Imaginer et rassembler pour l’adaptation Association TIFLIT - Maroc Réalisation du documentaire / tournage participatif Le tournage du documentaire a été effectué du 10 au 17 mars 2010. Il s’est déroulé de manière participative et contributive, de façon à mobiliser l’ensemble des membres de la communauté, en particulier : les jeunes, les femmes, les agriculteurs, les anciens (voir présentation des ateliers ci-dessous). Equipe technique : encadrement du projet et appui à la participation communautaire Les participants communautaires ont été encadrés et appuyés par : - L’association TIFLIT : organisation, logistique, communication au sein de la communauté - Une équipe technique composée de : o Deux facilitateurs spécialisés dans la mise en œuvre de projets audiovisuels participatifs (Association AFRIQUE IN VISU) Jeanne MERCIER : animation, mobilisation des groupes, ateliers photo Baptiste de VILLE D’AVRAY : photographie, vidéo, prise de son o Un vidéaste : Redouane AIT BADDAZ - caméra, animation des ateliers vidéo, facilitation des échanges communautaires o Une coordinatrice de projet : Anne-France WITTMANN (CBA Maroc) – supervision et coordination, animation des ateliers Méthodologie et approche La réalisation de ce film s’est basée sur des techniques de mobilisation communautaire et de participation inclusive. Les activités du projet se sont déroulés en petit groupes, et ont reposé principalement sur des échanges et du partage (jeunes interviewant des aînés ; agriculteurs parlant de leurs pratiques d’adaptation ; femmes témoignant de leur rôle par rapport à l’écosystème local ; responsables locaux partageant leur vision du développement de leur commune, dans une perspective d’adaptation…). Les activités se sont organisées de manière à respecter le fonctionnement des différents groupes de la communauté : emploi du temps et obligations des habitants ; traditions et cultures locales (en particulier concernant la séparation hommes/femmes). Bien que le programme des activités ait été soigneusement préparé avant le tournage, l’équipe d’organisation a privilégié une grande souplesse, afin de tenir compte des dynamiques locales et des réactions des habitants. Les ateliers ont été préparés et mis en œuvre de manière à favoriser l’expression libre des participants, et leur contribution au débat et à la création. L’approche adoptée a été une approche privilégiant l’informel et la spontanéité, de manière à ne pas braquer ou impressionner les participants, et de manière à laisser une véritable place à l’énergie locale. Les ateliers se sont déroulés dans des lieux divers, selon les thématiques abordés et selon les groupes ciblés. Les lieux extérieurs ont été privilégiés, dans ou autour de l’oasis, ce qui a largement facilité les échanges (il est plus facile de s’exprimer sur l’environnement local sur site, plutôt que dans une salle de réunion !). Déroulement du tournage / ateliers participatifs et contributifs Première journée d’ateliers participatifs A- Atelier d’échange et de débat avec les jeunes Le changement climatique et ses impacts ressentis à Iguiouaz. Quelles idées pour l’adaptation ? Environ 20 jeunes âgés de 12 à 24 ans ont participé à cet atelier, organisé dans le local associatif des jeunes d’Iguiouaz. L’objectif de ce premier échange est tout d’abord d’apprendre à se connaître (chacun s’est présenté, y compris les 4 membres de l’équipe technique) et de faire émerger le point de vue des jeunes sur les évolutions climatiques, et de les faire réfléchir à des solutions. Une première séquence a permis aux jeunes de s’exprimer librement sur les évolutions de leur oasis, à partir de leur vécu personnel et à partir des récits transmis par leurs parents. Puis une discussion animée par la coordinatrice CBA a permis de définir de manière très simple le changement climatique. Dans un deuxième temps, deux groupes ont été constitués, avec pour mission de dessiner ensemble l’oasis dans le passé (1er groupe) et au présent (2e groupe), en mettant l’accent sur les éléments qui leur semblent importants. Un petit groupe d’enfants (5-10 ans) ont également réalisé un magnifique dessin très détaillé de leur oasis. Les deux groupes ont ensuite effectué une restitution de leur travail, expliquant les traits marquants de l’évolution de leur village. Ce jeu a permis de favoriser la réflexion collective au sein des groupes (les jeunes étaient très concentrés et très motivés par ce travail), et de faire émerger la vision des jeunes. Tous ont mis l’accent sur les enjeux forts du village : évolution de l’agriculture, en lien avec la disponibilité des ressources en terre et en eau, évolution de l’habitat (ancien cœur de village, désormais abandonné, constructions récentes), évolution de la palmeraie et donc de l’économie locale, évolution du cheptel, réseaux de communication (route, symbolisant à la fois l’ouverture vers l’extérieur et l’exode). Atelier de réflexion collective sur les impacts du changement climatique sur l’oasis d’Iguiouaz ©Baptiste de Ville d’Avray Les jeunes ont une perception assez vive du changement climatique, à travers l’expérience de leurs parents et grands-parents. Ils connaissent tous très bien l’histoire de leur village et de ses évolutions. Ils identifient rapidement l’eau comme le principal enjeu local, ressource qui se fait de plus en plus rare (sources taries), à la fois à cause de la hausse des températures et de la baisse des précipitations (changement climatique), mais aussi à cause d’une mauvaise utilisation (certains avouent eux-mêmes ne pas faire trop attention à leur consommation d’eau, maintenant que l’eau potable est accessible dans tous les foyers du village). La discussion permet de faire la différence entre les impacts du changement climatique, et les impacts des comportements humains sur l’environnement. Elle permet également de tracer des liens de causalité entre les impacts du changement climatique (diminution des ressources en eau, dégradation des sols) et la pauvreté qui incite les jeunes à l’exode, renforçant ainsi la dégradation de l’oasis. A la suite des restitution des dessins, et dans la poursuite des discussions entre les jeunes, nous avons abordé les solutions. Comment faire pour s’adapter ? Comment faire pour faire face au changement climatique ? Bien sûr, pour les jeunes, il est difficile de faire la distinction entre l’adaptation au changement climatique et le développement, en général, de leur village. Néanmoins, les idées évoquées et discutées sont intéressantes : - Pour les jeunes, la priorité est d’économiser l’eau, pour pouvoir faire face à sa diminution dans le futur : action individuelle de chacun, mais aussi action collective, à travers un programme de plantation d’essences agricoles et arboricoles nécessitant peu d’eau ; - La deuxième solution proposée est de construire un barrage pour retenir l’eau des crues (de plus en plus violentes dans la région), protéger le village et utiliser cette eau pour l’agriculture. B- Ateliers de groupes VIDEO / PHOTOS A l’issue du premier atelier de débat et d’échange, deux groupes sont constitués (garçons / filles), et participent à deux ateliers : - Atelier VIDEO – axé sur la manipulation de la caméra, les techniques d’interview (thème : échanges de messages d’espoir en faveur de l’adaptation au changement climatique) - Atelier PHOTO – axé sur la manipulation de l’appareil photo et les techniques de prises de vues (thème : le ressenti des jeunes dans leur village (que leur inspire leur village, leur futur ?) à travers des attitudes, des poses) Ces deux ateliers ont permis de motiver les jeunes à travers une approche « amusante » : chacun a pu prendre en main caméra et appareil photo, apprendre comment fonctionnent ces deux outils, avec des rudiments de cadrage et de réglages très simples. Les jeunes ont également appris à composer une interview, à poser des questions, mais également à se mettre eux-mêmes en scène et à répondre aux questions, transmettant un message. 1- Ateliers photo Les ateliers photo se sont déroulés en intérieur. Après avoir montré les techniques de fonctionnement d’un appareil photo professionnel, les participants ont été invités à se mettre en scène pour représenter la jeunesse de l’Oasis. Chacun par son expression faciale exprimait un message pour les personnes extérieures à l’Oasis. Les jeunes se sont photographiés entre eux et ont noté chacun une légende accompagnant leur photo. 2- Atelier VIDEO - Filles Les participantes ont tout d’abord débriefé avec la coordinatrice CBA autour des questions du changement climatique et des solutions/idées pour le futur. Le thème de l’atelier étant « comment s’adapter au changement climatique, quelles idées pour le futur ? », les jeunes filles ont tout d’abord échangé entre elles et alimenté le débat. Puis, après une petite formation à l’utilisation de la caméra, elles se sont interviewées mutuellement, sur la base de trois questions qu’elles ont préparées ensemble : Qui es-tu ? Quelles sont tes idées pour l’adaptation au changement climatique ? Quel est le mot d’espoir que tu veux transmettre à d’autres communautés ? Les idées des jeunes filles pour l’adaptation sont nombreuses et très pertinentes : - Les économies d’eau ; - La construction d’infrastructures pour protéger l’oasis contre les crues et favoriser l’alimentation en eau ; - Surtout, elles mentionnent l’éducation, en particulier pour les filles (car l’éducation permet de trouver des solutions, d’avoir plus de ressources, de ne pas être dépendant) ; - Et la solidarité (TIWIZI, en langue berbère), qui permet aux gens de faire face aux situations difficiles. Pour elles, la solidarité est ce qui permet la vie dans l’oasis, et ce, de tous temps. Cette solidarité doit être renforcée dans le futur, car la vie va être de plus en plus difficile. « Seule, une main ne peut applaudir », comme le dit le dicton, cité par l’une des participantes ; - Les jeunes doivent s’engager pour leur communauté. Sans les jeunes, l’oasis ne pourra pas survivre. Ils doivent travailler la terre, perpétuer l’héritage de leurs ancêtres, développer de nouvelles opportunités (activités nouvelles, qui motiveront les jeunes à rester dans le village). « Espoir », « Mobilisation des jeunes », et « Solidarité », sont les trois mots d’espoir qui reviennent dans les interviews, messages que les jeunes filles adressent aux autres communautés, au Maroc et dans le monde. A la fin de l’atelier, quatre jeunes filles (Saadia, Amina, Fatima et Aïcha), leaders du groupe, décident de réaliser une interview à quatre, en quatre langues, pour transmettre ce message d’espoir, en faveur de l’adaptation. 3- Atelier VIDEO - Garçons Les garçons (11 adolescents et jeunes adultes et 6 enfants), se sont montrés plus timides que les filles face à la caméra ! Ils ont réalisé les mêmes activités que les filles, et se sont interviewés mutuellement. Les idées intéressantes pour l’adaptation qui sont ressorties de leurs échanges sont : - Renforcement de l’agriculture, en cultivant différemment : utiliser l’eau intelligemment, planter des cultures nécessitant moins d’eau ; - Renforcer les connaissances des jeunes : les principaux problèmes de l’oasis sont, selon eux, liés au fait que les connaissances des anciens se perdent de plus en plus (entretien des systèmes de captage d’eau –khettaras- ; pollinisation et entretien des palmiers). Les jeunes ont des connaissances, mais il réalisent que cela ne suffira pas. Ils se disent motivés pour en apprendre plus, pour perpétuer l’héritage de leurs ancêtres et l’adapter aux conditions actuelles de vie ; - Permettre aux jeunes de rester au village : en les aidant à développer des activités intéressantes localement, en soutenant leurs initiatives. Certains jeunes sont des relais de ces connaissances. C’est le cas par exemple de Mustapha, jeune volontaire communautaire, qui apprend à réparer les réseaux sous-terrains d’eau. Mustapha est l’une des figures emblématiques de la communauté d’Iguiouaz. Fils de musicien, il est lui-même un passeur et un créateur. Un passeur, car il est détenteur de l’héritage de son père, des musiques traditionnelles, mais aussi des contes et légendes du village (il parle longuement du temps des caravanes venant du Sénégal, qui s’arrêtaient à Iguiouaz pour se reposer et s’alimenter). Il est le jeune à qui les anciens ont appris à descendre dans les khettaras. Mais il est aussi celui qui compose de nouvelles musiques et de nouvelles chansons, celui qui organise des activités pour les enfants du village, leur apprend à dessiner, à chanter, les emmène à la découverte de la nature… C- Atelier avec les femmes Réalisé dans les champs oasiens, avec les jeunes et les femmes Le groupe constitué par des membres de l’association TIFLIT, les jeunes participants et l’équipe technique a rencontré une quinzaine de femmes (dont plusieurs très âgées) travaillant ensemble dans les champs. L’atelier « femmes » a été organisé de manière à respecter leur emploi du temps et à les rencontrer dans le cadre de leurs activités, en l’occurrence l’agriculture. Ce sont en effet elles qui s’occupent des « strates basses » de l’agriculture oasienne : le maraîchage et les céréales. Elles nous ont fait visiter plusieurs champs (petites parcelles accolées), et nous ont montré comment elles travaillaient. A travers de petits entretiens avec les jeunes, elles ont parlé de leur perception du changement climatique et des difficultés qu’elles rencontrent dans leurs activités quotidiennes. Là encore, elles ont surtout parlé de la diminution des ressources en eau, liée à l’augmentation des sécheresses et à la diminution des pluies. L’atelier a permis de comprendre les modes de travail collectif des femmes, et les solutions d’adaptation qu’elles mettent en place. En effet, les femmes travaillent principalement en groupe (selon les règles de la TIWIZI, la pratique de solidarité locale) : chaque femme bénéficie de l’aide des autres, à tour de rôle, sur son champ. Elle s’y rendent toutes ensemble pour cueillir les légumes, récolter la luzerne et les céréales, ou souvent, pour sarcler la terre. Les femmes qui ne possèdent pas de terre (et qui donc ne bénéficient pas de la TIWIZI) reçoivent en échange de leur travail une partie des récoltes. Ainsi le système bénéficie à toutes les familles. Femmes pratiquant la TIWIZI (solidarité) dans les travaux agricoles ©Baptiste de Ville d’Avray Elles parlent facilement des facteurs qui les rendent plus vulnérables encore que les hommes : le manque d’éducation, le manque d’opportunité et de solution alternative. En effet, les femmes ne peuvent émigrer pour gagner leur vie hors de l’oasis, elles sont obligées d’y rester et de se débrouiller ou de dépendre de l’argent envoyé par leur fils, leur mari ou un autre homme de la famille. Elles aimeraient développer une petite mutuelle de solidarité, mais n’ont pas les fonds pour cotiser. Elles voudraient surtout que leurs enfants puissent aller à l’école, car l’éducation est pour elle la priorité absolue, car elle leur permettra d’avoir plus de choix dans la vie. Pour l’instant, leur solution d’adaptation, par exemple en période de sécheresse, c’est la TIWIZI (solidarité). En effet, elles expliquent que plus la terre est sèche, plus il faut la gratter pour ne pas que les cultures dépérissent. Il faut sarcler presque tous les jours, et cela ne peut se faire qu’en groupe. Pour elles, c’est la solidarité entre femmes qui permet de faire face et d’accomplir un travail rendu plus pénible par la sécheresse. Deuxième journée d’ateliers, avec les anciens du village A- Atelier de intergénérationnelle transmission La matinée a été consacrée à des échanges intergénérationnels autour des évolutions subies par l’oasis, entre des anciens du village et les jeunes participants (7 jeunes participants en ce deuxième jour, uniquement des garçons). Ces échanges se sont déroulés en extérieur, dans les jardins oasiens. Les jeunes ont préparé avec l’équipe technique des interviews, qu’ils ont réalisés avec les anciens, face à la caméra. Trois interviews ont été réalisés par les jeunes, favorisant la transmission et le partage de connaissances. Les anciens se sont prêtés au jeu, et ont expliqué aux jeunes comment était l’oasis du Préparation d’une interview temps de leur propre jeunesse. Ils ont évoqué des souvenirs d’enfance, des anecdotes transmises par leurs propres parents. Ils ont évoqué également les espèces qui ont désormais disparu (mouflon, gazelle), et les techniques utilisées autrefois pour prédire les pluies (en regardant un certain point dans la montagne). Tous ont souligné l’importance de conserver ces connaissances, mais de les adapter au contexte d’aujourd’hui. Tous ont également encouragé les jeunes à s’engager pour leur village, à travailler ensemble, selon la tradition de la TIWIZI. Pour eux, l’oasis c’est avant tout l’agriculture : si on cesse de cultiver la terre, elle dépérit, c’est ce qui fait la spécificité de l’univers oasien, et c’est ce qui fait que les jeunes ont désormais une responsabilité importante. Les jeunes se sont beaucoup impliqués dans ces échanges, préparant les questions, rebondissant sur les réponses, échangeant entre eux et avec les anciens, hors caméra. Ils ont participé à la prise de vue et de sons, et ont pris des photos tout au long de l’atelier. B- Partage du moment de convivialité des femmes du village Les membres « féminins » de l’équipe de projet se sont rendus à l’ancienne mosquée Sidi Soleiman, avec les jeunes filles participant au projet, afin de partager le moment hebdomadaire de convivialité des femmes du village. Les femmes de tous âges s’y retrouvent chaque vendredi pour cuisiner ensemble, chanter, danser, discuter, déguster le thé. Il s’agit d’un moment privilégié de détente et de partage entre femmes. Partager ce moment avec les femmes a permis d’une part, de consolider la relation de confiance avec elles, et donc de favoriser leur mobilisation pour le projet ; et d’autre part, de mieux comprendre les dynamiques qui existent dans le village entre les différentes générations de femmes (transmission de savoirs, d’objets, répartition des rôles, rites…). Troisième jour d’ateliers, avec les agriculteurs Agriculture Oasienne et Adaptation au Changement climatique A- Rencontre avec des agriculteurs locaux, dans les jardins de l’oasis Le troisième jour d’atelier a été consacré à l’agriculture oasienne et aux solutions d’adaptation au changement climatique mises en œuvre dans ce domaine. En effet, l’agriculture est la base de la vie dans l’oasis : principale activité, principale ressource pour les habitants, c’est également elle qui permet de perpétuer la vie oasienne (une terre non-cultivée est vouée au désert). Comme la veille avec les anciens, cet atelier s’est déroulé avec les jeunes garçons, qui ont préparé les interviews, effectué les repérages pour identifier les sites les plus emblématiques à filmer. Ils se sont beaucoup exprimé également, démontrant leurs bonnes connaissances des pratiques agricoles, mais également leur volonté de sortir de l’activité agricole unique, et de développer d’autres opportunités. Le président de l’association TIFLIT, entouré par les jeunes participants et le vidéaste Redouane Ait Baddaz L’échange avec les agriculteurs a été très intéressant, puisqu’il a notamment montré que le système agricole oasien est, en soi, une solution d’adaptation à la dureté climatique. En effet, l’agriculture oasienne repose sur la gestion optimale de deux ressources rares : l’eau et la terre. Depuis toujours, les communautés oasiennes doivent gérer cette rareté. Ceci explique que se soit développé un système complexe de partage de l’eau et des terres, qui continue de se perpétuer. Ceci explique également une agriculture économe en eau et en terre, où sur une petite parcelle sont développées trois strates de cultures : le maraîchage et les céréales en strate basse, protégées par les arbres fruitiers (olivier, caroubier, amandier…), eux-mêmes protégés par le palmierdattier. Ces trois strates fonctionnent en interaction, et permettent une économie d’eau et de terre. Ainsi, d’après les témoignages recueillis par les jeunes, le système oasien est, de par son organisation, adapté au changement climatique. L’un des agriculteurs rencontrés est Otman Assafar, ouvrier agricole de 37 ans, qui connaît parfaitement toutes les cultures existant dans l’oasis, leurs vertus mais également leur vulnérabilité. En effet, l’ampleur des changements climatiques constatés ces dernières décennies ont vraiment mis à mal les cultures oasiennes. Seule quelques cultures survivent, car il est de plus en plus difficile de mobiliser l’eau. Le président de l’association TIFLIT est ensuite interviewé pour présenter le projet d’adaptation qui va débuter dans le village : développement d’un système d’irrigation goutte-à-goutte, renforcement de plantations nécessitant moins d’eau, expérimentation du sorgho pour remplacer la luzerne, trop gourmande. Ce projet s’appuie sur des pratiques déjà existantes, mais qui ont besoin de renforcement et de consolidation. B- Visite du site des khettaras L’ensemble du groupe (agriculteurs, jeunes, équipe technique, et représentants du PNUD et du POS, présents pour quelques heures) se rend à environ 1 km du village, où se trouvent les entrées des Khettaras – complexe système souterrain de collecte et de circulation d’eau, qui relie la source en montagne à l’oasis, permettant d’irriguer les jardins. Les khettaras sont partagés entre Iguiwaz et Igher, le village voisin, qui dépendent des mêmes sources d’eau. L’entrée de la Khettara est un trou protégé par des pierres. Ce trou permet d’entrer dans les canalisations souterraines, pour effectuer l’entretien et les réparations – de 4 à 12 m sous terre. L’un des principaux problèmes à Iguiwaz est la dégradation de ce système, qui est souvent bouché par des pierres, et qui s’effondre par endroits. La connaissance de ce système et de sa maintenance est en train de se perdre. Le responsable de la khettara, Mahfoud, un ancien du village, a transmis son savoir-faire à Mustapha, un jeune volontaire communautaire. Mustapha a appris à descendre dans la khettara, à effectuer les réparations dans le système souterrain, et à communiquer depuis le réseau souterrain. Les deux hommes font une démonstration devant le groupe. La gestion du système de khettara est l’une des missions les plus importantes et respectées dans l’oasis. Il s’agit d’un travail dangereux, que peu d’hommes ont appris à effectuer. Le rôle du jeune Mustapha dans la communauté est donc très important, puisque c’est l’un des seuls jeunes à apprendre ce savoir-faire ancestral, essentiel pour la communauté. Il s’agit toutefois d’un travail collectif, puisque si seuls un ou deux hommes descendent dans la khettara, d’autres restent à l’extérieur, prêts à intervenir en cas de problème. Entre le sous-sol et la terre ferme, les hommes communiquent par des sons. Les hommes sur terre écoutent les messages transmis par les hommes sous terre, en se couchant sur le sol. C- Séquence de travail avec les jeunes Sept jeunes de la communauté ont participé à une soirée de dérushage et de débriefing pour le documentaire, avec l’équipe technique. Ils ont partagé le travail qu’effectue chaque soir l’équipe technique après les ateliers, et ont été plongés dans les coulisses de la préparation du documentaire. Ensemble, nous avons revisionné certaines interviews, débriefé sur les échanges du jour et préparé les ateliers du lendemain. De petites équipes ont été constituées : une première équipe s’est attachée à traduire en Français deux interviews réalisées en langue Tamazighe (berbère) ; une seconde équipe a rédigé la liste intégrale des noms des participants ; une troisième équipe a travaillé sur la synthèse des échanges communautaires pour préparer la future conclusion du documentaire. Cette séquence de travail a été fructueuse sur le plan des résultats atteints, mais également sur le plan de la consolidation de l’esprit d’équipe. Les jeunes se sont sentis totalement partie prenante de la réalisation du film, et se sont impliqués complètement dans leur mission. Quatrième jour d’ateliers, avec les jeunes et les membres de l’association TIFLIT L’Oasis dans son environnement – L’adaptation au changement climatique en milieu forestier Ce dernier jour d’ateliers a été consacré à une sortie en dehors de l’Oasis. Cet écosystème montagneux aride est essentiel pour l’Oasis, qui dépend de l’eau ruisselant des montagnes et des ressources forestières pour les parcours (élevage) et, dans une moindre mesure, pour le bois de chauffe. Un groupe composé d’une trentaine de jeunes, de quelques membres de l’association TIFLIT et de l’équipe technique, s’est rendu à pied au cœur de la montagne, en longeant le lit de la rivière IGOUL (à sec actuellement). Cette sortie a été organisée par les jeunes de la communauté, qui ont prévu un pique-nique et ont emporté avec eux leurs instruments de musique, afin que ce moment soit également un moment de convivialité et de communion. Ce fut le cas. L’enthousiasme était débordant, les rires nombreux, ainsi que les échanges informels. Cette sortie a permis d’aborder, de manière informelle et concrète, la question de la prise en compte de l’écosystème global. En effet, les jeunes ont été sensibilisés au fait que l’oasis est indissociable de son environnement global, et que cet environnement est également menacé par le changement climatique et par d’autres facteurs (dégradation humaine). Le pique-nique a donné l’occasion de les sensibiliser sur le respect de l’environnement (ne pas jeter ses déchets). Et l’association TIFLIT leur a présenté leur projet d’adaptation en milieu forestier. En effet, le projet d’adaptation à Iguiouaz comporte un axe forestier : construction de micro-captages des eaux de pluie (de manière à limiter la vitesse des eaux de pluies – rares mais violentes – et à favoriser l’infiltration des eaux de pluies afin d’alimenter la nappe phréatique) ; replantation d’arbres tels que l’arganier, l’acacia et le cactus, qui permettront de fixer et de protéger les sols, tout en permettant le développement d’activités génératrices de revenus pour la communauté (huile d’argan, cosmétiques à base de cactus, miel…). Les jeunes sont très sensibles à ces actions, et s’engagent à participer à leur mise en œuvre (construction des micro-captages, plantation et protection des arbres). Ils sont très attachés au site d’Igoul, et souhaitent s’investir dans sa protection et dans le renforcement de la résilience de l’écosystème. Montage du documentaire Le montage s’est déroulé immédiatement après le tournage, à savoir du 18 au 27 mars, à Rabat. Le produit final est un film d’une durée totale d’environ 15 minutes (incluant le générique), en Arabe marocain (avec quelques interventions en langue tamazighe), avec sous-titres en Français et en Anglais. Le film s’articule en quatre parties : - Introduction : localisation de l’oasis et principaux enjeux - Impacts du changement climatique ressentis par la communauté - Solutions d’adaptation et outils communautaires pour l’adaptation - Conclusion : message adressé aux communautés vulnérables au changement climatique Une première version du film a été présentée aux partenaires présents à Rabat (équipe du Programme de Micro-Financements du Fonds pour l’Environnement Mondial, équipe du Programme Oasis Sud, et PNUD). Les remarques et commentaires formulés lors de cette restitution ont permis d’apporter quelques retouches au documentaire. Le film doit être présenté à la communauté d’Iguiouaz à la mi-mai, puis diffusé largement, notamment via internet.