, tout le supplément de produit national enregistré par les statistiques traduira simplement une augmentation de prix, d’où l’idée d’écart inflationniste qui traduit ce décalage entre le Produit Réel maximal que l’on peut créer, et le produit nominal plus élevé enregistré par les statistiques de la Comptabilité Nationale. Reprenons le modèle IS-LM. L’équilibre réel ne peut pas se faire au niveau du produit potentiel, et il y a donc exigence de hausse de prix dans l’économie. Yéq = Produit potentiel + niveau de l’inflation (=écart inflationniste) A l’inverse, la politique budgétaire provoque une entrée de capitaux dans le pays considéré, et il en résulte un affaiblissement de la monnaie nationale, dépréciation qui rend les produits nationaux plus attractifs que les biens étrangers, leurs prix étant inférieurs aux prix des biens étrangers, les exportations vont alors augmenter, et les importations vont se contracter. Les produits nationaux valent alors moins chers que les produits étrangers. XIG – MST On a un déplacement de la courbe IS vers I’S’ On arrive alors au point d’équilibre H qui correspond au point de liaison entre la nouvelle courbe I’S’ et la ligne BB d’équilibrage de la BP du pays considéré. En change fixe, la courbe L’M’ était instable parce qu’affectée par les - 35 - mouvements d’offre et de demande sur le marché des changes. Ici, la Banque Centrale n’intervient plus sur le marché des changes, et elle ne va donc pas fournir de devises sur le marché des changes pour permettre la sortie de capitaux, et ne va donc pas supprimer de liquidité interne à l’occasion de la vente de ces devises. Ceux qui veulent exporter des capitaux devront trouver des agents privés qui acceptent de leur céder des devises en échange de monnaie nationale. C’est pour les inciter à faire ces opérations que le prix des devises va monter sur le marché des changes, mais il n’y aura pas eu pour autant de contraction de la monnaie nationale en circulation dans l’économie. En situation de change flottant, la politique monétaire se révèle particulièrement efficace pour agir sur l’équilibre macroéconomique, tandis que la politique budgétaire se révèle en principe inefficace pour remplir cette fonction d’influence sur l’équilibre macroéconomique. Il est à remarquer que cette approche intéressante n’est pas aussi simple dans la pratique concrète de l’activité économique : - les mouvements de capitaux ne sont pas aussi directement influencés par les écarts de taux d’intérêt. - les marchés des changes ne sont pas toujours flexibles, et il y a une intervention des banques centrales pour influer sur les parités de change. - en ce qui concerne les pays de la zone euro, on a en fait une double situation troublante : - la zone euro étant en situation de change flottant à l’égard des autres monnaies internationales ($, Yen, Franc Suisse, Livre anglaise,...), la politique budgétaire bénéficie des avantages des changes flottants ; - mais la politique budgétaire est propre à chaque pays de la zone, et tout se passe comme si la politique budgétaire se situait dans un cadre de change fixe à l’intérieur de la zone puisque la plus grande partie des échanges extérieurs de ces pays se réalisent avec d’autres pays de la zone euro, à l’égard desquels l’autorité monétaire se rééquilibre à une situation de change fixe. La zone bénéficie donc des avantages de la politique budgétaire et monétaire en change fixe. On est alors ramené à une réflexion dans un cadre keynésien, et on a le sentiment que si le produit d’équilibre est inférieur au produit potentiel, il n’y a pas d’écart inflationniste et il n’y a donc aucune raison macroéconomique pour que le niveau des prix augmente dans l’économie considérée. Cette augmentation de prix va nécessairement se produire dès que le produit d’équilibre tend à excéder le produit potentiel, et la différence entre les deux ne pourra être traduite qu’en terme de hausse des prix. Conséquence : il semble donc qu’il ne peut pas y avoir de hausse des prix au niveau macroéconomique lorsqu’il y a simultanément eu sous-emploi des capacités productives, et tout particulièrement lorsqu’on est en situation de sous-emploi de la force de travail de l’économie. Chômage et hausse de prix devraient donc être incompatible dans cette optique. De la même manière, il semblerait que les salaires ne puissent augmenter qu’une fois que les taux de salaires ont augmenté dans l’économie. On aboutit donc à une solution du « tout ou rien » qui ne correspond pas dans l’absolu à la réalité économique telle qu’enregistrée par la politique des prix ou dans la Comptabilité Nationale. - 36 - Autrement dit, pour continuer à raisonner dans un cadre macroéconomique où la Demande Globale est déterminante, il faut découvrir une technique permettant d’introduire des effets prix alors même que l’on n’est pas en situation de plein-emploi total. Cette possibilité n’est pas facile à découvrir mais il se trouve qu’un économiste NéoZélandais a proposé en 1958 une formule graphique représentée par la Courbe de PHILLIPS qui va relier les changements du niveau de sous-emploi sur le marché du travail et les rythmes de variation du salaire nominal. PHILLIPS va proposer une liaison continue entre ces deux variables. §1. Présentation de la courbe de PHILLIPS. Au fur et à mesure que le marché du travail se rapproche du plein-emploi, les salaires tendent à augmenter de plus en plus vite ; et inversement, si le sous-emploi augmente d’une manière importante, le niveau des salaires va alors pouvoir baisser (de manière très limitée). On voit donc que cette représentation graphique donne à l’approche IS-LM keynésienne la possibilité d’expliquer simultanément l’évolution du Produit National Réel, et l’évolution des prix qui lui est en général liée. Résultat (en 2 étapes) : Tout d’abord rejet de KEYNES de la courbe de PHILLIPS qui considère que celle-ci ne correspond pas aux phénomènes keynésiens. Ensuite, les keynésiens vont regretter cet instrument qui leurs permettrait de rapprocher la politique économique d’action contre la hausse des prix et vont alors l’adopter. Cette dynamique n’est pas vraiment comparable à la dynamique actuelle du marché du travail car on est dans une période où dans le marché économique, les prix sont relativement stables, et il n’y a donc pas de tendance particulière à la hausse des prix sur le marché des biens et services. Ceci correspond à une négociation salariale qui se fait à un niveau de prix constant sur le marché du travail. C’est pourquoi on considère que lorsqu’il y a une hausse de prix, celle-ci est liée à une hausse des salaires (niveau de hausse des prix plus rapides qui correspond à un déplacement vers le haut de la courbe). Mais tout ceci va être approfondi ultérieurement. La courbe de PHILLIPS est compatible avec une situation dite de stagflation, situation où on a à la fois hausse des prix, et un niveau de sous-emploi élevé. Or, cela signifie que les agents anticipent la hausse des prix, et que les contrats salariaux intègrent cette hausse des prix sous forme de hausse équivalente des salaires. Si le marché du travail était moins tendu, on devrait assister à une hausse des salaires plus grande que la hausse des prix, et ceci maintiendrait la logique de la courbe de PHILLIPS. Contrairement aux hypothèses keynésiennes standards, le marché du travail est un marché qui réagit au rapport entre l’offre et la demande de travail. Le prix du travail va donc augmenter ou diminuer selon l’état de ce rapport. PHILLIPS estime qu’on peut mener une politique économique éclairée par cette courbe, à condition de prendre en compte le fait que depuis le milieu du XXème siècle, l’économie est animée d’un mouvement de croissance de la productivité du travail qu’il évalue à environ 2% - 37 - par an. Ces gains de productivité permettent alors de connaître la transmission du mouvement des salaires aux mouvements des prix. Ainsi, en maintenant le taux de sous-emploi à 2,5%, on devrait constater une hausse des salaires de 2% par an, mais cette hausse des salaires serait entièrement compensée, et l’impact de la hausse des salaires sur la hausse des prix est alors nul. PHILLIPS introduit par cette conception l’idée d’un menu de politiques économiques qui fait un choix entre d’une part le sous-emploi et d’autre part la hausse des prix. Un taux de sous-emploi d’environ 2,5% avec une stabilité relative des prix simultanée serait alors un idéal impossible à atteindre (sauf à la limite au Luxembourg). Il est donc nécessaire d’accepter un certain niveau de chômage pour avoir une stabilité des prix. §2. Les controverses soulevées par la courbe de PHILLIPS. Article publié en 1958, s’intitulant « Relations entre sous-emploi et le taux de changement des taux de salaires nominaux », étude faite en Grande-Bretagne sur la période 1861-1957. Cet article présente la possibilité ouverte par le Royaume-Uni qui s’explique par le niveau de chômage caractérisé par le niveau de sous-emploi montré par les syndicats de travailleurs anglais sur l’évolution des salaires et des prix sur cette période. L’ajustement le plus caractéristique porte sur les années 1861-1913 qui présente une courbe continue - (tandis qu’après 1915, et particulièrement pendant les périodes suivant les guerres, on constate des phénomènes de perturbations dont les causes sont complexes mais qui tiennent à des accords nationaux entre gouvernements et syndicats pour fixer la hausse des salaires) - où, au contraire, on assiste à des ajustements rapides des salaires à la suite de phénomènes d’inflation d’origine internationale. Pour des raisons multiples, la période antérieure à la première guerre mondiale permet de sortir une courbe cohérente avec la théorie de PHILLIPS. La thèse de PHILLIPS permet de retrouver dans les périodes antérieures la logique de la courbe de PHILLIPS, logique perturbée par des chocs politiques et économiques graves, dissimulant les distances de cette courbe. De 1861-1913 donc (PHILLIPS a écarté quelques années lorsque la hausse des prix à l’importation était supérieure en Grande-Bretagne à 2,5%), l’Angleterre fonctionne avec un système de libre-échange et les prix à l’exportation sont ... ??? Qui constituent un élément important dans les achats des salariés. PHILLIPS considère que lorsqu’il y a une forte poussée des prix sur les produits achetés par les salariés, il y a des ajustements de salaires demandés par les salariés qui sont indépendantes de la situation du marché du travail. Ceci montre que dès la conception initiale de la courbe de PHILLIPS, on a deux éléments retenus dans la détermination des salaires nominaux : - il y a ... ?? - il y a de manière indépendante, la variation du niveau des prix dont les salariés demandent compensation pour maintenir leur niveau de salaire réel. - 38 - PHILLIPS aboutit alors à la courbe suivante qui correspond aux liens entre la variation du taux de salaire et du taux de sous-emploi en Grande-Bretagne au cours de la période 1861-1913. L’hypothèse de cette courbe est la suivante : il y a un lien causal entre taux de sous-emploi et rythme de hausse du salaire nominal. Le lien correspond à une courbe simple. Il se produit une hausse supplémentaire des salaires lorsque le marché de l’emploi est au-delà de 5,5%. On a alors une zone de quasi-stagnation du salaire nominal, avec ensuite une légère tendance à la baisse de ce salaire nominal d’un ½ % quand le taux de sous-emploi est de l’ordre de 10%. (chiffres non adaptés au graphique ci-contre) De nombreuses critiques vont alors être formulées par rapport à la courbe de PHILLIPS : Pour les keynésiens, les salaires nominaux ne peuvent augmenter qu’une fois atteint le stade de plein-emploi, et ils soulignent que c’est à cause de cela justement que les prix restent stables jusqu’à l’obtention du plein-emploi sur le marché du travail. Au contraire, les keynésiens refusent l’idée que les salaires nominaux puissent diminuer lorsqu’il y a aggravation du sous-emploi. Cette position doctrinale n’est cependant pas très sérieuse car on constate en réalité qu’il y a des variations de salaire avant obtention du plein-emploi intégral, et c’est ce caractère aberrant de la doctrine keynésienne initiale qui a permis son rejet assez rapide, puis finalement l’adhésion des keynésiens à la courbe de PHILLIPS qui leur est apparue assez rapidement comme un complément utile de leur approche par la Demande Globale. Pour les monétaristes de l’Ecole de Chicago (dont FRIEDMAN), la courbe de PHILLIPS est une sorte d’artefact statistique qui consiste à interpréter abusivement un nuage de points comme une courbe continue décroissante. - 39 - Il y a une droite verticale qui correspond à une ligne tirée à partir du taux de sous-emploi structurel de l’économie, et il y aurait association d’une hausse des salaires plus ou moins rapide avec un taux de chômage identique dans l’économie. Selon les monétaristes, il existe à un moment donné un niveau de sous-emploi qui reflète les disfonctionnements structurels d’une économie, résultant de la rigidité des différents marchés, et notamment du marché du travail (insuffisance de souplesse), et par la présence de syndicats (manifestation collective et non pas individuelle), mais provenant aussi du fait que l’offre de travail ne correspond pas à un moment donné de manière qualitative à la demande de travail (travailleurs non formés pour les tâches disponibles) et on a donc toujours une très forte adaptation qui reflète ce taux de chômage structurel. On peut cependant s’écarter temporairement de ce taux de chômage structurel lorsqu’il y a une variation du salaire réel. Lorsque le salaire réel (=salaire nominal – inflation) diminue, le sous-emploi va diminuer, mais le phénomène est temporaire car les salariés exigent le rétablissement de leur salaire réel. Inversement, le sous-emploi peut augmenter de manière importante lorsque le salaire réel augmente trop fortement. On rattache en général ce mouvement de salaires réels à des mouvements imprévus du niveau des prix, ces mouvements n’ayant pas été anticipé, les agents économiques, notamment les salariés, n’ont pas pu les compenser dans leur contrat. Selon les monétaristes, PHILLIPS a donc tort d’interpréter ses résultats comme il le fait. La critique des monétaristes est un peu ambiguë puisqu’elle fait appel à des phénomènes de hausse des prix plus ou moins rapide que justement PHILLIPS s’était efforcé d’éliminer pour rétablir sa courbe qui normalement doit être conçue dans un cadre de stabilité anticipée des prix. Ce qui fait que le salaire réel évolue alors moins vite qu’il ne devrait, ce qui peut permettre une diminution du sous-emploi. - 40 - Cependant la principale critique adressée à la courbe de PHILLIPS, c’est l’incompatibilité de la logique de cette courbe et la situation de stagflation de ces annéeslà, c’est à dire le constat d’une forte hausse de prix alliée à un niveau élevé de sous-emploi. Selon ces critiques, l’existence d’un sous-emploi important devrait provoquer la stabilité ou même la baisse des salaires nominaux, et ceci devrait entraîner sinon une stabilité complète des prix, du moins un niveau très faible de hausse de prix, et il ne devrait donc pas y avoir d’inflation. Pour PHILLIPS, les années de forte hausse de prix était écartée du tracé de sa courbe parce que, en fait, une forte hausse de prix détermine une hausse des salaires nominaux, indépendamment de l’état de tension du marché du travail. La théorie est donc très simple : on va considérer l’évolution du salaire nominal (hausse en % du taux de salaire ẇ). ẇ = ṗ- α.μ Stagflation : si on a une très forte hausse des prix, cette hausse entraîne une hausse du taux de salaire quelque soit l’état du sous-emploi dans l’économie. En période d’hyperinflation, on ne parvient plus à faire apparaître de liaison entre les salaires nominaux et la situation du marché du travail, car cette forte hausse des prix perturbe le fonctionnement de l’ensemble des marchés, et notamment du marché du travail. En revanche, en période de hausse des prix modérée, on admet qu’il existe une liaison entre l’évolution des salaires nominaux et l’évolution de la situation du marché du travail tantôt nette, tantôt cette évolution n’est pas nette. On admet donc qu’il existe une courbe de PHILLIPS qui a une importance significative sur la formation de l’équilibre macroéconomique. §3. L’intégration de la courbe de PHILLIPS dans le cadre néo- keynésien et la politique qui en découle. La courbe de PHILLIPS initiale va se trouver ici transformée sous forme d’une liaison entre le rythme de hausse des prix et le niveau du produit national. En effet, à un moment donné, le niveau du produit national va déterminer un certain niveau d’emploi, et l’impact de la courbe de PHILLIPS sur l’évolution du niveau des salaires va entraîner un mouvement d’évolution des prix consécutif à ce rythme d’évolution des salaires. Le principal créateur de cette approche est Charles LIPSEY, qui va décider de transformer la courbe de PHILLIPS et de l’intégrer dans le modèle économique. Yf est le produit potentiel de l’économie qui correspond à la capacité normale de fonctionnement de l’économie. Quand on va au-delà, il est difficile d’augmenter la production. On a deux situations : Soit on est en deçà de Yf : le rythme de hausse des prix tend à décélérer mais il le fait lentement de manière progressive. - 41 - Soit on est dans l’autre sens ( au-dessus de Yt) : il y a une brutale accélération de la hausse des prix lorsqu’on dépasse le niveau du produit potentiel Yf. Dans cette approche néo-keynésienne, on fait le constat suivant : Il y a le rythme de hausse des prix qui est établi quand l’économie est équilibrée pour un niveau donné du produit potentiel. On peut se demander à quoi correspond cette hausse des prix qui ne semble pas résulter d’une impulsion en présence des forces macroéconomiques. C’est ce qui est appelé l’inflation de noyau, ce qui signifie qu’à un moment donné il y a un rythme de hausse des prix caractéristique dont les agents estiment qu’il va se perpétuer en l’absence de phénomènes nouveaux dans l’économie. Ce rythme d’inflation est donc intégré aux anticipations des agents, aux contrats qu’ils vont passer entre les périodes et qu’ils projettent sur le futur. Si l’économie restait à son niveau de produit potentiel ce taux d’inflation tendrait à perdurer par une sorte d’inertie de la vie économique mais on voit que l’économie peut s’en écarter lorsqu’il y a un changement dans l’équilibre macroéconomique : si la demande globale tend à fixer l’équilibre au-delà du produit potentiel, il y a une forte augmentation de hausse des prix attribuée à la demande globale, et on va avoir une inflation due à cette demande. L’approche néo-keynésienne introduit un 3ème élément : l’effet de choc (pétrolier par exemple). A côté de l’inflation de noyau et l’inflation de la demande, il peut apparaître une inflation de choc qui va s’ajouter ou se soustraire à la hausse de l’inflation à n’importe quel endroit de la courbe. ṗ= ṗn + ṗd + ṗc Conformément à la suggestion initiale de PHILLIPS, la composante d’inflation de la demande apparaît comme un reflet en terme macroéconomique de la courbe de PHILLIPS, et le niveau de produit national ou le niveau de sous-emploi ne font que moduler le rythme total de la hausse des prix déterminé de manière exogène par l’inflation intégrée aux anticipations des agents. - 42 - Il existe cependant une dynamique de la variation des prix qui peut être commandée par la gestion de la demande globale, et qui va progressivement modifier les anticipations des agents. Autrement dit, à un moment donné, il y a un rythme de hausse des prix qui s’impose à l’économie, mais les autorités économiques peuvent agir sur la demande globale pour influer sur ce rythme de hausse du niveau général des prix. On peut alors introduire le schéma néo-keynésien proprement dit, caractérisé par 2 étages : On a donc une économie qui est à un niveau d’équilibre, mais qui, selon l’état des choses, a hérité d’un rythme d’inflation de noyau, et elle est face à un niveau d’inflation qui ne peut ni s’aggraver ni se réduire tant que l’on est au niveau de l’équilibre macroéconomique. Si l’on admet qu’il y a un rythme d’inflation relativement élevé que l’on souhaite réduire, on peut agir par une politique monétaire sur LM ou par une politique budgétaire sur IS. On passe alors à LM’ avec un niveau de produit national en deçà du produit potentiel, et ce faisant on crée une situation de chômage, d’accentuation du sous-emploi dont le but est de réduire la hausse des prix. On peut se demander si le coût à payer n’est pas élevé car on voit que cette réduction de prix est limitée, et il est très difficile et très lent d’obtenir une réduction significative de l’inflation par une action macroéconomique de la Demande Globale. Ceci est un constat commun des keynésiens et des monétaristes. L’idéal serait de ne pas avoir à appliquer cette politique de contraction de la demande globale, et qu’il n’y ait donc pas d’inflation de noyau dont la période a hérité. Or, si on a une inflation de noyau importante, ceci est peut être du à une politique macroéconomique intérieure qui s’est efforcée de fixer le niveau du produit national au-delà du produit potentiel qui aurait été provoqué par une hausse importante du taux d’inflation. LM’’ avait provoqué antérieurement un produit National au-delà du Produit potentiel, qui va provoquer une hausse importante de l’inflation. On retrouve le problème d’asymétrie de la courbe de PHILLIPS : - 43 - - lorsqu’on augmente le produit national au-delà du produit potentiel par une expansion de budget IS, on provoque une hausse rapide des prix. - lorsqu’au contraire on contracte le produit national à un niveau au deçà du produit potentiel par une politique restrictive monétaire, on a une hausse moins rapide de l’inflation. Si on observe une poussée autonome de la demande, caractérisée par une variation positive de l’investissement, de la consommation, et une augmentation des exportations, on va passer à IS2 avec un nouveau point d’équilibre caractérisé par un produit d’équilibre au-delà du produit potentiel caractérisé par une asymétrie. On a donc une crise de l’emploi caractérisée par un manque de travailleurs. Cette hausse de prix devrait suffire à ramener l’équilibre dans la mesure où la hausse des prix réduit la valeur réelle de la quantité de monnaie offerte et va entraîner une contraction de la courbe LM1 qui va nous ramener dans l’hypothèse la plus simple à un nouveau point d’équilibre sur la courbe LM2. L’économie va alors être ramenée à sa situation antérieure, la contraction de la quantité réelle de monnaie venant compenser la poussée de la demande, et l’économie retrouve son équilibre au niveau du produit potentiel. Autrement dit, et c’est un paradoxe apparent, la poussée inflationniste déclenchée par la hausse de la demande globale est elle-même anti-inflationniste car elle vient supprimer l’effet de la poussée de la demande globale. C’est là une des vues de l’analyse économique. Il est assez fréquent que les autorités monétaires acceptent de compenser la contraction de la quantité réelle de monnaie en augmentant leur offre nominale de monnaie. Dans l’hypothèse où elle maintient ainsi le niveau de l’offre réelle de monnaie, l’économie reste sur la courbe LM1 et l’équilibre macroéconomique se maintient dans la zone d’accélération de la hausse des prix. C’est ce que l’on peut représenter par le graphique située sur la page suivante. La banque centrale compense alors la perte de quantité réelle de la monnaie, et la courbe LM1 va rester à son niveau antérieur du fait de la compensation interne d’offre de monnaie m0 . - 44 - Le rythme de hausse des prix va augmenter de manière sensible, c’est à dire importante, et cette hausse des prix qui s’impose aux agents économiques comme une nouvelle situation va provoquer une très forte tension sur les salaires, les prix, etc… ceux-ci étant poussés à la hausse. Poussée autocorrectrice de la demande Ceci entraîne un problème : on ne revient pas au produit potentiel Yf et l’économie s’installe donc durablement sur un rythme de hausse des prix plus rapide. Tous les contrats vont donc être passés sur la base d’un rythme de hausse des prix p1, et cela signifie que la courbe H1 va se déplacer en H2, une nouvelle courbe plus élevée. H2 traduit l’intégration par les agents économiques d’un nouveau produit d’équilibre potentiel qui traduit le niveau élevé d’inflation. Si la banque centrale continue à compenser l’offre de monnaie, l’équilibre se fait non plus sur p1 mais sur p2, l’horizon des agents économiques se fait alors sur une hausse des prix sur H2, de l’ordre de 6% dans l’exemple. La courbe H2 va alors se déplacer à nouveau sur H3, et le processus va alors s’accélérer, la hausse des prix étant de plus en plus forte d’une période à l’autre, et ce tant qu’il existe une volonté des banques centrales de maintenir un équilibre entre produit d’équilibre et de produit potentiel. On a donc un système de progression systématique du niveau des prix. Nous pouvons constater la présence d’un certain nombre d’inconnues : quel est l’horizon d’ajustement des agents ? D’un trimestre, d’un semestre, d’une année à l’autre ? On ne le sait pas. En deux ou trois ans, on arrive à un rythme d’inflation à deux chiffres. On aboutit à une hyper-inflation qui peut être de 100%, voire plus. Cette évolution qui est tout à fait naturelle montre que la présence d’une courbe de PHILLIPS en macroéconomie permet d’expliquer facilement le passage à des rythmes d’inflation de plus - 45 - en plus rapide lorsque l’équilibre macroéconomique est maintenu au-delà du produit potentiel. Dans les pays développés, un rythme d’inflation à deux chiffres n’est pas accepté, et il faut donc envisager une politique économique de lutte contre l’inflation ouverte. Et c’est là que la dissymétrie de la courbe de PHILLIPS crée également une dissymétrie dans le rythme de retour à un niveau faible d’inflation. Inflation ouverte : on accepte que la masse monétaire soit contractée pour revenir au produit potentiel. On a donc un équilibre du produit potentiel qui est rétabli. Donc l’inflation n’a ni tendance à s’accélérer ni à diminuer. Cette inflation de 15% va demeurer stable tant qu’elle est au niveau du produit potentiel car elle intègre alors les prévisions des offreurs et des demandeurs sur le marché des biens et services. Pour provoquer une contraction de ce rythme d’inflation, il faut provoquer une contraction du produit national en utilisant soit une politique monétaire soit une politique budgétaire (IS3), qui va alors aboutir à un nouvel équilibre en deçà du produit potentiel. Cette situation va provoquer un ralentissement de hausse des prix, soit une baisse de l’inflation passant de 15% à un taux de 14%. On peut penser que les agents sont moins sensibles à une baisse qu’à une accélération de hausse des prix, et les agents, en intégrant ce nouveau rythme ralenti d’inflation, vont raisonner sur une courbe HL plus basse que la courbe HK. On passe de 14 à 13%. La courbe de PHILLIPS étant plate à ce niveau de produit d’équilibre, le rythme de décélération des prix est alors très réduit (env.1%). En supposant que le rythme d’inflation soit maintenu, on va alors avoir une baisse progressive de HL vers HM, les agents intégrant au fur et à mesure l’origine de leurs prévisions d’inflation. Les contrats sont donc modifiés et on arrive à une hausse de prix de 12%. A nouveau ils raisonnent en dessous du revenu potentiel et il va y avoir un rythme de la hausse des prix qui va se réduire de manière beaucoup plus faible qu’il ne s’est accéléré précédemment (i.e. une politique de déflation menée en établissant l’équilibre du produit national en deçà du produit potentiel, donc en acceptant une hausse importante du chômage). Une telle politique va être extrêmement lente quant aux résultats obtenus alors qu’au contraire la politique d’inflation consistant à maintenir - 46 - l’équilibre du produit au-delà du produit potentiel provoque très rapidement une très forte hausse de prix. Morale : Si on ne veut pas avoir à provoquer une importante dépression économique pour combattre une inflation ouverte, il faut éviter de provoquer cette inflation en opérant une politique économique de poussée sur la demande car si cette poussée produit des effets rapides sur les prix, l’effet de la politique inverse de contraction du produit va être extrêmement lente pour ramener la hausse des prix à un rythme tolérable. Il faut quatre à cinq ans pour provoquer une inflation proche des 20% en partant d’un rythme initial de 2 à 3 % par an. Par contre, il faut au minimum environ vingt ans pour revenir au rythme de départ de cette inflation (soit de 20% à 2-3%). Il faut donc vingt années de chômage accentué pour effacer l’effet d’un suremploi artificiel qui aura duré quatre à cinq ans. Les monétaristes de l’Ecole de Chicago qui avaient initialement rejeté la courbe de PHILLIPS considèrent qu’elle est intéressante et qu’elle vient rendre compte de cette dissymétrie de l’effet des politiques économiques sur les prix. Et finalement, au cours des années 70, les modèles monétaristes ont systématiquement intégré une courbe de PHILLIPS, rejoignant ainsi l’optique des néo-keynésiens ; au point d’ailleurs que, au terme d’interprétations théoriques, les différences entre ces deux Ecoles ont pratiquement disparu. Nous venons de traiter des constats inflationnistes. On devrait retrouver cette même dissymétrie en se plaçant dans une situation différente et en admettant qu’il y a au départ, non pas une poussée, mais une contraction de la demande. Autocorrection légère On a une hausse de la valeur réelle de la monnaie du fait de la baisse des prix. On va avoir un déplacement de LM1 en LM3. Ceci provoque une hausse du produit d’équilibre, mais insuffisante pour revenir à l’équilibre initial. Elle n’est donc pas totalement auto correctrice. - 47 - Les (néo)-keynésiens ont montré qu’il faut toujours une politique macroéconomique active, qu’elle soit monétaire ou budgétaire pour rétablir l’équilibre macroéconomique au niveau du produit potentiel lorsqu’il y a eu une contraction du produit national sous l’effet d’un choc qui peut affecter aussi bien la courbe IS que la courbe LM. NB : Un choc répressif ne peut pas être corrigé automatiquement. Il est long et coûteux de ramener ce rythme de hausse des prix à un rythme faible considéré comme normal. Cet alignement des monétaristes sur les néo-keynésiens a provoqué une scission de l’école monétariste, une partie des monétaristes considérant que l’aspect purement mécanique du rythme de hausse ou de baisse de l’inflation ne rend pas compte du comportement possible des agents économiques ; agents qui sont ouverts sur leur environnement économique et qui peuvent rapidement réviser à la baisse comme à la hausse leurs anticipations à partir des indications de la politique économique. C’est l’Ecole des anticipations rationnelles des années 70 dans laquelle les agents voient l’avenir. On a alors les monétaristes de Friedman et les monétaristes rationnels. Les monétaristes de FRIEDMAN croient trop aux variables permanentes que sont le revenu permanent (prend en compte l’expérience passée), l’inflation permanente (qui prend en compte les expériences passées d’inflation avec la courbe H), ??? Dans l’optique des anticipations rationnelles, si les autorités économiques et monétaires déclarent publiquement qu’elles ont décidé d’arrêter la dérive des prix (hausse de 15% des prix) et qu’elles ont décidé de ramener cette hausse des prix à 2-3 % annuels et si en même temps elles prennent des mesures concrètes, les agents vont anticiper ce retour à un rythme de hausse des prix de deux à trois pourcents et ils vont passer leurs contrats sur cette base. Et à l’idéal, l’équilibre sera retrouvé au niveau du produit potentiel avec un faible rythme de hausse des prix. Politique restrictive On va réduire la quantité de monnaie offerte pour atteindre une hausse des prix de 2-3%. Brusquement, on va arriver à la courbe H3 en provenance de H15 qui va se faire sans changement de l’équilibre potentiel à la suite uniquement de l’annonciation d’une politique restrictive, les agents ayant intégrés à leur anticipation la hausse promise et déclarée des prix de 2-3% au lieu de 15%. Cela ne pourrait marcher qu’une seule fois, puisque les agents, constatant que les autorités ont mentis, - 48 - n’auraient alors plus confiance en elles. Il n’y a pas de perte d’emploi, il n’y a aucun changement économique (le changement de taux d’inflation est ici effectué toutes choses égales par ailleurs). Ceci est envisageable à une condition : la politique annoncée doit être crédible (les autorités monétaires prennent donc le risque d’un énorme taux de chômage si les agents économiques n’alignent pas leurs anticipations sur le taux de hausse des prix annoncé). C’est là l’objection qu’a fait Milton FRIEDMAN à la politique REAGAN des années 80, cet effet d’arrêt fort de la hausse des prix va provoquer une hausse du chômage car les agents économiques sont orientés vers le passé et on voit que croire à cette hausse faible des prix va entraîner une gigantesque dépression. L’expérience REAGAN est une expérience anti-monétariste et le brusque arrêt qu’elle a généré a provoqué une situation de sous-emploi marqué pendant environ 2 ans, mais, très rapidement, les agents se sont convaincus que les prix allaient être stabilisés. Ils vont donc assez rapidement réviser leurs anticipations d’inflation. Il n’y a donc pas eu l’énorme dépression prévue par Milton FRIEDMAN. D’autres expériences du même type ont eu lieu précédemment dans les années vingt en France pour remédier à une situation d’hyper-inflation, expériences soulignées par les théoriciens des anticipations rationnelles. On est parvenu à provoquer un arrêt brutal de ces dérives inflationnistes par le blocage de l’offre de monnaie avec un coût très limité en terme de sous-emploi. L’expérience allemande au lendemain de la seconde guerre mondiale : l’hyper-inflation va être arrêtée brutalement. Cet évènement est aussi le point de départ d’une croissance forte dans les 2 cas, et toutes ces expériences confirment qu’il est possible d’agir sur le niveau de la courbe de PHILLIPS lorsque l’on convainc les agents économiques que le rythme d’inflation va être modifié par les politiques économiques vers le bas. C’est ce que refusent de croire les monétaristes friedmaniens, mais c’est ce que l’on constate effectivement à différents occasions, et ceci réintroduit dans la réflexion macroéconomique le rôle des anticipations des agents dans la formation de l’équilibre macroéconomique. - 49 - Section IV. Le rôle de l’anticipation des agents dans d’équilibre macroéconomique. Ces anticipations sont partout dans ces analyses. Il y a deux catégories possibles : les anticipations rigides (KEYNES, FRIEDMAN) et les anticipations souples (rationnelles, reflétant la réalité des opinions des agents telles qu’on les enregistre par des indices d’opinion établis en général sur une base mensuelle). §1. Les anticipations de la théorie générale de Keynes. Dans le modèle le plus simple de la théorie générale, il y a deux catégories d’agents : - les investisseurs dont le comportement est fondé sur des anticipations - et les ménages avec une fonction de consommation qui n’ont pas de véritables anticipations car leur consommation est déterminée principalement par le niveau de revenu de la période. Rappel : Les investisseurs keynésiens ont un mode d’anticipation qui est extrêmement instable car ils doivent raisonner sur une rentabilité à long terme de leurs investissements et selon KEYNES, elles ne sont pas fondées sur des bases rationnelles. C’est donc leur degré de pessimisme ou d’optimisme qui va déterminer le niveau de rentabilité supposé de leur investissement. Les investissements seront donc rentables ou non-rentables. L’instabilité macroéconomique est due à cette instabilité des anticipations des investisseurs. On a beaucoup ironisé sur cette théorie de KEYNES dans laquelle la rentabilité à long terme est source de révision permanent en hausse ou en baisse. A l’inverse, les consommateurs ont une liberté de décision quant à leur PmC et leurs anticipations optimistes ou pessimistes ont une grosse influence sur leur niveau de consommation. En revanche, il y a un troisième élément qui a une très grande importance dans la théorie générale : ce sont les anticipations spéculatives et leur impact sur la demande de monnaie et par là même sur le taux d’intérêt. Dans l’interprétation IS-LM de HANSEN, le taux d’intérêt influe sur la demande de monnaie en indiquant aux agents économiques si cela vaut la peine ou non de convertir une encaisse monétaire en un placement rémunéré aux taux de marché. Dans la théorie générale, KEYNES met l’accent sur la valeur des actifs financiers pour déterminer la demande de monnaie. On va se limiter aux actifs à revenus fixes que sont les obligations à long terme : la valeur de chaque titre obligataire est profondément influencé par les changements dans le taux d’intérêt. Lorsque le taux d’intérêt augmente, les obligations à long terme se déprécient. Lorsque le taux d’intérêt diminue, les obligations à long terme sont valorisées. Le taux d’intérêt a donc une relation inverse avec le cours des titres. Application numérique : V = 10 / 10% = 100 - 50 - Si i diminue, V augmente proportionnellement. V = 10 / 5% = 200 1) si r*a > r ; ΔLsp > 0 ; Lsp > 0. Si nous sommes dans une phase d’évolution économique caractérisée par une baisse assez sensible du taux d’intérêt sur le marché (baisse de 5 à 4 % par exemple), les détenteurs d’obligation constatent que actuellement, la valeur de leur obligation va augmenter. Ils ont donc plusieurs possibilités : soit vendre leur obligation pour profiter de cette valorisation (cette vente est justifiée si le taux d’intérêt baisse durablement…) A l’inverse, si le taux d’intérêt passe de 4% à 5%, et se maintient à 4% pendant plusieurs années, cette vente aura coûté des frais de transactions pour la vente puis pour racheter de nouvelles obligations pour ne pas laisser l’argent inemployé ; et les acheteurs auront vendu des actions à 4% pour acheter à 5%, leur revenu sera alors à peu près le même et la valeur du capital sera restée à peu près la même, sauf qu’ils auront subi deux fois les frais de transaction (une fois pour vendre les anciennes obligations et une autre fois pour en racheter de nouvelles). Ils n’ont donc pas fait de gain et c’est une opération légèrement négative. Si les spéculateurs éclairés vendent leurs obligation, cela veut dire qu’ils sont convaincus que la baisse actuelle des taux d’intérêt sera temporaire, et donc que le niveau du taux d’intérêt de marché va remonter d’ici quelques mois. Ils ont intérêt à convertir en monnaie leurs obligations. La somme en monnaie reçue traduit alors le gain en capital par rapport à la situation antérieure. Ce que souligne KEYNES, c’est que la valeur de ce stock de monnaie ne sera pas modifiée lorsque les taux d’intérêt remonteront. Le grand attrait du placement en monnaie est que ce placement en monnaie a une valeur invariable en capital nominal. Supposons que les spéculateurs aient raison, et que les taux d’intérêt remontent au bout de 3 mois, alors ils vont considérer qu’on va retrouver le taux d’intérêt initial, et ils vont donc rétablir leur stock de monnaie. Après cette opération, ils auront un stock d’obligations dont la valeur se trouvera accrue par la période initiale, et dont le revenu périodique est également plus élevé. Autrement dit, ce qui détermine l’action des spéculateurs sur les marchés, (arbitrage entre titre et monnaie), c’est l’anticipation qu’ils ont sur l’évolution du taux d’intérêt de marché. Le cas des anticipations rigides des spéculateurs : ils considèrent que le taux d’intérêt de marché connu depuis un certain temps va perdurer et ils vont considérer que la baisse enregistrée par le marché est purement transitoire, et c’est donc l’écart entre le taux d’intérêt anticipé et le taux de marché qui détermine la demande spéculative de monnaie. Dans ce cas, il y a une demande de monnaie positive puisque les agents convertissent leurs titres en monnaie dans l’esprit de faire l’inverse lorsque cela sera favorable. (Lsp >0) 2) si r*a = r ; ΔLsp = 0 ; Lsp > 0 - 51 - Cas où le taux d’intérêt de marché est identique au taux de marché anticipé. Dans ce cas, que ce niveau soit haut ou bas, il n’y a aucune demande spéculative de monnaie, et donc aucune variation de la demande de monnaie. L’agent spéculateur conserve ses titres et n’exprime aucune variation de la demande de monnaie (aucune variation de la masse monétaire). 3) si r*a < r ; ΔLsp < 0 ; Lsp = 0 Situation où le taux d’intérêt anticipé est nettement inférieur au taux d’intérêt de marché. Cela veut dire que les spéculateurs sont convaincus que dans un délai de quelques mois au plus, le taux d’intérêt actuel du marché va se trouver réduit et atteindra un niveau plus faible que celui qu’anticipent les consommateurs. Question : Qu’est ce que vont faire les consommateurs lorsqu’ils anticipent une baisse du taux d’intérêt de marché ? Réponse : Les spéculateurs vont acheter le plus possible de titres à revenus fixes car ils s’attendent à la revalorisation qui sera constatée par le marché quand le taux d’intérêt aura baissé. Dans ce cas, l’encaisse monétaire est systématiquement convertie en titres et l’offre de monnaie excédentaire sur le marché de la monnaie qui a comme contrepartie une demande monétaire de titres sur le marché des titres, le résultat étant une baisse accélérée du taux d’intérêt de marché. C’est l’hypothèse la plus intéressante où Keynes se pose la question du pouvoir de la politique monétaire dans une situation où il y a une tendance à la formation d’un équilibre macroéconomique de sous-emploi parce que le niveau d’intérêt est insuffisant pour assurer le plein emploi. La politique monétaire va consister à provoquer une baisse du taux d’intérêt sur les marchés en développant l’offre de monnaie ; et c’est là que cette hypothèse va se heurter à l’hypothèse des anticipations rigides de la part des spéculateurs. Il y aura en effet une baisse initiale du taux d’intérêt obtenu par l’intervention de la banque centrale, mais la suite dépend de la nature des anticipations des spéculateurs. Si ceux-ci sont convaincus que le taux d’intérêt va remonter et qu’ils anticipent le maintien des taux d’intérêt antérieurs, ils vont vendre systématiquement leurs titres longs et exprimer par là une demande d’encaisses monétaires spéculatives qui va rapidement absorber l’offre de monnaie supplémentaire. Dans ce cas, les taux d’intérêt vont remonter au moins sur les marchés financiers. L’intervention de la banque centrale se sera révélée inutile, le taux d’intérêt ne diminuant pas, il n’y aura pas de reprise de l’investissement et l’économie retrouvera son équilibre en situation de sous emploi. KEYNES estime que c’est ce qui s’est produit au début des années trente quand les banques centrales ont tenté de lutter contre les tendances dépressives où elles ont alors échoué face aux attitudes spéculatives rigides. Explication de KEYNES : - 52 - Toutes les banques centrales à cette époque sont des banques privées dotées de statuts particuliers, mais étant des banques privées, elles ne peuvent pas se permettre de subir des pertes en capital. Elles se refusent donc à prendre le risque d’offrir des liquidités en achetant des titres long sur les marchés financiers (open-market). Si elles étaient des banques publiques sans préoccupations de bilan, elles pourraient intervenir de manière à convaincre les spéculateurs de façon à obtenir une baisse effective des taux d’intérêts y compris sur le marché financier et ceci en achetant systématiquement tous les titres long « offerts par les spéculateurs ». Si elles montraient cette détermination, elles n’auraient aucun titre à acheter et les taux d’intérêt baisseraient au niveau qu’elles auraient déterminé. Miracle facile à démontrer : si les banques centrales affirmaient leur détermination, les spéculateurs vont réviser leurs anticipations, et vont prévoir la réalisation à court terme d’un taux d’intérêt de marché inférieur à celui constaté actuellement sur le marché (i.e. leurs anticipations de taux d’intérêt vont devenir brusquement inférieures au taux d’intérêt du marché). Dans cette situation, non seulement ils ne vont pas offrir de titres sur les marchés, mais ils vont en demander et ils vont eux-mêmes provoquer la baisse du taux d’intérêt jusqu’au niveau prédéterminé par les banques centrales. Mais même s’ils ne sont pas demandeurs de titres, les offreurs vont garder leurs titres et sans offre, les taux d’intérêt vont dégringoler jusqu’à atteindre celui des banques centrales privées. Pour ce faire, il faudrait que les banques centrales soient des organismes publiques. C’est cette proposition de KEYNES qui a provoqué la vague de nationalisation des banques centrales au lendemain de la seconde guerre mondiale. La nationalisation a aboutit dans certains pays à la subordination des banques centrales aux ministères des finances. Il a fallu dans les années 90 rendre aux banques centrales l’autonomie de décision, paramètre primordial à leur efficacité. - L’anticipation des salariés est rigide. En effet, selon KEYNES, sur le marché du travail existe une anticipation rigide qu’est le maintien des salaires nominaux à leur niveau antérieur (ne peut pas descendre en dessous de ce qu’il a atteint et constitue donc un cliquet). Raison technique de cette anticipation : Une baisse des salaires nominaux devraient commencer par une certaine catégorie de salariés dans les entreprises les plus fragiles, mais comme les salariés vont refuser cette baisse car ils estiment qu’elle ne devrait pas avoir lieu parce qu’ils anticipent le maintien des salaires nominaux. Ils ne pourraient accepter une telle diminution uniquement si elle commençait par une autre catégorie de salariés. Cette diminution ne peut donc avoir lieu et ne peut donc commencer. L’anticipation des salariés fait que le salaire nominal ne peut pas diminuer sur le marché du travail. C’est donc bien l’anticipation des salariés sur le maintien du salaire dominant qui fait que le salaire ne peut pas baisser. Pour KEYNES, il n’y a qu’une seule solution : - 53 - Lorsque l’équilibre macroéconomique de plein emploi exige une diminution du salaire réel, il faut provoquer une augmentation du niveau général des prix qui n’entraîne pas de diminution du salaire nominal mais qui réduit le salaire réel. Cette solution est plus facilement acceptée par les salariés qui ne se rendent pas compte, ceux-ci raisonnant sur leur salaire nominal. C’est la seule solution pour que la baisse de salaire soit acceptée. La courbe de PHILLIPS développe deux objections à cette thèse de KEYNES développée dans La Théorie Générale. (i) On constate historiquement une légère baisse du salaire nominal quand le taux de chômage atteint des niveaux élevés. Cette baisse est de 0.5% lorsque le taux de chômage est de 10%. Cette diminution faible du salaire nominal montre bien qu’en pratique KEYNES a raison et qu’il y a une opposition quasi absolue de l’ensemble des salariés à une baisse des salaires nominaux. Conséquence : un minimum d’inflation est nécessaire au fonctionnement de l’économie puisqu’il y a des secteurs de l’économie où l’emploi doit diminuer, d’autres où l’emploi doit augmenter, et comme on ne peut diminuer les salaires dans les secteurs en déclin, il faut provoquer le déplacement en augmentant les salaires dans les secteurs en expansion. Les salariés vont alors vouloir travailler dans les secteurs en expansion. Une inflation de 2 à 3 % semble presque nécessaire compte tenu de la rigidité des salaires nominaux. (ii) PHILLIPS affirme que le marché du travail en général prend en compte la hausse des prix et tend à provoquer une augmentation plus rapide du salaire nominal pour un taux de chômage donné. C’est ce qui est confirmé dans les phases de stagflation. On constate donc que les salariés sont en général tout à fait sensibles aux questions du pouvoir d’achat. Ils exigent le maintien du pouvoir d’achat dans la mesure du possible, et en général, ils obtiennent gain de cause dans tous les secteurs sauf ceux qui sont déprimés. KEYNES dit que lorsqu’ils cherchent à obtenir le maintien de leur pouvoir d’achat lorsqu’il y a une forte hausse de prix, les salariés ont tendance à perdre de vue qu’ils ont droit à une part des gains de productivité de l’économie. Il est possible qu’il y ait une certaine perte de prévision des variables réelles pour les salariés quand la hausse des prix est relativement forte, limitée seulement au maintien du pouvoir d’achat. Ils ont tendance à exiger une hausse de leurs niveaux de salaires réels. On a donc rigidité du salaire nominal, rigidité des anticipations des spéculateurs, et on constate que l’approche des keynésiens et des monétaristes tend à concevoir les agents économiques comme des agents relativement irrationnels qui sont tournés vers leur expérience passé, et qui projettent sur l’évolution proche les tendances observées par le passé. Ceci est vrai soit en niveau (Keynes), soit en terme de taux d’inflation (Néo-keynésiens et monétaristes). Il en résulte de graves dangers lorsque l’on veut mener une politique économique qui rompe avec le passé, notamment dans la lutte contre l’inflation, avec un risque de rupture entre les mesures brutales qui sont prises et le maintien durable d’une anticipation de forte hausse de prix. Le risque est une grave dépression économique. Qu’advient-il si l’on écarte cette hypothèse d’anticipations rigides ? §2. La thèse des anticipations adaptatives : les anticipations rationnelles - 54 - A. Les hypothèses de rationalité des agents économiques appliqués à leurs anticipations. Cette idée a été affirmée par l’économiste John MUTH (1961) qui a proposé l’hypothèse des anticipations rationnelles qui fut réalisée à la suite d’une étude tout à fait pratique de l’évolution des prix industriels. Il a en effet constaté que les industriels prévoyaient eux même l’évolution des prix industriels, certes avec des évolutions assez considérables mais que ces erreurs n’avaient aucun biais systématique (tantôt des prévisions de prix trop élevés, tantôt des prévisions de prix trop faibles). En moyenne, leurs prévisions de prix étaient bonnes. Il en résulte un moyen de coïncidence entre les prix prévus et les prix réalisés sur les marchés. Or, ces résultats prévisionnels ne pouvaient être dépassé par d’autres états de l’analyse économique. Les prévisions des industriels sont donc au moins aussi bonne que les modèles complexes de l’analyse économique et en tout cas bien meilleures que les modèles simples. Aucun industriel n’aurait l’idée d’acheter des prévisions sur l’évolution des prix à un agent extérieur ! Conclusion de John MUTH : Ces industriels sont à l’évidence des agents rationnels, intéressés par ces prévisions. Ils font des efforts pour s’informer sur tous les éléments qui influent sur l’évolution des prix, et grâce à cela, ils obtiennent les prévisions les meilleures possibles. Dans ce domaine, il n’y a donc pas d’anticipation rigide, et il n’y a donc pas de biais systématique. On considère donc que ces anticipations sont rationnelles et parfaitement adaptées à l’objet sur lequel elles portent. Contrairement à ce que dit une autre partie de l’Ecole de Chicago représentée par Simon, ce qui caractérise l’économie, c’est la rationalité. John MUTH considère que au cours des années 70, on a transféré la notion d’anticipations rationnelles de la microéconomie vers la macroéconomie. B. L’application en analyse macroéconomique La mise en cause des fonctions macroéconomiques de type keynésien est une réflexion sur 2 domaines : - l’impact de l’inflation et - l’impact de la politique monétaire sur l’équilibre macroéconomique. La première approche a un effet dévastateur sur la notion même de modèle économétrique tel qu’il était connu dans les années 70. Ces modèles prétendent prévoir l’évolution économique à partir de centaines et de milliers d’équations obtenues par un ajustement sur certains liens entre variables enregistrés par les domaines statistiques. On pensait que sur la base d’une inflation stable, on pouvait prévoir l’évolution économique à partir d’hypothèses sur quelques variables considérées comme exogènes. Yt+1 = F(Yt, Xt+1, θ) θ est un coefficient stable ; ici, on a un nombre de 100 fonctions différentes qui représentent le nombre de coefficient θ. Yt est constaté à partir des relevés statistiques. C = B + cY - 55 - On a donc une variable exogène qui correspond au schéma keynésien :Y = I / (1-c) Dans les années 70, Robert LUCAS a souligné que ces modèles économétriques ne pouvaient pas fonctionner car ils supposaient des agents réagissant de manière mécanique aux changements dans les variables de leur environnement. On considère que les variables autonomes changent de 10 à 20% et on considère que les coefficients de transmission θ qui traduisent la réaction des agents aux modifications de la variation ne changent pas. Dans un cadre d’anticipations rationnelles, ceci est inadmissible car on ne peut pas concevoir l’existence de coefficients fixes. Les agents vont en effet modifier ces coefficients pour s’adapter aux changements de leurs variables d’environnement. C’est ainsi que les consommateurs vont réagir différemment à une même variation de leur revenu selon qu’ils anticipent un accroissement du chômage dans l’économie ou au contraire une baisse du chômage dans l’économie. On ne peut donc pas considérer que des coefficients de liaison entre variables constatées dans le passé restent valables dans un autre environnement car les agents économiques tendent à s’adapter à ce nouvel environnement. Plus particulièrement, l’hypothèse des anticipations rationnelles a été transférée au domaine de la politique monétaire conformément au principe dit « d’invariance ». Ce principe a été énoncé en 1976 par deux économistes relativement connus : SARGENT et WALLACE. « Une variation anticipée de l’offre de monnaie est sans effet sur l’équilibre macroéconomique. » La raison simple en est que si les agents constatent que l’offre de monnaie est fortement accrue par la politique monétaire, ils prévoient que l’inflation va augmenter et immédiatement, ils intègrent à leurs contrats une hausse de l’inflation ce qui laisse leurs contrats en terme réel inchangés. Corollaire : Une politique monétaire n’a un effet macroéconomique réel que si elle provoque un changement de la masse monétaire qui n’est pas anticipé par les agents. En effet, dans ce cas, les agents passent leur contrat sur la base du taux d’inflation qui résulte de l’offre de monnaie (qui est connue). La banque centrale ne change pas sa politique, et elle crée une offre de monnaie plus forte. De ce fait, les acheteurs payent moins cher qu’ils ne devraient les biens et les services qu’ils achètent et le taux d’inflation devient alors inférieur au taux d’intérêt nominal. Il y a alors une possibilité d’accroissement de l’emploi, et par la même de la production, les agents n’ayant pas pu anticipé cette hausse inattendue de l’offre de monnaie. Pour être efficace, il faut donc mentir, ceci n’étant possible qu’une fois car ensuite on a une perte de crédibilité. Les agents vont alors essayer de se prémunir en suivant ce qu’elle fait et non ce qu’elle dit. Les agents économiques sont en effet censés être rationnels dans leurs anticipations et leurs comportements et ils cherchent à anticiper l’avenir de manière à s’y adapter le mieux possible. Il est évident qu’un tel comportement ne permet plus de considérer le processus macroéconomique comme un processus purement mécanique. Il faut faire place à ces anticipations des agent qui jouent un rôle essentiel dans la formation de leur comportement. - 56 - Ces anticipations sont-elles cependant toujours rationnelles ? Il est nécessaire de tenir compte de ces anticipations et même si on admet qu’elles ne sont pas rationnelles, on doit être attentif à celles-ci quand on envisage l’évolution à court terme de l’économie. C. L’utilisation de ces anticipations comme instrument de prévision. La voie qui est explorée depuis une vingtaine d’années consiste, plutôt que de recourir à des modèles économétriques, en des enquêtes de conjoncture dont le noyau essentiel est constitué par une enquête auprès des chefs d’entreprise pour connaître l’évolution de leur production telle qu’ils l’envisagent dans l’année à venir. Le rôle des prévisionnistes est de transformer ces anticipations en agrégats macroéconomiques. C’est une tâche difficile car ces prévisions ne sont pas directement additionnables (ce sont des données qualitatives qu’il est nécessaire de transformer en données quantitatives). On essaye donc de les confronter aux prévisions probables des exportations qui ne sont que les conséquences de la prévision de noyau des investisseurs. On a une hypothèse forte qui est la rationalité des anticipations des chefs d’entreprise. Ce qu’ils espèrent obtenir à partir de ces enquêtes, ce sont les prévisions de retournement conjoncturel. Le gros problème rencontré est que si les chefs d’entreprises sont des agents rationnels on va passer brusquement d’une croissance rapide à une croissance faible, comme les chefs d’entreprise n’ont pas d’anticipations rigides car à tout moment, ils révisent leurs anticipations à partir des données dont ils disposent (en particulier avec leur carnet de commande). Cela veut dire qu’ils changent aussi rapidement que nécessaire leurs anticipations et que des entreprises peuvent très bien prévoir 1 mois après un arrêt de la croissance car les données ont changé. Ceci explique pourquoi on révise en permanence les prévisions. Mais d’un autre côté, on ne peut pas prolonger ce changement de prévision car il est fortement possible que les prévisions des chefs d’entreprise changent de nouveau quelques mois après. Par exemple en France, il y a eu un brusque pessimisme des chefs d’entreprise à la fin de 1998, puis un nouvel optimisme à partir du deuxième semestre, celui ci étant de courte durée, on le qualifie de « trou d’air ». Dominique STRAUSS-KAHN a réussi néanmoins à maintenir les prévisions de croissance pour 2003. Lorsque pour les uns et les autres (consommateurs et producteurs) il y a pessimisme, on ne peut plus penser qu’il y a un simple trou d’air et on dira plutôt qu’il y a un ralentissement marqué de l’activité économique. La loi d’Okun : Mécanisme pour former la courbe H, courbe de formation des prix, en relation avec la courbe de Philips. Okun : 1928 – 1980 Il s’est intéressé à la notion de produit potentiel. - 57 - Constat statistique : de la période d’après guerre, en moyenne, chaque changement en pourcentage dans le sous emploi au dessus de 4% a été associé avec une décroissance de 3% dans le produit national réel. Okun transforme cette réflexion en l’établissement d’une liaison entre rythme de croissance du produit national et l’évolution du taux chômage constaté dans l’économie. Quel rythme de croissance il faudrait pour réduire chômage ? France : croissance de 2,4% (2004) comme en 2004 ne permet pas de baisser le taux de chômage. Il y a dans l’évaluation économique un rythme de croissance neutre en terme d’évolution du taux de chômage si l’économie croît plus rapide le taux de chômage diminue. Si le produit national croît en dessous de ce rythme le taux de chômage va augmenter. C’est là que l’on voit la notion de produit potentiel qui est une notion dynamique quasiment. Le produit potentiel va varier d’une période à l’autres sous l’effet d’un facteur essentiel étudié sous l’angle de l’offre qui est la croissance de la productivité par heure travaillées. Cette croissance suffit à elle seule pour provoquer une croissance du produit national avec un niveau d’emploi constant, donc si le produit national n’augmente pas alors que la productivité augmente, le taux de sous emploi va augmenter, et il faut en principe que la croissance produite soit plus rapide que la croissance de la productivité pour que l’emploi augmente. C’est cette règle qui est derrière la loi d’Okun qui indique que la baisse de sous emploi va se faire dès lors que la croissance du produit potentiel > à la croissance de la productivité. Ce qui fait que cette loi n’est pas d’une stabilité satisfaisante est que le rythme de croissance de la productivité n’est pas régulier, il varie d’une année à l’autres et modifie le rapport entre le taux de croissance du produit et l’évaluation du taux de sous emploi. Malgré cette instabilité on a pu établi r une sorte de loi statistique d’Okun qui pour les années 70, 80 et 90 aurait l’aspect suivant : 3,2% de croissance du produit => pas de variation du taux de sous emploi ∆Y (%) ∆u = α + β g β > 0 6 2 Loi statistique d’Okun 0 -2 ∆u -4 -2 -1 0 1 2 Ce qui donne la formule : y = 3,2 - 2∆u ∆u = ½ (3,2 – y) = 1,6 – ½ y Cette loi importante est néanmoins anormale dans son expression puisque le lien n’est pas entre la croissance du produit et le taux de sous emploi mais entre la croissance du produit et la quantité de force de travail employé. Ce qui détermine le nombre d’heure travaillées c’est d’abord le rythme de croissance de la productivité (si elle augmente rapidement il faut plus d’homme) et par ailleurs 2ème incertitude qui tient au fait que la quantité d’homme travail va varier de manière compliquée mais on voit que si la croissance du produit est rapide une tendance se manifeste à augmenter le nombre d’heure de travail/ personne employée, ne serait-ce que par l’augmentation d’heure supplémentaire. Enfin il y a un autre élément important qui est l’évolution d’une période à l’autre de la population active c'est à dire censée - 58 - pouvoir travailler. Si cette population augmente le taux de chômage va être plus élevé pour un rythme de croissance donné du produit national. Il y a une multitude de raisons pour que le lieu entre le rythme de croissance du produit national et le changement du niveau de sous emploi ne puisse pas correspondre à une loi statistique stable, formulable. Or il y a une certaine régularité dans ce lieu même s’il se trouve perturbé en plus ou en moins dans certaine période. On a constaté aux EU que certaines années avec un taux de croissance rapide du produit national, le taux de sous emploi ne diminuait pas parce que la productivité augmente fortement qu cours de cette année, alors que l’année suivante malgré un ralentissement de la croissance, le sous emploi baisse de manière importante parce que la productivité par heure travaillées n’augmente pratiquement pas. Dans les années 2000 malgré un taux de croissance élevé > 5%, le taux de sous emploi ne variait pas et il s’est mis à baisser quelques semestres plus tard lorsque la croissance de la productivité s’est ralentie. Liaison instable d’une période à l’autre mais loi qui est une évidence pour les économistes. C’est le rythme de croissance qui détermine le niveau du taux de sous emploi ou les variations de ce taux de sous emploi, car la loi d’Okun reconnaît qu’il y a pour chaque économie à un moment donné un taux de sous emploi structurel qui à l’inadaptation relative de l’offre de travail au type d’emploi disponible dans l’économie, on a une inadaptation du stock de capital à l’offre de travail disponible dans l’économie. Si ∆u = 0 , ∆Y = α / valeur absolue de β (= 1,6/1/2) En reprenant la formule ∆u = 1,6 – ½ y on constate que s’il n’y avait pas de croissance du produit le taux de chômage Conclusion du second chapitre : Depuis deux ou trois ans, le rôle de la demande globale dans l’équilibre macroéconomique apparaît comme le déterminant fondamental de l’équilibre macroéconomique. On suit donc attentivement tous les ans l’évolution des composantes de cette demande globale et l’évolution des anticipations des agents qui déterminent directement ces composantes de la demande globale. En ce sens, la macroéconomie actuelle est keynésienne puisque le principal apport de KEYNES a été de rappeler le rôle déterminant de la demande globale sur l’équilibre macroéconomique. En revanche, si l’on considère les composantes de cette approche par la demande globale, il y a de nombreuses divergences avec la Théorie Générale de KEYNES. Ces fonctions fondamentales d’investissement et de consommation sont toujours des variables essentielles, mais leur mode de détermination est très différent de la conception que KEYNES avait. Il s’agit surtout du jeu de la fonction de consommation qui était une fonction subordonnée dans le modèle en ce sens qu’elle se contentait de transmettre les influences en provenance de la variable autonome : l’investissement. - 59 - Désormais, la fonction de consommation constitue une variable quasi autonome du système. Elle est subordonnée aux anticipations des consommateurs et non pas au niveau de l’investissement. La fonction d’investissement n’existe pas et on peut donc admettre que l’on est plus proche de Keynes que de ses successeurs. On ne dit pas que l’investissement est irrationnel mais on a renoncé à découvrir une fonction stable de l’investissement qui dépend avant tout des anticipations des investisseurs. Autre différence : on admet politiquement comme Keynes l’existence d’un biais déflationniste systématique dans la demande globale. Il y a d’autres époques où la demande globale est insuffisante et d’autres époques où la demande globale est excédentaire et où elle provoque une croissance accélérée. Dernière différence par rapport au modèle keynésien : dans la plupart des pays développés, la politique budgétaire ne joue qu’un rôle secondaire dans la politique macroéconomique globale alors que Keynes et les keynésiens pensaient qu’elle devait avoir un rôle déterminant, et ce que l’on soit en régime de change fixe et/ou de change flottant. L’autre élément est l’importance du coté de l’offre : la macroéconomie actuelle étant obligée d’explorer le jeu de l’offre globale et ne peut pas se contenter dans les modèles keynésiens de faire apparaître occasionnellement la capacité d’offre potentiellement excédentaire comme une simple variable annexe de l’équilibre macroéconomique. - 60 -