Les sols dans l`environnement et pour la production agricole Daniel

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Les sols dans l’environnement et pour la production agricole
Daniel Tessier et Christian Mougin
"La vérité ne se définit pas comme étant l'opinion de la majorité : la vérité est ce qui découle de
l'observation des faits". Maurice Allais, prix Nobel
Diapositive 1.
Introduction
Ce diaporama a pour objectif de présenter les sols en se référant à leur fonction de production et à
leur importance dans l’environnement. La démarche se veut suffisamment générale pour
comprendre l’importance et le rôle des sols, en France et dans le monde. Il ne sera pas ici question
de classification ni de taxonomie. Les données présentées feront essentiellement référence à la
connaissance des élèves en chimie, en physique, en biologie ou encore en géologie, en illustrant les
sols et leur relation avec la production agricole et avec l’environnement, ceci à l’aide d’exemples
concrets. En retour, l’étude des sols doit permettre de mieux comprendre certains aspects des cours
de physique, chimie, biologie et géologie. Cette approche devrait mettre en exergue l’intérêt d’une
approche scientifique de milieux complexes comme peuvent l’être les sols [2].
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Pour étudier les sols, la démarche scientifique repose sur une approche multifactorielle du milieu,
intégrant des facteurs souvent en synergie les uns avec les autres. Dans un premier temps, il est
important de rester très factuel : les données obtenues ne doivent supporter aucune contestation
quant à leur véracité. Leur analyse ne peut pas seulement reposer sur des données brutes. Des
analyses statistiques, des régressions multiples ou le recours à des théories appropriées venant
d’autres travaux permettent généralement de «faire parler les résultats». In fine, l’interprétation des
résultats doit montrer en quoi il est possible de conclure de manière crédible et si possible originale.
L’écriture doit être précise et concise, ce qui permet généralement de mieux préciser sa pensée, et
de s’exprimer aisément dans une autre langue...
A. De quoi parle-t-on: un coup d'œil sur les sols
Le contexte général de la production agricole et des sols à l’échelle de la planète [3]
La formation des sols ne peut être déconnectée du contexte global de la vie sur terre et des
conditions physiques et chimiques de son développement. Le flux solaire qui arrive sur terre est en
moyenne de 1386W/m2 par 24 heures. Compte-tenu de la rotation de la Terre (qui occulte la partie
opposée au soleil), le flux solaire moyen qui atteint le sommet de l'atmosphère est estimé à
342W/m2. Le flux solaire varie bien sûr en fonction de la latitude. Alors qu’il est toujours important
en zone tropicale (rayonnement solaire incident jusqu’à quasi vertical), il est beaucoup plus variable
de chaque côté des tropiques et au fur et à mesure qu’on se rapproche des pôles. Chez nous le
rayonnement incident du soleil est beaucoup plus vertical en été quand les jours sont plus longs
(extrêmes de ~8 à ~16 heures par jour sous notre latitude, d’hiver en été).
Le rayonnement solaire est un facteur essentiel de la production agricole et par delà de la vie sur
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terre. En France, la période de végétation est de 6 à 8 mois. Des températures comprises entre 10°C
et 30°C environ permettent aux plantes un développement optimal. Bien entendu, les plantes se sont
adaptées au climat et les sélectionneurs ont adapté de tout temps des variétés spécifiques à chaque
climat.
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Le rayonnement qui arrive effectivement à la surface de la terre dépend de plusieurs facteurs.
L'albédo (c’est à dire la proportion de rayonnement qui est renvoyé dans l’espace) varie en fonction
des milieux : 5-10 % sur les mers sans nuages, 10-15 % au dessus des forêts, 30-50 % sur les
déserts, 60-85 % sur la neige et la glace. La couleur du sol et de la gétation sont des facteurs
d’absorption plus ou moins importants du rayonnement : le vert foncé absorbe plus que la paille
jaune claire d’une céréale arrivant à maturité. Les sols noirs se réchauffent plus vite que les sols
clairs, car le noir absorbe la quasi totalité du rayonnement. A contrario, le blanc, la neige ou les
glaciers par exemple en revoient la majorité. Ces propriétés sont utilisées en télédétection
satellitaire.
Un des facteurs les plus importants de la vie sur terre est l'humidité relative de l'air, couramment
notée φ, (ou degré d'hygrométrie). Elle correspond au rapport de la pression partielle de vapeur
d'eau contenue dans l'air, pa, sur la pression de vapeur saturante à la même température, po. Elle est
souvent exprimée en pourcentage HR% = (pa/po)x100. Une fois atteint la saturation (100%
d'humidité relative), des gouttelettes d'eau apparaissent dans l'air et l'humidité relative ne varie plus:
c’est l’origine du brouillard et de la pluie. La teneur en eau à pression de vapeur saturante est une
fonction croissante de la température. Ainsi, pour une même quantité d'eau dans l'air, un air chaud
aura une humidité relative plus basse qu'un air froid. Pour assécher l'air (au sens de l'humidité
relative), il suffit de le réchauffer.
L'évapotranspiration est l'effet combiné de l'évaporation directe du sol et de la transpiration des
plantes. L'évaporation est le passage de l'eau sous forme liquide du sol transformée en vapeur d'eau.
La transpiration, qui est le mouvement de l'eau passant des plantes dans l'air, est absolument
nécessaire à la physiologie de la plante, notamment pour alimenter ses tissus en eau et en
nutriments. Entre l’eau du sol passant par la plante et l’atmosphère s’établit une différence de
potentiel de l’ordre de 100MPa (1000bars) à 20°C et 50% d’humidité relative : la plante transpire.
La transpiration est le moteur de l’absorption de l’eau par le système racinaire et de la montée de la
sève dans les plantes. Plus l’humidité relative de l’air est basse, le renouvellement de l’air rapide
(vent) et la température élevée, plus l'évapotranspiration est intense. Il faut environ 600 calories
d'énergie thermique pour convertir un gramme d'eau liquide en vapeur d'eau.
L’eau est à la base de la vie : c’est le solvant universel. Leau est l’agent de dissolution (hydrolyse)
des éléments minéraux dans les sols et le vecteur de ces éléments dans les plantes. L’eau assure
aussi la dissémination des éléments minéraux et des composés organiques sous la forme de
particules (érosion) ou en solution (recharge des nappes souterraines). Elle joue aussi un rôle
essentiel dans la cohésion des particules du sol : plus le sol est humide plus il est mou, et
inversement. Il perd d’ailleurs totalement sa cohésion dans un excès d’eau.
Si le climat a été un facteur de développement des sols, il a toujours été est aussi au cœur des
sociétés humaines. L’agriculture a pu se développer au Moyen Orient (Croissant Fertile de
Mésopotamie) grâce à un climat très favorable, à un milieu riche en biodiversité et à la maîtrise de
l’irrigation.
L’exemple du Canada est intéressant car sa frontière sud avec les États-Unis est un type de frontière
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climatique qui a été âprement discutée [4]. Des grands lacs jusqu’à l’Océan Pacifique la frontière
suit le 49° de latitude nord, c’est à dire grosso modo une latitude identique à la ville de Paris
(48,5°). Cependant, le climat du sud du Canada est totalement différent de notre climat tempéré
bénéficiant du courant du Gulf Stream. Sous climat continental, les températures sont extrêmement
basses en hiver. Selon Agriculture-AgriFood Canada : «Le blé, l'avoine, l'orge et le seigle sont
considérés comme des cultures de saison fraîche. Leurs variétés printanières sont habituellement
semées entre la mi-avril et la mi-mai et elles arrivent à maturité après 80 à 100 jours dans les
conditions climatiques canadiennes».
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Cette durée de végétation est extrêmement courte et tout juste suffisante pour que les céréales de
printemps arrivent à maturité. Au Canada la contrainte climatique est donc forte. Ceci a d’autres
conséquences comme par exemple l’arrêt de l’activité biologique dans les sols environ 9 mois sur
12. Il en résulte que les sols de ces régions accumulent de fortes quantités de matières organiques
(black soils). Il en est de même par exemple en Ukraine (tchernozem)...
En revanche, ce n’est pas le cas dans les régions tempérées et encore moins dans les régions
chaudes (sols tropicaux). Avec des températures élevées, l’activité biologique est intense, de sorte
que la teneur en matières organiques des sols tropicaux est généralement faible. Pour ces derniers,
et pourvu que la pluviométrie ou l’eau d’irrigation apportée soient en quantité suffisante, deux
récoltes annuelles sont possibles. La végétation naturelle s’est généralement bien adaptée aux
variations locales du climat et à celle des sols. En montagne, par exemple dans les versants alpins,
entre l’adret (côté sud) et l’ubac (côté nord) les températures moyennes à 1250m peuvent varier du
simple au double, et la luminosité d’un facteur 10. Ceci a contribué à structurer les paysages avec
des habitations et des herbages côté sud et des forêts préférentiellement côté nord.
En Champagne, mais aussi en Alsace la vigne est cultivée sur des coteaux exposés au sud ou sud-est
afin d’avoir le maximum de luminosité et l’incidence optimale du rayonnement solaire (proche de la
verticale à midi). En outre, pour de nombreuses cultures fruitières l’orientation des rangs et la taille
des arbres permet d’optimiser la luminosité qui arrive aux feuilles et aux fruits, ce qui favorise
l’enrichissement en sucre et leur maturation. Sur ces bases on a défini la notion de terroir : pour une
même région, une même famille de sols, des conditions météorologiques identiques et pour une
production donnée (raisin, lait, olive, etc…), le produit présente un caractère unique, une
« typicité » reconnue (vin, fromage, huile d’olive, par exemple).
L’autre facteur important de développement des sols et de la gétation est la pluviométrie. Pour la
végétation et la production agricole, on caractérise le climat par son aridité. Nous avons vu que
l’évapotranspiration est absolument nécessaire au développement des plantes. Chez nous, sous
climat tempéré, il faut environ 400L d’eau pour produire 1kg de céréales ou de bois (soit une
hauteur d’eau équivalente à 400 mm de pluie pour une production de 10t de blé par ha). Dans les
régions chaudes, la demande en eau est beaucoup plus importante du fait que l’évapotranspiration
potentielle augmente considérablement avec la température (~2500mm à Damas en Syrie). L’eau
devient alors le principal facteur limitant de la production agricole. Ainsi, au Brésil, dans les
Cerrados (savane brésilienne) le développement de la gétation naturelle prend des forme diverses
allant de la prairie, à la savane arborée à la forêt plus dense aux confins de l’Amazonie : ce sont ces
sols qui ont été défrichés ces dernières années et cela couvre une surface d’environ deux fois
celle de la France (~1 million de km2)[5]. La végétation est alors autant dépendante de la
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pluviométrie annuelle elle-même que de sa répartition avec une saison sèche et une saison humide.
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Pour bien comprendre le développement de la végétation il y a lieu de tenir compte du cycle de
l’eau à l’échelle locale, c’est à dire prenant en compte la réserve en eau du sol directement
accessible à la plante. A cette échelle une partie de la pluie est interceptée par la végétation
(jusqu’à~30% pour des résineux), le reste peut arriver au sol et s’infiltrer et ainsi alimenter le
réservoir en eau qu’est le sol [6].
Diapositive 6
Ce dernier fonctionne comme une sorte de réservoir à trop plein qui retient l’eau, notamment par
capillarité, dans des pores dont la taille ne dépasse pas 50µm environ. Dès la fin du printemps et
jusqu’à l’automne, la pluviométrie n’est généralement pas capable de remplir ce réservoir et la
végétation y prélève l’eau stockée : il n’y a pas de reconstitution des nappes du printemps à la fin de
l’été. En revanche, dès l’automne, après les récoltes, et jusqu’au printemps le réservoir peut être
rempli et l’excès d’eau qui arrive peut, si la pluviométrie est suffisante, s’écouler en profondeur,
contribuant ainsi à reconstituer les nappes souterraines.
Du fait de la capillarité, la plante doit exercer une succion sur le sol pour en prélever l’eau: plus les
pores sont petits plus l’eau est retenue fortement. Pour les plantes cultivées de plein champ, la
succion peut atteindre 1,6MPa. C’est ce réservoir particulier qui constitue un des facteurs les plus
importants de la production végétale car il alimente la plante entre les épisodes pluvieux. Le volume
de ce réservoir peut être l’équivalent de 300mm de pluie dans les sols profonds et très poreux, alors
qu’il se limite à quelques cm dans les sols les plus superficiels. De ce point de vue, les sols ne sont
pas du tout égaux quant à leur potentialité de production.
Les roches sur lesquelles se développent les sols se sont la plupart du temps formées en grande
profondeur, c’est-à-dire en milieu réducteur (absence d’oxygène). Dans ces roches, le soufre est
généralement associé à des sulfures, une partie du fer est sous la forme ferreuse, le carbone est
présent sous la forme de composés aliphatiques comme les hydrocarbures. Au contact de l’oxygène
atmosphérique et avec l’activité microbienne, les constituants des roches et des sols, organiques et
minéraux, sont progressivement oxydés. Une partie peut passer dans l’atmosphère (gaz carbonique
par exemple) ou sont stockés dans les sols sous forme de matières organiques mortes (issues de
l’activité biologique). Des minéraux peuvent être dissous, totalement ou partiellement, et être
transformés en argiles.
Le sol peut posséder la plupart des éléments minéraux nécessaires au développement de la vie, y
compris les éléments en traces. Cependant, ce n’est pas la teneur en tant que telle qui est importante
mais leur biodisponibilité, c’est à dire la forme sous laquelle ils peuvent être absorbés par les
racines des plantes. Des éléments peuvent être présents en grande quantité et ne pas être
biodisponibles. C’est le cas par exemple du phosphore dans les sols très acides ou très basiques
(sols calcaires).
Afin de montrer l’importance des sols vis-à-vis de la nutrition humaine, le tableau ci-dessous donne
les teneurs en éléments majeurs et en trace dans le corps humain et que l’on doit trouver dans les
aliments [7]. Il est par exemple bien connu que le calcium et le phosphore sont les constituants du
squelette. Si les éléments majeurs sont indispensables du fait de leur importance pour la constitution
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de la matière vivante, les éléments en trace ou oligo-éléments sont eux aussi indispensables car ils
entrent par exemple dans la composition de nombreuses enzymes dont ils conditionnent l’activité.
Diapositive 7
Les oligo-éléments sont des éléments minéraux purs nécessaires à la vie d'un organisme, mais en
quantités très faibles. On appelle oligo-éléments les éléments chimiques qui représentent une masse
inférieure à 1 mg/kg.
Diapositive 8
Les oligo-éléments possèdent également une toxicité pour l'organisme lorsqu'ils sont présents à des
taux trop élevés. L'effet d'un oligo-élément dépend de la dose d'apport [8]. Lorsque l'oligo-élément
est dit essentiel, l'absence, comme un apport excessif, sont létaux. (Il en est d’ailleurs de même pour
les polluants organiques [8]). En se liant aux enzymes, les oligo-éléments sont pour la plupart
capables de changer la conformation de ces protéines au rôle de catalyseur. La liaison entre un
métal et son enzyme est généralement très spécifique du métal pour une enzyme donnée. Le tableau
ci-dessous donne une idée du rôle des éléments dans le fonctionnement des êtres vivants.
Diapositive 9
On a décrit plus de deux cent enzymes ayant le zinc pour cofacteur. Certains oligo-éléments entrent
également dans la structure des vitamines, comme le Cobalt intégré à la vitamine B12. Dans le
règne végétal, les oligo-éléments contribuent à la plupart des réactions vitales du métabolisme
végétal (respiration, transport d'énergie, photosynthèse, etc.). Par exemple, l'un des rôles importants
du fer est de permettre la fabrication de la chlorophylle, laquelle contient du magnésium dans sa
molécule. Le manque de fer provoque par exemple la chlorose de la vigne (feuilles sans
chlorophylle).
La formation des sols et leur dimension spatiale
La formation des sols met en jeu différents processus parmi lesquels, l’action de l’eau et le
développement de l’activité biologique sont prédominants [9]. Il faut rappeler que les roches
profondes se forment dans des conditions très spécifiques (pression et température élevées, milieu
réducteur). A contrario, les conditions superficielles sont caractérisées par la présence d’oxygène,
une très faible pression, des phases de dessiccation-humectation et de gel, ou encore l’action de la
flore, de la faune et des racines dans les sols. Les minéraux des sols étant en déséquilibre par
rapport aux conditions initiales, un nouvel équilibre tend à se créer en fonction des conditions
superficielles et de la présence de la vie.
Sous ces différentes actions, un milieu poreux se crée progressivement. Un indice important du
processus de formation du sol est le changement de masse volumique [10]. D’un matériau très
compact, par exemple une roche de masse volumique proche de 2,50g/cm3, presque sans porosité,
on passe à un matériau très poreux. La masse volumique atteint généralement 1,3g/cm3 environ
dans les sols cultivés, c’est à dire que 50% du volume est occupé par des pores remplis de diverses
proportions d’air et d’eau.
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