Actes du 3e colloque d’Anjou Domicile Développement durable, services à domicile : quels liens ? Angers, 2 décembre 2004 Association Anjou Domicile 49028 Angers Cedex 01 02 41 68 55 56 http://anjou.domicile.free.fr 3e colloque Anjou Domicile Remerciements Anjou Domicile remercie les partenaires de ce colloque : le Crédit Mutuel, Chèque Domicile, les villes d’Angers, de Saint-Barthélemy d’Anjou et Montreuil-Juigné, l’inter-CE DACC ; ainsi que les intervenants, les participants, l’animateur, le Bataclown et les élèves du Lycée La Saillerie qui ont contribué au bon déroulement de la journée. Le colloque était animé par Thierry Mouchard, président de l’Inter-CE DACC et président de FELICE (Fédération Ligérienne des Inter-CE). L'analyse ludique des débats présentée à plusieurs reprises au cours du colloque est une création des clowns analystes du Bataclown. La présente synthèse a été rédigée par Sophie Daguin. Angers, 2 décembre 2004 2 3e colloque Anjou Domicile Sommaire Ouverture 4 par Fernand CRUAU, président d’Anjou Domicile. Accueil 6 par Hervé CARRE, adjoint aux affaires sociales de la Ville d’Angers, conseiller général. Le concept de développement durable 7 par Jean-Claude DEMAURE, universitaire nantais, ancien président de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Comment mesurer la richesse autrement ? 11 par Louis MAURIN, journaliste d'Alternatives Economiques et directeur de l’Observatoire des inégalités. Débat 15 Des expériences en matière de développement durable 18 L'engagement d'Angers pour le développement durable 18 par Hervé CARRE, adjoint aux affaires sociales de la Ville d’Angers, conseiller général. Le développement durable en milieu rural 20 par Jean-Luc DAVY, maire de Daumeray, ancien président du comité d’expansion du Baugeois, conseiller général canton de Durtal. « Les Jardins du Cœur » de l'Ecole Supérieure d'Agriculture d'Angers 21 par Martin QUANTIN, président, et Antoine LESTY, initiateur du projet. Débat 23 Le poids économique des services à domicile 24 par Henry NOGUES, économiste, professeur à l’université de Nantes. Débat 30 Pistes d’action et de réflexion pour un développement durable des associations de services à domicile 33 par Jacques STERN, directeur de l’association ADT à Nantes, trésorier général de la Mutuelle Atlantique, vice-président de la Chambre Régionale d'Economie Sociale des Pays de la Loire. Débat Angers, 2 décembre 2004 35 3 3e colloque Anjou Domicile Ouverture par Fernand CRUAU, président d’Anjou Domicile. Le 3e colloque d’Anjou Domicile s’inscrit dans l’actualité, au moment où le gouvernement annonce, dans le cadre du plan Borloo de cohésion sociale, son objectif de création de 500 000 emplois dans le secteur des services à domicile et des services aux personnes pour les trois prochaines années. Qu’est-ce qu’Anjou Domicile ? Au-delà de l’actualité, Anjou Domicile est depuis l’origine un lieu d’échanges et de réflexion autour de trois axes : partenariats, action, réflexion. L’association est constituée de partenaires adhérents, œuvrant ensemble pour la promotion et le développement de services à domicile de qualité organisés par des structures de l’économie sociale et des CCAS du Maine-et-Loire. Ses acteurs sont des prestataires classiques (fédération de l’ADMR, UDASSAD, UDAD) ou appartenant au secteur de l’insertion (FNARS et COORACE) ; des prescripteurs (Mutualité française AnjouMayenne, Inter-CE DACC) et enfin des structures partenaires (Union départementale CFDT et Chèque Domicile). A ces neuf fondateurs se sont joints le CCAS d’Angers, la fédération du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole et quelques comités d’entreprise ou associations de personnel. Anjou Domicile mène une action dans le cadre de ses missions de ligne unique, de promotion du Titre Emploi Service, de prospective des besoins, de pilote d’actions dans le cadre du plan départemental lié au FMAD (Fonds de Modernisation de l’Aide à Domicile) avec la DDASS et le Conseil général. Elle agit en matière de communication, de mutualisation des moyens, d’interconnaissance locale des associations de prestataires, de promotion des acteurs de l’économie sociale et des CCAS, et de mise en œuvre du Chèque Domicile Liberté. La réflexion n’est pas limitée aux instances de l’association, mais elle est portée sur la place publique par l’organisation de soirées, comme celle organisée avec la sociologue Annie Dussuet autour de l’emploi des femmes dans les services à domicile. Enfin, depuis 1999, les colloques d’Anjou Domicile rassemblent autour de sujets tels que « les acteurs de l’économie sociale et les services à domicile : développer la demande et professionnaliser l’offre » ou, en 2001, « l’économie sociale : l’engagement du mieux-être. La place des services à domicile ». Notre volonté de promouvoir des parcours d’insertion, notre souci de la qualité, de la pérennisation et de la professionnalisation des emplois nous inscrivent fortement dans une démarche de développement durable. En quoi le secteur des services à domicile est-il concerné par le développement durable ? Le concept de développement durable, bien que galvaudé, reste flou pour la majorité d’entre nous et évoque en premier lieu une préoccupation écologique. La définition donnée en 1997 est éclairante : le développement durable a pour objectif de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Conciliant les dimensions écologique, économique et sociale, le développement durable vise un modèle de développement replaçant l’homme au centre des préoccupations, ce qui convient bien à la démarche d’Anjou Domicile. Angers, 2 décembre 2004 4 3e colloque Anjou Domicile Après un mot d’accueil d’Hervé Carré, de la part de la Ville d’Angers, Jean-Claude Demaure, universitaire, explicitera le concept de développement durable. Comment mesurer le développement sans succomber au fétichisme du PIB, critère quantitatif qui ne prend pas en compte la satisfaction liée au temps libre, le travail non rémunéré, la qualité du lien social ou encore le niveau de santé des populations ? Louis Maurin, journaliste à Alternatives Economiques et directeur de l’Observatoire des inégalités, présentera des tentatives pour mesurer la richesse autrement. La présentation de trois expériences très différentes montrera que le développement durable peut être déployé en milieu urbain comme en milieu rural, ou encore porté par des jeunes. En tant que facteurs de bien-être et de cohésion sociale, les services à domicile s’intègrent dans une démarche de développement durable, à la fois de façon visible et de façon non mesurable. Ce sera le sujet de l’intervention d’Henry Noguès, économiste. Enfin, Jacques Stern, directeur de l’association Aide à Domicile pour Tous, montrera en quoi les services à domicile de l’économie sociale sont interpellés par les enjeux du développement durable. Paola Lo Bartolo et Marc Dupont, empêchés, ne pourront honorer leurs interventions et vous prient de les en excuser. Au cours de la journée, les clowns analystes du Bataclown prouveront qu’on peut mener une réflexion sérieuse en cultivant le rire. Je remercie nos partenaires qui soutiennent financièrement l’organisation du colloque. Je profite de cette tribune pour vous annoncer un événement majeur : demain se tiendra l’assemblée générale constitutive du Réseau National des Plates-Formes de Services aux Particuliers. Anjou Domicile participe depuis deux ans à la réalisation de cet objectif, avec d’autres Plates-Formes dont je salue les représentants présents dans l’assemblée. Angers, 2 décembre 2004 5 3e colloque Anjou Domicile Accueil par Hervé CARRE, adjoint aux affaires sociales de la Ville d’Angers, conseiller général. Je remercie le président d’Anjou Domicile de nous proposer ce temps de réflexion pour identifier ce qu’est le développement durable. Jean-Claude Antonini, maire d’Angers, aurait également aimé ouvrir ce colloque tant le sujet lui tient à cœur. La Ville d’Angers travaille déjà sur ce sujet depuis de nombreuses années, en axant sa réflexion sur trois notions : le souci d’un développement économique équilibré, la recherche de la performance respectueuse de l’environnement, l’attention portée à la qualité de vie et à la place centrale de l’homme dans la démarche. Si la performance du tissu économique est indispensable, il est tout aussi essentiel de veiller à la réversibilité des situations et à la préservation des ressources. La conduite du développement économique et la place de l’homme dans l’élaboration des décisions en sont modifiées. Le développement durable ne serait pas envisageable sans le parti pris de la démocratie participative, concept également galvaudé. Il s’agit d’un projet de ville de s’inscrire dans une démarche de consultation des associations ; de donner une place structurante à leur parole en tant qu’experts d’usage dans l’élaboration des politiques publiques. Une ville mobilise une ingénierie ; elle s’entoure d’experts et de compétences. En plus de cela, le dialogue avec les destinataires des politiques publiques est essentiel pour vérifier la pertinence des choix et entrer dans une démarche durable. Nos rapports avec l’économie sociale sont de cette nature, et sont inspirés par le souci de garder au cœur de nos préoccupations la place que les usagers, les citoyens et habitants doivent avoir. Une telle journée suscite notre attention et notre soutien parce que nous croyons que l’économie sociale et solidaire porte des valeurs proches de celles que les services publics ont à mettre en œuvre. L’intérêt général est parfois désincarné. Or la culture de l’économie sociale, fondatrice de sa légitimité, fait qu’elle n’oublie jamais pourquoi des organisations coopératives, associatives ou mutualistes se sont fédérées, généralement autour des droits, de la dignité et du bien-être de l’homme. Nous participons donc volontiers à vos travaux, d’autant qu’ils s’inscrivent également dans la réflexion autour de l’agenda 21, qu’Angers a été une des seules villes à décliner, et qui vient d’être renouvelé. Nous pensons qu’il est nécessaire, en plus d’établir un diagnostic social juste, de valoriser et de diffuser les bonnes pratiques. Angers a ainsi décidé de devenir un pôle européen dans ce domaine. Cet aspect est essentiel en matière de maintien à domicile. La collectivité ne doit pas singer le monde industriel, car nous avons une autre conception de la performance adossée à la notion de l’utilité sociale. Ceci est un message d’espoir quant à la qualité de vos travaux et de complicité envers votre démarche. Angers, 2 décembre 2004 6 3e colloque Anjou Domicile Le concept de développement durable par Jean-Claude DEMAURE, universitaire nantais, ancien président de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. J’apprécie la façon remarquable dont Hervé Carré a synthétisé l’esprit qui nous anime, et je suis très heureux qu’Anjou Domicile se soit emparé du concept de développement durable. Je ne suis pas un spécialiste du développement durable, et je pense qu’il n’en faut pas, sauf peut-être les responsables politiques qui doivent avoir présente à l’esprit cette vision globale qui nous oblige à renouveler nos pratiques quotidiennes, quel que soit notre lieu de vie. Un état des lieux de la planète Deux milliards et demi de personnes sur la planète manquent des services minimums dans le domaine sanitaire, se lavant et faisant la vaisselle dans l’eau qui stagne ou court devant chez elles. 1,5 milliard n’a pas accès à l’eau potable, malgré les engagements pris à Rio en 1992 et renouvelés à Johannesburg en 2002. 1,2 milliard de personnes vit avec moins d’un euro par jour ; 800 millions souffrent encore de la faim ; 100 millions d’enfants ne sont pas scolarisés ; 25 ethnies autochtones ont disparu depuis 1970. L’OCE chiffrait, en 2002, à 40 ans les réserves prouvées de pétrole, à 70 ans celles de gaz, à 55 ans celles d’uranium. Le président de la République d’Afrique du Sud affirmait au sommet de Johannesburg que si chaque Chinois venait un jour à consommer autant de pétrole qu’un Américain, la Chine aurait besoin de 80 millions de barils par jour, alors que la production totale actuelle n’est que de 74 millions de barils. La stabilisation du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère, qui influe directement sur l’évolution du climat, est un autre sujet de préoccupation majeur. Le Worldwatch Institute a calculé qu’il faudrait réduire dès aujourd’hui d’au moins 60 % nos émissions de gaz à effet de serre, notamment de CO2, pour éviter un changement climatique majeur dans les trente prochaines années. Enfin, 12 % des espèces connues sont menacées d’extinction. La construction du concept de développement durable Des alertes de spécialistes aux premières conférences mondiales En 1949, un grand zoologiste américain publiait La planète au pillage, un ouvrage alertant sur les atteintes de l’homme à la nature, et qui allait susciter des réactions notables. Ainsi Julian Huxley, premier directeur de l’Unesco à la fin de la guerre, déclara-t-il : « ce livre force irrésistiblement l’attention sur l’un des problèmes les plus urgents de notre temps. Il préconise une nouvelle attitude éthique où la conservation des ressources naturelles et humaines de chaque pays sera regardée comme une obligation morale. » Franklin Roosevelt ajouta : « ce livre rend certains faits fondamentaux clairs comme du cristal et il intéresse non seulement notre peuple mais tous les peuples du monde. » Enfin, Albert Einstein fit ce commentaire : « on sent d’une façon aiguë […] la futilité de la plupart de nos querelles politiques comparées avec les réalités profondes de la vie. » Ces propos datant de plus de soixante ans restent d’actualité. Dans les années 1970 émergèrent aux Etats-Unis puis en Europe des mouvements alternatifs, critiquant la société de consommation, se déclarant pacifistes en pleine guerre du Vietnam, appelant à la défense des Indiens d’Amérique, ou même Angers, 2 décembre 2004 7 3e colloque Anjou Domicile contestant globalement le mode de vie occidental, comme le fit le mouvement hippie. Le financement de la recherche scientifique américaine par l’industrie de la défense, par exemple, fut vivement critiqué par le mouvement canadien Survival. Ainsi se constitua un amalgame entre des naturalistes, des non-violents et des contestataires du mode de consommation. La première conférence internationale sur l’environnement eut lieu en 1972 à Stockholm. Elle entraîna la création d’une structure permanente, le programme des Nations Unies sur l’environnement, qui alerta les intellectuels et suscita la naissance du Club de Rome en 1970. Les grands patrons italiens qui en étaient à l’origine commandèrent au MIT (Massachusetts Institute of Technology) le célèbre « Rapport Meadows ». En émergea également la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, chargée de préparer la deuxième conférence (celle de Rio en 1992), qui publia le rapport de Gro Harlem Brundtland, alors Premier Ministre de la Norvège. Enfin fut créé le Worldwatch Institute, institut universitaire de suivi des grands facteurs environnementaux de la planète. Une prise de conscience médiatique et politique à l’échelle de la planète En 1988, le magazine Time élisait « la planète en danger » personnalité marquante de l’année. Cet événement fut loin d’être anecdotique. A partir de ce moment, le sujet devint récurrent et fut traité par les médias et hommes politiques comme une préoccupation quotidienne. En septembre 2004, par exemple, le magazine Géo proposait « une autre idée du monde » non plus centrée sur la seule question des ressources, mais aussi sur celle du lien entre les peuples et de leur avenir. Plusieurs phénomènes se sont ainsi rencontrés. La prise de conscience de la dimension planétaire de nos ressources fut déclenchée partiellement par la conquête de l’espace. En effet, tous les voyageurs dans l’espace revinrent profondément transformés par leur expérience. Ils avaient compris les premiers, en voyant la Terre de si loin, qu’il n’y avait pas de planète de rechange et qu’il fallait la préserver. Dans les années 1970, la crise du pétrole interrogea les Occidentaux sur leur consommation d’énergie. La décolonisation eut pour effet de montrer à quel point les pays du Nord, de tradition coloniale ancienne, avaient vécu en partie sur les ressources des pays du Sud. Enfin, de grands accidents chimiques (Seveso, Bhopal) provoquèrent des séismes médiatiques. John F. Kennedy fut l’un des premiers hommes politiques à prendre en considération le problème : « nous avons une nouvelle frontière à laquelle il faut s’intéresser », en évoquant le « village terre ». Le sociologue Edgar Morin parle quant à lui de « la terre patrie ». La notion de patrimoine (nous sommes héritiers de la planète et nous devons la transmettre à nos enfants) devient un fondement de la réflexion. Les deux ouvrages clés de cette époque sont celui de Barbara Ward et René Dubos, Nous n’avons qu’une terre, résumé des interventions préparatoires à la conférence de Stockholm ; et le rapport Brundtland, préparant celle de Rio, intitulé Notre avenir à tous. L’effondrement du bloc soviétique a marqué la fin de la guerre froide et de l’instrumentalisation des pays en voie de développement. La disparition de l’économie planifiée a laissé un environnement sinistré et une économie en ruine. Elle marquait également la fin de l’alternative politique au capitalisme libéral. Les conséquences en sont l’explosion du commerce international et l’irruption des pays émergents. Malraux avait écrit en 1954 Quand la Chine s’éveillera… Avec la Chine se sont éveillés tous les pays asiatiques mais aussi ceux du Maghreb où ont déjà été relocalisées des activités comme les centres d’appels, avant une nouvelle Angers, 2 décembre 2004 8 3e colloque Anjou Domicile délocalisation plus lointaine. Les économies occidentales, fragilisées, puisent encore plus dans les réserves de la planète. Une planète unique et qui rétrécit, un modèle macroéconomique tout-puissant mais qui montre ses limites : cela prouve que tout est à réinventer. Le développement durable n’est pas un dispositif clés en main. Qu’est-ce que le développement durable ? Le concept comprend une composante économique, sociale et écologique. La dimension économique – la recherche de la performance – est primordiale. Le contre-exemple fourni par l’économie planifiée soviétique, qui était capable de fabriquer trois millions de chaussures du même pied sans avoir prévu la production de la paire complète, en témoigne. La dimension écologique (préservation des ressources) est celle qui a initié la réflexion. La dimension sociale (amélioration de la santé, de la justice, de l’éducation, de la démocratie) est une condition sine qua non de la mise en œuvre du concept, dans la mesure où l’absence de schéma type ou de dogme oblige à inventer ensemble un nouveau fonctionnement. La dimension éthique est transversale aux trois premières. Le développement durable amène à revisiter quelques idées anciennes, par exemple la question du progrès et du bonheur. Les citations suivantes sont extraites d’un ouvrage de 1905, L’homme et la terre, du grand géographe Elisée Reclus. « Le bonheur n’est pas une simple jouissance personnelle, il n’est vrai, profond, complet qu’en s’étendant sur l’humanité entière. Ce n’est pas tel ou tel stade de l’existence personnelle et collective qui constitue le bonheur, c’est la conscience de marcher vers un but déterminé que l’on veut et que l’on crée partiellement par sa volonté. » « Le progrès, c’est prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même ; embrasser du regard nos origines, notre présent, notre projet, notre idéal lointain : c’est en cela que consiste le progrès. » Avons-nous beaucoup à inventer ? A partir de 1990, on commença à lier des problématiques traitées séparément. En matière d’environnement, le principe pollueur-payeur, qui est toujours un fondement de notre action, voit le jour dans l’industrie. Puis se met en place le lien santéenvironnement, auquel s’ajoute l’élément agriculture par la suite. Nous sommes aujourd’hui au cœur d’une problématique intégrant ces trois facteurs, plus l’alimentation. Les blocs constitutifs de l’économie s’intègrent peu à peu dans la réflexion. La Charte de la Terre a été lancée sur l’initiative de grands mouvements internationaux, notamment Croix verte internationale, créée par Mikhaïl Gorbatchev. Le Petit Larousse 2004 réduit le développement durable à un « mode de développement veillant au respect de l’environnement par une utilisation raisonnée des ressources naturelles afin de les ménager à long terme. » La société est souvent en avance sur le monde politique, et les citoyens sur les linguistes. Le développement durable se décline en axes fondateurs. Le principe de réversibilité est fondamental, notamment en matière de gestion des déchets nucléaires. L’enfouissement pur et simple fait place à un stockage raisonné, permettant de retraiter par la suite les déchets si une solution technique est trouvée. Le principe de prévention et de précaution est maintenant inscrit dans la Constitution. Le principe de solidarité est vu de trois manières : dans le temps (préservation des ressources pour les générations futures) ; dans l’espace (solidarité Nord-Sud, ville-campagne) ; transversalité dans l’approche des problèmes, qu’ils soient économiques ou environnementaux. Voici quelques-uns des attendus de la conférence de Rio : Angers, 2 décembre 2004 9 3e colloque Anjou Domicile - - 1er principe : les êtres humains sont au centre des préoccupations du développement durable. 5e principe : commencer par éliminer la pauvreté. 6e principe : priorité spéciale aux pays en voie de développement. 20e principe : participation essentielle des femmes au processus. Ce sont elles en effet qui la plupart du temps éduquent les enfants, gèrent le budget familial, pratiquent l’accompagnement social. 21e principe : mobiliser les jeunes. 22e principe : reconnaître les communautés autochtones. Le développement durable au quotidien L’irruption de l’éthique et de la responsabilité dans la politique, le passage de la quantité à la qualité, l’approche patrimoniale (« Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants », proverbe wolof reformulé par SaintExupéry), le retour de la morale et de la vertu en politique mais aussi en économie, sont autant de faits fondamentalement nouveaux. Ils amènent l’irruption de la démocratie locale et la nécessaire adhésion de l’individu aux principes à mettre en œuvre. En ce sens, les Agendas 21 locaux représentent à la fois des projets politiques et une nouvelle orientation philosophique, centrée autour des concepts de citoyenneté, d’équité, de solidarité, d’efficacité. En charge du développement des jardins familiaux (ou jardins communautaires) à Nantes, j’avais identifié à l’époque cinq fonctions essentielles, qui me paraissent relever d’une problématique de développement durable : - économique, par la participation à l’équilibre du budget familial. Une parcelle de 250 m² pouvait fournir l’équivalent de 6 000 à 8 500 francs de légumes par année. - ludique. - sociale : échanges et solidarité autour des jardins, reconnaissance du travail accompli, valorisation d’un savoir-faire. - écologique : mise en place de systèmes de compostage, d’engrais vert, promotion de la lutte biologique. - pédagogique, avec les écoles du quartier. Je conclurai par deux citations. Robert Poujade, chargé de mission du ministre de l’environnement, disait en 1971 : « Ce sont les notions de solidarité, de générosité et d’altruisme qui font que l’homme est une espèce supérieure et différente des autres. Quels humanistes de la grande compétition des temps modernes lui apporteront-ils cet impondérable qui donnerait au monde des marchands et des conquérants économiques un minimum de morale et de grâce ? » Le généticien Axel Kahn concluait ainsi une conférence à l’Ecole polytechnique : « Vous prenez possession d’un monde magnifique, prometteur mais inquiétant. Faites-en bon usage, si vous le pouvez. » Angers, 2 décembre 2004 10 3e colloque Anjou Domicile Comment mesurer la richesse autrement ? par Louis MAURIN, journaliste à Alternatives Economiques et directeur de l’Observatoire des inégalités. La mesure de la richesse est un sujet difficile car il existe beaucoup d’indicateurs. Je signale la parution prochaine d’un hors série d’Alternatives économiques consacré au développement durable et je vous invite à consulter le site de l’Observatoire des inégalités1 qui compile des données sur le sujet. Au fil du temps, on s’habitue à vivre dans une société paradoxale, hantée par le chômage et le stress, où la pauvreté côtoie l’envolée des hauts revenus, où le souci affiché que la création de richesses profite à tous n’est pas traduit dans des mesures gouvernementales. Le débat public, tant national qu’international, semble confronté à une perte de sens généralisée, où il est frappant de constater que la question de la « vie bonne » n’est plus d’actualité. La réflexion sur le sens du progrès est absente du débat public, dont l’attention est monopolisée par les variations du produit intérieur brut (PIB). Mon propos est de démontrer la distance entre l’indicateur du PIB et la notion de mesure du bien-être. Pour autant, ma position sur l’évaluation de la richesse monétaire est modérée. Qu’est ce que le PIB ? Le PIB est l’indicateur de la croissance ou encore de la richesse nationale. Il s’élève en France à 1 500 milliards d’euros, une somme colossale en comparaison du budget de l’Etat (presque 300 milliards d’euros). Le PIB est une évaluation strictement monétaire, construite par le département des comptes de la nation de l’INSEE. Il a été conçu pour mesurer la valeur de ce qui s’échange via la monnaie Il existe trois façons de mesurer le PIB. La première est de mesurer la valeur totale de ce qui est produit et d’en retirer les consommations intermédiaires, c'est-à-dire ce qui est utilisé pour cette production. La différence constitue la valeur ajoutée ou encore la richesse créée par l’économie monétaire. Le PIB mesure l’économie marchande et, contrairement à ce qu’on entend parfois, également l’activité non marchande de l’Etat, de la production sociale, des collectivités, des associations, etc. Ainsi l’activité d’Anjou Domicile est-elle valorisée dans le PIB. On considère, par convention, que la valeur de ces activités est égale à leur coût. Par exemple, la richesse créée par l’Education nationale se rapporte essentiellement aux salaires des enseignants. La seconde façon de mesurer le PIB consiste à étudier les revenus distribués par la création de richesse : les profits des entreprises, les salaires et les impôts sur la production. La troisième, enfin, s’emploie à mesurer les usages de la richesse créée : la consommation des ménages et des administrations, les investissements, les échanges avec l’extérieur (différence entre importations et exportations). Le PIB dévoile des aspects intéressants de l’économie d’un pays : rôle des différents secteurs, poids de l’activité non marchande, répartition des revenus entre capital, travail et collectivité, échanges marchands avec le reste du monde. En s’intéressant uniquement aux données globales et à long terme, la corrélation entre les niveaux de vie, d’éducation, d’espérance de vie et le PIB est réelle. Je vous invite donc à vous méfier de critiques trop rapides de la notion de PIB. 1 www.inegalites.org Angers, 2 décembre 2004 11 3e colloque Anjou Domicile Les limites du concept de PIB Le PIB ne dévoile rien de la répartition des richesses au sein de la population, c'est-àdire des inégalités de revenus. Il n’est pourtant pas indifférent que les revenus soient accaparés par une minorité ou largement répartis. Ainsi, le niveau de vie moyen américain est supérieur d’environ 30 % au niveau de vie moyen en France, mais les 20 % des ménages les plus démunis disposent de 7,5 % de l’ensemble des revenus du pays en France, contre seulement 3,4 % aux Etats-Unis. Vivre dans une société riche n’implique pas que les plus démunis vivent mieux qu’ailleurs. Le PIB ne s’intéresse pas à la création de liens sociaux, à l’état de la cohésion de la société. Or la tension sociale n’est pas non plus indifférente pour le bien-être et la richesse de la population. Les Etats-Unis comptent par exemple 2 millions de prisonniers, soit un taux de 4,8 pour 1 000 habitants contre 1 pour 1 000 en France. La création de valeur induite par le développement de services de protection est la contrepartie d’une société plus tendue. Enfin, le PIB ne donne pas d’indications sur la façon de produire la richesse. Le PIB n’a pas une conception industrielle de la production de valeur : il mesure aussi les activités de services. Mais en l’absence de jugement sur la façon de produire, on produit sans se soucier du long terme et de l’épuisement des ressources. Le PIB donne une mesure ponctuelle, non inscrite dans le temps. On présente souvent l’exemple d’un accident de la route comme une limite du concept de PIB. Je nuance pour ma part cette critique : si une catastrophe crée bien de la valeur au sens du PIB, en déclenchant des services et des facturations, c’est évidemment parce que nous disposons de systèmes performants d’assurance et de soin. Les limites que je viens d’exposer sont suffisamment importantes pour ne pas en ajouter. Les nouveaux indicateurs de richesse Des initiatives pour mesurer différemment la richesse commencent à voir le jour, mais nous en sommes encore aux balbutiements. Pendant longtemps, la critique de la comptabilité monétaire est restée cantonnée à un cercle d’experts. Le ralentissement de la croissance au début des années 1970, simultanément à la publication du rapport Meadows du MIT, a mis en sourdine la problématique du développement durable. L’indicateur du développement humain La première grande initiative est finalement venue de l’ONU, qui a proposé l’indicateur du développement humain (IDH), indice synthétique qui n’a pas vocation à prendre en compte la durabilité environnementale mais à élargir la notion de richesse et la mesure de sa valeur. Destiné initialement à définir les étapes de développement pour les pays concernés, ce concept a bénéficié d’une diffusion mondiale. L’IDH donne une moyenne entre la richesse monétaire (le PIB), l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’instruction. Publié en 1990, il a été décliné (indicateur de la pauvreté humaine, de la participation à la vie politique) et affiné dans divers secteurs. Cette construction était un laboratoire présentant des limites : imperfection ou absence de fiabilité des données utilisées, pondérations subjectives et critiquables, manque de finesse sur les écarts entre les pays riches, dont les 20 premiers se situent tous entre 0,90 et 1. Ces critiques, justifiées, ne sont pas insurmontables et font avancer le débat. L’IDH permet un classement entre les pays et met en évidence le décalage entre richesse monétaire et bien-être. Les pays nordiques sont les mieux lotis, tandis que l’Australie, le Royaume-Uni, l’Irlande et les Etats-Unis se classent de la 14e à la 17e place. Angers, 2 décembre 2004 12 3e colloque Anjou Domicile L’indicateur de santé sociale Deux chercheurs du Fordham Institute for Innovation in Social Policy, Marc et Luisa Miringoff, tentent depuis 1996 de mesurer l’état de santé sociale en établissant une moyenne de 16 indicateurs comprenant des critères de santé, d’éducation, de chômage, de pauvreté, d’inégalité, d’accident... Sorte de résumé des grands problèmes sociaux américains, cet indicateur montre que le décrochage entre la richesse monétaire et le niveau de santé sociale se produit à partir du milieu des années 1970, avec le ralentissement de la croissance. L’indice de bien-être économique Deux chercheurs canadiens, Lars Osberg et Andrew Sharpe, ont proposé au milieu des années 1980 un indice prenant en compte les flux de consommation, les stocks de richesses, les inégalités, la pauvreté, l’insécurité économique (chômage), les fragilités (familles monoparentales), etc. L’indice de bien-être économique s’intéresse également à la dimension environnementale, mais de façon restreinte. Son principal intérêt est d’être exploitable et améliorable par les autres chercheurs, car les inventeurs ont révélé les pondérations utilisées. La méthode a été appliquée à plusieurs pays de l’OCDE hormis la France, par manque de données. Les travaux menés en France Si les travaux théoriques de Dominique Méda, Patrick Viveret ou encore Bernard Perret sont extrêmement pertinents, très peu de personnes travaillent en France à donner concrètement l’équivalent de ces indices. Alternatives économiques a soutenu en 2002 l’initiative du baromètre des inégalités et de la pauvreté (BIP 40)2, tentative ne prenant pas en compte l’environnement. Lancée par un réseau de chercheurs et de militants, l’initiative est remarquable mais n’est pas institutionnalisée. L’Observatoire des inégalités, pour sa part, s’attache à dresser un panorama des inégalités plutôt qu’à produire un indicateur synthétique, trop complexe. La prise en compte de l’environnement : l’empreinte écologique Plusieurs centres de recherche ont cherché à mesurer la qualité environnementale. Au milieu des années 1990, l’institut californien Redefining Progress a proposé un indicateur de progrès véritable. Les Amis de la terre ont produit un indice de bienêtre et de développement durable. Enfin, récemment s’est développé le concept d’empreinte écologique, proposé par le Global Fund Prit Network associé au WWF. Cet indicateur mesure l’empreinte de l’activité humaine sur la planète. Elle équivaut à la quantité de ressources nécessaires pour renouveler la consommation de l’homme. Un terrien moyen consomme actuellement 2,2 hectares de planète, alors qu’il ne dispose que de 1,8 hectare. Cette surconsommation ampute les réserves. Ce calcul est établi sur la base du mode de consommation actuel de l’ensemble de la planète, et pas seulement du mode de consommation américain, de quatre à cinq fois supérieur. La propagation du modèle occidental aux pays émergents est un développement proprement insoutenable. Il nous appartient donc de commencer par réduire notre empreinte écologique. Entre 1961 et 2000, l’empreinte écologique de la planète a été multipliée par 2,4 ; tandis que sur 10 ans, l’empreinte des 27 pays les plus riches a augmenté de 8 %. Ce concept, discutable du point de vue des hypothèses, a le mérite de montrer l’urgence de la situation : la croissance actuelle n’est pas soutenable à 2 www.bip40.org Angers, 2 décembre 2004 13 3e colloque Anjou Domicile l’horizon de 50 ou 100 ans. Différents sites Internet permettent de calculer son empreinte écologique personnelle3. En conclusion, soulignons que le PIB ne représente que la richesse monétaire, et que celle-ci reste essentielle pour le développement humain. On ne peut cependant plus s’en contenter. Pourquoi l’écart entre la richesse monétaire et les autres indicateurs est-il si important ? Pourquoi les tentatives de mesurer la richesse autrement restentelles si peu développées et admises dans le débat public ? Je trouve étrange le regard volontiers porté sur les Etats-Unis, alors que beaucoup de chercheurs travaillent là-bas à établir des contre-expertises. En France, la capacité à s’investir concrètement reste limitée. Nous devons nous donner les moyens de construire ces indicateurs pour les mettre en contrepoint du PIB. En ce sens, une journée comme celle organisée par Anjou Domicile est essentielle pour peser sur le débat public. 3 Par exemple le site du WWF : www.wwf.fr/empreinte_ecologique. Angers, 2 décembre 2004 14 3e colloque Anjou Domicile Débat Comment bâtir des indicateurs sociaux ? Pour quelle finalité ? Sofian Conche, étudiant à l’ESA Quelle est la finalité de ces indicateurs alternatifs au PIB ? Peut-on les considérer comme un encouragement à une autre forme de développement ? Louis Maurin Leur finalité est éminemment politique. Ils ont vocation à peser dans le débat public, en présentant des chiffres en contrepoint du PIB. Pour autant, ils reposent sur des conventions plus discutables que celles permettant d’établir le PIB, dont le fondement est la notion de prix. Nous ne connaissons pas, en revanche, les prix de l’inégalité ou de l’espérance de vie, ce qui amène des dilemmes pour étalonner ces grandeurs. Pour ma part, ces limites sont rédhibitoires. Je ne pense pas qu’on puisse mesurer le bien-être ou le bonheur. C’est pour cela que l’Observatoire des inégalités s’est refusé à construire un indice synthétique, dont la valeur scientifique serait assez faible. Pourtant, ils permettent de peser efficacement dans le débat public. Jany Nahon, présidente de la Plate-Forme de services aux particuliers DOM’INNO (Avignon) Existe-il un indicateur qui s’intitulerait « empreinte sociale » ? La plus-value apportée par nos structures est extrêmement difficile à valoriser face à nos interlocuteurs. Ainsi la demande de budgets se déroule-t-elle le plus souvent dans un climat de clientélisme. De plus, le plan Borloo nous mettra en concurrence avec des services privés impactant le PIB. Le collège coopératif avait tenté de bâtir un argumentaire. Je pense que l’économie sociale a Angers, 2 décembre 2004 besoin de parler le même langage que l’autre économie, basé sur des chiffres, mais avec ses valeurs propres. Louis Maurin Je crois que l’économie sociale perdrait son âme en cherchant à jouer sur le même terrain. A mon sens, aucune donnée chiffrée ne peut rapporter la plus-value créée par le lien social. Faut-il vraiment tenter de valoriser la plus-value apportée par le fait de raconter une histoire le soir à ses enfants, comme le font certains ? Je vous invite cependant à consulter les travaux canadiens et américains, qui descendent à un niveau très précis sur la qualité du lien social. Je comprends votre besoin de vous affirmer sur le plan politique. Sur un plan comptable, la prestation est valorisée dès lors qu’il y a un échange monétaire. Cela ne prend en compte qu’une partie de la valeur créée. Pour le reste, je pense qu’on ne peut pas arriver à valoriser les activités de l’économie sociale autrement qu’en expliquant précisément son utilité. Jocelyn Leclerc, Plate-Forme de Services aux Particuliers de Montpellier Qui mesure concrètement la production et les consommations intermédiaires permettant de bâtir le PIB ? Ces chiffres sont-ils fiables ? Louis Maurin L’INSEE agrège les bilans des entreprises par grand secteur. Ces chiffres sont fiables, mais ils ne prennent évidemment pas en compte l’économie souterraine. Dans les pays en voie de développement, cette limite de mesure de la richesse nationale est très forte, car l’écart entre le PIB et l’activité réelle peut être conséquent. 15 3e colloque Anjou Domicile Emile Gibouin, représentant de la FNARS Des statistiques concernant le seuil de pauvreté viennent d’être publiées. Comment est calculé ce seuil, qui nous apprend que 30 % des personnes concernées ont pourtant un emploi ? Louis Maurin Cette enquête a été réalisée par le Secours catholique. On considère que le seuil de pauvreté est atteint lorsqu’une personne touche un revenu inférieur à la moitié du revenu médian, soit environ 600 € mensuels. Concrètement, un travailleur à temps partiel rémunéré au SMIC est un travailleur pauvre. Imaginer des moyens autres que statistiques pour évaluer la qualité Jean-Yves Tessier, secrétaire général de l’UD-CFDT 49 Si l’enjeu consiste à évaluer la qualité plutôt qu’à mesurer la quantité, ne pourrait-on pas la mesurer à travers des enquêtes et des études sans recourir à des systèmes statistiques ? Il me semble que raisonner en chiffres reviendra toujours à mesurer des quantités. Jean-Claude Demaure Je pense effectivement que la satisfaction du bénéficiaire d’un service, évaluée par un sondage ou une enquête, est le meilleur moyen d’en mesurer la qualité. Si les indicateurs environnementaux sont maintenant bien coordonnés au niveau européen par l’Agence européenne de l’environnement, et en France par l’Institut français de l’environnement (branche nationale de l’AEE), en revanche l’expertise dans la sphère sociale reste limitée. Les tentatives d’intégrer des tableaux de bord comportant plus d’une centaine d’indicateurs se montrent rapidement ingérables, donc inefficaces. Angers, 2 décembre 2004 François Dibot, conseil qualité d’Autan Tourisme Les services à la personne ont vocation à intégrer l’économie générale dans le cadre du développement durable, en s’appuyant sur la notion d’utilité sociale. Il serait souhaitable de rechercher des critères pour la mesurer. Louis Maurin Je partage le point de vue de JeanClaude Demaure sur la pertinence des sondages pour mesurer la qualité des services, malgré les difficultés que ce système d’enquête suppose également. Il existe quelques enquêtes de l’INSEE à ce sujet. Par ailleurs, la mesure de l’utilité sociale reste une branche à explorer, avec toutes les difficultés que cela comporte. Gérard Charbonnier, président du COORACE Pays de la Loire Coorace est une structure d’insertion. En Pays de la Loire, une étude a montré notre utilité par différenciation, c’est-à-dire en estimant le coût potentiel pour l’Etat en l’absence de nos structures. Je pense que c’est une autre façon de mesurer notre plus-value. Louis Maurin L’analyse par le coût évité me paraît très pertinente. Je la relie au traitement actuel de l’insécurité, dans lequel on sacrifie la prévention au profit de la répression. Yves Aguila, coopérative de conseil AVISO J’estime également que nous nous trompons à tenter de nous analyser avec des outils classiques. Il est préférable de chercher à donner du sens aux ratios économiques, aux moyens mis à la disposition des structures. 16 3e colloque Anjou Domicile Bâtir des référentiels Anne Mortier, maire adjoint de Bouchemaine L’aspect prévention, rapidement évoqué par l’anecdote de l’histoire qu’on lit à un enfant, me semble primordial. Dans un autre domaine, on sait également que le bien-être dans son poste de travail peut augmenter l’efficacité de 33 %. Je pense que nous devons nous focaliser sur l’aspect qualitatif, sans essayer de nous mesurer à des pays peut-être plus productifs mais à la traîne en matière de développement durable. Il me semble important de proposer d’autres systèmes de mesures et de se hisser à la qualité d’experts en ce domaine. Hervé Carré Les services de soutien à domicile ont contribué à ce que l’Etat et les décideurs se posent la question de la qualité, et la formulent dans des chartes. Dans le domaine marchand et industriel, cela se traduit par des normes (ISO 9000, etc.). Il me semble qu’une voie s’ouvre de la même manière pour l’économie sociale. Ainsi la ville d’Angers est-elle Angers, 2 décembre 2004 engagée depuis deux ans dans un dialogue avec les usagers du CCAS autour de la notion de crédit-prêt. Ce dialogue a permis de co-produire un référentiel pour instruire la situation du demandeur et définir le produit qui réponde à ses besoins. Le Crédit municipal de Nantes, qui avait déjà réalisé un prêt dit « social », s’est avéré être l’opérateur bancaire le plus qualifié et intéressé pour proposer notre produit (un prêt à 1 % destiné aux bénéficiaires du RMI). Aujourd’hui, il le propose à d’autres municipalités. Nous savons que c’est le processus démocratique et le portage social qui font la performance de ce produit. C’est pourquoi nous aimerions créer un label à haute valeur citoyenne qui associe notre processus démocratique à chaque fois que la banque propose notre produit. L’économie sociale et les services publics ont vocation à produire des référentiels de qualité, plutôt que des statistiques. La singularité de nos expériences doit maintenant être mutualisée pour parvenir à établir ces référentiels. 17 3e colloque Anjou Domicile Des expériences en matière de développement durable L'engagement d'Angers pour le développement durable par Hervé CARRE, adjoint aux affaires sociales de la Ville d’Angers, conseiller général. L’engagement d’Angers, ville de 156 000 habitants avec plus de 3 000 agents municipaux, s’inscrit dans une démarche d’agglomération. En présentant la façon dont Angers a fait du développement durable l’élément structurant de sa politique, je témoignerai d’un processus, d’une démarche, et non d’une sorte de produit fini. Angers, laboratoire du développement durable Angers affirme sa volonté d’être le laboratoire du développement durable, et elle a acquis une certaine légitimité à l’exprimer par ses réalisations et ses prises de position. La ville a pris des initiatives précoces après le sommet de Rio, en adoptant dès 1992 une charte de l’écologie urbaine et en adhérant en 1996 à la charte européenne des villes durables. En 1999, une mission développement durable a été créée pour s’approprier cette notion dans les services municipaux. Le premier Agenda 21 a été rédigé en 2000 et un Observatoire des bonnes pratiques a été mis en place en 2003. Le maire d’Angers est par ailleurs membre du Conseil national du développement durable. Nous revendiquons l’appellation « laboratoire » car nous estimons être toujours à l’ère des pionniers. Les phases d’expérimentation incluent de la réussite, mais aussi des reculs, de l’inertie, des difficultés à dépasser certains stades. Vers une qualité d’expert en HQE Angers valorise son environnement, au cœur d’un pôle végétal majeur, en préservant ses espaces naturels sensibles. La ville est également soucieuse de proposer la multimodalité des déplacements, en inscrivant dans cette réflexion les notions de fracture sociale et de division des territoires, qui ne doivent pas être considérées comme des fatalités. Nous considérons, avec nos 638 hectares d’espaces verts (42 m² par habitant), nos 20 parcs et jardins, nos 16 000 arbres d’alignement dont 190 essences différentes, que nous avons une légitimité à nous aventurer sur le terrain de la haute qualité environnementale (HQE). La HQE se préoccupe à la fois de l’intégration du bâtiment dans le site ; de la mise en œuvre d’un chantier propre gérant ses déchets ; de la limitation des nuisances sonores ; de l’écogestion en matière d’énergie, d’eau, de production des déchets, d’entretien et de maintenance ; de confort acoustique et visuel. A travers nos expérimentations, nous devons prétendre à une place exemplaire au plan national en matière de haute qualité environnementale, qui doit être un parti pris humaniste encore plus qu’une norme. Il nous reste peu de territoires à conquérir dans notre ville ; ils en sont d’autant plus précieux. Nous avons décidé de reconquérir le territoire bordant la Maine, aujourd’hui inaccessible car tranché par une autoroute urbaine, et de renouer le contact avec notre rivière. Les espaces fonciers pillés par le règne de la voiture doivent maintenant redevenir des lieux de vie, de détente, de développement économique. Angers, 2 décembre 2004 18 3e colloque Anjou Domicile La coopération internationale Nous fêterons en 2004 le 30e anniversaire de la coopération entre Bamako et Angers, rappelant par là la communauté de destin entre nos pôles d’excellence et des pays qui vivent la difficulté du développement. Angers a ainsi confirmé l’affectation de 0,5 % de son budget annuel (ainsi que l’agglomération à hauteur de 0,3 %) au service du développement de la capitale du Mali, pays dont le budget total est celui de la ville d’Angers. La coopération internationale ne traduit pas seulement la générosité et la bienveillance d’un pays riche envers un pays pauvre, mais également une autre manière d’aborder le développement. Notre gestion de l’eau, des déchets, notre politique de l’enfance, doivent être abordés au regard de ce qui se fait dans d’autres pays. Nous devons nous poser les questions essentielles. Solidarité, proximité, démocratie locale Angers a initié des comités d’usagers pour renouer avec l’innovation et le dialogue social. Les vertus de la démocratie locale doivent être inscrites dans tous les projets de la ville, non seulement avec le CCAS, mais aussi avec les conseils consultatifs de quartier, le conseil de développement, le conseil de l’environnement, les ateliers d’urbanisme ; tous ces lieux où s’élaborent une pensée pour l’avenir et une action pour aujourd’hui. Dans les services de la Ville, nous avons sensibilisé et formé les agents à utiliser des critères d’éco-consommation ou de consommation éthique. La consommation en énergie de la ville d’Angers n’a pas augmenté depuis sept ans. C’est en soi une performance, trop peu connue, qui prouve à quel point nous prenons en compte la préservation des ressources non renouvelables. Le renouvellement urbain dans le quartier de la Roseraie (10% de notre ville) concerne 17 000 personnes, qui vont devoir se prononcer sur la façon dont elles veulent vivre ensemble demain. La diversification et la requalification de l’habitat, le renforcement des services de proximité, le développement de l’activité économique, l’amélioration des déplacements, la valorisation des espaces publics et de la trame paysagère, constituent autant de préoccupations qu’on ne peut pas seulement confier à des services municipaux ou des experts d’ouvrage. La ville a la responsabilité de réintégrer l’expertise d’usage, y compris parfois en lui donnant des outils. Les politiques pourront ainsi renouer avec une certaine légitimité, en faisant place au citoyen et en lui permettant de peser réellement sur les choix et sur l’avenir. Les déplacements : un enjeu pour le « vivre ensemble » Un tramway représente une autre manière de se déplacer, mais aussi une autre manière de relier nos territoires, dont certains ont pu se sentir délaissés. Les déplacements sont essentiels pour la mixité des activités et des cultures. Le bus est une sorte de cour des Miracles, un lieu de frottements, de possibles rencontres, et également de conflits. Cela dépasse le problème du transport pour devenir la question du vivre ensemble. Le tramway est un projet certes lourd et coûteux, mais qui va transformer le visage et les usages d’Angers ; modifier notre rapport au temps, à la proximité, aux espaces. L’Agenda 21, qu’Angers vient de renouveler, fait le bilan des actions 2001-2003 et affirme pour 2004-2005 la volonté de consolider nos projets. Dès le début d’année 2005, le président d’Angers et de l’agglomération s’est engagé à entreprendre un dialogue avec les citoyens afin que chacun s’empare de notre ambition. Le prochain Agenda 21 est, plus qu’un programme d’actions, un projet du vivre ensemble, et une invitation à en débattre. Angers, 2 décembre 2004 19 3e colloque Anjou Domicile Le développement durable en milieu rural par Jean-Luc DAVY, maire de Daumeray, ancien président du comité d’expansion du Baugeois, conseiller général canton de Durtal. Constitution de la structure de pays J’ai été élu en 2001 président du comité d’expansion du pays Baugeois, qui regroupe quatre cantons. A proximité se trouve le pays Loire Authion, comprenant également quatre cantons, et la communauté de communes Loir et Sarthe (4 communes à l’époque) qui n’appartenait plus à une structure de pays depuis le rattachement de certaines communes à l’agglomération d’Angers. L’Anjou a la particularité de s’être constitué depuis 30 ans en territoires de pays, fédérant leur population et passant des contrats avec des partenaires, en vue d’améliorer la qualité de vie et de créer des dynamiques de développement. La loi Voynet d’aménagement du territoire a impulsé l’idée de repenser la structure de ces pays. Songeant que les 43 000 habitants du pays Baugeois et les 45 000 habitants du pays Loire Authion étaient finalement peu représentatifs à l’échelle européenne, nous avons décidé de créer un nouveau territoire appelé « Pays des vallées d’Anjou », regroupant 62 000 habitants et 6 communautés de communes. Créé le 12 juillet 2004, il comporte un syndicat mixte composé d’élus, et un conseil de développement, composé pour moitié d’élus et pour moitié de professionnels ou responsables d’associations. La défection de certaines communes ou communautés de communes, qui n’ont pas voulu rejoindre la structure, n’est pas sans poser problème en matière d’aménagement du territoire. Les missions du Pays des vallées d’Anjou Le pays constitue un réseau de personnes se réunissant en six commissions thématiques (économie, services aux personnes, culture, formation, tourisme, etc.) pour élaborer des projets au service de la qualité de vie en territoire rural. Nous réfléchissons également à la manière de favoriser l’implantation d’activités. A la fin de l’année 2004, un contrat de pays pour 2005-2008 sera signé avec le Département et la Région, les deux principaux partenaires qui soutiennent les actions proposées par le conseil de développement et validées par le syndicat mixte. Ce contrat de pays ne peut se concevoir sans concertation avec les territoires voisins : l’agglomération d’Angers, l’agglomération de Saumur, les départements de Sarthe et d’Indre-et-Loire. Notre problématique d’aménagement du territoire est en effet bouleversée par les profondes mutations vécues en trente ans. Le trajet domiciletravail, par exemple, n’est plus pensé en termes de kilomètres mais de temps. Il n’est pas rare de travailler en milieu urbain et d’habiter un territoire rural, ou inversement. En termes d’outils, le Pays des vallées d’Anjou va se doter d’un SCOT (schéma de cohérence territoriale) pour être maître d’ouvrage de sa politique d’habitat, de sa politique économique et de déplacement, en liaison avec les territoires voisins. Si l’agriculture représentait un potentiel économique majeur voici cinquante ans, celuici est devenu secondaire. Les populations ont considérablement augmenté : ainsi la commune de Daumerais est-elle passée de 920 habitants en 1970 à 1 550 habitants en 2004, drainés par l’implantation de deux entreprises industrielles. Les territoires ruraux doivent maintenant proposer de l’habitat et accueillir des entreprises, tout en maîtrisant leur développement. L’arrivée de populations nouvelles amène des changements de mentalité et des préoccupations nouvelles pour les communes (augmentation des effectifs des écoles, besoin de commerces, de voirie et d’habitat). La maîtrise de l’aménagement de nos territoires permet de s’adapter à l’évolution de Angers, 2 décembre 2004 20 3e colloque Anjou Domicile la population, qui est une chance, mais qui doit se faire dans le temps pour permettre l’intégration des nouveaux arrivants à la vie de la commune. Je partage avec Hervé Carré le souci d’un discours politique qui soit un « parler vrai », qui soit la parole d’un élu mais aussi celle d’un homme engagé dans une équipe et dans la vie de son territoire. L’association de théâtre paroissial de Daumerais, qui regroupe 104 acteurs et qui fêtera en 2005 sa 35e année d’existence, après avoir accueilli 95 000 spectateurs (pour 86 fauteuils…), est un formidable vecteur de lien social et d’intégration, et une belle carte de visite pour le maire de Daumerais. « Les Jardins du Cœur » de l'Ecole Supérieure d'Agriculture d'Angers par Martin QUANTIN, président, et Antoine LESTY, initiateur du projet. L’action de notre association est beaucoup plus terre-à-terre et à petite échelle par rapport aux présentations précédentes. Nous souhaitons vous présenter les motivations qui nous ont amenés à intégrer une école d’agriculture. Antoine Lesty Je me suis intéressé très tôt à la préservation de la planète et à la protection des animaux, dans une perspective un peu idéaliste, avant de prendre conscience qu’on ne pouvait pas prétendre protéger la planète sans permettre à l’homme d’en tirer les ressources nécessaires à la satisfaction de ses besoins. L’agriculture se préoccupe bien de cette problématique. Martin Quantin Après le bac, très préoccupé par les questions environnementales et ayant envie de consacrer mon énergie à des problèmes qui me paraissaient essentiels, j’ai choisi de m’orienter vers une école d’agriculture. Martin Quantin et Antoine Lesty jouent une saynète présentant l’origine de l’association. Le public assiste à la prise de conscience de deux étudiants quant à leur méconnaissance du cycle des saisons et de la variété des espèces potagères, de l’absurdité d’acheter des produits venant de l’autre bout du monde, de leur ignorance des modes de culture. L’idée de créer un jardin potager sur un terrain de l’Ecole d’agriculture est née. Le fonctionnement du jardin potager repose sur les quelques principes suivants : - cultiver des espèces variées ; - recycler ses déchets ménagers en les compostant ; - fertiliser avec le compost et s’interdire les produits de synthèse risqués et onéreux ; - utiliser des matériaux de récupération ; - donner des légumes aux Restos du cœur. En culture depuis 2003, le jardin s’étend sur 200 m² et est cultivé par 7 jardiniers réguliers et 15 occasionnels. Son budget annuel, attribué par l’association des élèves, est de 200 €. Nous cultivons des légumes de consommation courante (tomates, choux, framboisier,…) et moins courante (physalis, patates douces…). Nous essayons de mettre en pratique des techniques culturales peu agressives : pas de bêchage en profondeur, couvert végétal permanent, paillage, purin de plante pour fertiliser ou prévenir les maladies. Nous expérimentons sans a priori les « recettes de grandmère » comme alternative aux produits de synthèse. Angers, 2 décembre 2004 21 3e colloque Anjou Domicile Nous avons sensibilisé les étudiants et les professeurs de l’ESA au compostage, et plusieurs personnes contribuent maintenant à l’alimentation du compost. Cela permet de prendre de bonnes habitudes de recyclage, très importantes dans une démarche de développement durable. Ce sont des choses simples, mais pas toujours faciles à appliquer et qui demandent de l’organisation. Cela permet aussi de prendre conscience du cycle de la nature : ce qui vient du sol doit y retourner. L’aspect pédagogique est essentiel. Le jardin est aussi et avant tout un moment de plaisir et de ressourcement entre amis. Nous éprouvons beaucoup de plaisir à produire ce que nous consommons. Produire et consommer localement, c’est notre façon de faire du développement durable. Nous vous encourageons à en faire autant ! Angers, 2 décembre 2004 22 3e colloque Anjou Domicile Débat Denise Thomas, bénévole à l’ADMR et au conseil fédéral départemental Comment peut-on se procurer l’Agenda 21 de la ville d’Angers ? Hervé Carré Je vous suggère de consulter le site Internet4 de la ville, ou bien de le demander à l’accueil de la mairie. Je suis persuadé que vous pouvez vous le procurer, même s’il n’a pas été édité à des milliers d’exemplaires. François Dibot, conseil qualité d’Autan Tourisme Comment est prise en compte la part des services à domicile dans le développement des territoires ruraux ? Jean-Luc Davy L’une de nos commissions thématiques est intitulée « social et services aux personnes ». Y participent notamment l’ADMR et Familles rurales, dont des représentants participent à ce colloque. La force de cette commission est justement le dialogue entre les pouvoirs locaux et les mouvements associatifs. Jean-Claude Demaure J’appartiens à une génération qui a dû jardiner par obligation, et je suis heureux de constater que des jeunes prennent du plaisir dans cette activité. Mon métier m’amenant à intervenir dans les écoles, je m’interroge sur l’existence d’autres initiatives comparables au jardin potager de l’ESA. Le cas échéant, envisagez-vous la constitution d’un réseau ou des interventions d’information ? 4 Martin Quantin Nous avons appris l’existence d’un mouvement un peu extrémiste appelé « la guérilla potagère » à Angers, qui cherche à s’approprier les espaces urbains inutilisés pour en faire des potagers accessibles à tous. Antoine Lesty L’INH est en train de créer son jardin potager. Dans le domaine de l’insertion, il existe dans la région un Jardin de Cocagne. En ce qui concerne la constitution d’un réseau et des actions d’informations, notre association est encore jeune. Notre intervention aujourd’hui est une première. Enfin, je signale que l’appellation « Jardins du cœur » a été créée en réalité par les Restos du cœur, qui pratiquent cette action à une plus grande échelle que nous ne le faisons. Jean Presselin, président du Jardin de Cocagne angevin Il me semble important que se crée une relation entre le jardin potager étudiant et le Jardin de Cocagne angevin, car nous partageons des perspectives identiques. Vous nous donnez un exemple de retour à des expériences d’autrefois dans une perspective nouvelle de développement durable. Le Jardin de Cocagne se situe dans la même démarche, dans la mesure où il fonctionne sur le mode agrobio, mais au service d’une mission de réinsertion de personnes en très grande difficulté. Je pense que nous pourrions établir des projets communs. www.angers.fr Angers, 2 décembre 2004 23 3e colloque Anjou Domicile Le poids économique des services à domicile par Henry NOGUES, économiste, professeur à l’université de Nantes. Le diaporama présenté par l’intervenant est accessible sur le site www.sc-eco.univnantes.fr/~hnogues. J’ouvrirai mon propos par une boutade lue sur les murs du métro londonien, que je considère comme une réalité et un avertissement : « les experts n’ont pas plus souvent raison que les autres, mais quand ils ont tort, c’est toujours pour des raisons plus sophistiquées. » Elle signifie que la réalité est trop complexe pour être appréhendée par des idéologies. Réflexions autour du développement durable En mai 68, alors que j’étais étudiant, commençait à s’ouvrir le débat sur la remise en cause de la richesse. On pouvait lire « on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » sur les murs de l’université. A l’époque existait une véritable fascination pour la croissance générée depuis 1945, qui avait permis une multiplication par trois du niveau de vie pour l’ensemble de la population. Pourtant l’alerte sur les dégâts engendrés par cette croissance phénoménale, sur les coûts sociaux, sur les risques environnementaux était déjà lancée. L’émergence de nouvelles valeurs et responsabilités En 1972, les travaux fondateurs de James Tobin et William Nordhaus élargissaient la conception de la richesse en proposant d’y intégrer l’économie domestique (les activités familiales, les tâches ménagères), l’économie souterraine (travail au noir), la valorisation du temps libre et même du temps de sommeil. Il n’est pas indifférent, par exemple, de travailler en moyenne 1 500 heures par an en France contre 1 900 heures aux Etats-Unis. Faut-il vraiment copier le modèle américain ? D’autres travaux poursuivirent la réflexion : l’indicateur de développement humain défendu par le prix Nobel d’économie Amartya Sen ; le rapport Du bien-être des nations publié en 2001 par le très libéral OCDE ; et surtout le rapport Brundtland de 1987 qui initia la réflexion sur le développement durable proprement dit. Je souligne que la traduction de sustainable par « durable » me paraît pauvre, car l’idée de durée n’est pas suffisante, mais il n’existe pas d’équivalent lexical satisfaisant. La définition du développement durable comme un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs […] » me semble poser une limite à la notion de démocratie. En quoi les générations actuelles sont-elles légitimes à décider pour les autres ? L’obligation de responsabilité civique, la notion de devoir deviennent essentielles pour engager les votants d’aujourd’hui à ne pas considérer que leur seul intérêt immédiat et financier. Quels liens entre les services à domicile et le développement durable ? Les trois aspects complémentaires du développement durable (production économique, équilibre écologique et cohésion sociale) ne sont pas étrangers aux préoccupations du secteur des services à domicile. Le rapport Brundtland déclarait ainsi : « Le principal objectif du développement consiste à satisfaire les besoins et aspirations de l’être humain […] : le besoin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, de travailler […], de satisfaire leurs aspirations à Angers, 2 décembre 2004 24 3e colloque Anjou Domicile une vie meilleure […]. » Les services à domicile sont bien dans de telles problématiques. « Pour assurer un développement soutenable, il faut toutefois promouvoir des valeurs qui faciliteront un type de consommation dans les limites du possible écologique et auquel chacun peut raisonnablement prétendre […]. » Tout n’est pas possible : une autre échelle de valeurs que celles de la richesse et de la monnaie doit être mise en place. La répartition de la richesse est également un critère déterminant, contrairement à ce qu’ont pu affirmer certains économistes qui donnaient la priorité à la production. « Pour répondre aux besoins essentiels, il faut réaliser tout le potentiel de croissance […] à condition que le contenu de celle-ci respecte les principes que sont la soutenabilité et la non-exploitation d’autrui […] en assurant l’égalité des chances. » La non-exploitation d’autrui est un axe de réflexion majeur pour les services à domicile. Choisir le développement durable, c'est refuser une société de marché, c'est à dire une société où les normes ne proviennent que des marchés. Evidemment, cela constitue une barrière face à l'exercice débridé de l'individualisme consumériste et une prévention au regard de l'inégalité amplifiée par les marchés. Dans cette perspective, il est souhaitable d'éveiller l’attention sur les risques que nous courons à n’envisager les choses que sous l’angle de la liberté individuelle. Le développement durable impose la reconnaissance des biens communs partagés et des interdépendances au niveau de la planète. Enfin, un complément nécessaire est apporté à la démocratie par l’élargissement de l’horizon temporel aux générations à venir, sans pour autant oublier les générations actuelles. Dès lors que dans les services à domicile sont engagées des valeurs et pas seulement des prestations de service et de consommation ; dès lors qu’ils sont porteurs d’un projet de développement de toutes les potentialités de la personne, et jusqu’à la fin de sa vie, les services à domicile sont au cœur de la réflexion du développement durable. Le « grand chantier » du vieillissement Les sociétés occidentales seront bientôt des sociétés de retraités. En 1950, 16 % de la population française avait plus de 60 ans. Aujourd’hui, la proportion est de 21 % et elle pourrait s’élever à 35 % en 2050. La majorité des jeunes présents dans l’assistance en feront partie, et plus de la moitié des femmes dépasseront l’âge de 89 ans. Pathologies et dépenses de santé La personne âgée est parfois en perte d’autonomie et souffre de pathologies. Elle peut avoir besoin de soins de base (nursing) ou d’aide dans la vie quotidienne (tâches domestiques, vie sociale). Les affections de longue durée et les troubles mentaux augmentent avec l’âge. Les femmes semblent plus touchées que les hommes, mais j’ai l’intuition que ce fait ne recouvre pas forcément une réalité épidémiologique. Les femmes âgées n’ont souvent plus de conjoint, et sont donc plus vulnérables. Les personnes âgées consomment plus de dépenses de santé que les autres générations, et les hommes plus que les femmes. Ce point est troublant dans la mesure où les femmes seraient plus touchées par les affections. Un indicateur corrigé, montrant les dépenses au regard de l’état de santé, prouve en revanche que la dépense des plus âgés est moins forte à état de santé identique. L’affirmation d’une surconsommation de médicaments de la part des personnes âgées perd ainsi son caractère d’évidence. On pourrait même défendre l’idée d’une sous-consommation. La réalité est donc plus complexe que les chiffres bruts ne le laissent entrevoir. Angers, 2 décembre 2004 25 3e colloque Anjou Domicile Le développement durable se soucie de l’égalité des chances. Or, on ne peut pas ignorer que le risque de mourir est fortement corrélé au niveau de revenu. Ce risque est majoré de plus de 10 % par rapport au risque moyen avec un revenu mensuel inférieur à 1 300 €, et il est minoré de plus de 10 % quand le revenu est supérieur à 3 120 €. Notre société ne peut donc se targuer d’avoir supprimé les inégalités. L’espérance de vie à 35 ans pour un cadre est de 44,5 ans et de 37 ans pour un ouvrier non qualifié. La satisfaction des besoins des personnes dépendantes Après 90 ans, trois femmes sur quatre sont dépendantes contre moins de la moitié des hommes (d’après une étude réalisée en Loire-Atlantique). Les besoins qui en résultent sont considérables : hygiène corporelle, habillage, repas, soins d’esthétique, travaux ménagers, courses, accompagnement social, visites, loisirs, surveillance parfois. A mesure que l’âge augmente, les besoins s’amplifient. Au-delà de 77 ans, une personne sur deux a besoin d’aide pour le ménage. Viennent plus tard des besoins pour les transports et la gestion, puis la cuisine. Les besoins effectivement satisfaits sont bien inférieurs : la marge de progrès est considérable. L’offre globale en services de soins (hébergement, SSIAD, actes infirmiers) selon les régions est variable. Les Pays de la Loire ne sont pas suréquipés : le taux d’équipement est de 93,8 pour 1 000 personnes, contre un taux moyen de 114,1 en France. Le vieillissement et les départs en retraite de professionnels risquent encore d’aggraver la situation. En 1996, on formait 18 000 infirmières chaque année. Ce chiffre est descendu à moins de 16 000, pour être rehaussé à plus de 30 000 actuellement. Le numerus clausus des médecins, réduit à 3 005 admis, est passé à plus de 6 000 cette année. Ces errements montrent que la vision limitée à deux ans n’est plus une posture tenable. Au début du XXe siècle, l’espérance de vie n’atteignait pas 50 ans ; aujourd’hui, elle est de 83 ans pour les femmes et de 75 ans pour les hommes. Le grand chantier du vieillissement exige une vision politique à l’horizon de quinze ou vingt années. Entre 1981 et 1991, l’espérance de vie des hommes et des femmes a augmenté de deux ans et demi, et dans le même temps, leur espérance de vie sans incapacité a augmenté de 3 ans pour les hommes et de 2,6 ans pour les femmes. L’allongement de la durée de la vie ne signifie donc pas l’allongement de la durée de dépendance. Il est inutile de noircir excessivement le tableau, comme on pourrait avoir tendance à le faire pour provoquer des réactions radicales. Les besoins de la personne âgée sont variés et indissociables : physiologiques, psychologiques, affectifs et relationnels, spirituels… Son entourage a également besoin d’être rassuré sur la manière d’aider son parent ; de souffler, de se reposer ; d’être aidé matériellement ; d’être reconnu et soutenu dans son rôle ; d’écoute, d’échanges et de compréhension. Le maintien à domicile est sans doute une bonne politique, mais il alourdit considérablement la charge des personnels en établissement. Toute politique gérontologique doit avoir un aspect global. Il semble souhaitable de favoriser des séjours temporaires en établissement, afin de permettre à l’entourage de souffler ou de préparer un accueil de longue durée. La spécificité économique des services aux personnes âgées Les intervenants à domicile comme en établissement ont des besoins qui méritent également d’être pris en compte. Pour y répondre, tous les secteurs de notre économie plurielle sont susceptibles de prendre des initiatives : l’économie publique Angers, 2 décembre 2004 26 3e colloque Anjou Domicile (CCAS), l’économie sociale et solidaire (souvent des associations familiales), l’économie artisanale (par exemple des infirmières), l’économie domestique (contribution des conjoints, des enfants), et enfin l’économie industrielle et financière (systèmes de téléalarme, etc.). L’équipe de recherche à laquelle je collabore, notamment avec Annie Dussuet, suggère de différencier les différents types de services à la personne. Dans le domaine de la santé, les services sont prescrits et exécutés par des personnels qualifiés. Les services domestiques (par exemple les employés de maison) appartiennent à la sphère privée et sont totalement déterminés par la demande du client. Les services d’aide à la personne se situent entre les deux. Ils ne sont qu’exceptionnellement prescrits (bien qu’un certificat médical puisse permettre le financement d’interventions à domicile), mais ils ne peuvent non plus être déterminés par la personne elle-même, dans la mesure où elle en est justement empêchée par son handicap. La définition est complexe ; elle doit être souple, révisable, s’appuyer sur la personne âgée et parfois son entourage. La standardisation est impossible. Cette activité était traditionnellement féminine et assurée gratuitement dans le cadre familial. C’est encore le cas. La spécificité du service repose aussi sur le fait qu’il pénètre dans l’univers domestique – il faut confier ses clés, faire confiance – et qu’une relation éventuellement affective s’instaure. Les interactions entre prestataire, employeur et personne âgée doivent être fréquentes parce que les situations évoluent : le bénéficiaire peut par exemple recouvrer de l’autonomie. Le rôle de la famille n’est pas mesuré. Au plan macroéconomique, celle-ci supporte pourtant la majeure partie de la charge, mais cela n’apparaît pas dans le PIB. Les services à domicile au cœur de l’économie sociale L’économie consiste dans l’organisation du cadre de la vie. Entrer en économie signifie produire et distribuer des biens ou services qui répondent aux besoins des hommes et des femmes. L’utilité sociale des entreprises de l’économie sociale et solidaire L’économie sociale et solidaire représente un mode d’exercice de la liberté et de la responsabilité. Les acteurs qui ont pris des initiatives dans ce secteur ont un projet collectif pour améliorer les conditions de vie, ravivé en période de crise et face aux difficultés. Ils font preuve également de résistance devant une société de marché envahissante. L’économie sociale, parce qu’elle répond à des problèmes, est source d’innovation. Si les associations et les pouvoirs publics (essentiellement les collectivités locales) se sont emparés de ce secteur, c’est bien parce qu’aucun autre acteur de l’économie capitaliste et industrielle ne s’y est intéressé. L’économie sociale ne doit pas pour autant se laisser enfermer dans l’assistance à la pauvreté. Pourquoi serait-elle vouée à s’occuper des « gens qui en relèvent », c'est-à-dire des pauvres et des handicapés, tandis que les autres relèveraient de la « grande » économie ? L’économie sociale doit-elle adopter le modèle des entreprises ? Je suis convaincu qu’il faut des repères et des process pour assurer la qualité, même dans des services sur-mesure. Pourtant il me semble préférable que les organisations de l’économie sociale cultivent leur différence. La gestion d’une entreprise capitaliste est orientée vers un but unique : le profit. Elle sert l’intérêt général de manière secondaire et involontaire. Une entreprise de l’économie sociale est une société de personnes – adhérents, mutualistes, militants… –, fonctionnant avec la même logique de service ou de management. La responsabilisation de ses acteurs tient à leur qualité de consommateurs et de producteurs. Angers, 2 décembre 2004 27 3e colloque Anjou Domicile Elle est fondée sur des principes de liberté, d’adhésion volontaire, de partage du pouvoir, de solidarité et de responsabilité, ce qui inclut l’équilibre économique de l’institution. Elle permet la prise en compte de la personne et de l’objet social plus que du capital. Elle est autonome par rapport aux pouvoirs publics (dans le cas d’associations) et sa lucrativité est limitée dans tous les cas. La valeur ajoutée économique d’une association Selon Michel Garrabe, l’association apporte un surplus de solidarité et un meilleur rapport qualité-prix, grâce au bénévolat ; un surplus de flexibilité et une meilleure réactivité de réponse aux besoins, ce qui suppose des structures souples ; un surplus d’aménité et une meilleure qualité de rapports sociaux. L’association permet d’éviter des coûts publics et des coûts sociaux et apporte des gains en termes de qualité et de quantité de vie ou de chances. Ces valeurs ajoutées sont des potentiels autant que des exigences ; il n’est pas certain que cela réussisse toujours. Jean Gadrey y ajoute un moindre coût pour la collectivité et les ménages, une contribution à la progression du taux d’activité et au dynamisme économique et social des territoires, car ce sont des emplois non délocalisables. Cet atout est pourtant menacé par la perspective d’une directive européenne prévoyant que le droit du pays d’origine s’applique à un travailleur étranger. Si l’Europe permet que le marché détermine ainsi les règles du jeu, ni la démocratie ni le développement durable n’auront plus de sens. Je forme le vœu que l’Europe se ressaisisse. Conclusion Les pouvoirs publics ont utilisé sans précaution le secteur de l’aide à domicile pour créer de l’emploi, en créant des distorsions de concurrence et en bloquant les perspectives d’amélioration des emplois. Je souhaite que la nouvelle convention collective s’applique, bien que toutes les conditions ne me semblent pas encore réunies. Auparavant, il fallait 18 ans à une aide-ménagère pour atteindre le SMIC, ce qu’on ne peut pas qualifier d’attractif. La faiblesse des financements publics et l’abandon de l’idée d’assurance sociale ramènent à la notion d’assistance, dont il faudrait pourtant se dégager en se rapprochant d’une consommation que les personnes puissent en partie financer personnellement. Une véritable prestation dépendance a tardé à se mettre en place, et elle n’est pas totalement dégagée de l’assistance. Enfin, cette dépendance aux financements publics rend difficile l’adaptation et explique parfois l’absence d’innovation. Il reste des emplois à satisfaire, estimés à 500 000 par le gouvernement actuel. Le chiffre est peut-être exact. Mais appeler les entreprises privées à investir le secteur au prétexte que les associations manquent de dynamisme est d’autant plus injuste que l’Etat a travaillé depuis 20 ans à limiter le développement des associations. Les mesures de gré à gré et les réductions d’impôt ont créé des distorsions de concurrence qui ont pénalisé le développement des assurances. Pour une large part, le nondéveloppement des services à la personne est notre responsabilité commune sur un plan politique. J’estime que les associations n’ont pas suffisamment lutté, mais il est regrettable d’en venir à des manifestations violentes pour faire entendre des causes manifestement pertinentes. L’absence d’un système efficace d’assurance-dépendance, l’incertitude sur les retraites poussent naturellement les ménages à épargner ; pourtant les revenus des personnes âgées devraient leur servir à consommer. La famille paie une forme de taxe en nature, ou de corvée. Il s’agit d’une forme de prélèvement obligatoire, supporté par l’entourage seul de la personne âgée dépendante. Angers, 2 décembre 2004 28 3e colloque Anjou Domicile Quelques pistes de réflexion La réponse aux besoins des personnes âgées s’inscrit-elle dans le registre de l’aide ou dans celui de l’économie des services ? A mon sens, les deux se complètent. Les services à la personne demandent-ils des compétences et une qualification ? Oui : je n’ai aucun doute sur ce point. Pourtant les associations ne sont pas toujours irréprochables sur ce point. Des étudiantes faisant un remplacement d’aide à domicile pendant l’été m’ont rapporté qu’elles avaient été envoyées sur le terrain sans un minimum de formation. Faut-il considérer la dépendance comme un nouveau risque social ? Je pense que oui. Les pouvoirs publics seront-ils capables de favoriser un développement des services à domicile équitable et facteur de cohésion sociale ? Je l’espère. Les organisations de l’économie sociale et solidaire ne sont pas que des structures de production économique. C’est un lieu de débat et de réflexion sur le sens de l’action. Que fait-on de la marge dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire ? Cette question mérite débat. La nature de l’entreprise de l’économie sociale est double. Si elle se limite à être une organisation, c'est-à-dire un instrument, elle perd son âme. Si elle se comporte comme une institution, elle construit des réponses pour l’avenir et des stratégies de changement susceptibles de remodeler son espace d’intervention. Au-delà d’une activité économique menée différemment, c’est bien l’apport qualitatif à la construction de la société qui prime. Le poids économique en termes d’emploi est difficile à évaluer (100 000 ou 200 000 équivalents temps plein ?). 100 000 emplois supplémentaires ne seraient pas superflus. Il n’est de toute façon pas possible de mesurer l’importance du secteur par son poids économique. L’air qui remplit un pneu de vélo ne pèse rien, mais le vélo ne fonctionne pas sans cela. Si on ne maintient pas dans le secteur les associations historiques, pionnières, qui ont créé les métiers de l’aide à domicile, nous risquons de perdre les « entrepreneurs de sens » (Jean-Baptiste de Foucauld) dont nous aurons tant besoin demain. Angers, 2 décembre 2004 29 3e colloque Anjou Domicile Débat Comment valoriser les services rendus par l’économie sociale ? Jany Nahon, présidente de la Plate-Forme de Services aux Particuliers DOM’INNO (Avignon) Comment les acteurs de l’économie sociale, non performants au regard des grilles d’analyse traditionnelles, peuvent-ils faire émerger des indicateurs suffisamment innovants et reflétant leur action auprès de leurs partenaires ? Henry Noguès Je pense qu’il faut faire le deuil de vouloir tout mesurer, car cela oblige à des contorsions intellectuelles et morales. Pour autant, certains indicateurs sont intéressants. Il est possible d’obtenir des indications sur la qualité d’un accueil ou de services apportés à domicile. Il faut que les acteurs soient associés à la définition des indicateurs qui permettraient d’améliorer la qualité des services rendus, car une grille imposée ne serait probablement pas adaptée. 35 équipes de recherches au plan national ont travaillé à la définition d’indicateurs que je vous invite à consulter (par exemple ceux de Nadine Richez-Battesti et Maurice Parodi), même s’ils ne sont pas forcément destinés à devenir des indices globaux. Les acteurs de l’économie sociale (les personnels, les conseils d’administration) doivent être des vecteurs de communication, traduisant la complexité et les enjeux du secteur, ainsi que leur projet en termes de qualité. De mon point de vue, seul un travail de partenariat peut faire avancer la réflexion, aussi bien au niveau des chercheurs que des acteurs de l’économie sociale. Angers, 2 décembre 2004 Alain Olivier, président de la Mutualité française Anjou-Mayenne Il est important de rappeler les valeurs sur lesquelles repose l’économie sociale : la démocratie et la place de l’être humain au centre de ses préoccupations. En dehors de rassemblements comme les colloques d’Anjou Domicile, qui montrent bien la diversité du secteur, les acteurs de l’économie sociale éprouvent une difficulté quasiment génétique, ou en tout cas spécifiquement française, à travailler ensemble et à définir des projets. Nous oublions trop souvent le principe fondamental de la démocratie qu’est la complémentarité : nos différences nous enrichissent et ne doivent pas nous diviser. Avant d’en appeler aux pouvoirs publics, il me semble donc que c’est à nous, intervenants de l’économie sociale, de nous investir pour être des acteurs incontournables sur le terrain. Henry Noguès Je rejoins votre constat : les acteurs de l’économie sociale manquent de cohésion, de coopération et d’échanges et ne mutualisent pas assez leurs pratiques. Il existe bien des marges de progrès internes. Quelle place pour les associations dans l’économie sociale ? Jean-Louis Lelièvre, viceprésident d’Anjou Domicile et directeur de la fédération ADMR Je félicite monsieur Noguès pour la qualité de son intervention, tout en l’engageant à utiliser les termes d’aide à domicile, d’auxiliaire de vie sociale et de technicienne de l’intervention sociale et familiale (TISF). L’emploi du mot « aideménagère » est en totale contradiction avec sa démonstration. 30 3e colloque Anjou Domicile Les propos tenus sur les personnes âgées sont également valables pour l’aide aux personnes handicapées. Le handicap a été tellement occulté que le travail à accomplir est considérable et le champ des emplois immense. En matière d’aide aux familles en difficulté, n’oublions pas le rôle essentiel joué par les professionnelles que sont les TISF, sous le regard de tiers qui sont les associations, et qui ont une action de médiation et de régulation. Le plan Borloo annonce un potentiel de 500 000 emplois dans le secteur des services à domicile. Ne devrait-on pas d’abord permettre aux associations de se développer, en donnant les moyens de quitter un emploi pour exercer un mandat associatif ; ne pourrait-on pas solvabiliser les personnes en difficulté en créant un impôt positif ? Une fois ceci réalisé, les acteurs auront les idées pour créer de l’emploi et des services. Mais l’expertise de l’usager qu’a évoquée Hervé Carré n’est possible que si l’on permet aux associations de fonctionner, et à ceux qui ont besoin d’aide de payer les services demandés. Le plan annoncé remettra probablement en cause une partie de la réglementation du plan précédent que nous venons seulement de nous approprier. Quelle place a été laissée à notre initiative dans tout cela ? Henry Noguès Je plaide coupable concernant l’emploi d’un vocabulaire dépassé, mais qui n’a dans mon esprit aucune connotation disqualifiante. Les acteurs dans le secteur du handicap se sont toujours méfiés du rapprochement avec le secteur des personnes âgées, car les moyens dégagés pour les personnes handicapées sont souvent supérieurs. Une loi concernant l’égalité des chances, actuellement en débat, amorcerait un rapprochement. De fait, la France est seule en Europe à opérer une distinction, et donc à ouvrir des droits différents, entre les personnes déclarées handicapées avant ou après Angers, 2 décembre 2004 l’âge de 60 ans. Cette discrimination par l’âge n’est pas pertinente. J’approuve votre opinion sur les risques que comporte tout face-à-face, que cela soit pour la personne aidée ou aidante, ou même entre conjoints. Une relation construite est importante, dès lors qu’une situation de dépendance existe. Dans ce contexte, déclarer que la personne dépendante est l’employeur de la personne qui l’aide est une fiction juridique absurde. Le secteur des services, en particulier des services aux personnes, est moins développé en France que dans d’autres pays. Le financement de la protection sociale sur l’emploi, qui pénalise les activités de main-d’œuvre, est moins favorable qu’un financement plus fiscalisé. Dans certaines associations, la collectivité territoriale doit abonder pour majorer de 30 à 40 % le coût de l’emploi, dont les chiffres ont été anormalement contenus. Sans pour autant privilégier le secteur associatif, je demande aux pouvoirs publics d’être neutres, de ne pas étouffer la vie associative. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne sont pas respectueux de toutes les formes d’entreprendre. Or, on ne peut pas encourager le bénévolat sans donner aux associations les moyens de former les personnels et les animateurs. Il s’agit d’un déficit grave. Pourquoi n’existe-t-il pas de Scop dans le secteur ? Pourquoi les professionnels eux-mêmes ne s’engagent-ils pas dans ce domaine ? Il est vrai que les risques sont importants : les associations sont indépendantes mais ont des financements très contraints. Il me semble que des innovations s’imposent, même si elles sont risquées, car les marges de progrès sont immenses. Si les associations et plus généralement les acteurs de l’économie sociale ne se montrent pas actifs, le secteur risque de s’appauvrir et d’avoir recours à d’autres formes d’économie. 31 3e colloque Anjou Domicile En résumé, je plaide pour une économie plurielle et un Etat respectueux de toutes les formes d’entreprendre. Pour le respect de toutes les formes d’entreprendre Guillaume Richard, directeur associé de O2 J’ai créé, avec mes capitaux propres, la société O2, qui est une entreprise privée de services à la personne, dans le domaine des services domestiques « de confort ». J’estime qu’il ne faut pas opposer entrepreneurs économiques et entrepreneurs de sens. Il est possible d’investir son capital dans une entreprise privée, dans une démarche porteuse de sens et avec une responsabilité sociale et civique. L’éthique dans l’entreprise privée fonctionne et crée des emplois. La finalité sociale d’une activité n’est pas conditionnée à la structure juridique adoptée : n’opposons pas entreprises privées et associations dans ce secteur. Henry Noguès Jean-Baptiste de Foucauld ne les opposait pas en déclarant : « nous aurons demain autant besoin d’entrepreneurs de sens que nous avons eu besoin hier d’entrepreneurs économiques. » Mon propos n’est pas non plus de diaboliser une forme d’économie. Angers, 2 décembre 2004 Le secteur lucratif sait dorénavant qu’une économie ne fonctionne pas seulement avec des valeurs comme l’appât du gain ou la rentabilité du capital, a fortiori lorsque les taux demandés sur les marchés internationaux avoisinent 15 % et imposent des organisations non respectueuses de l’environnement et des hommes. Les entreprises économiques n’échappent donc plus à la question du sens. Pourtant, lorsque la logique de la rentabilité du capital prédomine, celle-ci reste accessoire. L’entreprise artisanale fonctionne différemment, car l’artisan est impliqué dans son territoire, rend des services à la communauté dans laquelle il vit. La qualité du service, la confiance sont primordiales. Beaucoup d’initiatives artisanales ont d’ailleurs créé des services dans le cadre de l’économie sociale (coopératives d’avitaillement pour les marins, etc.). Quand l’économie sociale est un lieu de débat, elle est naturellement plus porteuse de sens que d’autres formes d’économie. C’est pour cela qu’elle ne doit pas les singer, d’autant plus que son propre mode de fonctionnement peut devenir un modèle. L’enrichissement mutuel constitue l’intérêt et l’enjeu d’une économie plurielle. En revanche, une forme d’économie ne peut en exclure une autre d’un champ d’action. 32 3e colloque Anjou Domicile Pistes d’action et de réflexion pour un développement durable des associations de services à domicile par Jacques STERN, directeur de l’association ADT (aide à domicile pour tous) à Nantes, trésorier général de la Mutuelle Atlantique, vice-président de la Chambre Régionale d’Economie Sociale des Pays de la Loire. Le développement durable n’est pas une préoccupation constante d’une structure d’aide à domicile, car la notion apparaît très globale par rapport à notre action quotidienne. La qualité des services, la capacité à répondre, la formation, la solvabilité, le financement, etc., sont autant de préoccupations qui occultent une réflexion politique ou philosophique à moyen terme. Je pense que nous devons pourtant situer notre action dans cette perspective. Tous les personnels d’aide à domicile, qu’ils agissent dans le domaine éducatif, social, ménager, d’accompagnement ou soignant, ont la responsabilité d’apporter plus de bien-être à la société et aux citoyens, et de permettre que tous aient accès à un fonctionnement familial et collectif aussi confortable que possible. En matière d’aide éducative, les services d’intervention sociale et familiale sont en contact permanent avec des familles en difficulté, qu’elle soit sociale, économique ou psychologique. Nous avons le souci d’éviter les ruptures et les chocs affectifs que sont les placements d’enfants, et de les aider à construire un avenir familial. J’insiste sur ce point car en présentant le secteur sous son seul aspect économique, en tant que générateur d’emplois, on fait l’impasse sur des fonctions sociales essentielles. Financer nos emplois de proximité L’aide à domicile représente beaucoup d’emplois, essentiellement de proximité. Différentes fédérations (ADESSA, ADMR, UDASSAD) produisent des statistiques régionales. En Pays de la Loire, les services à domicile emploient plus de 4 000 équivalents temps plein (ETP), c'est-à-dire un chiffre supérieur à celui des mythiques Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire. Répartis sur l’ensemble du territoire, ces emplois ne sont pas apparents. J’estime que nous devons travailler à les rendre visibles. Il est essentiel de rappeler que ces services ont massivement créé de l’emploi ces dernières années, contrairement à ce que le plan Borloo veut nous faire croire. L’association ADT que je préside employait moins de 100 ETP voici neuf ans et plus de 220 aujourd’hui. Le développement des autres associations est comparable au nôtre. Ce développement ne va pas de soi : il faut pour cela trouver le personnel qualifié et le financement. Il n’est pas acceptable d’annoncer que le secteur des services d’aide à la personne offre un gisement d’emplois, sans donner les moyens aux associations de les créer. Des réformes s’imposent, en particulier dans le domaine de la fiscalité qui offre des réductions d’impôts de plus en plus importantes aux revenus élevés. Le système actuel ne profite pas aux faibles revenus. Avec la même enveloppe que les réductions fiscales accordées, on pourrait répartir différemment l’aide aux bénéficiaires potentiels des services à domicile. Angers, 2 décembre 2004 33 3e colloque Anjou Domicile Bâtir les filières de formation des personnels L’évolution a été sensible ces dernières années, avec la prise de conscience du savoirêtre et du savoir-faire que requièrent ces métiers. Pourtant, le système éducatif actuel ne produit pas suffisamment de personnes diplômées en aide à domicile pour nous permettre de faire face à nos besoins. Nous formons nous-mêmes nos personnels, sur nos propres budgets. Les grandes entreprises bénéficient de centres de formations (centres d’apprentissages agricoles, industriels) financés par la collectivité. Le dispositif de formation doit intégrer ces métiers dès maintenant pour ne pas en laisser la responsabilité aux seules associations. Il est essentiel de s’emparer de cette question, pour notre avenir et dans une perspective de développement durable. Les métiers d’aide à domicile sont variés et chacun demande une formation spécifique : l’aide éducative, l’accompagnement auprès de personnes dépendantes, l’accompagnement à la vie quotidienne, etc. Les diplômes qui se créent prennent en compte cette dimension, mais il importe de poursuivre nos efforts. Nous avons mis en place un dispositif de développement de la formation au niveau régional en 2003. Il n’a pas rempli tous ses objectifs en 2004 mais il y parviendra probablement en 2005, avant d’être remis en cause car le dispositif ne dure que trois ans et nous ne sommes pas certains de pouvoir le reconduire de 2006 à 2009. Nous avons besoin de l’aide de l’Etat pour travailler à long terme sur la problématique de la formation. Construire des carrières La possibilité de faire carrière dans ces métiers est essentielle dans une perspective de développement durable. Le secteur a longtemps été régi par une convention collective qui prenait inexorablement du retard sur le SMIC, car elle était indexée sur la fonction publique. Une telle situation est due en partie à une certaine mollesse politique, mais également au manque de combativité du secteur associatif, facilement culpabilisé par les questions financières. En juillet 2003 a été entamée une réévaluation des salaires basée sur le secteur sanitaire et social, qui doit être complète en 2006. Cette évolution est difficile car le pas est au minimum de 30 % sur 3 ans. Je suis inquiet de constater la multiplication des dépôts de bilans d’associations. Les organismes finançant nos services (conseils généraux, organismes de sécurité sociale) n’ont pas su anticiper ces évolutions et demandent aux associations d’augmenter leur prise en charge. Une association ne peut pas perdre 1 euro par heure sur tous ses emplois ! Réexaminer les services en place pour leur permettre de se consolider est une priorité. On ne peut pas parler de développement durable avant de trouver les moyens de maintenir la situation actuelle. Inventer et mutualiser les outils associatifs Nos réseaux d’associations et nos fédérations sont organisés différemment, mais tous ont la capacité de mettre en œuvre des moyens mutualisés entre plusieurs associations, comme un réseau informatique, une gestion financière, des dispositifs de formation. Il faut entamer cette réflexion pour éviter que le développement de nos services implique la construction d’une gestion complète pour chaque association. Une association ne peut pas se doter de toutes les expertises nécessaires pour son activité : un formateur, un expert-comptable, etc. Nous devons accepter de construire ces moyens collectivement car il en va de notre développement et de sa durabilité. Engager une réflexion sur le sens du projet associatif Le bénévole est traditionnellement engagé dans l’action quotidienne et concrète, la rencontre avec les personnes. Ce type de militantisme se reconnaît parfaitement dans l’action caritative. Il me semble que les services d’aide à domicile reposent sur une Angers, 2 décembre 2004 34 3e colloque Anjou Domicile autre forme d’engagement, incluant la conviction, le militantisme politique, la projection dans l’avenir. Ce passage d’un militantisme de l’action à celui de la construction de projet, dans lequel la recherche du sens est permanente, est un mode d’engagement qui n’est pas accessible à tous. La pérennisation de notre modèle d’organisation exige que nous entamions cette réflexion. Le débat sur l’intrusion de l’économie de marché dans le secteur me semble un faux problème. Des entreprises privées ont bien essayé de s’y développer, mais elles n’ont pas réussi pour le moment à créer des structures compétitives sur le plan économique et social par rapport aux associations. Le potentiel de plus-value est faible dans ce secteur où les salaires représentent 90 % des budgets. En conclusion, je pense que l’avenir de nos associations passe par la concertation avec les pouvoirs publics, qui seraient bienvenus de cesser de produire à échéances rapprochées des plans issus d’énarques. Je juge fallacieux et artificiel le plan Borloo. Le développement durable passe par la recherche de voies originales, une vision à long terme et concertée avec les acteurs de terrain. Débat Gérard Charbonnier, président du COORACE Pays de la Loire J’appelle Jacques Stern à la prudence au sujet de l’ouverture du secteur à la sphère marchande. Ainsi, le secteur de l’insertion se croyait en dehors du domaine marchand, même en créant des structures de recyclage de déchets. Or cette problématique étant devenue majeure, les associations se trouvent maintenant confrontées à la concurrence d’entreprises privées. Jacques Stern Je ne dis pas que les services marchands ne se développeront pas, mais ils ne doivent pas nous inquiéter. Dans le secteur sanitaire et social, très contrôlé et protégé, les entreprises du secteur marchand se sont effectivement implantées, par exemple en créant des maisons de retraite. La Lyonnaise des eaux a échoué en revanche à créer une plate-forme de services à Nantes voici quelques années. Je pense que le secteur associatif doit faire valoir sa capacité à bâtir des projets, à leur donner une réalité économique, à être des acteurs viables sur le territoire. Si l’Etat décide de favoriser les entreprises privées, notre situation deviendra peut-être difficile. Nos taux de développement, de l’ordre Angers, 2 décembre 2004 de 3 à 6 % par an, laissent à penser pourtant qu’elles peineront à prendre notre marché. Jean-Paul Couvois, directeur d’ISAD 93 (Plate-Forme de Services aux Particuliers de Seine-Saint-Denis) En matière de formation professionnelle, des moyens existent mais sont trop peu visibles. En Seine-Saint-Denis, nous avons mis en place un comité de pilotage sur la validation des acquis de l’expérience, rassemblant des OPCA et différents valideurs, pour monter une action commune financée par le conseil général et le FNAD. Tout est possible, mais il faut chercher les moyens et les mutualiser pour que l’ensemble des salariés ait accès à la formation. Jacques Stern Je précise que notre programme de formation trisannuel en Pays de la Loire a été bâti avec des fonds régionaux, nationaux et européens. Il est effectivement possible de trouver des moyens, même si l’attribution des fonds européens revêt un caractère injuste, car les structures dépassant 200 équivalents temps plein ne peuvent obtenir de financement. 35 3e colloque Anjou Domicile Colloque organisé grâce au concours de Angers, 2 décembre 2004 36 3e colloque Anjou Domicile Liste des participants Nom Prénom Organisme Fonction Yves Coopérative AVISO Coopérateur Jean Claude URACCS Président Jeannine ADMR Val du Poète Présidente Jean-Christophe demandeur d'emploi Jacques Mutualité Française Anjou Mayenne Administrateur AUDUREAU Yvan Multiservices Responsable AUVINET Céline ASPIRE Service Encadrante BARRE Sylvie Dispositif Vie Autonome Chargée de Mission BARRÉ Annie AEFS Administratrice BARRÉ Claude ADMR les Genêts d'Or Présidente BAYEUX Alain Tremplin Travail Administrateur BENARD Jean-Pierre CRES Pays de la Loire Membre du bureau BERNARD Jeanne ESTHUA Etudiante BERNIER Guy Crédit Mutuel d'Anjou Directeur Général BINAUD Harmony MFR La saillerie Elève Equipe organisation BINET Michelle AAFA TISF BLIGUET Philippe Tremplin Travail Directeur BOSSARD Bénédicte Ménage Service Cholet Directrice Pierre APDM Président Philippe Point Info Services à Domicile du Gard Responsable Odile CFDT Philippe Inter CE DACC Directeur BOUTHEON Dominique Office services 66 Directeur BOUZMAME Bouchra Chèque Domicile Déléguée régionale BRARD Suzanne Basse Vision Assistante Sociale BROSSARD Chloé MFR La Saillerie Elève Equipe organisation CAILLAUD Jacqueline CFDT Sylvaine CRAM Pays de la Loire AGUILA ALBARRACIN ALLIOT ALQUIER ANTIER BOSSE BOULET BOUMIER BOURGETEAU CAILLET Angers, 2 décembre 2004 Assistante Action Sociale Retraite 37 3e colloque Anjou Domicile CAROUX Christophe Etudiant ESTHUA CARRE Hervé Mairie d'Angers Adjoint au maire et intervenant CERTEAUX Roland Association Angers Service 3ème Age Secrétaire CHABOSSEAU Philippe SADEL Directeur Adjoint Jacqueline Aide et Présence Présidente Jean-François ANPE Montesquieu Conseiller à l'emploi CHANET Xavier Crédit Agricole Responsable associations CHARBONNIER Gérard COORACE Pays de la Loire Président CHARBONNIER Chantal MFR La Saillerie CHOLOUX Hélène Anjou Domicile Jean Crédit Mutuel Anne-Marie AAFP Présidente COCHET Eric UDCCAS Président COHEN Jocelyne CQFD Directrice Jean-François Proxim Services Trésorier COSTE Hélène MFR La Saillerie Elève Equipe organisation COURSIMAULT Marcel Tremplin Travail Trésorier Jean-Paul ISAD 93 Directeur CRUAU Fernand Inter CE DACC Anjou Domicile Administrateur Président DAGUIN Sophie CHABOT CHAMPAIN CLERC CLOCHARD CORDONNIER COUVOIS DAVY Jean-Luc Secrétaire comptable Rédactrice Commune de Daumeray Maire et intervenant CAF/MSA/Conseil général Conseiller technique petite enfance Renaud Fédération ADMR Sous directeur Christiane AFAD Directrice Annie SIDPA Infirmière coordinatrice DELEPINE Monique Association Angers Service 3ème Age Présidente DEMAURE Jean-Claude DEVANNE Jean-Pierre Commune de St Christophe du Bois Adjoint au maire François Autan Tourisme Associé / conseil qualité DE LA MONNERAYE DE LA RUELLE DELAHAYE DELALANDE DIBOT Angers, 2 décembre 2004 Intervenant 38 3e colloque Anjou Domicile DUPLOUY Laure Proxim Services Stagiaire DUPUIS Michel Fédération ADMR Président Françoise Fédération ADMR Vice Présidente RH Fédéral DUVEAU Louis Fédération ADMR Vice président ESNAULT Marie Cécile ADMR Le Louet Trésorière FERRANDEZ Sandie ESAG Lieutenant FOUCHET André Commune de Saulgé l'Hopital Maire adjoint FRBEZAR Emile GARNIER Claire Acor Conseil Consultante Dominique CCAS les Ponts de Cé Directeur GENDRON Nicole CCAS les Ponts de Cé Vice présidente GERFAULT Alice Commune de Montreuil-Juigné Adjointe au maire GERMAIN Michèle MFR La Saillerie GERMOND Charlotte Clic Loire Authion GIBOUIN Emile FNARS GILBERT Patrick CAS ville d'Angers Président GILET Monique UTR CFDT Maine-et-Loire Secrétaire GIMZA Jean-Luc CODERPA Commission Animation Information Pascal ESSCA Docteur en économie GOUPIL Christophe Mutuelle du Cher Directeur Adjoint GUERIN André RELAIS EMPLOI Secrétaire Fabienne CRES Pays de la Loire Secrétaire Générale Clotilde Acor Conseil Stagiaire HAVAS Jean Conseil Régional des Pays de la Loire Conseiller Régional JAGUIN Marie UDASSAD 49 Chargée de développement JARRY Elie GROUPAMA JARRY Annick CRAM Pays de la Loire Chargée de Mission Jean-Michel Bataclown Acteur DUQUESNE GAUDICHET GLEMAIN GUILLEMOIS GUILLON JOUANNE Angers, 2 décembre 2004 Coordinatrice 39 3e colloque Anjou Domicile JUTEAU Christine Lycée Robert d'Arbrissel LAFOLIE Juliette Pôle d'Activités de Services d’Aix en Provence Jean IRCANTEC Sous directeur LARCHER Isabelle Proxim Services Responsable de secteur LARCHET Jean-Pierre ADMR de Feneu et environs Bénévole Julie MFR La Saillerie Elève Equipe organisation Marjolaine IFRADE DESS Etudiante LE FLOCH Caroline Association d'Aide à la Mobilite Présidente LE LEZEC Marcel Crédit Mutuel d'Anjou Administrateur fédéral LE YONDRE Maéva ESTHUA Etudiante Christiane UDAD Présidente Isabelle Ménage Service Angers Responsable de secteur LECLAIR Bernadette Association Aide Familiale Populaire Directrice LECLERC Jocelyn Pôle Emploi Services Hérault Chef de projet LEFEUVRE Nathalie Association Aide Familiale Angevine Cadre de secteur LELIEVRE Jean-Louis Fédération ADMR Directeur LELIEVRE Elodie MFR La Saillerie Elève Equipe organisation LEMAITRE Jeanne MFR La Saillerie LESTY Antoine Les jardins du cœur intervenant LOWES Bernard ASSADOM Administrateur MABI Bernard CCAS Angers Responsable de service Nicole ESP 38-VIVIAL Administratrice MACOUIN Violette AEFS Directrice MAILLET Bernard FNARS Pays de la Loire MAILLET Gisèle RELAIS EMPLOI Trésorière MALINGE Monique AIDES Directrice MARCHAND Philippe ESSCA Enseignant Louis Alternatives Economiques Journaliste et intervenant LAOUR LAURENDEAU LE COCQ LEBEAU LEBRETON MACKIEWICK MAURIN Angers, 2 décembre 2004 Enseignante 40 3e colloque Anjou Domicile MENANTEAU Valérie Harmonie Mutualité CE Membre CE MENARD Jean-Marc Travail Plus Responsable MENARD Valérie Harmonie Mutualité CE Assistante administrative MENARD Marie-Madeleine RELAIS EMPLOI Présidente MERLET Joseph CRES Pays de la Loire Président MOREAU Maurice Association Entraide Familiale et Sociale Président MORINIERE Odile MFR La Saillerie Accompagnatrice MORTIER Anne Commune de Bouchemaine Maire adjoint MORVAN Colette CCAS Angers Chargée de développement MOTHU Florence Syndicat Santé-sociaux angers CFDT Déléguée syndicale MOUCHARD Thierry Inter CE DACC Président NAHON Jany DOM'INNO Présidente NAITALI Danielle UDASSAD 49 Présidente NOGUES Henry Université de Nantes Intervenant NURENI Cécile MFAM Directrice Pôle Personnes âgées PARCHER Colette Association Angers Service 3ème Age Membre du bureau PEAN Pierre ASSADOM PEGE Marcel Aden coup de pouce Président Proxim Services Présidente Ville de St Barthélemy d'Anjou Maire PERRIN PETTORELLI Aude Louise PILLET PINEAU Maryline ACTIVE Directrice PLACAIS Yves CE BNP Paribas Groupe d'Angers Secrétaire du CE Pascale Fédération ADMR Sous directrice POIRIER Anne MFR La Saillerie Accompagnatrice PORCHER Aline Aide aux Mères Présidente POUPELIN Michelle IREO le Cèdre Présidente PRESSELIN Jean Jardin de Cocagne Président POHU Angers, 2 décembre 2004 41 3e colloque Anjou Domicile QUANTIN Martin Les jardins du cœur intervenant Ghyslain MFR La Saillerie Elève Equipe organisation RABILLER Hélène CE Crédit Agricole Secrétaire Administrative REVEAU Laure Anjou Domicile Coordinatrice RICHARD Jeannine ADMR Val du Poète Trésorière RICHARD Guillaume O2 Directeur associé RIPAULT Marcel RIPOCHE Marie-Agnès Lycée Robert d'Arbrissel Enseignante Odile Commune de Rochefort sur Loire Marie-Pascale Commune de St Lambert la Potherie Conseillère Municipale déléguée aux personnes âgées Adjointe affaires sociales, vice présidente CCAS RUTTEN Pascal Vie à Domicile Directeur SALLE André Acor Conseil Consultant Eric ADMR Loir et Sarthe Bénévole SAULNIER Sophie MFR La Saillerie Elève Equipe organisation SAUTEJEAU Pascal MFR La Saillerie Directeur Jacqueline CFDT SIMONEAU Jacques Harmonie Mutualité CE Secrétaire CE SOUSSAN Jocelyne ACAD Directrice SUREAU Marie Thérèse Association des Familles Directrice Jacques Aide à Domicile pour Tous Directeur et intervenant TEINTURIER Marie Anjou Domicile Chargée de développement TESNIERE Michel COORACE 49 Président Jean-Yves UD CFDT Secrétaire Général Grégoire MFR La Saillerie Accompagnateur THOMAS Denise Fédération ADMR Conseillère Fédérale THOMAS Sylvia MFR La Saillerie Elève Equipe organisation THOUIN Danielle UD CFDT Secrétaire départementale Loïc Ville d'Angers Christel SSIAD Le Bocage QUÉRU ROBIN ROMEDENNE SALMON SIMON STERN TESSIER THIBOUVILLE TOUBLANC TRICAUD Angers, 2 décembre 2004 Infirmière coordinatrice 42 3e colloque Anjou Domicile VALENTIN Patrick AAPAI Katia ESAG VERMEULEN Bertrand MEDERIC Délégué VERON Martine Aide aux Mères Directrice VIGNOL Gaël MFR La Saillerie VEAU YARHFOURI ZAÏZ DDSS Karima Bataclown 36 élèves MFR La Saillerie 20 élèves ESTHUA Angers, 2 décembre 2004 Directeur Elève Equipe organisation Adjointe au responsable du pôle action Gérontologique actrice 43