15/01/2009, Matin
De la reproduction aux inégalités d’accès au savoir
Bertrand Geay, Sociologue, CNRS, Université de Picardie, Jules Verne.
Historique de la construction des savoirs en sociologie de l’éducation
Travaux à replacer dans leur contexte historique. Sciences sociales pas cumulatives.
1 / Période fondatrice, fin XIXe, début XXe.
Préoccupation d’unification nationale (langue, morale, histoire etc.). Exemple : Durkheim et sa postérité. Sociologie
qui se veut scientifique par l’utilisation de données statistiques pour dégager des régularités, mais qui cherche
aussi à comprendre le lien social. La question des rapports entre école et société est centrale.
2 / L’après-guerre
Préoccupation de construction de l’école unique. Plan Langevin-Wallon (pas appliqué).
La sociologie empirique se développe, à l’INED, à l’INSEE.
A partir des années 60, des sociologues de formation philosophe combinent cette approche empirique et une
élaboration théorique (Bourdieu, Les héritiers, 1964). La question des inégalités devient centrale, au centre des
controverses théoriques.
3 / A partir des années 1980
Arrivée de la gauche au pouvoir puis crise idéologique. Institutionnellement : décentralisation, autonomie des
EPLE, ZEP.
En sociologie, traitement en parallèle de la question scolaire de manière plus locale : les établissements, les
enseignants, les élèves, les violences scolaires, les « banlieues » etc. Utilisation de méthodes plus ethnographiques
et changement de paradigme avec la diffusion massive de l’interactionnisme.
Cf. Franck Poupeau, Une sociologie d’Etat, L’école et ses experts en France, 2003.
Exemples : l’ « effet établissement », le management d’établissement (importation de la sociologie de Crozier), les
savoirs et le curriculum.
Mais les travaux qui marquent le plus hybrident sociologie de l’éducation de tradition française et approche
interactionniste (Régine Sirota, Agnès Van Zanten). Exemples également : Stéphane Beaud qui adopte une
méthode ethnométhodo (80 % au bac … et après ?) ; Bernard Lahire qui prolonge les travaux de Bourdieu en
prenant en compte les spécificités individuelles.
Nouveau tournant depuis les années 2000 ?
Préoccupation autour des trajectoires sociales, des inégalités. Retour en arrière ou rééquilibrage ?
Exemple : Deux colloques.
Mai 1993, INRP : Pour un nouveau bilan de la sociologie de l’éducation. Bourdieu absent physiquement, mais
l’enjeu semblait de dépasser cette approche.
Juin 2008, Nantes, AFS. Participants : A Van-Zanten, Pierre Merle, Rocheix. Construction extra-scolaire des savoirs,
retour des classes sociales, certification et usage des diplômes. Dépassement des oppositions qui structuraient les
années 80 : global / local etc.
Deux apports importants :
- L’ethnographie et l’interactionnisme
- Les savoirs et les curricula
L’ethnographie et l’interactionnisme
Importation de la sociologie américaine. Mais sans les conditions d’apparition : opposition au fonctionnalisme
(Durkheimisme appauvri), avec l’émergence de l’ « Ecole de Chicago ». Point central de la controverse : une norme
qui existe et dont il faut mesurer les écarts entre pratiques et normes OU comprendre la construction de ces normes
dans les interactions.
L’importation en France, « contre » la sociologie critique de tradition française, se fait pour répondre à la
commande publique, mais masque les proximités entre ces deux sociologies (« constructivisme », idée
d’interactions, de jeu, de variations dans le jeu selon les dispositions individuelles). Opposition qui a été
caricaturée.
La démarche change : les travaux empiriques sont un point de départ et non plus une simple illustration d’un
modèle théorique. L’itinéraire de Stéphane Beaud est emblématique : reprend le « terrain » de Michel Pialoux,
Stage national de l’APSES