L'accord sur le commerce et l'investissement entre le Canada et l'Union Européenne, le CETA1, va être proposé à la ratification du Conseil des ministres européen fin juin et à la ratification du Parlement européen d'ici la fin de l'année. Alors que le gouvernement actuel menace de quitter la table des négociations pour le TAFTA2, reprochant aux Etats-Unis un manque de réciprocité et de transparence, ce même gouvernement soutient un autre accord transatlantique, le CETA entre le Canada et l'Union Européenne. Il qualifie celui-ci de « bon accord ». Est-il bien sérieux ou hypocrite de dire que le CETA est un « Anti TAFTA » alors que celui ci va sacrifier l'agriculture française en contrepartie de l'accès aux services publics canadien ? La suppression des frais de douane agricole mettra l'agriculture et l'élevage français directement en concurrence avec le productivisme exacerbé des exploitations d'outre atlantique . C'est 65 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande porcine bourrée d'antibiotiques qui vont inonder les marchés français. Et que penser de l'abandon programmé d'une bonne partie de nos AOC et AOP qui sont des atouts pour les producteurs de nos terroirs ? A quelques mois de l'accord de Paris sur le climat, le CETA va donner un coup d'accélérateur à l'extractivisme des sables bitumineux canadiens, puissant contributeur au réchauffement climatique et ne fera qu'amplifier le transport maritime et aérien polluants. Le relookage de « l'ISDS »3 en « ICS »4, proposé par la Commission européenne pour répondre aux protestations de nombreux Etats membres, ne résout rien sur le fond. Seules les entreprises étrangères peuvent déposer une plainte auprès d'une juridiction supranationale, privée et parallèle, qui contourne les juridictions nationales et européennes et qui n'arbitrera que sur le seul fondement du droit commercial. Et si malheureusement le CETA devait être ratifié parce qu'une majorité d’élus actuels aurait estimé que c'était un « bon accord », le mécanisme de « Coopération réglementaire » permettra à une instance non élue de décider seule de ce qui est bon ou non en matière d'évolution des normes et réglementations. La seule ratification du parlement européen permettra automatiquement de déclencher l'application provisoire du CETA sans attendre l'avis des parlements nationaux qui pourrait prendre probablement une à plusieurs années. Autant dire qu’il sera considéré comme pérenne ! Par l'ICS, par la Coopération réglementaire, par l'application provisoire, ce sont les pouvoirs judiciaire et réglementaire qui sont confiés aux multinationales avec l'aval de la technocratie européenne et qui sont ainsi soustraits aux élus. C'est la démocratie qui est bafouée. Peut-on encore dire, dans ces conditions, que le CETA est un « bon accord » ? Sachant que 80% des entreprises américaines ont une filiale canadienne, le CETA est le cheval de Troie du TAFTA. Si les négociations difficiles et critiquées du TAFTA n'aboutissaient pas, c'est son frère le CETA qui donnerait les pleins pouvoirs aux multinationales. D'ici quelques mois il sera trop tard. Dès à présent, chacun, quel que soit son niveau de représentation des citoyens, se doit de réclamer l'arrêt des procédures en cours sur ces traités transatlantique et l'ouverture d'un débat national impliquant la pleine participation des citoyens et de leurs élus, en totale transparence. 1 2 3 4 CETA : Comprehensive Economic and Trade Agreement TAFTA : Trans Atlantic Free Trade Agreement ISDS : Investor-State Dispute Settlement ICS : Investment Court System