Cours : Culture et société dans la Grèce classique

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Le citoyen
I. Un statut lié à la filiation
1. Définition
Le politès : un mâle adulte qui appartient à la polis, participe au pouvoir. Des politai
Dèmos est terme qui désigne ensemble des citoyens. Trad. par peuple est trompeuse puisque seul les hommes sont
citoyens.
Définition du citoyen : individu mâle né d’un père citoyen et âgé d’au moins 18 ans. Citoyenneté s’acquiert par la
naissance, par la filiation. Les octrois de citoyenneté sont extrêmement rares (contrairement à pratique romaine). A vu
Clisthène, nouveaux citoyens.
-A Athènes, citoyenneté liée avec Solon à l’habitat en Attique : sont citoyens ceux qui sont nés de parents ayant habité
l’Attique et parlant langue attique (dialecte).
Formulation floue qui repose en partie sur définition territoriale de la citoyenneté. Ces gens-là, ceux qui vivent en
Attique, à partir de Solon, sont désignés comme des hommes libres. Interdiction d’esclavage (pour dettes). De ce vivier
descendent les citoyens athéniens, statut acquis par filiation patrilinéaire, excepté ouverture de Clisthène.
-Inscription sur le registre du dème : Ne suffit pas de naître de père ou père et mère citoyens, faut faire reconnaître par
cité cette naissance. A Athènes, inscription nécessaire sur le registre du dème, le lexiarchikon grammateion à 18 ans.
Jeune homme présenté par son père (adoptif ou naturel) aux membres du dème. Double vote : sur l’âge, sur sa
légitimité. Enquêtes orales.
Sur âge, faut rappeler sa naissance qui a donné lieu à un banquet avec la parentèle, donc témoins.
Légitimité : fils de citoyen et fille de citoyen. Cf banquet de naissance et surtout celui du mariage de ses parents.
Témoignages oraux fondamentaux.
Ensuite est inscrit dans la trittye de son dème et dans tribu de son dème. Garde son démotique.
Suggestion de 30 000-40000 citoyens à Athènes à époque classique même si a eu des variations importantes avec
guerres.
2. La réforme de Périclès
Grande réforme en 451. Sous Périclès, loi restreint les critères de citoyenneté : individu mâle doit avoir un père citoyen
et une mère fille de citoyen. Prive ainsi du droit de cité les enfants de couple dont la mère est étrangère à la cité..
Connaît pas bien raisons de cette loi (vise grandes familles ? Augmentation du nombre de citoyens ?..).
Souligne souci de préserver le corps des citoyens et éviter les usurpations de citoyenneté :
Révision périodiques des listes de citoyens. En 445-444, cette révision aboutit à la vente comme esclaves de près de
5000 personnes accusées d’avoir usurpé le droit de cité. Et on l’a dit pas d’octroi (une dizaine pour tout le 5èm). Sauf
octroi symbolique pour communauté entière : cf au 5è, en 427 Platées est rasée en Béotie (par Thèbes). Refuge à
Athènes et obtiennent droit de cité. A fin guerre Péloponnèse (403), décret accorde droit de cité aux Samiens qui sont
restés fidèles à Athènes jusqu’au bout. A eu aussi et inversement des tentatives pour limiter le nombre des citoyens, en
411 et 404.
3. L’originalité spartiate de la fonction guerrière des citoyens
A Sparte, citoyens n’a jamais été notion territoriale, mais statut acquis par filiation à l’intérieur d’un groupe, les
Homoioi. Ce groupe se distingue non par sa langue, mais par sa fonction : ce sont des guerriers, propriétaires terriens
mais non paysans. Différence radicale et essentielle avec Athènes. Sont donc très fortement distingués des cultivateurs,
ceux qui travaillent la terre et qui ont aussi habités le territoire de Sparte depuis fort longtemps sinon « toujours ».
Laconiens ne sont pas tous des citoyens.
II. Le privilège du pouvoir
Aristote définit les citoyens comme ceux qui ont part ou peuvent avoir part au pouvoir : Politique, III, 1.
1. Participation à l’assemblée :
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ème
Ecclesia : regroupement de tous les citoyens athéniens, à partir de 20 ans (après service éphébique au 4 ). Pour en
faire partie suffit donc d’être citoyen. Assemblée générale des citoyens. Pas de délégation de pouvoir comme nous.
Peut en théorie regrouper 30 000 personnes si retient ce chiffre pour ombre de citoyens athéniens. Très théorique, tous
ne viennent pas. Connaît qu’un quorum, pour ostracisme, 6000 personnes. Devait être grande assemblée.
Se réunit sur la Pnyx, colline en face de l’Acropole, du lever au coucher du soleil. Citoyens assis par terre sur les
pentes de la colline. A une tribune pour les orateurs et autel pour les sacrifices. Au 5ème se réunit 10 fois par an, une fois
par prytanie ; au 4ème, 40 fois par an, 4 fois par prytanie et une de ces 4 assemblées est dite assemblée principale.
Son rôle est de voter les lois. N’importe quel citoyen peut présenter un texte de décret mais en est responsable et peut
ensuite se faite attaquer en justice par quiconque si considère que sa proposition est illégale (au 4è : graphè para
nomon). Orateur s’avance à tribune coiffé d’une couronne de myrte signe de sa fonction sacrée. Vote à mains levées
(cheirotonia) sauf exceptions comme pour l’ostracisme. Prytanes sont chargés de compter les voix. Une fois le décret
voté (pséphisma), est transcrit sur des tablettes ou des papyrus conservés dans les archives de la cité, et éventuellement
gravé sur stèle de pierre érigée ensuite dans endroit public.
Au 4ème sait que ordre du jour des assemblée est très érigé : assemblée principale confirme les magistrats, délibère sur
els approvisionnements en grains et la défense, sur accusations de haute trahison.. A sixième prytanie, vote
d’ostracisme, à 7ème, élection des magistrats.
Faut que exposé soient très clair et que très convaincant, rôle de plus en plus important des orateurs dans la vie
publique (au 4è), les rhéteurs. Et rôle très important de assemblée qui peut prendre une décision un jour et une autre le
lendemain.
2. Aux fonctions judiciaires
Héliée est le tribunal populaire, 6000 citoyens de plus de 30 ans, les héliastes. Tirés au sort à raison de 600 par tribu
parmi des volontaires, prêtent serment. Leur jugement souverain, pas d’appel. Siègent près agora dans bâtiment appelé
l’Héliée, environ deux cent jours de l’année. Forment en fait plusieurs tribunaux ou dicasteria, aux compétences
différentes. Toujours débats contradictoire pour les procès. Vote au moyen de jetons.
Procès politique aussi devant Héliée, notamment la fameuse graphè para nomon (à partir de 415).
Importance grandissante à époque classique, cf les héliastes sont les premiers à bénéficier de la création du misthos,
indemnité pour service rendu à la collectivité civique, vers 450. Montant de deux puis 3 oboles.
Existe aussi Aréopage, crime de sang, Palladion (les métèques)
Ephialte vers 462-461, a fait voter lois contre pouvoirs de Aréopage, ancien conseil d’Athènes, sur colline d’Arès.
Frein vers participation de tous au pouvoir, car constitué de anciens archontes sortis de charge (pentacosiomédimnes
et hippeis). Lois d’Ephialte transfère ses pouvoirs, à l’exception des pouvoirs religieux vers Héliée et Boulè. Boulè fait
examen des magistrats en début et sortie de charges (reddition des comptes). Aussi fait que désormais archontes
recrutés aussi parmi zeugites et thètes. Sait que fut assassiné. A retiré à l’ancien conseil la justice politique.
3. aux magistratures.
La Boulè : depuis Clisthène, 500 membres, recrutés par tirage au sort sur des listes établies dans les dèmes, de citoyens
de plus de 30 ans.
50 bouleutes par tribu. Tout citoyen peut être bouleute et la charge est annuelle.
Cf prépare les lois soumises à assemblée, ce qu’appelle la fonction probouleumatique (le probouleuma est l’avantprojet). Surveille application des lois. Est chargée de la dokimasie de certains magistrats et c’est devant elle que les
magistrats rendent leur comtes (reddition des comptes) à partir de loi d’Ephialte qui transfère cette compétence de
l’Aréopage à la Boulè. S’occupent de l’administration de la cité, constructions publiques, approvisionnement en blé,
mise en chantier de trières, voirie…Reçoit les ambassades (théories) venues d’ailleurs.
Les 50 membres de chaque tribu représentent la cité de façon permanente pendant un dixième
de l’année, ils sont dans cette fonction désignés comme des prytanes. Cette portion de l’année s’appelle une prytanie.
L’ordre du tour de rôle entre les tribus est tiré au sort. Chaque jour, on tire au sort le nom d’un prytane qui sera un jour
l’épistate des prytanes, soit le président du conseil. A partir de 487 il préside également les séances de l’assemblée. A
clés du trésor et des archives.
Les 50 prytanes sont la cité représentée en permanence, donc ne rentrent pas chez eux ; pendant la prytanie vivent
ensemble et dorment pour une partie d’entre eux dans le bâtiment rond de la tholos construit en bordure de l’agora.
Boulè est organe législatif, exécutif et judiciaire.
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Avant d’exercer cette fonction subit examen pour voir si est bien citoyen. La dokimasie, connue pour les bouleutes
notamment. Vérifie sa citoyenneté (inscription dans le registre du dème), âge, respect des parents, des cultes familiaux,
absence de condamnation…)
Sont magistrats : Tous ceux qui ont un pouvoir d’exécution. Peut-être 700 à époque classique, élus ou tirés au sort.
Souvent regroupés en collège de dix pour respecter égalité entre les tribus. Soumis à dokimasie et reddition de
comptes.
Archontes, 9 plus un secrétaire (=10), basileus, polémarque, éponyme, six thesmothètes (vérifient les lois) et
secrétaire des thesmothètes.
Stratèges. Elus, rééligibles, les plus riches. Au 4ème sont élus sans tenir compte de leur tribu et fonction très grandes.
En même temps au 4è les spécialise : stratège du Pirée, des symmories, des hoplites, du territoire (Aristote).
Thémistocle, Aristide, Périclès (15 ans), Nicias, Alcibiade, Cléon, Timothée, Iphicrate, Phocion, Chabrias,
stratèges.
Tous ces magistrats bénévoles au IVème sauf archontes bouleutes et prytanes (qui ont misthos depuis Vème).
Petits magistrats (spécialisés) comme les polètes chargés des ventes des biens confisqués, des locations de terres
sacrées.. les astynomes chargés de surveillance des marchés, les métronomes, surveillent poids et mesures, les
trésoriers d’Athéna, etc.
Texte qui montre comment fonctionne démo : tirage au sort et rotation des charges (normalement pas deux années de
suite), pour tous exercent pouvoir ; et contrôle du peuple : dokimasie, reddition de comptes, graphè para nomon.
III. Les pratiques de la citoyenneté
1. Se montrer entre soi
A Athènes, importance des associations de parentèle dont a déjà parlé, phratries notamment, car en leur sein que se
fabrique le citoyen : faut validation.
Cf naissance, rituels de purifications accomplis par les femmes, puis le père reconnaît le nouveau-né en le prenant dans
ses bras et cérémonies des Amphidromies : l’enfant est porté autour du foyer (hestia, placé sous protection de divinité
Hestia) et déposé auprès du foyer. Reconnaissance qui vaut naissance sociale, relayant naissance biologique.
Intégration dans une famille, c'est-à-dire dans un oikos, une maisonnée, un lignage. Fête a lieu qqs jours après la
naissance, divers rites entre 5ème, 7ème et 10ème jour. Donne lieu à sacrifice et repas pris en commun par les membres de
l’oikos.
Un peu plus tard fête du 10ème jour) ouverte aux parents (suggeneis), familiers (oikeioi) et relations ou amis (philoi).
C’est alors qu’un nom est donné au nouveau-né. Sacrifice et repas également.
A l’occasion de procès en citoyenneté voit apparaître membre du génos, oikos, qui témoignent légitimité, citoyenneté
de individu incriminé, mais aussi des phratères. Phratries se retrouvent à l’occasion des Apatouries, fête qui se
célèbre chaque année dans monde ionien. Phratries rassemblent des individus autour d’un culte commun et se
reconnaissent ainsi comme « frère », phratères. Au mois de Pyanopsion (oct/nov), cette fête est placée, à Athènes, sous
signe d’Apollon Patrôos, Ancestral. Sacrifices de chèvres et moutons pour célébrer inscriptions sur les registres de la
communauté des enfants nés dans l’année, et aussi pour annoncer mariage d’un phratère (offrande de la gamelia).
A 16 ans, âge de la puberté légale, présentation du garçon par son père devant la phratrie. Jure que le jeune est bien
athénien, fils d’un citoyen athénien, par naissance ou adoption. Intégration qui donne occasion sacrifice (le koureion) et
offrande de la chevelure du garçon aux dieux. Admis dans la phratrie à l’occasion d’un vote, participe au banquet
commun qui marque son intégration à la communauté adulte (ainsi est comme son père, son égal).
Ensemble des banquets, dans dèmes, phratries construit cette solidarité et communauté.
2. Sparte et ses banquets
-Particulièrement visible à Sparte : cf système de l’agôgê et des syssities, fondamental. Enfants rassemblés pour
éducation commune et obligatoire dès âge de 7 ans, par classe d’âge, sous autorité d’un magistrat (pédonome) et
apprentissage des valeurs civiques (courage, endurance, discipline, obéissance, bonne tenue –aidôs)). Chaque groupe
d’enfants a son chef. Pas exempt de relations pédérastiques qui est aussi conçu comme manière d’apprentissage et de
devoir civique. Crée relations de fidélité, de dette entre individus. Couronnement est la kryptie, sorte d’épreuve
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d’initiation réservée sans doute aux meilleurs des jeunes Spartiates. Vivre caché pendant un an et se nourrir par ruse et
sorties de nuit, possible que cette élite de jeunes ait profité pour des opération de terrorisme sur les hilotes des
campagnes, ou que ait servi de base de recrutement de élite guerrière de Sparte, police du territoire.
Syssities, repas communs, permet de poursuivre ce système, non plus des classes d’âges, mais de la communauté de
pratique, car banquets journaliers en groupes de citoyens. Syssities acceptent collectivement leurs membres. Repas
simple où chacun apporte sa quote-part son écot. Est sans doute base de armée aussi. Parle parfois d’andreion, pour le
local, montrer que lieu de formation de la masculinité (andreia, anêr). Lieu d’échanges et de transmission des valeurs
communes, rôle des vieux et présence silencieuse de quelques enfants qui servent les adultes. Riches et bons chasseurs
se distinguaient en apportant des suppléments de nourriture (pain blanc, produits agricole ou gibier), manifeste
différenciation à l’intérieur de ce qui passe parfois pour lieu par excellence de l’égalité austère des Homoioi.
3. Exclusions
A des exclus : à Athènes, atimie, privation droits politiques, pour les lâches à la guerre, les prostitués (hommes), les
débiteurs de la cité, ceux qui maltraitent leurs parents, qui ont dilapidé patrimoine familial, les traîtres, auteurs de
propositions contraires à la loi. Donc des gens qui certainement n’avaient pas envie de s’embêter avec les règles et qui
vivaient par exemple en prostitués, est citoyen mais dénigré, n’exerce surtout pas ses droits politiques.
A Sparte, exclusion lorsque peut plus participer au syssition (éco), ou que propos subversifs, ou lâcheté à la guerre.
Ccl : Intériorisation de normes civique ?
Difficile de répondre car pas de journaux intimes et de introspection. Société du contrôle de soi par les autres en
permanence.
-par contenu au théâtre poésie, mythe : véhicule idéologique, sans dire propagande car plus subtil, est mis en
discussion, à distance.
-par serments :
Cf serment des héliastes : « Je voterai conformément aux lois et aux décrets du peuple athénien et de la boulè des CinqCents et je ne donnerai ma voix ni à un tyran ni à l’oligarchie. Si quelqu’un renverse la démocratie athénienne, ou fait
une proposition ou soumet un décret dans ce sens, je ne le suivrai pas. Je ne voterai pas non plus l’abolition des dettes
privées, ni le partage des terres et des maisons des Athéniens. Je ne rappellerai ni les exilés ni les condamnés à mort. Je
ne chasserai pas ceux qui habitent ce pays conformément aux lois et aux décrets du peuple athénien et de la boulè, je ne
le ferai pas moi-même et je ne permettrai pas que quelqu’un d’autre le fasse. Je ne donnerai pas le droit d’exercer la
magistrature pour laquelle il aura été désigné à quelqu’un qui n’aura pas rendu ses comptes d’une autre magistrature…
Je ne confierai pas deux fois la même magistrature à un même homme, ni deux magistratures à un seul citoyen pur la
même année. Je n’accepterai pas de présent en tant qu’héliaste… Je n’ai pas moins de 30 ans et j’écouterai avec égale
attention l’accusateur et l’accusé, et je me déciderai uniquement sur l’affaire elle-même. »
-par crainte des dieux : piété est quotidienne et rituelle. N’échappe pas à cette emprise du divin, monde surnaturel qui
entoure quotidien de individu.
-par regard des autres, surtout : tous se connaissent. Aspect très normatif et contraignant. A voir.
Etre citoyen en Grèce
Le grec distingue clairement les termes "ἀστός" (astos) et "πολίτης" (politès) . Nous traduisons facilement le second par "citoyen"
mais nous ne disposons pas de l'équivalent exact du premier. Bien que "τὸ ἄστυ" (astu) signifie la ville par opposition à ἡ πόλις
(polis, la cité-État), traduire "astos" par "citadin" serait inexact, car on pouvait être "ἀστός" et résider dans un dème rural situé à
des heures de marche de l'Acropole. Par ailleurs les droits et les devoirs de l' "ἀστός" et du "πολίτης" sont tous deux définis par la
cité. Les deux termes ont donc à voir avec la politeia.
Pour en donner une définition précise, nous pouvons dire que l' ἀστός est le citoyen qui ne jouit que de droits civils alors que le
πολίτης dispose en plus de droits et de devoirs politiques
Il est d'ailleurs significatif que l'emploi du terme ἡ ἀστή (astè, féminin de ὁ ἀστός) soit beaucoup plus fréquent que celui de ἡ
πολῖτις (politis, féminin rare de ὁ πολίτης) et que la loi de 451 subordonne clairement la citoyenneté de naissance à la descendance
de deux "ἀστοῖν" (astoin) et non de deux "πολιταῖν" (politain) .
Pour le reste, bien que, dans la pratique du régime politique, on n'observât pas les lois avec autant de respect que par le passé, on
n'avait pourtant pas touché à l'élection des neuf archontes : ce n'est que cinq ans après la mort d'Éphialte que l'on décida que les
zeugites, eux aussi, pourraient être désignés par une élection préalable pour tirer au sort les charges des neuf archontes. Le premier
zeugite qui fut archonte fut Mnésitheidès.
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Jusqu'alors, tous les archontes avaient été pris parmi les pentacosiomédimnes et les cavaliers : les zeugites ne remplissaient que
les charges inférieures, à moins que quelque infraction aux lois ne fût commise par les dèmes.
Quatre ans après, sous l'archontat de Lysicratès, on institua de nouveau les trente juges, appelés juges des dèmes, et deux ans plus
tard, sous l'archontat d'Antidotos, en considération du nombre croissant des citoyens et sur la proposition de Périclès, il fut décidé
que,nul ne jouira des droits politiques, s'il n'est pas né de père et de mère athéniens.
Aristote. Constitution d'Athènes, traduite par B. Haussoullier,... Paris : E. Bouillon, 1891
A Athènes, l'exercice de la πολιτεία (politeia) au sens de "vie de la polis" est l'affaire de tous les ἀστοί (et même dans une certaine
mesure des étrangers et des esclaves) mais l'exercice des droits politiques est réservée aux seuls πολῖται. La démocratie n'est pas le
pouvoir de tous mais la souveraineté de ceux qui constituent le demos, le peuple citoyen. La citoyenneté se définit donc d'abord
par l'exclusion de nombre d'individus vivant dans les limites territoriales de la cité d'Athènes. Cela ne signifie nullement qu'ils ne
jouissaient d'aucun droit ou même qu'il n'avaient aucune activité politique. Mais ils n'avaient aucun pouvoir de décision.
Pour être citoyen à Athènes entre le V° et le IV° siècle, il fallait être :
de sexe masculin,
libre,
de père athénien, et, à partir de la loi de Périclès de 451, de père ET de mère athéniens unis par un mariage légitime,
majeur : l'accession à la majorité civique était fixée à vingt ans.
Un citoyen était désigné par un nom tripartite qui indiquait tout à la fois son identité, son ascendance familiale et son lieu
d'enregistrement :
l'onoma (τὸ ὄνομα) : son nom personnel
le patronymikon (τὸ πατρωνυμικόν) : le nom de son père
le demotikon (τὸ δημοτικόν) : le nom de son dème
Exemple : "ὁ Δημοσθένης τοῦ Δημοσθένους ὁ Παιανιεὺς, Démosthène, fils de Démosthène, du dème de Paiania".
1. La citoyenneté de naissance
La citoyenneté se définit principalement par l'origine : on naît citoyen. Toutefois, elle s'acquiert par étapes et fait l'objet de
contrôles :
Quelque temps après sa naissance, vers l'âge de quatre ou cinq ans, tout enfant mâle susceptible d'être un jour citoyen est
d'abord présenté à la phratrie (ἡ φρατρία). Cette structure, héritée de la période pré-démocratique, est un groupement de familles.
A l'occasion de la cérémonie, l'enfant reçoit une triple reconnaissance car son père lui transmet publiquement ses futurs droits en
termes privés (héritage), civils (appartenance à un dème et à une phratrie) et civiques (la cité l'accueille comme un futur membre
du demos).
A l'âge de 18 ans, le jeune homme doit être inscrit sur le registre de son dème : le ληξιαρχικὸν γραμματεῖον (lexiarchikon
grammateion) .
L'assemblée des démotes se réunit une fois par an pour valider les droits à la citoyenneté de tous les jeunes garçons ayant atteint
l'âge requis dans l'année. La vérification porte sur deux points : l'âge du nouveau citoyen et son appartenance à une famille lui
donnant droit à la citoyenneté.
Les démotes procédent à un vote pour chaque candidat. La décision prête naturellement de temps à autre à contestation et Aristote
nous montre que la constitution tenait compte de ces litiges, tant en termes de sanctions que de possibilités d'appel.
Après l'enregistrement sur les registres et pour éviter toute fraude ou tentative de corruption à l'intérieur des dèmes, les
nouveaux citoyens (οἱ νεοπολίται, neopolitai) de toutes les tribus doivent se présenter au Bouleuterion devant le Conseil des CinqCents qui vérifie de nouveau leurs droits à la citoyenneté au cours d'un examen de docimasie.
A ce stade, les nouveaux citoyens ne jouissent pas encore de tous leurs droits. Il leur faut au préalable accomplir une période
d'initiation civique à caractère essentiellement militaire : l'éphébie. A l'issue de cette période, ils seront complètement citoyens
(ἐπίτιμοι, epitimoi ) et le resteront à vie, sauf en cas d'atimie. Toutefois, les fonctions d'héliaste et de bouleute, ainsi que certaines
magistratures ne leur seront accessibles qu'à partir de l'âge de trente ans.
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Aristote nous indique qu'au IV° siècle, la liste des éphèbes de l'année était gravée sur une stèle de bronze dite "éponyme".
L'accès à la citoyenneté était donc placé sous une double identification éponymique : celle de la tribu du nouveau citoyen et celle
de l'archonte éponyme en fonction l'année de ses dix-huit ans. Cette double identfication permettait de tenir à jour un recensement
de la population citoyenne qui facilitait la mobilisation en cas de conflit militaire ou la nomination à certaines fonctions soumises
à une limite d'âge. La quarante deuxième stèle servait, par exemple, au recrutement des arbitres judiciaires, obligatoirement âgés
de plus de soixante ans.
2. La citoyenneté par acquisition
Le principal mode d'accès à la citoyenneté était la naissance. Néanmoins, le droit de cité pouvait être accordé à des hommes libres
qui n'étaient pas nés Athéniens. Cette faveur fut octroyée plus ou moins généreusement en fonction des époques mais elle fit
toujours l'objet de la plus grande circonspection.
Ici encore, il faut se garder de plaquer sur Athènes toute valeur démocratique universelle et prendre en compte, au contraire, les
réalités d'une cité dans son espace et dans son temps politiques.
Les freins à l'attribution de la citoyenneté :
Ils s'expliquent par le passif de la tyrannie et la volonté d'établir une communauté stable. La démocratie athénienne redoutait
toujours un retour au régime de la tyrannie. Or l'octroi massif de la citoyenneté était une des armes des "tyrans" pour asseoir leur
pouvoir en s'appuyant sur les masses populaires face aux familles aristocratiques. Par ailleurs, la citoyenneté à Athènes étant
étroitement liée à la notion d'autochtonie, l'attribution du droit de cité à des étrangers ne pouvait être qu'exceptionnelle.
Les ouvertures :

L'attribution à titre collectif :
Paradoxalement, malgré les restrictions énoncées ci-dessus, l'acte fondateur de la démocratie athénienne réside, en 507,
dans la naturalisation massive et l'attribution de la citoyenneté à des milliers d'hommes libres mais non athéniens résidant
sur le territoire de la cité.
Par la suite, les attributions à titre collectif furent rares. On cite cependant l'exemple des survivants de Platée et de Samos.
Pendant la guerre du Péloponnèse, ces deux cités, alliées d'Athènes furent détruites par les Spartiates. Un vote de
l'Assemblée permit d'intégrer les survivants dans le corps de ses citoyens. Nul doute que le souvenir des guerres médiques
et de la fraternité d'armes dans le combat contre les Perses ait joué en faveur de cette attribution.

L'attribution à titre individuel
A titre exceptionnel, la citoyenneté athénienne était attribuée à titre individuel à qui pouvait faire état de parentés
susceptibles de lui ouvrir un tel droit ou en récompense de services rendus à la cité. Elle faisait toujours l'objet d'une
délibération publique à l'Assemblée et, chose rare, d'un vote à bulletins secrets. C'est ainsi qu'après l'intermède
oligarchique des Trente, des métèques qui avaient participé à la prise de la forteresse de Phylé furent récompensés par
l'octroi de la citoyenneté athénienne. Il faut noter toutefois que l'Assemblée attribua celle-ci au cas par cas, refusant la
naturalisation massive que demandait Thrasybule.
La procédure fit naturellement l'objet de quelques scandales judiciaires et politiques, certains étrangers ou métèques
fortunés ayant tenté de contourner les rigueurs de la loi en achetant des soutiens et des faux témoignages.
Les néo-citoyens ne jouissaient pas pour autant de tous les droits d'un citoyen de naissance. Ils ne pouvaient exercer de
magistrature ni de fonction religieuse à caractère civique. Enfin, leur citoyenneté n'était transmissible aux enfants mâles que si
ceux-ci étaient issus d'un mariage légitime avec une femme athénienne.
3. Les classes censitaires
La réforme de Clisthène, malgré sa radicalité, n'avait pas fait table rase des anciennes discriminations.
Le système des classes censitaires, qui perdura jusquà la fin du IV° siècle, constitua toujours un frein à l'égalité entre citoyens qui,
de ce fait, ne fut jamais totale à Athènes.
Cette classification datait de la législation de Solon. Pour donner une assise administrative à la réforme agraire qu'il avait
instaurée, celui-ci avait instauré quatre classes de citoyens. La hiérarchisation reposait sur la mesure de leurs revenus :
les pentacosiomédimnes (οἱ πεντακοσιομέδιμνοι) : les plus riches, ceux qui produisaient au moins "500 médimnes" (mesure de
quantité solide ou liquide). L' unité choisie nous rappelle qu'au VI° siècle la fortune était essentiellement liée à la production
agricole.
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les hippeis (οἱ ἱππείς) : on traduit généralement le terme par "chevalier" ou "cavalier", ce qui lui donne un sens militaire.
Certains historiens interprètent d'ailleurs en ce sens la réforme de Solon : il s'agirait de citoyens capables de combattre dans la
cavalerie. D'après ce que nous dit Aristote, il est probable que l'hippeus était celui qui avait les moyens de posséder et d'entretenir
un cheval.
les zeugites (οἱ ζευγῖται) : ceux qui possédaient un attelage (ζεῦγος) de boeufs. Les zeugites auraient pu aussi être des fantassins
combattant "en ligne" comme hoplites, mais cette hypothèse, comme la précédente concernant les possesseurs de chevaux, ne
s'accorde guère avec le sens de la première catégorie (les pentacosiomédimnes) ni avec celui de la dernière (les thètes).
les thètes (οἱ θητικοί) : le terme est très ancien. On le trouve chez Homère. Il désigne ceux qui travaillaient pour un salaire,
c'est-à-dire les paysans libres mais sans terre ou que leur terre ne suffisait pas à nourrir.
"Producteurs de 500 mesures", "possesseurs de chevaux", de "boeufs" ou simples "salariés de la terre", il est frappant de constater
que ces classes, qui ont perduré aux V° et au IV° siècles, reposent sur une mesure agricole et non sur un revenu financier. La
corrélation entre les deux est certes évidente, mais on voit que la cité reste essentiellement préoccupée par la capacité de ses
citoyens à tirer leur subsistance de la terre qui les a fait naître, même si, dès le VI° siècle, l'Attique ne suffit plus depuis longtemps
à nourrir ses habitants.
D'après Aristote, la répartition s'établissait comme suit :
les pentacosiomédimnes : plus de 500 mesures
les possesseurs de chevaux : plus de 300 mesures
les possesseurs de boeufs : plus de 200 mesures
les thètes : moins de 200 mesures
Peut-on donner un équivalent financier à une "mesure" ? Il faudrait pour cela savoir ce qui était mesuré. Il ne peut s'agir d'un
simple contenant : le médimne contenait à l'origine du blé mais les Athéniens cultivaient aussi la vigne et l'olivier, et la distinction
ne correspondait pas non plus à une surface arable car les terres cultivées mêlaient les trois cultures.
Sans que nous puissions dire exactement comment se faisait le calcul, il est donc évident que ces "mesures" recouvraient en réalité
des différences de fortune. Les citoyens appartenant à la première étaient les plus riches, les deux catégories suivantes constituant
une classe moyenne et la dernière rassemblant les plus pauvres.
Conséquences sur la citoyenneté
Au V° et au IV° siècle, les classes censitaires perdent peu à peu de leur importance mais, Clisthène ne les ayant pas abolies, une
partie de la législation de Solon reste en vigueur, avec des conséquences importantes sur le plan des droits et des devoirs du
citoyen.
Sur le plan politique :
Jusqu'en 457, seuls les citoyens membres des deux premières classes peuvent accéder à l'archontat. A cette date, les zeugites
purent devenir archontes mais les thètes, semble-t-il, n'eurent jamais ce droit (ou cette obligation).
Cette restriction doit cependant être relativisée. Elle ne concerne que l'exercice des charges et non les droits de citoyenneté. Tous
les citoyens, quels que soient leurs revenus, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennet sont membres de plein droit de
l'Ecclesia, assemblée souveraine. La misthophorie fut instituée précisément pour corriger une inégalité de fortune qui pouvait
détourner les plus pauvres de ce devoir civique.
Sur le plan militaire :
Toutes les classes étaient mobilisables mais la répartition se faisait dans des corps d'armée différents :
- les pentacosiomédimnes servaient dans la cavalerie
- les hippeis et les zeugites constituaient le gros des hoplites (infanterie lourde)
- Le corps de la marine, mis à part les postes d'officiers, était réservé aux thètes, affectés dans comme hommes d'équipage et
rameurs (ὁ ναυτής, nautès) ou soldats (ὁ ἐπιϐάτης, epibatès).
- Les thètes constituaient aussi un corps d'infanterie légère : les psiloi.
Il est probable que les classes censitaires ont été maintenues pour tenir compte de l'impact des inégalités de fortune sur
l'exercice de la citoyenneté. Sur le plan politique, les thètes n'avaient pas les moyens financiers d'assurer une charge publique
pendant toute une année et, de ce fait, la fonction d'archonte ne pouvait leur être attribuée. Quant aux affectations dans l'armée,
elles nous montrent que les fantassins et les hoplites devaient probablement payer leur propre équipement alors que la cité (ou de
riches hiérarques) finançaient en totalité la marine et, probablement, l'équipement des fantassins légers.
4. Le nombre
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De la réforme de Clisthène aux derniers temps de la démocratie athénienne, le nombre des citoyens a considérablement varié.
Peu important avant 507, il connaît un accroissement spectaculaire à cette date avec la naturalisation par Clisthène d'un très
grand nombre de résidents.
Entre 507 et 450, la prospérité et le rayonnement d'Athènes sur le monde entraînent une croissance démographique naturelle et
l'afflux de nombreux étrangers. La législation, souple à cette époque, permet à nombre d'entre eux de s'installer comme métèques,
puis de devenir citoyens, généralement par union avec une famille athénienne.
En 450, on peut estimer ce nombre à environ 60 000. Aristote nous dit que c'est ce "grand nombre de citoyens" qui obligea
Périclès à prendre des mesures restrictives. La loi de 451, en exigeant la double ascendance (paternelle et maternelle) mit un coup
d'arrêt à cette expansion. Par ailleurs, on incita les citoyens les plus pauvres à s'installer comme clérouques (κληροῦχοι) , c'est-àdire comme colons dans les cités vassalisées. Certains partirent d'eux-mêmes vivre comme métèques dans d'autres cités.
Entre 450 et le début de la guerre du Péloponnèse, cette politique restrictive est poursuivie et on s'attache, en particulier, à
éliminer tous les "faux citoyens" qui avaient été inscrits à tort dans les dèmes, par négligence ou laxisme, parfois par corruption.
En 445, une révision générale des registres aboutit à l'exclusion massive de 5 000 personnes.
Entre 431 et 404, la guerre du Péloponnèse, pour des raisons qu'on devine aisément, fut l'occasion d'un assouplissement.
Isocrate nous montre que la loi de 451 ne fut guère appliquée pendant cette période. En outre, Athènes accorda la citoyenneté aux
survivants des cités alliées détruites par les Spartiates. La loi fut cependant rétablie dans toute sa rigueur après l'intermède
oligarchique des Trente, en 403, dès que le régime démocratique fut pleinement rétabli.
Au IV° siècle, le nombre des citoyens se trouve considérablement diminué et le restera jusqu'à la fin de la période
démocratique. La moitié des hommes avaient péri pendant la guerre, et la population générale de l'Attique avait souffert de la
grande épidémie de peste de 430-426. Le demos ne dépassa plus jamais les 30 000 membres. On se trouva dès lors dans une
situation d'oliganthropie (ὀλιγανθρωπία, "petit nombre d'hommes"), inverse de celle qui avait prévalu au V° siècle. Pourtant, la loi
de 451 ne fut jamais abolie et les conditions d'accès à la citoyenneté jamais assouplies. En 400, un décret institua un quorum de 6
000 citoyens pour les décisions les plus importantes de l'Assemblée et la cité dut prendre des mesures coercitives et incitatives.
Cela permit aux institutions de continuer à fonctionner normalement.
5. La loi de 451
En 451, sur proposition de Périclès, l'Assemblée adopte un décret qui durcit les conditions d'accès à la citoyenneté par la
naissance.
Avant cette loi, il suffisait d'avoir un père athénien pour être citoyen de plein droit.
La nouvelle loi impose une double origine athénienne en ajoutant l'obligation d'une filiation maternelle.
A partir de 451, il faut donc avoir un père et une mère athéniens libres et, de surcroît, unis par un mariage légitime. Ceci exclut
tous les candidats à la citoyenneté nés de l'union d'un père athénien avec une étrangère. Si cette mesure était entrée en vigueur plus
tôt, des hommes politiques aussi éminents que Clisthène, Thémistocle ou Cimon, dont les mères étaient de Sicyone ou de Thrace,
n'auraient pas été citoyens.
On se demande encore quelle était l'intention réelle de Périclès qui descendait lui-même par sa branche maternelle d'une famille de
Sicyone et qui avait un fils issu de son union avec Aspasie, d'origine milésienne. Pour Aristote, il s'agissait avant tout de réduire le
nombre de citoyens, devenu trop important à cette époque. D'autres ont vu là des motivations privées ou des considérations
politiciennes purement circonstancielles visant à priver des rivaux de leurs droits civiques.
Sans doute est-il préférable de chercher des motifs politiques et de voir les conséquences de cette modification sur la vie politique
de la cité.
La mesure est-elle discriminatoire ?
A première vue, oui, puisqu'elle diminue le nombre des citoyens en excluant davantage de candidats potentiels et en instituant une
catégorie particulière. Il faut noter cependant que cette exclusion, comme toute loi votée à Athènes, n'avait pas d'effet rétroactif ;
aucun citoyen actif n'a donc pu se trouver déchu de ses droits civiques. Il est plus difficile de savoir ce qu'il est advenu des enfants
et des adolescents nés avant 451 mais encore mineurs à cette date.
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Qui se trouve exclu ?
En toute logique, cette mesure ne visait que les Athéniens susceptibles de s'unir avec des familles non athéniennes. Or, ceux-ci
étaient peu nombreux. En revanche, ils appartenaient sans nul doute à la classe aristocratique qui cherchait fréquemment à s'allier
par le mariage avec de grandes familles des cités rivales. Fantasme ou réalité, dans une Athènes en guerre avec ses voisins, et dont
le régime démocratique a toujours été contesté de l'intérieur ? Toujours est-il que la mesure de Périclès s'inscrit bien dans une
volonté politique.
La mesure est-elle idéologique ?
Paradoxe : après 451, la femme athénienne, quoique non-citoyenne, transmet désormais la citoyenneté à part égale avec l'homme.
Pourquoi ? Ne nous trompons pas d'époque : Périclès n'était pas féministe et il ne s'agissait nullement d'accorder à la femme un
droit à la citoyenneté.
Aristote nous dit que "sous Antidotos, à cause du nombre croissant de citoyens et sur la proposition de Périclès, on décida de ne
pas laisser jouir de droits politiques quiconque ne serait pas né de deux "citoyens". Le terme grec est employé au duel, ce qui
confère incontestablement à la femme un rôle identique à celui de son mari mais Aristote dit "ἀστοῖν" et non "πολιταῖν".Il
s'agissait donc d'une citoyenneté civile et non politique (voir l'analyse des deux termes dans la page "Qui est citoyen ?)
Ce que la loi de Périclès exige désormais, c'est le double enracinement dans la terre de l'Attique. Elle insiste par là sur le lien entre
la politeia et la terre commune, la terre-mère, remettant au cœur de la citoyenneté la notion d'autochtonie.
La loi de 451 n'est donc pas circonstancielle. Elle a très certainement un fondement politique et idéologique . La preuve en est
qu'établie, aux dires d'Aristote, à une époque où il y avait trop de citoyens, elle ne fut jamais abolie ni même assouplie, durant tout
le IV° siècle où la cité souffrit au contraire d'un manque de citoyens.
6. l’éphébie
L'éphébie est tout à la fois une période de service et une initiation, un temps de passage de l'enfance à l'âge adulte que l'on
retrouve sous diverses formes dans plusieurs civilisations. Ses origines en Grèce remontent probablement à un fond indo-européen
que l'on retrouve, sous des formes variables, dans toutes les cités. Ces rites de passage ont été analysés très précisément par Pierre
Vidal-Naquet dans Le chasseur noir.
L'éphèbe (ὁ ἔφηβος) est un jeune athénien pubère de sexe masculin. L'éphébie est une période qui s'étend de l'âge de 18 à 20
ans et constitue une phase transitoire avant l'accès au statut de citoyen.
Elle revêt un caractère essentiellement militaire. Athènes n'est pas gouvernée par une oligarchie militaire comme Sparte mais sa
πολιτεία reste cependant celle d'une cité en armes.
C'est donc l'éphébie qui donne accès à la citoyenneté. En cas de litige futur, on pourra consulter dans chaque dème les
ληξιαρχικὰ γραμματεῖα, registres d'inscription des éphèbes qui ont valeur de certificat de citoyenneté. A l'époque d'Aristote, la
liste des éphèbes de l'année, idenfifiée par le nom de l'archonte éponyme est gravée sur une stèle déposée devant le monument des
héros éponymes, sur l'Agora.
L'encadrement des éphèbes
L'éphébie est avant tout une période de formation. Ce n'est qu'exceptionnellement, en cas de menace critique pour la survie de
la cité, que les éphèbes ont pu se trouver mobilisés et envoyés au combat.
Chaque tribu désigne un sophroniste (ὁ σοφρωνιστής), chargé d'encadrer les jeunes gens. Il est entouré d'un ensemble
d'éducateurs. Comme les startèges, ces fonctionnaires sont élus par l'Ecclesia. On distingue :
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le pédotribe, (ὁ παιδοτρίβης) pour la gymnastique,
l'hoplomaque, (ὁ ὁπλομάχης) pour le maniement des armes de poing,
le toxote (ὁ τοξότης) pour le tir à l'arc,
l'acontiste (ὁ ἀκοντιστής) pour le lancer du javelot.
Déroulement
Le jeune éphèbe est tenu à l'écart de sa famille pendant toute la durée de son initiation.
L'entrée dans l'éphébie est marquée par le serment solennel que toute une classe d'âge prononce devant l'Ecclesia.
La classe d'âge qui accéde à l'éphébie est identifiée par le nom d'un héros éponyme.
L'initiation commence par une formation religieuse. Les éphèbes sont invités à honorer les différents sanctuaires de la cité.
Pendant la première année, les entraînements se déroulent en dehors de murs de la ville dans des camps militaires situés aux
frontières de la cité, en bord de mer ou aux confins de la Béotie. Sans atteindre le caractère extrême de l'éducation spartiate, cette
période est néanmoins très dure, physiquement et moralement.
Leur formation terminée, les éphèbes restent mobilisés (probablement pendant toute la deuxième année) et sont employés à des
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tâches militaires annexes telles que la garde des frontières.
A la fin des deux années, le jeune éphèbe est affecté au groupe militaire représentant sa tribu : la taxis. Il reste mobilisable
jusqu'à l'âge de 60 ans.
7. Les non citoyens
La citoyenneté, avant de se définir par des droits et des devoirs, est d'abord caractérisée par la limite du demos, donc par
l'exclusion des non-citoyens.
Les femmes
A Athènes, une femme ne peut être citoyenne parce qu'elle reste mineure toute sa vie. Avant son mariage, elle est soumise à
l'autorité de son père et, après celui-ci, à celle de son mari.
Contrairement aux esclaves, la femme joue cependant un rôle important dans la politeia. Quoique non-citoyenne, elle occupe une
place éminente et parfois exclusive dans des manifestations religieuses à caractère politique.
Par ailleurs, la loi de 451 lui confère la parité avec son mari dans la transmission de la citoyenneté.
Les étrangers
Le siècle de Périclès voit affluer à Athènes des étrangers en provenance de tout le monde grec, principalement ionien.
Aristophane, et Platon un peu plus tard, s'inquiétent de cette présence obsédante et se moquent du laxisme de la cité qui les tolére
en trop grand nombre.
Que faire de l'étranger ? La question interpelle encore aujourd'hui les démocraties modernes.
Comme les autres cités grecques, Athènes confére aux résidents le statut de "métèque". ὁ μέτοικος (metoikos) signifie "celui qui
habite avec nous", ce qui implique qu'il est "chez nous " mais n'est pas "comme nous". Il vit, travaille, se marie, fait souche, réalise
des affaires et éventuellement s'enrichit mais aucun de ces critères ne lui donne droit à la citoyenneté.
Tout étranger résidant en Attique (au moins un mois, semble-t-il) doit être enregistré dans un dème et prend obligatoirement le
statut de métèque. Contrairement au citoyen, s'il change de résidence, il doit se faire enregistrer dans son nouveau dème. Il n'a pas
le droit d'épouser une Athénienne, doit acquitter une taxe spéciale et ne peut posséder de propriété agricole. La plupart des
métèques sont donc des commerçants et des artisans. Beaucoup sont grecs mais il semble que la cité ait accueilli aussi quelques
barbares (étrangers non grecs).
Un métèque peut exceptionnellement accéder à la citoyenneté, cette mesure faisant l'objet d'un vote et d'un décret de l'Assemblée.
Il peut aussi, en cas de délit, être banni ou vendu comme esclave.
Les mineurs
Les garçons accédent à la majorité à l'âge de 18 ans mais ne peuvent exercer leurs responsabilités politiques qu'à partir de l'âge de
vingt ans, la période intermédiaire de deux ans, appelée éphébie, étant consacrée essentiellement au service militaire.
Les mineurs, comme les femmes, ne sont pas pour autant tenus à l'écart de la politeia. Ils participent à des cérémonies religieuses à
caractère civique dans lesquelles ils ont parfois une place prépondérante. C'est ainsi que l'entrée dans l'adolescence est marquée
par une période de retraite au sanctuaire de Brauron. Les jeunes adolescents, mis à l'écart de leurs familles, sont pris en charge par
la cité. Cette initiation revêt un double caractère religieux et civique. D'autres cérémonies telles les Panathénées, donnent une
place prépondérante aux jeunes gens, en particulier aux filles.
Les esclaves
Athènes est une cité grecque que son régime démocratique, entre le V° et le IV° siècle, ne place pas en dehors de son temps ni de
son espace. L'esclavage est un élément constitutif de toutes les sociétés antiques en Europe et au Moyen-Orient, Athènes en a
profité et on peut dire que c'est le travail forcé dans les mines du Laurion qui a permis à la cité d'amasser suffisamment d'argent
pour repousser l'envahisseur perse et poser les bases de son régime démocratique.
Sans nier la souffrance des êtres humains qui ont été pendant cette époque soumis à la vente, aux humiliations, aux châtiments et à
tous les autres aspects de la déshumanisation, il faut reconnaître l'abîme qui nous sépare des anciens en ce domaine. Pour eux,
l'esclavage est "normal" et, avant l'ère chrétienne, on ne trouve aucun texte qui remette fondamentalement en question son
principe.
Il faut aussi noter que contrairement à ce qui s'est passé pendant la période qui, du début du XVI° à la fin du XVIII° siècle, vit les
nations d'Europe occidentale fonder leur prospérité sur le trafic triangulaire, l'esclavage, à Athènes, ne repose sur aucun critère
ethnique ou racial. Il n'existe pas de cloison étanche entre la liberté et l'esclavage et on peut, par exemple, être libre et citoyen dans
sa cité mais vendu dans une autre, à la suite de quelque infortune, parfois à quelques lieues de chez soi. On peut aussi être réduit
en esclavage à la suite d'une condamnation en justice pour dettes ou fraude. La servitude est donc un état infra-humain dans lequel
tout homme libre peut tomber un jour et dont tout esclave peut espérer sortir.
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Les esclaves affranchis ne devenaient pas pour autant citoyens ; ils prenaient le statut de métèque.
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