GURN : Emploi et politiques climatiques en Europe
Joël DECAILLON, Secrétaire Général
Adjoint
Anne PANNEELS, Conseiller
Introduction
Nous sommes confrontés aujourd’hui à trois crises se renforçant mutuellement : la
crise écologique résultant du changement climatique et de la perte de biodiversité,
la crise économique globale et l’instabilité des prix des matières premières et de
l’alimentation. D’un point de vue syndical, cette situation se présente comme un des
défis les plus importants et difficiles des dernières décennies.
La crise économique et sociale a accru le besoin de trouver des solutions
industrielles, agricoles et de pêche rapides aux crises climatiques et des matières
premières. Si ce défi n’est pas relevé, il faudra faire face au risque de prolongation et
potentiellement de renforcement de la crise économique, sociale et
environnementale actuelle.
Or, la Conférence climatique de Copenhague n’a donné lieu qu’à un accord politique
non contraignant, sans valeur légale et n’engageant pas les Etats à réduire leurs
émissions de CO2. Ces négociations se sont traduites par un échec tant écologique
que social mais c’est avant tout la faillite institutionnelle du système de négociations
internationales qui transparaît. Après l’échec des négociations de l’O.M.C., c’est la
crise des institutions onusiennes alors que celles-ci ont été à l’initiative du protocole
de Kyoto.
Si lors de la crise financière, des sommes colossales ont pu être mobilisées pour
sauver les banques et pour garantir les avoirs financiers, la crise climatique n’a pas
du tout eu le droit au même traitement. A Copenhague, chacun était dans le moinsfaisant et les intérêts économiques des Etats souverains ont empêché des décisions
conformes à une approche visant l’intérêt général.
D’autre part, l’Union européenne est sortie affaiblie de ces négociations, le texte
final ayant été négocié par les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du
Sud.
Cependant, les négociations vont continuer en 2010. Dans ce contexte, la CES va
continuer avec la CSI à faire valoir les points de vue du mouvement syndical et ses
revendications, notamment concernant la transition juste intégrée dans les textes en
négociation. Il nous faudra cependant tenir compte des conclusions du Sommet de
Copenhague et des difficultés auxquelles devra faire face l’ONU qui en sort affaiblie,
et dégager nos priorités.
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Car le changement climatique et ses impacts, à la fois dans les pays développés et
dans les pays en développement, représentent des défis tant au niveau politique que
pour le mouvement syndical aux plus hauts niveaux.
Pour la Confédération Européenne des Syndicats, les politiques climatiques doivent
intégrer pleinement la question de l’emploi dans toutes ses dimensions.
Il y a des opportunités de création d'emploi dans des secteurs comme ceux liés aux
énergies renouvelables, et aussi dans le domaine de l'efficacité énergétique, en
particulier dans le secteur du bâtiment. Mais tous les secteurs industriels et de
services et tous les emplois sont concernés par la nécessaire transformation de notre
société vers une société bas carbone.
Convaincue que l'intégration de la dimension sociale doit être très forte dans les
politiques européennes contribuant au développement d’une stratégie répondant
aux exigences d'une économie bas carbone et aux aspirations sociales des
travailleurs, la CES a fait réaliser deux études, l’une parue en 2007 sur «le
changement climatique et l’impact sur l’emploi » (1), la deuxième parue en 2009 sur
« les dérèglements climatiques, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de
crise » (2).
Les résultats de ces études lui ont permis de mieux cerner les transformations en
cours ou à venir dans les différents secteurs d’activités, et de formuler des
recommandations précises en termes d’instruments à mettre en place, de politiques
à définir, de stratégies à adopter.
En outre, nous avons en Europe des expériences dans certains secteurs, dans
certains pays ou régions, que nous nous efforçons de répertorier et d’analyser afin
d’en faire des exemples de bonnes pratiques.
Cette contribution présente une synthèse des principaux constats et analyses dont la
CES dispose à ce jour, et des recommandations qu’elle formule sur la question des
politiques climatiques et de l’emploi.
I. Politiques climatiques et impact sur l’emploi dans différents secteurs
I.I. Electricité
Trois filières technologiques composent le mix énergétique de l’Union Européenne :
les centrales thermiques, les énergies renouvelables et les centrales nucléaires. Si
ces technologies sont partiellement substituables dans la fourniture d’électricité
dans le bâtiment résidentiel, dans le secteur tertiaire et dans les transports, ce n’est
2
pas encore le cas dans les applications industrielles demandant la fourniture de
courant électrique de forte puissance.
La politique énergie-climat de l’Union Européenne impose des changements majeurs
dans l’infrastructure de production d’électricité. L’objectif de diminution des
émissions de gaz à effet de serre entraîne en effet surtout un développement de la
production d’électricité sur base des énergies renouvelables, et une diminution de la
part des centrales au charbon, la plupart des centrales au charbon devant être
remplacées/rénovées d’ici à 2020.
Alors que l’impact de la crise financière de 2008-2009 risque fort de retarder les
investissements nécessaires, les années 2010 à 2020 apparaissent comme une
période clé au cours de laquelle se jouera une grande partie de l’avenir de l’industrie
européenne, notamment en lien avec les investissements en moyens de production
d’électricité, dans les réseaux de transport (intelligents) et dans les réponses
apportées à l’intermittence de sorte à assurer la sécurité d’approvisionnement.
Industrie
L’étude « Les dérèglements climatiques, les nouvelles politiques industrielles et les
sorties de crise » réalisée en 2009 par Syndex et WMP pour la CES (2) tente d’évaluer
l’impact de différents scénarios d’investissements en moyens de production
d’électricité sur l’emploi.
Il en ressort que toutes les prévisions indiquent une croissance des emplois liés aux
énergies renouvelables au cours des prochaines décennies. Les créations d’emplois
issues des investissements en moyens de production d’électricité proviennent
principalement de deux sources : les emplois directs et indirects dans les énergies
renouvelables et les rénovations de centrales thermiques. Ainsi, plus de 750.000 ETP
seraient créés en moyenne annuelle sur la période 2005-2030, en très grande
majorité dans la métallurgie, mais aussi dans les transports et la distribution. Le
développement des technologies dé carbonées apparaît comme une réelle
opportunité pour l’emploi dans la métallurgie prise dans son ensemble (ingénierie,
équipements et montage).
Secteur électrique
L’étude estime aussi des scénarios probables d’évolution des moyens de production
d’électricité et leurs conséquences sur l’emploi dans le secteur électrique lui-même.
Production
Il en ressort que les emplois directs dans la production d’électricité seraient
supérieurs de près de 6% à ceux d’un scénario sans politiques climatiques telles que
décidées par l’Union européenne dans son paquet énergie-climat, s’élevant alors à
188.000 en 2030 au lieu de s’élever à 178.000 dans un scénario « business as usual ».
3
Mais la question centrale soulevée à travers le paquet énergie-climat est celle de la
contraction des emplois dans les centrales à charbon, le nombre d’emplois y passant
de 54.000 en 2010 à 44.000 en 2020 et à 33.000 en 2030 et les pertes d’emplois se
concentrant essentiellement dans les pays de l’UE où la part du charbon dans la
production d’électricité est prépondérante. Car les métiers et les statuts y sont
différents de ceux que l’on trouve dans les énergies renouvelables où le nombre
d’emplois ira croissant, passant de 31.000 en 2010 à 71.000 en 2030 : un opérateur
de ferme éolienne n’exerce en effet pas le même métier qu’un opérateur de centrale
thermique.
L’étude estime que pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à
effet de serre que l’Europe s’est fixés, il faudra nécessairement recourir à la
technologie de capture et de stockage du carbone (CSC), vu que nombre
d’applications industrielles requièrent du courant électrique de haute intensité qui
ne peut être fourni par les énergies renouvelables. L’étude examine dès lors aussi un
scénario avec diffusion de la CSC à partir de 2015 et avec un taux de pénétration du
parc de 60% à l’horizon 2030. Dans ce cas, les emplois en production dans les
centrales au charbon seraient de 47000 ETP à l’horizon 2020 au lieu de 44000. A
l’horizon 2030, ils seraient de 48000, mais avec 23% des emplois dans la CSC dans le
scénario correspondant au paquet-énergie-climat, contre 65% dans ce scénario-ci.
Plus riche en emplois, la CSC pose toutefois les questions de sa viabilité technique de
base à grande échelle, de son acceptabilité sociétale et de l’évolution des métiers et
de la formation des travailleurs qui seraient différents. La R&D devra donc être
poursuivie au cours des prochaines années, y compris dans des projets de
développement à grande échelle, afin de tester si cette technologie est viable et si ce
n’est pas le cas, d’orienter la R&D vers des solutions alternatives.
Maintenance
Les emplois dans la maintenance, qui sont devenus des métiers clé dans
l’augmentation des taux d’utilisation des capacités et qui participent pleinement à
l’optimisation des coûts de production, seraient plus nombreux dans le scénario
mettant en œuvre le paquet énergie-climat que dans le scénario baseline : 102000
ETP au lieu de 95000 ETP à l’horizon 2030.
Impact indirect sur les emplois liés au combustible fossile
Dans l’UE 27, les emplois liés à l’extraction de la houille, de la lignite et de la tourbe
s’élèvent, selon Eurostat, à 203000 travailleurs. On estime que les pertes d’emplois
dans l’extraction du charbon en Europe seront de l’ordre de 77000 à 87000 et
traduiront surtout (de l’ordre de 88%) l’effet de la poursuite des restructurations
dans l’industrie charbonnière et peu l’effet de la « décarbonation » de la production
d’électricité (de l’ordre de 12%) car dans le scénario baseline, la consommation de
charbon serait davantage couverte par des importations.
4
Conclusion
La mise en œuvre du paquet énergie-climat peut avoir des effets bénéfiques sur
l’emploi lié directement et indirectement aux investissements à faire dans le secteur
électrique mais la crise actuelle risque de retarder ces investissements dont pourrait
bénéficier l’industrie, alors qu’il y a un besoin de renouvellement et d’extension des
capacités de production d’électricité, et qu’une politique de réduction des émissions
a été mise en place.
Les questions fondamentales qui se posent ici tiennent donc à l’incertitude liée à la
crise et aux besoins colossaux de financement des investissements en production
comme en transport et en distribution d’électricité.
Aussi au fait que l’UE doit faire face à plusieurs défis majeurs pour assurer l’équilibre
de sa production par rapport à la demande : promouvoir des technologies propres et
des capacités disponibles à des prix abordables pour tous les secteurs d’activité,
dont l’industrie requérant du courant électrique de haute intensité, assurer la
fiabilité du réseau avec un parc de production d’électricité plus diversifié. De la
réponse que l’UE apportera à ces défis dépendra la réalisation du potentiel
d’emplois.
Mais dans ce cas, la question centrale deviendra celle de la non substituabilité des
emplois entre les filières thermiques et les filières renouvelables. Et pour y faire face,
l’UE devra organiser la transition sociale liée aux risques et opportunités tant dans
les investissements, la production, la maintenance que dans l’amont (mines) et aval
des filières de production d’électricité, en assurant une bonne gestion de l’évolution
des emplois et des compétences.
En outre, il sera important de veiller à développer le dialogue social et la négociation
collective dans les unités de production d’électricité plus petites et décentralisées
qui se développent surtout dans le domaine des énergies renouvelables. Car la
représentation syndicale est loin d’y être acquise et des attitudes anti-syndicats y
sont observées, posant ainsi d’une part le problème du moindre rapport de force des
travailleurs de ces entreprises pour y obtenir de bonnes conditions de travail, et
d’autre part le défi d’arriver à s’organiser pour y acquérir une représentativité, une
visibilité, une crédibilité aussi et y changer l’état d’esprit.
I.2. Sidérurgie
La sidérurgie représente 6 à 7% des émissions mondiales de CO2 (10% si on inclut les
émissions issues de l’extraction et du transport des matières premières), et 30% des
émissions de l’ensemble des industries. La Chine est le premier émetteur. Les
prévisions indiquent que la demande et donc la production seront globalement en
hausse au cours des prochaines années, la plus grande part de la croissance étant
attendue en Asie.
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L’étude estime que cette industrie doit être protégée par l’octroi de droits
d’émissions gratuits jusqu’en 2020 (pour la production et l’électricité produite par
les gaz de récupération), vu qu’il s’agit d’un secteur subissant à la fois la
concurrence internationale et une haute intensité énergétique. Sans cela, elle estime
à 175.000 le nombre d’emplois qui seraient menacés par les fuites de carbone, sur
les 372.000 emplois en 2006 sur les sites intégrés de production d’acier liquide (pour
une production de 200 millions de tonnes d’acier). S’y ajoutent les emplois dans la
transformation à froid, de l’ordre de 66000, qui ne seraient pas menacés en raison
de leur proximité géographique des marchés. Pour les tubes en revanche, qui
occupaient 110000 personnes en 2006, une localisation européenne est plus fragile.
Les mesures adoptées pour prévenir les fuites de carbone ne garantissent toutefois
pas que des délocalisations n’auront pas lieu. C’est ainsi que la sidérurgie
européenne perdrait probablement entre 24000 et 45000 salariés pour des raisons
autres que climatiques, essentiellement liées aux gains de productivité.
Les nouvelles technologies développées par le programme européen ULCOS (ultra
low CO2 steelmaking), projet phare de la plateforme technologique ESTEP (European
Steel Technology Platform) financé en partenariat public-privé, pourraient être
déployées à partir de 2020. Les recherches menées dans ce programme ont en effet
débouché sur la possibilité de mise en œuvre d’une technologie compatible avec les
exigences de réduction des émissions, à savoir le recyclage des gaz de hautsfourneaux couplé au CSC. Ceci permettrait de réduire de 50% minimum les émissions
de gaz à effet de serre à la tonne d’acier produite, et offrirait une solution transitoire
en attendant que deviennent disponibles des technologies propres. Dans ce cas, il y
aurait progression de l’emploi découlant directement du recyclage des gaz des
hauts-fourneaux dans chaque usine employant la voie fonte. De manière globale,
selon cette étude, la sidérurgie européenne pourrait équilibrer sa balance
commerciale en acier et pourrait augmenter ses capacités de production au rythme
de la consommation, et bénéficierait d’une progression combinée des aciers
électriques et des aciers fonte. Par conséquent, la CES soutient la FEM dans sa
demande de soutiens financiers des pouvoirs publics au projet (de démonstration à
grande échelle) ULCOS II.
Sur le plan qualitatif, plusieurs évolutions seraient à prendre en compte : évolution
vers des régularités plus contraignantes à partir d’outils de mesure et de contrôle
renforcés et informatisés ; intensification du fonctionnement de l’outil vers plus
d’efficience énergétique et plus de précision et de rigueur, mettant en tension
supplémentaire les outils et les matériaux, ce qui entraînera des conséquences pour
la sécurité des travailleurs.
6
Conclusion
Selon l’étude, il est plus que probable qu’une solution concernant la très grande
majorité des producteurs d’aciers dans le monde pourra être trouvée d’ici à 2020,
grâce à la mise en place d’une plateforme technologique qui donne aux industriels
une base à partir de laquelle ils peuvent engager les premières étapes des transitions
technologiques bas carbone nécessaires pour les prochaines années.
Mais se posera la question du financement de cette transition et des conséquences
pour les métiers exercés par la main d’œuvre d’usines dont la consommation
énergétique deviendra un des critères déterminants de son fonctionnement, voire
de sa viabilité à moyen terme, et de l’organisation de la formation professionnelle à
y assurer, que ce soit en Europe ou ailleurs.
Se posera en outre la question de l’acceptabilité sociétale et du financement de la
technologie de CSC qui devrait être associée à la technologie de recyclage des gaz
des hauts fourneaux.
I.3. Chimie
La chimie, avec ses diverses composantes, est le secteur industriel le plus
énergétivore et le 3ème secteur industriel émetteur de CO2. Il est responsable de 16%
des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine industrielle mais sur le plan
géographique, les responsabilités sont contrastées.
La chimie ouest européenne a en effet réduit de manière significative son intensité
en carbone et est ainsi leader en la matière. Ses émissions ont diminué de 32% entre
1990 et 2007 alors que la production chimique de l’UE a progressé de 67% sur la
même période.
Pour le futur toutefois, l’étude Mc Kinsey (3) a évalué un scénario « business as
usual » qui s’avère inquiétant : les émissions de gaz à effet de serre seraient
multipliées par 2,2 entre 2005 et 2030 du fait du développement des capacités et
des volumes produits principalement en Asie Pacifique . Même l’Europe verrait ses
émissions progresser de 34%.
Des scénarios alternatifs semblent toutefois techniquement possibles, limitant la
hausse des émissions à 39% à l’horizon 2030 moyennant un investissement global de
520 G€ entre 2010 et 2030, en partie compensé par l’amélioration de l’efficacité
énergétique qui permettrait d’économiser 280 G€.
Une réduction supplémentaire des émissions ne serait pas envisageable sans
ruptures technologiques plus radicales, ce qui suppose qu’un ensemble de
conditions supplémentaires soient rencontrées : renforcement et élargissement des
efforts de R&D, politique industrielle globale à long terme, financement accru, …
7
Or, l’industrie chimique européenne en particulier est fragilisée par l’emprise d’une
mutation de nature financière se traduisant par une désintégration des filières, par
des segmentations et des externalisations de plus en plus poussées, par des modèles
de profit qui, ces 10 dernières années, ont davantage servi les actionnaires et le
redéploiement dans les zones émergentes qu’un projet de développement offensif
et innovant en Europe (l’effort d’investissement en technologies et en R&D a été
réduit tendanciellement en Europe par rapport aux Etats-Unis et au Japon) , par des
pressions sur l’emploi dans l’ensemble de l’Europe (-2% par an sur la période 19972007).
Dans ce contexte, la mise en œuvre d’une politique offensive de diminution des
émissions de gaz à effet de serre est invoquée comme une source de fragilité
supplémentaire par cette industrie. Pourtant, selon l’étude Syndex-WMP, il y aurait
moyen de relever les défis économiques et industriels de ce secteur, en lien avec la
migration vers une économie bas carbone, mais pour cela, il faudrait mettre en place
de véritables dispositifs de coordination et de régulation, une véritable politique
industrielle à l’échelle européenne et mondiale, et relever le défi de l’emploi et des
compétences dans une industrie qui a plutôt détruit de l’emploi.
Ainsi, il faudrait : aider au développement de l’apport de la chimie dans la montée en
puissance des éco-industries par ses produits et services dans les domaines des
traitements des eaux, de l’air, de la captation du CO2 ; aider à l’émergence de la
chimie verte par le renforcement des compétences dans les domaines de la R&D et
de l’expertise scientifique ; consolider toutes les orientations en lien avec les autres
problématiques environnementales, … L’enjeu serait alors celui de la gestion des
transitions qui ne reporterait pas tous les risques sur l’emploi, qui renforcerait les
dispositifs d’accompagnement des travailleurs dans ce processus de mutations de
l’industrie chimique, ce qui exige l’accès à des sources de financement à cette fin.
Conclusion
Dans le secteur de la chimie, se pose avec acuité le problème de sa financiarisation
et de la nécessaire régulation qui en découle. Celle-ci pourrait offrir de nouvelles
perspectives mais encore une fois, des moyens de financement seront nécessaires à
cette fin, pour la R&D et l’innovation mais aussi pour accompagner socialement le
processus de transformation des emplois et compétences.
I.4. Le ciment
Cette industrie représente 3% des émissions de CO2 de l’Union Européenne et
emploie environ 45.000 salariés. Elle se caractérise par un niveau de profitabilité
élevé et par une forte intensité capitalistique. Aussi par un risque de délocalisation
très substantiel, les importations de l’UE en provenance de pays non soumis à la
contrainte carbone étant en augmentation.
Pour les 27 pays de l’Union européenne, la diminution du volume de production a
été très nette entre 2007 et 2008, s’élevant à environ 7%. Les effectifs de l’industrie
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cimentière à 15 ont été divisés par deux en 30 ans, principalement suite aux gains de
productivité qui ont été atteints grâce à des unités de production plus grandes et
automatisées.
Pour l’avenir, l’importance des émissions place l’industrie cimentière européenne
parmi les secteurs les plus directement menacés par la contrainte carbone si elle
s’applique différemment entre producteurs européens et importateurs.
L’étude Syndex-WMP préconise une série de mesures dont : la stimulation de la R&D
et des projets européens de démonstration et de déploiement pour de nouveaux
procédés (ciments sans clinker, nouveaux liants, éco-ciments, etc) en dynamisant la
coopération entre acteurs de la filière ; l’ intégration de la participation du secteur
cimentier aux projets européens de R&D et de démonstration-déploiement des
technologies de captage et stockage de CO2 menés par d’autres secteurs
(producteurs d’électricité fossile, sidérurgie, raffineries, etc) ; la mobilisation de
l’ensemble des acteurs de la chaîne de décision pour établir des normes de
composition des ciments (normes dont l’absence entrave la mise en place de
nouveaux procédés) ; la mise en place de dispositifs d’ajustements aux frontières
avant d’aboutir à un accord sectoriel mondial ; la conception de dispositifs sectoriels
de gestion prévisionnelle des emplois et compétences dédiés aux nouveaux
procédés et produits ; des programmes de formation appropriés pour les travailleurs
et managers des groupes cimentiers ;…
Conclusion
L’industrie cimentière européenne demande la mise en place d’une très forte
politique industrielle européenne visant à la préserver et à en préserver ses emplois.
Si une telle politique était mise en place, ce qui une fois de plus pose la question des
financements, notamment de la R&D, de nouveaux procédés et produits se
développeraient qui nécessiteraient une gestion concertée des emplois et des
nouvelles compétences qui y seraient associés.
I.5. L’aluminium
Les émissions de ce secteur représentent un peu plus de 0,5% des émissions
mondiales de CO2. Il emploie 35.000 salariés dans la production d’aluminium et
250.000 dans la transformation en Europe. Ce secteur n’est pas directement
concerné par la première phase d’application du protocole de Kyoto, à l’instar de
l’ensemble des métaux non ferreux, mais le sera à partir de 2013, date à laquelle
seront prises en compte les émissions de gaz fluorés. Les producteurs d’aluminium,
en tant que secteur à haute intensité énergétique, sont toutefois d’ores et déjà
indirectement concernés, se voyant répercuter le prix du CO2 dans les prix de
l’électricité. En outre, en 2009, la production mondiale d’aluminium s’est amoindrie
de 15% à 20%, fragilisant les producteurs les moins compétitifs, notamment ceux
ayant accès au mix énergétique le moins favorable (l’énergie hydraulique joue un
rôle d’avantage compétitif décisif pour la pérennité de cette industrie).
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L’augmentation du prix de l’électricité risque de modifier substantiellement la
position compétitive du secteur en Europe au cours des prochaines années, plus de
la moitié des contrats de fourniture d’électricité étant à renégocier dans les cinq
prochaines années et les producteurs d’électricité devant acquérir 100% de leurs
droits d’émissions par enchères à partir de 2013. Le principe de la compensation de
la répercussion du coût des quotas sur le prix de l’électricité est prévu dans le cadre
de la troisième phase du SCEQE. Des mesures concrètes doivent néanmoins encore
être adoptées pour garantir l'avenir du secteur (qui est essentiel pour la fabrication
de produits industriels à faible intensité de carbone). L’augmentation du prix de
l’électricité a déjà entraîné la fermeture de fonderies importantes (ex : Anglesey).
L’étude Syndex-WMP recommande la mise en place de R&D visant à réduire les
émissions de CO2 et de gaz fluorés, et de mesures permettant de garantir la
fourniture d’électricité à un niveau de prix concurrentiel mais pointe la faiblesse des
producteurs en Europe face aux géants mondiaux.
I.6. Le raffinage
Le raffinage fait partie des secteurs exposés aux risques de fuites de carbone, ce qui
a pour conséquence qu’il bénéficiera de quotas gratuits jusqu’en 2018.
L’étude Syndex-WMP estime toutefois que des risques pèsent sur cette industrie :
traitement de bruts de plus en plus lourds impliquant une hausse de la
consommation d’énergie et donc de CO2 ; allocation de quotas de CO2 via la
méthode des benchmarks et probable remontée du prix du brut pénalisant les outils
ne bénéficiant pas d’investissements dans l’amélioration de leur efficience
énergétique ; manque de débouchés locaux ; absence de synergies pétrochimiques ;
impact de la crise sur la demande et les marges …
En termes d’emplois, l’étude estime que des fermetures de raffineries en découlant
entraînerait la destruction de 6000 emplois directs et indirects à l’horizon 2020. Une
fermeture d’unité ayant un impact majeur sur la région concernée, l’accent devrait
être mis dans les politiques de formation professionnelle, sur le maintien d’un haut
niveau d’employabilité des travailleurs de ce secteur, afin de pouvoir le cas échéant
mettre en œuvre des programmes de ré industrialisation ou permettre des
passerelles professionnelles vers d’autres secteurs en croissance.
Le principal levier à court terme de limitation de la contrainte carbone (et donc de
préservation de l’emploi) consisterait dans la généralisation d’installations de
cogénération de chaleur et d’électricité qui permettrait des gains d’efficience de 20%
à 30%. Le développement de la cogénération nécessiterait toutefois une vision à
long terme sur le prix du CO2, des garanties des pouvoirs publics et des régulateurs
sur les prix de rachat de l’électricité produite, et un soutien financier pour la mise en
place des unités.
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A l’horizon 2020-2030, les risques de destruction d’emplois dépendront du rythme
d’introduction des véhicules électriques (hybrides et full electric) et de la
concurrence des zones périphériques à l’Europe.
Des effets positifs sur l’emploi résulteraient du développement de la cogénération et
du CSC qui représente le plus gros potentiel de réduction des émissions de CO2 du
raffinage. Il s’agirait essentiellement d’emplois localisés chez les équipementiers et
les acteurs parapétroliers, davantage que chez les raffineurs.
I.7. Le verre
L’industrie verrière génère 1% des GES de l’industrie européenne et compte 196.000
emplois. Ses procédés de fabrication sont énergétivores et elle occasionne des
pollutions atmosphériques résultant de la combustion (NOx, SOx, particules). C’est
une industrie très diversifiée sur le plan des produits et des technologies, et
principalement organisée sur des bases régionales. Elle a obtenu une allocation de
quotas gratuits après 2012 sur la base d’un benchmarking.
Par ailleurs, le passage à une économie bas carbone représente une opportunité
importante pour cette industrie, notamment dans les applications du bâtiment
(isolation, …), automobiles (allègement et réduction de la consommation) et de
spécialité (verre photovoltaïque, panneaux solaires). Le secteur de la fibre de verre
est aussi concerné par le développement des applications énergétiques (éoliennes).
La crise n’y modifie pas les tendances stratégiques de fond et des gisements
d’emplois y existent, pas tant dans le secteur de la production du verre plat (environ
16.000 emplois en Europe) que dans celui de la transformation (environ 100.000
personnes)
I.8. Le transport
Le transport connaît une croissance tendancielle de ses émissions de CO2 et est d’un
poids considérable dans l’économie européenne : 15 millions d’emplois sont liés
directement ou indirectement au transport dans l’Union à 25 (7% de l’emploi
européen). Alors que la lutte contre le changement climatique y est jugée difficile,
l’étude sur le changement climatique et l’impact sur l’emploi réalisée par Syndex en
2007 montre qu’il est possible d’y stabiliser les émissions en 2030 par rapport à
1990, tout en créant globalement 20% d’emplois supplémentaires par rapport à un
scénario tendanciel. En réduisant le volume du trafic de 10% et en rééquilibrant le
trafic vers le rail et les transports publics, on quadruplerait les emplois liés
directement et indirectement au rail et aux transports en commun (tram, bus,
métro, vélo). Par contre, la dynamique de l’emploi dans le transport routier de fret
serait toujours positive mais en recul de 50% par rapport à un scénario tendanciel.
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L’automobile
L’industrie automobile est un des secteurs industriels les plus importants d’Europe et
emploie quelques 12 millions de personnes en Europe, dont environ 2,3 millions
dans la production de véhicules en 2007 et 10 millions de salariés dans l’industrie
amont.
La question des émissions de CO2 y porte sur deux aspects : la réduction des
émissions par les automobiles et véhicules utilitaires, et la réduction des émissions
au cours du processus de production.
L’industrie automobile a été fort touchée par la crise financière et la récession au
2ème semestre 2008, et son avenir dépendra notamment des taux de pénétration des
véhicules hybrides et des véhicules électriques. Actuellement en retard sur
l’hybridation par rapport au Japon, l’Europe doit redoubler d’effort si elle ne veut
pas se faire concurrencer par des acteurs importants comme la Chine sur le marché
des véhicules électriques et créer des emplois dans cette filière.
Par ailleurs, rendre plus propres les moteurs thermiques des véhicules produits
requiert un renforcement des plates-formes technologiques au niveau européen,
ainsi que des clusters entre les industries et les centres de R&D.
La CES soutient la demande de la FEM en faveur de la création d’un conseil européen
de l’industrie automobile, qui aurait pour mission de superviser la restructuration du
secteur dans le contexte de la crise actuelle et de faciliter l’adaptation à de nouveaux
modes de production, en mettant l’accent sur la formation (le secteur manque
actuellement de personnes spécialisées dans la formation du personnel à la
production de véhicules électriques).
I.9. L’ industrie des matériaux isolants minéraux
L’industrie des briques et tuiles compte 84.300 emplois répartis dans quelques 3000
entreprises. Cette industrie a souffert de la crise.
L’application de la directive européenne EPBD sur la performance énergétique des
bâtiments pourrait générer environ 1000 emplois dans cette industrie alors qu’une
directive EPBD étendue à tous les types de logements pourrait en générer environ
8000.
I.10. Les biens d’équipement
Ce secteur occupait environ 3,7 millions de personnes en 2006 et comptait quelques
164.000 entreprises. C’est un secteur clé sur les marchés porteurs de l’efficacité
énergétique et des technologies de l’environnement. Pour autant que la part de
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l’Union Européenne à 27 demeure constante (ce qui semble probable) et que les
conditions nécessaires à l’augmentation de la productivité de la main d’œuvre et à
l’intégration régionale soient remplies, il serait possible de créer 670.000 emplois
jusqu’en 2020, dont les deux tiers dans le secteur des techniques et équipements de
production d’énergie. La croissance en résultant représentera un potentiel de
250.000 emplois supplémentaires, avec l’appui des investissements amont effectués
par ce secteur et le secteur des services, soit un potentiel supérieur à 900.000
emplois supplémentaires.
I.11.Le bâtiment/construction
Ce secteur constitue un gisement très important d’emplois à créer en lien avec la
prévention du changement climatique. La rénovation thermique des bâtiments
anciens, et en particulier des logements anciens, permettrait de créer de nombreux
emplois directs pour la plupart non délocalisables car liés à un territoire ou à des
débouchés locaux.
La directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, étendue au
logement, permettrait de créer 30.000 à 90.000 ETP additionnels dans l’Union
Européenne à 15, ainsi que 90.000 ETP additionnels dans les nouveaux Etats
membres.
Dans le cas de travaux correspondant à une haute qualité énergétique (50 KWH/m²),
le gain d’emploi pourrait dépasser le million d’hommes-années, soit 10% de l’emploi
européen du secteur.
Une initiative centrée sur la rénovation thermique du logement à caractère social
aurait un effet de levier important car permettrait de toucher un grand nombre de
logements et beaucoup d’émissions de CO2 en peu de temps, et génèrerait des
bénéfices sociaux additionnels tels que l’insertion des chômeurs de longue durée ou
des personnes en difficulté sociale, l’allègement de la facture énergétique et
l’amélioration des conditions de vie des ménages défavorisés.
Les emplois directs créés seraient de relativement faible qualification pour la plupart
mais le secteur devrait relever le défi de former ses travailleurs au bâtiment durable
alors qu’on le sait peu innovant en matière de R&D et peu dynamique en matière de
formation et de qualification de ses salariés.
Il serait primordial d’organiser la formation dans tous les métiers nouveaux liés à
l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables (techniques de diagnostic,
conditions spécifiques d’utilisation et d’installation des énergies renouvelables, …),
de revisiter et de réorienter les contenus des formations en privilégiant ceux pour
lesquels la demande sera croissante (isolation, ventilation, réseaux de chauffage, …),
de revisiter le contenu des formations initiales professionnelles du secteur du
bâtiment en y intégrant des préoccupations environnementales et énergétiques,
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d’accélérer l’homologation des diplômes correspondants, … Les pouvoirs publics
devront s’assurer que le développement des formations initiales et continue soient
organisées en partenariat avec l’ensemble des acteurs de la filière, comme c’est le
cas en Allemagne dans le cadre de l’alliance pour l’ emploi et l’environnement, et
aussi que les budgets pour la formation dans ce secteur soient considérablement
accrus.
Un autre défi à relever dans ce secteur serait d’y reconfigurer la culture trop souvent
marquée par le travail au noir, la sous-traitance, le travail intérimaire, de mauvaises
conditions de travail, ce qui passe par l’amélioration du dialogue social et des
négociations collectives.
II. Recommandations pour que les politiques climatiques soient porteuses
d’emplois de qualité en Europe et à l’extérieur de l’Europe
L’Europe se doit de mettre en oeuvre une stratégie de développement et pas
seulement une stratégie de négociation. Elle doit convaincre les Etats, y compris les
pays en développement et les pays émergents, de l’importance de la transparence
sociale et environnementale, de l’importance des instruments de contrôle, de la
régulation, des standards et des sanctions pour échapper au moins disant social et
environnemental et pour, au contraire, entrer dans un cercle vertueux.
Car les bonnes intentions ne suffiront pas. Nous avons besoin de nouveaux
instruments de régulation pour progresser, en tirant aussi les leçons de la crise
financière et des conséquences désastreuses de la « soft law ».
L’Union européenne doit prendre des initiatives lors des négociations de 2010, en
vue d’engagements sérieux sur des objectifs ambitieux, négociés, juridiquement
contraignants et chiffrés permettant effectivement de réduire les émissions de gaz à
effet de serre pour limiter le réchauffement climatique à 2°C.
A cette fin, elle doit pousser entre autres les Etats-Unis et la Chine à des
engagements ambitieux de réduction d’émissions et de financement des politiques
climatiques, que ce soit au sein des négociations de l’ONU ou en dehors (G20 …) en
montrant le bon exemple, en accroissant sa contribution pour financer la réduction
mondiale du changement climatique et en conjuguant lutte contre le changement
climatique et lutte contre la pauvreté et le s inégalités sociales.
Elle doit dès lors

Contribuer à définir d’urgence au niveau international un système
financier économique, environnemental et social pour permettre un
nouveau développement, en particulier pour les pays les plus pauvres.
14






Faire en sorte que ce système soit transparent et guidé par une bonne
gouvernance, dans l’intérêt de tous, et qu’il mène à la création de
nouveaux instruments financiers tels que la taxation des transactions
financières.
Prendre des initiatives lors des négociations de 2010 et jouer
pleinement son rôle, en vue d’engagements sérieux sur des objectifs
ambitieux et chiffrés. Sa position actuelle de ne pas augmenter la part
de ses engagements d’émissions à 30% avant que d’autres pays n’aient
montré leur volonté de donner suite à l’accord de Copenhague devra
ainsi pouvoir être rapidement revue en fonction de l’évolution du
contexte.
Contribuer à ce que 30 milliards $ du « fast start »soient distribués le plus
vite possible en 2010 entre les pays les moins développés (tout en
considérant les critères de transparence, de participation et de transition
juste).
Accroître sa contribution pour financer la réduction mondiale du
changement climatique et en conjuguant lutte contre le changement
climatique et lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales. Ainsi, les
fonds à dégager à partir de 2020, aux alentours de 100 milliards $ par
an, devraient être accrus, et l’Union Européenne devrait fournir un tiers
de l’aide globale (suivant la dernière résolution du Parlement
Européen) en mettant en place des mécanismes appropriés devant
assurer ce financement (via notamment l’instauration d’une taxe sur
les transactions financières, …).
Soutenir les demandes de la CSI et de la CES et obtenir que l’accord
final comprenne l’objectif de garantir une transition juste et des
emplois décents.
Contribuer à ce que les syndicats (et la société civile en général)
continuent à participer aux négociations de l’UNFCCC, avec des
procédures claires et des mécanismes transparents
Ne pas aller dans cette direction, c’est risquer d’aggraver les conflits liés à la gestion
des ressources, dus à leur rareté dans certaines régions du monde, ainsi qu’à une
augmentation des flux migratoires qui s’avèrera souvent catastrophique pour les
populations concernées.
Pour sa propre croissance, sous peine de s’affaiblir au niveau mondial, l’Union
Européenne doit développer une stratégie interne en améliorant la gouvernance
européenne, en confortant l’ambition de la relance européenne notamment via la
mise en oeuvre de politiques communautaires renforcées en matière industrielle et
de recherche, et en adoptant une législation en matière de changement climatique :
o l’allocation gratuite de quotas aux industries à haute intensité
d’énergie exposées à la compétition internationale, pour autant
qu’elles soient basées sur les meilleures technologies disponibles et
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qu’elles soient complémentaires et non une alternative à un
mécanisme de compensation aux frontières à activer à partir de 2013,
si les distorsions de concurrence au niveau mondial ne sont pas
réglées.
o l’introduction d’une véritable traçabilité carbone de ces produits
couvrant tous les stades de leur production et de leur transport. La
recherche d’accords sectoriels internationaux est la principale solution,
mais la traçabilité du carbone constitue une condition technique à leur
mise en place et représente un incitant puissant à leur mise en œuvre ;
o la création d’une Agence européenne chargée de la fixation des
benchmarks et de la traçabilité carbone généralisée de l'ensemble des
produits, agence ouverte aux partenaires sociaux ;
o la mise en place de règles claires avec des instruments législatifs
appropriés pour le marché du carbone afin d'éviter les spéculations sur
les cours ainsi que les fluctuations trop erratiques, et de tisser les liens
entre le marché européen et les autres marchés régionaux ; ces règles
devront être fixées par une directive.
o l’encouragement des initiatives globales coordonnées en matière de
R&D, du partage des connaissances scientifiques, du développement
et de la dissémination des technologies vertes à l’échelle mondiale en
s’aidant de politiques de transferts technologiques et de règles
régissant la propriété intellectuelle équilibrées, prenant en compte à la
fois ces besoins et les objectifs sociaux et économiques de ceux qui
financent la R&D dans les technologies vertes.
Il sera essentiel de développer une politique industrielle européenne à bas carbone
basée sur une dynamique de coordination industrielle communautaire permettant
de transcender les divisions intra-européennes et les effets pervers des exigences de
profitabilité de court terme des investissements industriels.
Cette stratégie européenne bas carbone doit être basée sur des principes de juste
transition : dialogue entre gouvernement, industrie et syndicats, et autres intérêts
sur le changement économique et industriel ; des emplois verts et décents ; des
investissements dans les technologies à bas carbone; de nouvelles qualifications
« vertes » :
o Des études nationales, régionales et sectorielles sur les politiques liées
au changement climatique et leur impact sur l’emploi et les marchés
du travail doivent être systématiquement réalisées, en concertation
avec les interlocuteurs sociaux.
o Au niveau européen, un instrument (coordonnant notamment les
instruments existants tels que les conseils sectoriels) doit être créé,
permettant d’assurer l’anticipation des transitions socio économiques
et renforçant le dialogue entre les partenaires sociaux et les pouvoirs
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publics. Dans ce cadre, l’Union Européenne doit s’atteler aux défis des
restructurations industrielles auxquels sont confrontés les nouveaux
Etats membres.
o Cet instrument d’anticipation sera destinataire des études d’impacts
développement durable et pourra participer à la définition du cahier
des charges, au suivi et à la mise en œuvre à chaque phase
d’élaboration de ces instruments de décisions communautaires.
o Les plateformes technologiques européennes intégrant les
technologies produit-process bas carbone devront faire participer les
organisations syndicales dans leur système de gouvernance et aussi
prendre en compte dans les travaux de leur task force, les évaluations
et propositions du comité d’anticipation prédéfini.
o Un fonds international et un fonds européen devront être créés en vue
de faciliter le développement de technologies à faible émission de
carbone, ainsi que de technologies basées sur l’efficacité énergétique
et les énergies renouvelables dans les pays en voie de développement,
ainsi que le développement de politiques de l’emploi basées sur la
protection sociale, la promotion du travail décent et les services
publics.
L’Union Européenne doit s’engager sur la voie d’une croissance verte contribuant
au maintien et à la création d’emplois de qualité et au progrès social, au travers
de toute l’économie, et à cette fin devra considérer les travailleurs et leurs
représentants comme des acteurs incontournables avec lesquels elle se devra de
dialoguer et de négocier. Dès lors,
o Il est nécessaire et urgent d’intégrer une dimension sociale beaucoup
plus forte dans les politiques européennes contribuant au
développement de stratégies bas carbone par le biais d’une stratégie
Européenne de l’emploi moderne et guidée par la demande,
garantissant la création d’emplois et une mobilité protégée, et non par
une stratégie basée uniquement sur la dérégulation du marché du
travail.
o La Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit être
réorientée délibérément au service de l’anticipation des changements.
o Une transition juste garantira par exemple la création de passerelles
destinées à aider les travailleurs des secteurs en contraction à trouver
des emplois dans les secteurs en expansion, tout en protégeant leurs
salaires, leurs conditions de travail et leurs organisations syndicales.
o Vu que tout lieu de travail peut être « vert » et qu’il y a de plus en plus
d’indices que les syndicats agissent pour s’attaquer au problème du
changement climatique, des droits nouveaux et plus étendus en
matière de protection de la santé et de l’environnement sur les lieux
de travail devront être accordés, et des formations et qualifications
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pertinentes mises à disposition, de même que de bonnes règles de
« corporate governance » et le rapportage à rendre obligatoire
(information aux conseils d’entreprise européens, …)
IV. Conclusion
La CES continuera à contribuer aux pressions visant à ce qu’un Traité équitable,
contraignant et rencontrant véritablement dans le monde entier les défis du
changement climatique soit adopté en décembre 2010 au Mexique.
A cette fin, elle fera valoir que pour l’Union Européenne, Copenhague a été un
signal fort pour exiger des Etats membres une prise de responsabilité forte et la mise
en place de véritables politiques européennes, sous peine à terme de ne pas être
entendus au niveau mondial et de concourir à un affaiblissement historique de
l’Europe.
Il est dès lors urgent de lancer la troisième révolution industrielle européenne, basée
sur des emplois verts, durables et décents et sur des investissements massifs dans
les technologies à faibles émissions de carbone, générant des emplois durables pour
les générations actuelles et futures en Europe.
Ceci requiert un effort nettement accru en matière de R&D pour réaliser les ruptures
technologiques, organisationnelles et sociétales qui transformeront la contrainte
carbone en atout pour les entreprises.
Cela requiert donc aussi de mettre en place de nouvelles sources de financement de
ces politiques, dont une taxe sur les transactions financières.
Il est aussi urgent de mobiliser des moyens publics conséquents pour réaliser la large
gamme des investissements publics et privés vitaux pour la prévention du
changement climatique dans les domaines du bâtiment et de la mobilité et
également y créer des emplois verts, durables et décents : programmes de
rénovation thermique des bâtiments et des logements en vue d’en améliorer
l’efficacité énergétique, réalisation des infrastructures pour les modes de transport
alternatifs à la route, les transports collectifs et la mobilité « douce », …
Faisant cela, il faut aussi assurer une transition sociale juste, ce qui impose : la mise
en place de véritables négociations sociales à tous les niveaux avec des instruments
pour cette négociation ; un cadre légal, réglementaire et fiscal stabilisé dans ses
orientations stratégiques ; la mise en place de nouveaux instruments de régulation ;
des formations nouvelles pour aider à la transformation de l’emploi, ; des mesures
protégeant la transition bas carbone des dérives de la financiarisation des économies
européennes mondialisées.
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C’est à ces conditions que les inquiétudes et les menaces pourront être transformées
en opportunités pour créer des emplois durables et de qualité et pour enrayer les
inégalités sociales, deux défis majeurs que la CES veut voir rencontrés et auxquels
elle entend contribuer.
Bibliographie
(1) Changement climatique et emploi, Syndex, ISTAS et Wuppertal Institute,
2007
(2) Les dérèglements climatiques, les nouvelles politiques industrielles et les
sorties de crise, Syndex, S Partner et WMP Consult, octobre 2009
(3) McKinsey&Company, Pathways to a Low-carbon Economy, 2009
John Monks, General Secretary
Boulevard du Roi Albert II, 5 • B – 1210 Bruxelles • Tel: +32 2 224 04 11
Fax: +32 2 224 04 54 / 55 • e-mail: [email protected] • www.etuc.org
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