Adam SMITH (1723-1790) : Division du travail et extension des

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Adam SMITH (1723-1790) : Division du travail et extension des marchés :
Adam SMITH (1723-1790) : économiste écossais :
Théorie des sentiments moraux (1759)
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)
I.
L’auteur : un observateur de la naissance de l’« économie » :
Document 1 – Qui est Adam Smith ?
Adam Smith naît le 5 juin 1723 dans le petit village de Kirkcaldy en Ecosse. Son père, contrôleur des
douanes, décède deux mois avant sa naissance. C’est son oncle qui s’occupa de son éducation. A 14 ans, il est
ainsi envoyé à l’université de philosophie de Glasgow. Il poursuit ses études à Oxford puis retourne à Edimbourg
entamer une carrière de professeur. Il y devient, aux côtés du philosophe David Hume, professeur de logique
puis professeur de philosophie morale. Il s’intéresse alors essentiellement, dans la lignée de Hume, à la nature
des sentiments humains. Son problème central est celui de la possibilité d’un intérêt personnel égoïste cohabitant
avec l’intérêt collectif, problème auquel il répondra notamment avec la théorie de la « main invisible » dans
l’ouvrage :
Théorie des sentiments moraux (1759).
En 1764, Adam Smith devient le précepteur du jeune Duc de Buccleuch et l’accompagne pour son
Grand Tour en Europe pendant 4 ans. Pendant ce voyage, il passera du temps à Toulouse où il rencontre Voltaire
et d’Alembert, et à Paris où il rencontre les premiers économistes de l’époque, c'est-à-dire les physiocrates
Turgot et Quesnay. Il est ainsi en contact avec les plus célèbres intellectuels de l’époque. Dans les mêmes années
1760-1770, il observe de lui-même les transformations économiques qui affleurent en France mais surtout au
Royaume-Uni. C’est de ce voyage qu’on peut dater la problématique centrale d’Adam Smith :
 quelle est la source de la croissance économique ? (II)
Il répond à cette problématique avec l’ouvrage :
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776).
L’œuvre a un grand succès dès sa sortie et marque une génération d’hommes politiques et
d’intellectuels. En 1778, Adam Smith est nommé commissaire aux douanes, puis recteur de l’université de
Glasgow de 1787 à 1789. Il passe les 12 dernières années de sa vie aux côtés de sa mère, et décède en juillet
1790.
II.
Comprendre l’origine de la richesse des nations : la division technique et sociale
du travail :
Le principal livre d’Adam Smith s’intitule Recherche sur la nature et les causes de la richesse
des nations (1776). C’est sur lui que nous allons surtout travailler.
A. Le travail, source de la richesse :
Tout d’abord, d’où vient la richesse des nations, c'est-à-dire d’où vient la production ?
Document 1 page 341. Question 1 page 345.
Question 1 : Selon Adam Smith, la richesse d’une nation dépend essentiellement du
travail effectué par ses habitants. La production peut augmenter de deux manières : par
l’augmentation de la quantité de travail utile et par l’amélioration de la qualité du
travail.
Pour Adam Smith, c’est alors essentiellement l’amélioration de la qualité du travail qui
va permettre la richesse des nations. Pour y arriver ? La division du travail.
Pour parler de cela, Adam Smith va alors surtout travailler sur un thème, celui de la division
du travail. En fait, on va voir qu’il y a deux conceptions au terme.
NB : Smith distingue sans le dire deux types de division du travail, que nous allons
distinguer : la division technique du travail (DTT) et la division sociale du travail (DST).
1
B. De la division technique du travail… :
A quoi pense Smith en parlant de division du travail ? Premier sens : DTT.
1. Le principe : l’exemple de la manufacture d’épingles :
Exemple classique chez Smith pour présenter la division du travail : la manufacture
d’épingles.
Document 2 page 341, questions 2 et 3 page 345.
Question 2 : avant l’intro de la DTT, les ouvriers sont fortement qualifiés (ont été formés
à un métier, proche de l’artisan).
Question 3 : l’introduction de la division (technique du travail) change beaucoup les
choses.
Avant
Après
Outillage
Faible
Faible !
Qualification
Générale
Spécialisée
Division du travail
Non
Oui
Nombre d’ouvriers
10
10
Volume total de production
200
48 000
Volume de production par ouvrier
20
4 800
La division technique du travail est un type d’organisation du travail au sein de l’unité
de production : elle renvoie uniquement à l’idée d’une spécialisation des employés tout
au long du processus de production.
2. Les conséquences de la division technique du travail :
Quelles sont les conséquences de la division technique du travail ?
a. Une hausse de la productivité sans capital additionnel :
Qu’est-ce qu’on constate déjà simplement ?
Document 2 page 341, questions 4 et 5 page 345.
Question 4 : Productivité par tête multipliée par 4800/20 = 240.
Question 5 : La conséquence principale de la division technique du travail est
l’augmentation de la productivité et ainsi de la production.
Comment de tels gains sont-ils possibles ?
Document 3 page 341, questions 6 et 7 page 345.
Pour Smith, il y a trois facteurs dans la division du travail qui contribuent à l’efficacité
du processus de production.
Division du travail  Spécialisation  Plus grand talent (1)
 Gains de Productivité
Gains de temps (2)
Invente de nouvelles machines (3)
Voyons trois exemples contemporains de cela pour comprendre.
 Argument 1 : dans l’industrie automobile aujourd’hui, forte division des tâches.
Exemple sur les chaînes de montage, un ouvrier est chargé de monter la boîte à vitesse
sur la voiture. Il s’agit d’une tâche assez complexe, et le fait qu’il ne fasse que cela
augmente sans conteste son efficacité (learning by doing)
 Argument 2 : exemple dans les services de restauration rapide. Division du travail pour
aller plus vite. Si chaque vendeur devait aller cuire le steak, aller faire cuire les frites…
le hamburger du client serait prêt en un temps très long  perte d’efficacité dans le
travail car chaque salarié doit aller d’un endroit à une autre des cuisines, et cela
pourrait le pousser à discuter à droite et à gauche  Flânerie
2
 Argument 3 : un journaliste dans une rédaction va découvrir un raccourci clavier
intéressant sur le logiciel qu’il utilise pour rédiger ses articles
Penchons-nous un peu plus sur ce que peut signifier le dernier.
Document 2 de la FD.
Document 2 – De la division du travail aux nouvelles machines (et non l’inverse) :
« Je ferai remarquer seulement qu'il semble que c'est à la division du travail qu'est originairement due
l'invention de toutes ces machines propres à abréger et à faciliter le travail. Quand l'attention d'un homme est
toute dirigée vers un objet, il est bien plus propre à découvrir les méthodes les plus promptes et les plus aisées
pour l'atteindre, que lorsque cette attention embrasse une grande variété de choses. Or, en conséquence de la
division du travail, l'attention de chaque homme est naturellement fixée tout entière sur un objet très simple. On
doit donc naturellement attendre que quelqu'un de ceux qui sont employés à une branche séparée d'un ouvrage,
trouvera bientôt la méthode la plus courte et la plus facile de remplir sa tâche particulière, si la nature de cette
tâche permet de l'espérer. Une grande partie des machines employées dans ces manufactures où le travail est le
plus subdivisé, ont été originairement inventées par de simples ouvriers qui, naturellement, appliquaient toutes
leurs pensées à trouver les moyens les plus courts et les plus aisés de remplir la tâche particulière qui faisait leur
seule occupation. […] Dans les premières machines à feu, il y avait un petit garçon continuellement occupé à
ouvrir et à fermer alternativement la communication entre la chaudière et le cylindre, suivant que le piston
montait ou descendait. L'un de ces petits garçons, qui avait envie de jouer avec ses camarades, observa qu'en
mettant un cordon au manche de la soupape qui ouvrait cette communication, et en attachant ce cordon à une
autre partie de la machine, cette soupape s'ouvrirait et se fermerait sans lui, et qu'il aurait la liberté de jouer tout à
son aise. Ainsi, une des découvertes qui a le plus contribué à perfectionner ces sortes de machines depuis leur
invention, est due à un enfant qui ne cherchait qu'à s'épargner de la peine ».
A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre I, Chapitre 1, 1776
Question 1 : Expliquez le titre du document à partir du texte.
Question 2 : Montrez que la dernière phrase illustre le phénomène de la main invisible (vu en classe dans le
chapitre 2 et qui porte sur le rapport entre les intérêts personnels et l’intérêt général).
Question 1 : Smith veut montrer que les formidables gains de productivité de l’ère
industrielle (dont il est le contemporain) ne sont pas dus avant tout à la technologie mais
à une nouvelle et plus efficace organisation du travail.
DONC :
ce n’est pas : nouvelles machines  idée de diviser le travail
mais : division du travail 
tâches élémentaires faciles à faire
reproduire par une machine
 innovations de procédé.
Question 2 : Cette évolution des techniques est favorisée par le mécanisme de la main
invisible. En cherchant son intérêt individuel, l’enfant qui innove trouve quelque chose
de bénéfique pour la communauté toute entière (en augmentant la production et donc la
richesse de la nation).
b. Une démoralisation des travailleurs :
Cependant, on peut voir une limite à la division du travail, qui vous saute à la gueule de suite,
c’est la démoralisation des travailleurs à force de toujours faire la même chose.
Lire les documents 10 et 11, plus le document 3 de la FD.
Pour Adam Smith, il y a une limite à la division du travail, c'est-à-dire l’abrutissement
des travailleurs (document 10).
Comme cet abrutissement peut être néfaste à la société, l’Etat a donc un rôle
supplémentaire à jouer en plus des fonctions régaliennes (armée, police, justice) liées à la
conception libérale de l’Etat : il a pour devoir de favoriser l’éducation de tous
(document 11).
Attention, contrairement à ce qu’on pourrait penser, Smith n’est donc pas un défenseur
de l’ultralibéralisme. Il réfléchit à l’ensemble des aspects du problème qui l’occupe,
c'est-à-dire la richesse des nations, richesse aussi bien économique que morale.
3
Document 3 – Adam Smith, humaniste autant qu’économiste :
Entretien avec Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998.
« Vous souvenez-vous de votre première lecture des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ? »
« Pendant ma scolarité en Inde, j'avais déjà conscience de l'importance des écrits d'Adam Smith, mais je n'ai
vraiment été en contact avec ses oeuvres originales que lors de ma première année universitaire, au Presidency College de
Calcutta, à la fin de l'été 1951. J'avais alors 17 ans, et je fus enthousiasmé par les innovations pionnières apportées par Smith.
[…] Smith lui-même était extrêmement critique sur les inégalités économiques et sociales, et sur les asymétries de la
structure de classes qui séparait de façon rigide les travailleurs des catégories privilégiées. Quand j'ai commencé à lire La
Richesse des nations, j'ai découvert que Smith était extrêmement préoccupé – et critique – au sujet du sort des pauvres, même
au sein des sociétés prospères. J'ai été particulièrement ému par la puissante analyse de Smith selon laquelle les riches
réussissent mieux non pas parce qu'ils ont, en général, plus de talents que les autres, mais parce qu'ils ont eu la chance de
recevoir une meilleure éducation et parce que leur style de vie leur laisse du temps libre et la possibilité de se cultiver.
« Voici un passage de Smith qui, lorsque je l'ai lu pour la première fois, en 1951, m'a bouleversé : ‘‘Les gens du
peuple […] n'ont guère de temps de reste à mettre à leur éducation. Leurs parents peuvent à peine suffire à leur entretien
pendant l'enfance. Aussitôt qu'ils sont en état de travailler, il faut qu'ils s'adonnent à quelque métier pour gagner leur
subsistance. Ce métier est aussi, en général, si simple et si uniforme, qu'il donne très peu d'exercice à leur intelligence ; tandis
qu'en même temps leur travail est à la fois si dur et si constant, qu'il ne leur laisse guère de loisir, encore moins de
disposition, à s'appliquer, ni même à penser à autre chose’’.
Je vous cite cet extrait – tiré du chapitre 1 du livre V – non seulement parce que je l'ai relu récemment lorsque
j'écrivais la préface de la réédition – à l'occasion du 250ème anniversaire de sa parution, en 1759 – du premier livre de Smith,
La Théorie des sentiments moraux, mais aussi parce qu'il y a quelque chose d'exceptionnel dans la clairvoyance et la
compassion que Smith révèle, et qui me l'avait rendu très proche dans ma jeunesse. J'ai été particulièrement frappé par son
empathie pour les autres, aussi éloignés de lui soient-ils en termes de classe, de milieu ou de style de vie, extrêmement
différents du sien. Tout au long de La Richesse des nations, il déploie un fort sentiment de solidarité avec les exclus de la
société. C'est une caractéristique dont j'ai constaté l'absence dans la façon dont la littérature économique standard analyse les
questions économiques.
Amartya Sen, Entretien, Le Monde, 16 octobre 2009
3. L’origine de la division du travail :
Revenons à ces questions de morale qui sont très importantes pour Smith, qui était, ne
l’oublions pas, professeur de philosophie. On pourrait alors se poser une question :
Qu’est-ce qui explique que les hommes cherchent à diviser le travail ?
Documents 4 et 5 page 342, questions 9, 11, 12 et 13 page 345.
 Lisons ensemble le document 4, §1 et 2.
Question 9 : L’origine de la division du travail est à chercher dans la « propension des
hommes à échanger ». Prenons un exemple : pour Smith, il y a un trait des hommes qui le
différencie de tous les animaux, c’est le fait d’échanger. Il prend l’exemple du chien : aucun
chien ne va aller voir un autre chien pour lui échanger un os contre une balle en mousse. Ils
vont lutter pour, mais pas échanger. Et si l’un cède, c’est presque par mépris pour l’autre.
 Continuons avec le paragraphe 3.
Question 12 : Cette propension à échanger est guidée par l’intérêt et non par
l’altruisme. Comme chacun a besoin des autres, il a besoin de s’adresser à leur égoïsme
pour être sûr d’obtenir d’eux ce qu’il veut.
 Quelles sont les différentes phrases du texte qui nous permettent de bien voir cela ?
« Donnez-moi ce dont j’ai besoin et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin
vous-mêmes » ; « nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur
égoïsme » ; « ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours
de leur avantage ».
 Comment expliquons-nous maintenant le lien entre cette propension et la DTT ?
Question 11 : Par conséquent, pour Smith, il est naturel à l’homme d’échanger et de
chercher à être plus productif pour échanger. L’homme va donc naturellement chercher
un moyen d’être plus productif, et pour cela il va diviser le travail.
Où est-ce qu’on a cet exemple dans le texte ?
Par exemple, c’est le travail du chasseur, différent du travail du berger, différent du
travail du cordonnier, différent du travail du forgeron, etc.
4
Passons maintenant au document 5 page 342. Relisons-le ensemble.
Question 13 : Par l’échange marchand, la recherche de l’intérêt personnel permet
naturellement de contribuer au bien général. C’est ce que Smith appelle le mécanisme
de la main invisible et qui sert à défendre le principe du libre marché : puisque chacun
veut son propre intérêt et a besoin de contenter l’intérêt des autres pour y parvenir, tous
collaborent avec tous par l’échange et la richesse de tous est possible. Il est donc
nécessaire de laisser les individus faire ce qu’ils veulent sur un marché, en les forçant
seulement à collaborer entre eux, pour atteindre l’intérêt général.
Attention, simple remarque. Smith est lucide. Il ne dit pas que le monde sera parfait,
mais qu’il sera simplement le meilleur possible.
C. … A la division sociale du travail : le cercle vertueux entre division technique du
travail et extension des marchés :
La théorie de Smith sur la division du travail a vite pris une dimension
macroéconomique. Il y a alors un deuxième sens de division du travail : DST. C'est-àdire ?
Document 4 de la FD
Document 4 – La division sociale du travail accompagne la division technique du travail :
« Observez, dans un pays civilisé et florissant, ce qu'est le mobilier d'un simple journalier ou du dernier
des manœuvres, et vous verrez que le nombre des gens dont l'industrie a concouru pour une part quelconque à lui
fournir ce mobilier, est au-delà de tout calcul possible. La veste de laine, par exemple, qui couvre ce journalier,
toute grossière qu'elle paraît, est le produit du travail réuni d'une innombrable multitude d'ouvriers. Le berger,
celui qui a trié la laine, celui qui l'a peignée ou cardée, le teinturier, le fileur, le tisserand, le foulonnier, celui qui
adoucit, chardonne et unit le drap, tous ont mis une portion de leur industrie à l'achèvement de cette oeuvre
grossière. Combien, d'ailleurs, n'y a-t-il pas eu de marchands et de voituriers employés à transporter la matière à
ces divers ouvriers, qui souvent demeurent dans des endroits distants les uns des autres ! Que de commerce et de
navigation mis en mouvement ! Que de constructeurs de vaisseaux, de matelots, d'ouvriers en voiles et en
cordages, mis en oeuvre pour opérer le transport des différentes drogues du teinturier, rapportées souvent des
extrémités du monde ! Quelle variété de travail aussi pour produire les outils du moindre de ces ouvriers ! Sans
parler des machines les plus compliquées, comme le vaisseau du commerçant, le moulin du foulonnier ou même
le métier du tisserand, considérons seulement quelle multitude de travaux exige une des machines les plus
simples, les ciseaux avec lesquels le berger a coupé la laine. Il faut que le mineur, le constructeur du fourneau où
le minerai a été fondu, le bûcheron qui a coupé le bois de la charpente, le charbonnier qui a cuit le charbon
consommé à la fonte, le briquetier, le maçon, les ouvriers qui ont construit le fourneau, la construction du moulin
de la forge, le forgeron, le coutelier, aient tous contribué, par la réunion de leur industrie, à la production de cet
outil ».
A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre I, Chapitre 1, 1776
Question 1 : Soulignez toutes les professions qu’on peut associer directement ou indirectement à la veste de
laine du journalier (personne qui est employée pour une journée).
Question 2 : Essayer d’imaginer toutes les professions qui ont contribué directement ou indirectement à la
production du stylo qui vous permet en ce moment d’écrire.
Question 3 : Peut-on parler dans les deux cas d’une division sociale du travail ? Que signifie alors ce terme ?
Pour Smith, la division du travail est aussi une division sociale du travail : la division
sociale du travail désigne l’organisation de la société en différents métiers spécialisés
chacun dans la production d’un petit nombre de produits.
Cela dit, généralisons maintenant un petit peu. Qu’est-ce qui rend possible une forte DST ?
 Est-ce que tous les ces métiers auraient un sens dans un petit village ? Non, car il
n’y aurait jamais assez d’acheteurs pour quelque chose d’hyper spécialisé.
 Donc si on commence à diviser le travail, qu’est-ce qu’il va se passer si on est dans
un petit village ? Soit on ne se spécialise pas trop, soit on essaye de trouver d’autres
marchands.
5
Lisons donc maintenant le document 7 page 343.
Pour Adam Smith, il y a une relation de réciprocité entre la taille des marchés
(manifestation réelle de la propension à échanger) et la division du travail :
- La taille des marchés limite la division du travail : dans les marchés petits
(exemple : village d’Ecosse), on est peu incité à échanger donc on est peu incité à
produire beaucoup et il y aura peu de division du travail.
- La division du travail incite à augmenter la taille des marchés : quand on divise
le travail, on va produire plus et chercher donc de nouveaux acheteurs, ce qui va
conduire à l’augmentation de la taille des marchés (exemple : passer du village à
la ville). Et dans l’idée de Smith, rien n’interdit que le marché devienne mondial,
comme c’était déjà le cas pour certaines mises à son époque. Il pense donc déjà à la
mondialisation du commerce comme conséquence ultime de la division du travail.
Pour conclure ce II, un schéma récapitulatif :
III.
La division du travail est-elle toujours au cœur de la richesse des nations ?
Est-ce que la pensée de Smith est toujours pertinente pour comprendre la croissance
économique ?
A. Les mutations de l’organisation productive en question :
Est-ce que la division du travail reste importante pour comprendre l’organisation du
travail dans les entreprises ? Plus généralement, est-ce que la DTT est encore source de
croissance économique ?
1. Adam Smith, précurseur du taylorisme ?
Reprenons ensemble ce qu’on a déjà pu dire en faisant un tableau comparatif.
Nom de l’organisation du travail
Objectif
Comment atteindre l’objectif ?
Inconvénients
Solutions aux inconvénients
Smith
Division du travail
Gains de productivité
1. Plus grand talent ;
2. Gains de temps ;
3. Inventer de nouvelles
machines
Abrutissement des
employés
Etat finance l’éducation
pour tous
Taylor
Organisation scientifique du travail
Gains de productivité
1. Division horizontale du travail
(parcellisation et spécialisation) : même
avantages que chez Smith sauf 3
2. Division verticale du travail (séparation
conception et exécution, imposition de la
méthode de production ; contrôle
hiérarchique) : mise en place de la technique
la plus scientifique possible
Abrutissement des employés
Contrôle hiérarchique pour maintenir
l’ordre de la production
On constate que la pensée de Smith a fortement inspiré la grande révolution de
l’organisation productive qu’a été le taylorisme, et donc aussi le fordisme (taylorisme +
machinisme + standardisation des produits + 5$/day). La pensée de Smith est donc au
cœur de la croissance du début XXème siècle.
6
2. La remise en cause du schéma fordiste : un remise en cause de Smith ?
Avec la fin des Trente Glorieuses, on a constaté une crise du mode de production fordiste.
La crise du fordisme s’est notamment appuyée sur la critique des effets négatifs de la
division du travail :
- l’école des relations humaines (Mayo, 1924-1932) montre que la division du
travail crée des gains de productivité lorsque les conditions de travail sont
favorables aux employés. En étudiant l’entreprise Western Electric Company,
Mayo et ses collègues ont démontré que la productivité augmentait dans les
ateliers quand on prenait attention aux ouvriers et qu’on leur montrait qu’on
leur accordait ne serait-ce qu’un peu d’importance. Il est donc nécessaire de ne
pas trop diviser le travail.
- la critique marxiste, forte dans les années 1960, considère que la division du
travail est toujours une manière d’aliéner l’homme. Pour Marx (dans Manuscrits
de 1844), diviser le travail, c’est aussi diviser le travailleur : celui qui produit est
aliéné, il ne peut plus saisir le sens de son action (exemple caricatural de ceux qui
produisent des armes ou des munitions) et il devient un être sans conscience,
totalement à la merci de l’employeur, et ce d’autant plus que c’est l’employeur
qui garde le produit du travail. Cette vision a été remise au goût du jour avec le
sociologue français Georges Friedmann et son livre Le travail en miettes (1956).
La division du travail est donc à supprimer le plus possible.
Pour autant, on a vu la croissance d’un nouveau mode de production, le néo-taylorisme. Donc,
Smith n’a pas disparu.
La crise du fordisme n’a pas conduit à la disparition des idées de Smith puisque le
taylorisme s’est transformé en un néo-taylorisme, on a pris en compte la critique de
Mayo (et donné aux employés l’illusion qu’ils sont considérés avec la mise en place de la
polyvalence), mais pas celle de Marx. C’est évident, mais il faut le noter.
La division du travail reste donc bien au cœur de la croissance moderne, deux siècles
après les constatations de Smith.
B. Une division du travail croissante :
On peut même dire plus qu’un simple agrément à Smith. C’est une confirmation totale.
Est-ce que la division du travail reste importante pour comprendre au niveau
macroéconomique le fonctionnement de l’économie ? Plus généralement, est-ce que la
DST est encore source de croissance économique dans une économie mondialisée ?
1. Croissante entre les entreprises :
On va dans un premier temps voir ce qu’on peut dire sur la division du travail entre
entreprises. Texte 2 page 349, faire la question 3 comme pour une épreuve de bac (question
du rapport entre un phénomène récent et la pensée d’un auteur). Vous pouvez vous aider du
document 6 page 347 pour comprendre. On fait le travail en classe par groupes de deux. Je
passe vous voir pour vous aider à le faire, en vous donnant des conseils pour répondre à ce
type de questions. Une copie pour 2, ramassée et notée sur 10 (comme petit test).
30 minutes pour le faire. Go ! Leur donner la correction suivante.
Question : En quoi la stratégie d’externalisation confirme-t-elle l’analyse d’Adam Smith.
On présente le problème. Qu’est-ce qu’on peut se poser comme question avec l’auteur, ici Smith, pour
étudier un phénomène récent. On doit donc rappeler ce que pense Smith. Selon Adam Smith, c’est la
division du travail, causée par la propension des hommes à échanger, qui permet des gains de productivité.
De plus, l’extension des marchés accompagne une division du travail croissante, aussi bien technique que
sociale, qui contribue au bien commun par le mécanisme de la main invisible. Puis voir s’il n’y a pas une
question qu’on peut en tirer. Dans quelle mesure ces théories s’appliquent-t-elles aux pratiques des
entreprises d’aujourd’hui ?
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On présente d’abord ce que nous donne le texte étudié pour bien relier le texte à notre question générale
issue de Smith. La pratique récente des entreprises que présente Marc Chevallier dans un article
d’Alternatives Economiques est celle de l’externalisation. On pense à définir vu qu’il y a ici un terme
technique. L’externalisation consiste pour une entreprise à donner à faire une partie de sa production par un
producteur externe, généralement nommé sous-traitant. Au lieu de produire, l’entreprise décide donc
d’acheter un produit. On rappelle maintenant le problème qu’on se pose. Est-ce que cette externalisation
est bien une division technique et/ou sociale du travail au sens de Smith ?
On rentre ensuite dans le détail, en connaissant donc bien son cours. Premier constat, sur l’origine. Pour
cela, il faut d’abord se demander si elle a bien pour origine la propension des hommes à échanger. On
constate tout d’abord qu’« à l’origine de la décision d’externaliser, il y a toujours une volonté de réduire les
coûts ». C’est donc de manière consciente que les entreprises cherchent les gains de productivité,
contrairement à ce que déclarait Smith dans les Recherches.
Deuxième constat, sur le fonctionnement. Pour autant, l’externalisation fonctionne bien comme la division
du travail de Smith et a les mêmes conséquences. Si l’entreprise décide d’externaliser, c’est qu’elle
considère, entre autres, qu’un fournisseur est « spécialisé, bénéficie d’économies d’échelle ». Le
fournisseur dispose d’une assez bonne spécialisation pour pouvoir produire de grandes quantités pour un
coût unitaire faible. Il s’appuie ainsi sur une division technique du travail. De plus, cette spécialisation
s’observe par exemple par des « compétences spécifiques » coûteuses à mettre en œuvre par l’entreprise
elle-même. De la même manière que, dans une tribu, on distingue le rôle du chasseur du rôle du forgeron
en fonction de leurs compétences, les entreprises modernes distinguent leur rôle dans la production. On
assiste ainsi à une division sociale du travail interfirme par le biais de l’externalisation.
Troisième constat. Sur les conséquences Rien n’interdit alors que cette externalisation puisse profiter à
tous, comme l’explique Smith avec sa théorie de la main invisible. Comme le dit Bernard Baudry dans
Economie de la firme : « chaque entreprise, en concentrant ses ressources sur les activités qu’elle maîtrise
le mieux, fait profiter aux firmes avec lesquelles elle est en relation des progrès qu’elle réalise en termes de
coûts, de performance et de qualité ».
Dernier constat, sur le rapport entre taille des marchés et division du travail, vu qu’on a montré en quoi
c’est bien une division du travail qui est à l’œuvre : Si l’on s’en tient à l’analyse de Marc Chevallier, on
constate enfin que l’externalisation tend de plus en plus à se généraliser, et même à « perdurer, au contraire
de beaucoup de modes managériales ». Etant donné que les cinquante dernières années ont vu
l’augmentation forte des échanges internationaux, et donc de la taille des marchés, on peut supposer que les
deux phénomènes vont de pair.
On n’oublie pas de conclure. Ainsi le phénomène de l’externalisation semble-t-il bien correspondre, à
quelques nuances près sur la question de l’origine, à la théorie d’Adam Smith.
Conclusion : La DST reste au cœur de la richesse des nations quand on regarde l’externalisation.
2. Croissante entre les pays : la division internationale du travail :
 A votre avis, à quoi mènent les idées de libre-échange et de division du travail au
niveau mondial ?
La mise en pratique des propositions de Smith (libre-échange et division du travail)
mène à la spécialisation internationale et donc à la division internationale du travail.
 Pourquoi ?
Chaque pays va se spécialiser dans la ou les productions pour lesquels ses coûts de
production sont les plus faibles (ce que Smith appelle la théorie des avantages absolus) et
pourra les échanger contre des produits provenant d’un autre pays qu’il n’est pas
capable de produire à meilleur coût. C’est la raison pour laquelle on parle de Division
Internationale du travail (ou DIT).
 Quelle va être la conséquence de cela ?
De la même façon que la division du travail permet, au sein d'une nation, d'augmenter
la force productive du travail, la division internationale du travail permet d'augmenter
la force productive du travail mondial et donc d'accroître la création mondiale de
richesses et l'étendue des marchés. C’est ce qu’on va revoir à la fin de l’année quand on
parlera des effets économiques de la mondialisation.
Conclu : La DST reste au cœur de la richesse des nations quand on regarde la mondialisation.
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3. Croissante entre entreprises et pays : la décomposition internationale des
processus de production :
Cela dit, on peut encore dire plus sur la division du travail. Rien n’interdit en effet qu’il y ait
une spécialisation entre pays mais aussi entre entreprises dans le pays, donc aussi entre
entreprises entre les pays.
Lire le document 5 de la FD.
Document 5 – Externalisation et décomposition internationale des processus de production :
« ‘‘Ah, vous parlez du Meccobaï’’ m’a lancé avec désinvolture, lors d’un déjeuner, le consultant d’un
cabinet de conseil en management. ‘‘Le quoi ?’’, ai-je demandé, croyant entendre quelque expression russe.
‘‘Make or buy’’. En français : ‘‘fabriquer ou acheter’’. ‘‘Je vais vous expliquer. Prenez ce moulin à poivre’’
m’a-t-il dit en soupesant le banal petit objet, composé d’un flacon de verre, d’un couvercle en aluminium et
d’une manivelle de bois coiffée d’un bouchon décoratif. ‘‘Imaginez que nous arrivions dans l’entreprise qui le
fabrique. Pour chaque élément, chaque composant, nous posons au patron la même question : make or buy ?
Nous lui demandons en fait s’il est réellement vital pour lui de fabriquer dans son usine cette manivelle de bois,
ce bouchon, ce couvercle d’aluminium et ce flacon […].
« Tout acheteur aguerri bombardé dans une entreprise de quelque secteur que ce soit peut détecter les
processus qui pourraient être réalisés moins cher ailleurs. On voit l’éditeur provençal Actes Sud faire imprimer
des ouvrages en Thaïlande ou des grandes marques de canapé confier la couture de leurs coussins à des ateliers
du Maghreb. […] Autre illustration, le vélo vedette du groupe Décathlon, le modèle ‘‘B’Twin’’, le plus vendu au
monde, et dont les centaines de pièces viennent de trente pays différents. […] Les cadres viennent à 70% de
Chine et de Taïwan, et à 30% du Portugal. Les éclairages et les garde-boue sont français, les jantes viennent de
Belgique ou d’Espagne, les dérailleurs sont fournis par une société américaine qui fait fabriquer en Irlande, les
selles et les pédales arrivent d’Italie, les leviers de frein du Portugal, et les pneus de Thaïlande. La Suisse, qui
fournit des rayons haut de gamme, est l’un de ces pays ‘‘chers’’ qui profitent de leur forte tradition cycliste ».
F. Benhamou, Le grand bazar mondial, 2005
 De quels type d’entreprise parle ce document ?
 Quelle est la pratique qu’elles ont ? Une sorte de division du travail mais entre les
pays.
Les firmes multinationales (FMN) constituent un exemple de la division du travail
menée au sein d’une même entreprise à l’échelle planétaire.
 Vous avez des exemples de FMN ?
Exemple : IMB, General Motors, Nestlé, Renault, Décathlon…
 Que peut-on constater dans le cas de la production de vélos chez Décathlon ? Qu’il
y a des morceaux de tous les coins du monde.
Document 5 page 347.
 Est-ce qu’on observe la même chose dans le document 5 page 347 ?
 Comment peut-on décrire ce phénomène ? On a soit production par la même
entreprise, soit sous-traitance, mais dans tous les coins du monde.
Une firme multinationale (ou firme transnationale) est une grande entreprise nationale
qui possède ou contrôle plusieurs autres filiales de production dans plusieurs pays. Son
activité productive s’exerce donc dans plusieurs pays ce qui lui permet de répartir les
différentes étapes du processus de production dans différents pays. On parle alors de
DIPP pour décomposition internationale des processus de production.
Attention, cette pratique n’est pas nouvelle. On observe les premiers exemples de DIPP
dans les années 1970. La Ford Escort américaine était ainsi produite dans différents
pays.
Conclusion : la DST reste au cœur de la richesse des nations quand on regarde le
phénomène de la DIPP.
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