amour rédempteur définitif, n’est pas simplement à attendre dans l'avenir, mais qu'il est une réalité actuel-
lement présente. Elle est présente, cette réalité, de façon si tangible et l'expérience peut en être si forte, que
certains se sentent saisis par elle, au point qu'elle en exige toute leur capacité d'amour. Dieu nous appelle,
nous religieuses, à aimer, mais de façon telle que notre relation avec Lui soit notre relation "focale", celle
qui se situe au centre de notre vie. C'est dans cette relation à Dieu que nous voyons et accueillons toutes les
autres relations. Ce don est une force nouvelle qui nous aide à écarter certaines manières d'exprimer
l'amour, et à témoigner ainsi de la Résurrection par la force, en nous, de l'Esprit. Notre tâche est moins de
préserver la chasteté que d'accueillir ce don et d'en user comme d'un instrument entre les mains de Dieu
pour L'aider à nous façonner. En Jésus, le Père a incarné son amour pour nous, et c'est à nous maintenant
qu'Il demande cette incarnation. Jésus est pour nous le signe que toute vie désirant se consacrer exclusive-
ment et directement à Dieu sans médiation terrestre ou sans amour, est une illusion. Il nous montre comment
être médiatrices, comment employer tout ce qui fait que nous sommes "terre" - notre corps, nos besoins
sociaux, nos désirs et nos projets d'aimer - pour une seule chose: la volonté de son Père qui est d'aimer et de
se soucier du bien des autres. "Vécue dans l’humilité et la joie, (la chasteté) annonce la venue du Royaume"
(Const., art. 81). Pour le choix de la chasteté, notre foi doit s'exprimer en un acte libre, dans l'obscurité, non
sans souffrir d'un vide: assumant "dans la foi, une solitude que Dieu seul peut combler" (Const., art. 79). Ce
choix témoigne aussi de la foi en l'accomplissement de nos vies dans la vie qui est Dieu Lui-même, une vie
qui nous vient par la mort, par la victoire du Christ transcendant la mort en Lui-même et en ceux qu'Il aime
en ce monde. Avec saint Paul, nous sommes appelées à dire: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ
qui vit en moi" (Ga 2, 20); et la chasteté est un moyen concret pour y tendre, puisque la chair est "un corps
qui Lui appartient", un corps donné, à la vie à la mort, pour la rédemption des autres.
Marie de la Passion nous a laissé des textes riches sur la façon dont elle vivait cette union avec le Christ,
union qu'elle aimait contempler en Marie: "La Vierge Marie est pleinement celle qui a donné la Vie et nous
apprenons d'elle à aimer" (Const., art. 80). "Comment cela se fera-t-il?..." (Lc 1, 28-38). Après cette de-
mande, Marie a délibérément choisi de rester vierge. Elle s'est donnée à Dieu dans un amour absolu et sans
partage, comme tant d'autres ont désiré le faire après elle. Cela ne déprécie aucunement le mariage, mais
met en évidence un autre idéal, celui du célibat que choisissent volontairement certains (cf. Mt 19, 12). Dieu
ne nous met pas devant un fait accompli. Il respecte les niveaux de la liberté et de la responsabilité, de sorte
que nous nous engageons, essentiellement dans la foi, conscientes de ce que cela implique. Le choix se fait
sur la base de valeurs transcendantes plutôt que sur celle des besoins. C'est un amour des autres qui est ré-
ponse à l'amour de Dieu, puisque Lui, le premier, "nous a aimés et s'est livré pour nous".
Nous ne pouvons vivre la chasteté consacrée sans croire en l'amour personnel de Dieu pour nous. Nous
croyons que Dieu nous aime et qu'Il nous aime telles que nous sommes, avec toute notre faiblesse et tous
nos échecs. Cet aspect rejoint chacune de nous quotidiennement dans la prière. Il y a un lien étroit entre
chasteté consacrée et vie de prière. Si nous voulons grandir dans l'union à Dieu, il nous faut prendre le
temps d'entrer consciemment dans cette relation avec Lui; de demeurer avec Lui dans l'amour à un niveau
très profond: tel est le temps de la prière. Nous avons besoin de silence et de solitude pour être avec notre
Epoux, pour découvrir nos blessures, nos peurs, l'incertitude et la douleur aussi bien que la joie, la paix, le
désir et la reconnaissance, afin de pouvoir Lui offrir notre lampe remplie d’huile et non quelque autre vase
vide. Se centrer sur le Seigneur Jésus, voilà ce qui est au coeur de la dimension contemplative de notre chas-
teté. C'est à la Personne du Christ que se fait notre consécration et à nulle autre cause, si noble soit-elle.
Cette relation étant au centre de notre vie, nous pouvons alors regarder toutes les autres relations sous leur
vrai jour. La chasteté consacrée est une expérience dilatante, elle ne rétrécit pas la vie à un seul domaine,
mais nous donne de l'intérêt pour tout, parce que le monde entier qui appartient à Dieu est aussi nôtre. Mais
elle est surtout une orientation personnelle vers Dieu, une consécration absolue au Seigneur excluant toute
attitude similaire envers quelque autre. Celle qui n’est pas mariée et la vierge ont souci des affaires du Sei-
gneur, afin d'être saintes de corps et d'esprit pour le Seigneur (cf. 1 Co 7, 32-34).
La dimension pratique ou apostolique de la chasteté consacrée s'exprime
dans la mission, inhérente à cet appel. Nous offrons au Seigneur notre capacité humaine d'aimer pour per-
mettre au Christ de rayonner, à travers le coeur humain, l'amour rédempteur de Dieu pour le monde. C'est
l'appel à une participation plus profonde à l'oeuvre rédemptrice du Christ. Se donner plus pleinement à son
prochain avec l'amour même du Christ est donc essentiel à notre appel. C'est un signe de l'Eglise, et pour ce