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l'institution, on n'attend d'un professeur, même spécialiste, qu'il fasse « de la philosophie »
sans plus de précision, mais qu'il enseigne un contenu déterminé
et cela en tenant compte de
la nature d'épreuves de contrôle prévues pour ses élèves, ces éléments se conditionnant
réciproquement (du moins quand l'enseignement est lucide et équilibré) (Desco, p.33 ; EP,
p.27). Et donc, le spécialiste, d'ordinaire, n'est pas en situation d'avoir à inventer des
contenus qui soient philosophiques, ni à prouver à personne, ni à se convaincre lui-même,
qu'ils le sont (Desco, p.33 ; EP, p.27-28).
Cette solution avancée à de quoi rendre perplexe. Comment donc concilier la nature complexe
de la philosophie, le fait qu’elle n’ait pas d’objet propre et que son caractère ultime soit la
radicalité de sa critique avec cette détermination par un programme et par un exercice
formel ? D’abord, nous pouvons voir que les instructions officielles de l’enseignement de la
philosophie ne vont pas aussi loin que celles des autres disciplines et de l’actuel projet Fillon,
sur lesquelles d’ailleurs Jean-Yves Château semble calquer ses conceptions. Comme l’écrit
Emmanuel Davidenkoff dans Libération du 30 novembre 2004 : la liberté pédagogique de
l'enseignant s'exerce dans le cadre des programmes et des instructions du ministre de
l'Education nationale avec l'aide du directeur d'école ou du chef d'établissement, avec le
conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection». L'enseignant sera donc
libre... de se soumettre aux instructions. C'était déjà le cas dans les collèges et les lycées. Une
circulaire de mai 1997 indiquait bien que «le professeur dispose d'une autonomie dans ses
choix pédagogiques» mais «dans le cadre des orientations et des programmes définis par le
ministre chargé de l'Education nationale, des orientations académiques et des objectifs du
projet d'établissement (Loi Fillon: les profs seront libres... de se soumettre). Et, que ce soit
dans les Instructions d’Anatole de Monzie de 1925
ou dans le Programme d’enseignement
de la philosophie en classe terminale des séries générales (B.O. n°25 du 19 juin 2003)
, le
législateur prend des gants, c’est le moins qu’on puisse dire si on a à l’esprit les longues
polémiques sur la questions des programmes de philosophie, avec la liberté de l’enseignant de
philosophie. Ce qui fait que la prise de position de Jean-Yves Château, qui limite la liberté
pédagogique des professeurs de philosophie, risquant tomber par là dans le risque de dérive
idéologique qu’il dénonce lui-même, nous semble très dangereuse, dans le sens qu’est éliminé
tout bonnement la différence entre la philosophie et les disciplines au profit de ces dernières,
nous pensons en particulier précisément, mais pas exclusivement, à cette discipline qu’est le
français ou les « lettres »
. Car, le propre de l’idéologie n’est-il pas de tenter de travestir la
philosophie en ce qui n’est pas elle ? Jean-Yves Château a raison de critiquer radicalement
son travestissement idéologique en didactique et en science de l’éducation. Mais d’autres
travestissements existent : en psychologie, sociologie, histoire, ou même logique voire
C’est nous qui soulignons.
L'esprit de l'enseignement philosophique. C'est pourquoi nous voulons que le mot liberté soit inscrit au début
même de ces instructions. La liberté d'opinion est dès longtemps assurée au professeur et il paraîtrait
aujourd'hui contradictoire avec la nature même de l'enseignement philosophique qu'il en fût autrement. Cette
liberté, sans doute, comporte les réserves qu'imposent au professeur son tact et sa prudence pédagogique, c’est-
à-dire en somme le respect qu'il doit à la liberté et à la personnalité naissante de l'élève.
Il n’y a pas lieu de fournir une liste exhaustive des démarches propres au travail philosophique, ni par
conséquent une définition limitative des conditions méthodologiques de leur assimilation.
Par exemple cet argument d’un collègue professeur de philosophie contre l’extension de l’enseignement de la
philosophie en 1ère : Autrement, je me souviens que C. Menasseyre, alors doyenne de l'IG de philo, m'avait mis
en garde contre le fait de marcher sur les plates bandes de nos collègues de Lettres, qu'on aurait tout à perdre
dans cette histoire. J'ai tenté de suivre son conseil mais je me suis très vite rendu compte que, quel que soit le
sujet, esthétique, moral, épistémologique même, on interférait avec les travaux d'argumentation des profs de
français. Conséquence funeste pour les élèves et pour les prérogatives de chacun. On parle des mêmes choses
mais de façons souvent opposées voire carrément contradictoires.