A) La culture - Où souhaitez vous être redirigé

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ANTHROPOLOGIE SOCIALE ET CULTURELLE,
ANNEE 2010-2011
L’objectif de l’anthropologie n’est jamais de faire contraster notre société avec d’autres. On considère toutes
les sociétés comme des variantes de l’expérience humaine globale.
CHAPITRE 1 : L’ANTHROPOLOGIE AU SEIN DES SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA
SOCIETE.
SECTION 1 : GENERALITES : LES CONCEPTS DE CULTURE ET DE SOCIETE
A) UN INDIVIDU EST PORTEUR D’UNE CULTURE , MEMBRE D ’UNE SOCIETE
On part du fait qu’un individu n’est pas un sujet isolé, autonome. Il est porteur d’une culture et membre d’une
société. Quand on pense à l’homme on a souvent tendance à effectuer une dichotomie entre l’individu et
l’homme universel (dans l’humanité, dans sa biologie). Ce n’est pas en soi illégitime mais il y a autre chose
entre ces deux pôles qui est le domaine du collectif où se situent la société et la culture. C’est ce qui intéresse
l’anthropologie car dans la vie quotidienne personne n’est seulement un individu et personne ne correspond
uniquement à l’image d’homme universel. Les collectivités sont différentes les unes des autres et construisent
les individus. La façon dont les hommes vont penser le monde est différente selon la collectivité.
On peut donner l’exemple du rapport entre l’homme et la maladie. Dans le pôle individuel on trouve le vécu
individuel de la maladie, ce qui induit la psychologie, la situation personnelle du malade. Déjà ce vécu est influencé par la société, car on est considéré d’une façon ou d’une autre si on a une maladie contagieuse par
exemple. Dans le pôle universel, on trouve le virus, la transmission. Ce pôle est aussi influencé par la société et
la culture. On peut prendre l’exemple de l’île de la réunion où des épidémiologues ont observé des différences
de contamination par des parasites. Ils ont fait appel à un anthropologue : les différences étaient ethniques :
les foyers habités par des indiens n’étaient pas contaminés de par les pratiques religieuses de cette population.
Dans le domaine du collectif on trouve la façon dont une maladie est perçue, interprétée, expliquée, la façon
dont cette perception conditionne les rapports avec le malade et les remèdes qu’on va chercher.
Le but de l’anthropologie est d’apprendre à regarder le monde à partir d’un regard qui n’est pas le notre.
Sans le savoir, nous sommes modelés par un système qui est autour, un système, une organisation des rapports sociaux. Par exemple, dans les sociétés occidentales, on a la notion de culpabilité, de faute (ce qui entraine la psychanalyse) ; ceci est influencé par le judéo-christianisme. Dans les sociétés africaines, on rejette la
faute à l’extérieur.
Dans le quotidien, on sent cette différence.
Le fait de ne pas percevoir le conditionnement par sa culture propre est l’ethnocentrisme. C’est un phénomène
partagé par toutes les sociétés. L’anthropologie nous apprend que notre système de valeur et notre système
social est une possibilité parmi d’autre.
B) CULTURE COMME SYSTEME DE SIGNIFICATIONS . ATTRIBUER UN SENS , UNE VALEUR
Le terme culture a deux acceptions différentes :
1) L A CULTURE COMME ATTRIBUT ESSENTIEL DE LA CONDITION HUMAINE .
Elle apparaît comme quelque chose d’universel, car tous les hommes ont une culture. Cf Polycopié documents
I:
-
-
la culture comme inhérente à la condition humaine collective, Tylor (1871) : « ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit, les coutumes, ainsi que toute disposition ou
usage acquis par l’homme vivant en société »
la culture comme la modification par l’homme de la nature, Herskovits (USA, 1 er moitié du XXe) : « la
culture est ce qui dans le milieu est dû à l’homme »
la culture comme modèle de significations, Geertz (1972) : « un modèle de significations incarnées
dans des symboles qui sont transmis à travers l’histoire, un système de conceptions héritées qui
s’expriment symboliquement, et au moyen desquelles les hommes communiquent, perpétuent et développent leur connaissance de la vie et leurs attitudes devant elle »
Ce sont trois définitions différentes mais qui ne s’opposent pas, qui se complètent. Une des caractéristiques de
la culture est la faculté symbolique1, mais également la transmissibilité.
2) L A CULTURE COMME UNE FAÇON D ’ APPREHENDER LE MONDE , LES CULTURES
En quoi consistent ces différences ? Peut-on compter le nombre de cultures dans le monde ? Peut délimiter
une culture ?
Il y a des différences d’échelle. Le terme culture est un concept que l’anthropologue va appliquer selon
l’enquête qu’il va faire. Le groupe qu’il étudie est la culture. De ce fait, on ne peut pas compter les cultures.
Lévi-Strauss (1958) : « Nous appelons culture tout ensemble ethnographique qui, du point de vue de l’enquête,
présente, par rapport à d’autres, des écarts significatifs ».
Ecarts significatifs : « Si l’on cherche à déterminer des écarts significatifs entre l’Amérique du Nord et l’Europe,
on les traitera comme des cultures différentes ; mais, à supposer que l’intérêt se porte sur des écarts significatifs
entre (…) Paris et Marseille, ces deux ensembles urbains pourront être provisoirement constitués comme deux
unités culturelles » (Anthropologie structurale, Lévi-Strauss, 1958).
C) LA DIFFERENCE ENTRE CULTURE ET SOCIETE : LA SOCIETE , UN SYSTEME DE RELATIONS
Quand on parle de société, on fait plutôt allusion à des relations entres des individus, entres des groupes, à
la communication. La société c’est le lieu du lien social alors que la culture fournit le modèle de la forme que
doit prendre les relations sociales, c’est un cadre de signification. Cf polycopié documents I.
Exemple : la société de caste en Inde
1
Fait d’attribuer aux objets une signification
SECTION 2 : QU’EST-CE QUE L’ANTHROPOLOGIE ?
C’est une interrogation sur l’étude de l’homme (anthropos : l’homme, logos : le discours) social.
C’est l’étude de la diversité de l’homme comme groupes et comme individu à travers le temps et à travers
l’espace.
Elle a deux grands champs d’observation :
-
Anthropologie biologique
Anthropologie socio-culturelle
Le terme en lui-même apparaît beaucoup plus tard que la Grèce ancienne. Mais les anthropologues font remonter les origines de la discipline à cette époque car des auteurs ont écrits sur des sociétés différentes de la
société grecque et notamment Hérodote ; historien et voyageur, il a fait des études sur « les barbares ». Il accordait beaucoup plus d’attention aux faits qui sortaient de l’ordinaire, il leur donnait ainsi un aspect très
étrange et extraordinaire et les faisait apparaître comme une inversion des valeurs grecques. Elle permet à
Hérodote d’affirmer la valeur et la supériorité de tout ce qui était grec. Le barbare c’était celui qui ne parlait
pas grec (c’est à partir de l’onomatopée « bar » par laquelle les grecs imitaient tous ceux qui ne parlaient pas
grec) mais aussi tout ce qui n’était pas raffiné. Ce n’était pas une position raciste. Cette tendance à se penser
supérieur aux autres n’est pas une exclusivité grecque, ni occidentale. L’ethnocentrisme est présent dans
toutes les sociétés. Dans beaucoup de société, le nom qu’elles-mêmes se donnent correspond au terme
homme et au contraire le terme qui désigne les autres dénigre leur humanité.
ex : les esquimaux s’appellent eux-mêmes : Inuit = homme et les étrangers les Algonkins, ce qui est un mot
étranger (tribus au sud), eux-mêmes appelant les Inuits « esquimaux », ce qui signifie « ceux qui mangent de la
viande crue » (ce qui était méprisé).
A) NAISSANCE DE LA DISCIPLINE
L’anthropologie se forge comme discipline à l’âge moderne. Ses fondements s’étalent à partir du XVe :
1) XV E : LES DECOUVERTES
C’est la période des grandes découvertes et de l’accumulation de matériaux exotiques. Auparavant, les civilisations vivaient isolées, c’étaient des ensembles clos avec des échanges limités et périphériques. Ces découvertes
influencent la connaissance, et cette nouvelle partie de l’humanité que décrivent les missionnaires et les colons
va poser des problèmes, à la fois philosophiques et pratiques.
On voit apparaître deux attitudes différentes envers ces nouvelles populations « sauvages » : mépris et idéalisation. La question est de savoir si ces sauvages faisaient partie de la même humanité que celle des européens,
issus de la même création ? On a le rapport à la Bible. C’est la première réflexion humaine sur la différence. Les
réponses sont divergentes. En gros, ils vont dans le sens d’une affirmation de l’unité de l’espèce humaine. D’un
point de vue théorique, les thèses qui justifient l’esclavage des amérindiens ont été très souvent réfutées
(hommes plus faibles justifiant leur esclavage) ; mais tout ça n’a évidemment pas empêché l’esclavage, qui est
en sus devenu un pilier fondamental du nouveau système économique qui se mettait en place à l’époque.
On assiste donc à la naissance d’une réflexion sur la différence, et la création d’un débat sur le besoin de légitimer la conquête, et plus tard celle de légitimer le colonialisme. C’est la thèse mettant l’accent sur différence
hiérarchique entre groupes humains. Pour certains, cette supériorité ne justifiait pas l’esclavage, mais des systèmes de servage, tutelle, au final très proches de l’esclavage, comme aux EU avec les Amérindiens. Il y aurait
une infériorité de la culture mais pas de la biologie. La question est de savoir qu’est ce qu’être supérieur ou
inférieur.
D’autre part, est apparue une image paradisiaque du nouveau monde. Est apparu un courant de critique, relativiste, dans un contexte où certains ont pris la défense des amérindiens dans le nouveau monde. Exemple de
Bartholomée de las Casas, dominicain qui a pris la défense des amérindiens toute sa vie. Mais la défense est à
relativiser, Las Casas utilisait pour argument qu’il y avait déjà des esclaves (africains). Même s’il est revenu sur
ses propos.
2) XVIII E : DEBUT DE LA REFLEXION SUR LA DIFFERENCE CULTURELLE ET SUR LA DIFFERENCE BIOLOGIQUE
Il y a rupture au 18ème siècle : on sort de la préhistoire de la discipline. On réfléchit de façon plus systématique
sur les matériaux découverts depuis le 15ème siècle, et sur les raisons qui pourraient rendre compte de la différence culturelle, et biologique. On peut dire que le 18ème est marqué par deux caractéristiques, par un
double mouvement, c’est le début de l’ouverture :
-
Certains auteurs pensent que les différences culturelles ne sont que les diverses manifestations d’une
humanité commune : humanité unique.
L’homme n’est plus pensé seulement comme un sujet, mais comme objet de savoir également. Auparavant, l’homme comme objet d’étude n’existait pas. Commence alors l’étude de la biologie de
l’homme, etc.
La réflexion sur la diversité culturelle s’appuie sur la comparaison entre des sociétés ethnographiques (données
acquises lors des grandes découvertes) et les sociétés de l’Antiquité. Le but est d’essayer de comprendre les
différences que ces auteurs voyaient entre les sociétés européennes de l’époque et les sociétés amérindiennes,
sauvages.
Travaux de J.L. Lafitau : il compare les coutumes et institutions des amérindiens avec celles de l’Antiquité. « Les
mœurs des sauvages américains » ; le terme de « sauvage » continue à être utilisé. Cependant, on peut dire
que le sauvage change de statut et il devient primitif. Le terme de sauvage renvoie à la nature (plantes, animaux…) : l’homme « sauvage » est celui à qui on refuse la possibilité d’une culture, qui n’est que nature, hors
de l’humanité. Tandis que lorsqu’on parle de « primitif », on fait entrer les hommes dans l’ensemble de
l’humanité, même si on les place dans les stades les plus arriérés. Lafitau va placer ses conclusions dans des
formes sociales et culturelles ordonnées dans le temps. Les coutumes des amérindiens sont placées dans les
formes les plus arriérées, tandis qu’il place celles de son époque tout en haut. Ces travaux sont évidemment
dépassés aujourd’hui, mais l’important est la pensée de l’époque, et la conception de l’humanité ; ainsi que le
souhait de rendre compte des différences entre sociétés.
Pendant ce siècle, on a l’élaboration d’une première théorie évolutionniste, à la fin 18 début 19ème siècle.
Toutes les sociétés de l’humanité passent nécessairement par une série de stades successifs. Le dernier stade,
le plus évolué, est celui de la civilisation. Sauf, que certaines sociétés prennent plus de temps.
3) XIX E : AFFIRMATION DE LA DISCIPLINE
Se développe une réflexion sur la différence, variabilité biologique, notamment avec Linné, ou Buffon, qui sont
les précurseurs de l’anatomie comparée. Ils considèrent l’homme comme faisant partie de la société de la nature. L’homme ne dépend plus de dieu mais des lois du développement de la nature. On a l’apparition de travaux rigoureux sur l’anthropologie physique. Ils utilisent pour méthodes la description, puis la classification, et
l’interprétation. Les différences physiques sont traitées séparément des différences culturelles. Ou bien, culture et biologie sont traitées conjointement. Cette attitude est aujourd’hui condamnable, mais le contexte de
l’époque est celui d’hommes soucieux de mettre de l’ordre dans les différences observées, avec assimilation
culture/biologie.
Il y a une multiplication des réflexions sur l’espèce humaine, le progrès, les raisons pouvant expliquer les différences culturelles. C’est l’apparition des sociétés savantes, quelques revues, 1855 : création de la première
chaire d’Anthropologie. On fait une séparation entre l’anthropologie biologique et l’anthropologie culturelle.
Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les chercheurs ont accès aux matériaux à partir de références, de récits… fournis
par d’autres, ces mêmes missionnaires qui ont donné peu d’interprétations, mais beaucoup de vocabulaire et
de descriptions sur les « sauvages » chez qui ils s’installaient pour les coloniser et évangéliser.
4) XX E : METHODE ETHNOGRAPHIQUE ( CF POLYCOPIE : L ’ INVENTION DU TERRAIN VU PAR M ALINOWSKI )
L’homme de cabinet est un homme du cabinet, et il y a une rupture au 20ème qui marque la naissance de
l’anthropologie actuelle. Malinowski (polonais) est à l’origine de cette tradition. On est dans le contexte de la
première guerre mondiale. La Pologne faisait partie de l’empire Austro Hongrois, et il vivait en Australie. Les
anglais l’ont donc astreint à résidence jusqu’en 1918 dans l’archipel Trobriand. Il va étudier l’archipel. Il marque
deux observations importantes, dont les méthodes vont ouvrir la tradition :
-
-
Systématisation du travail de terrain : l’anthropologue n’est plus simplement homme de cabinet, mais
de terrain. Malinowski affirme l’importance du travail de terrain en profondeur, et même la connaissance de la langue vernaculaire, etc. pour en arriver à la connaissance d’une société vivante et agissante. Il préconise également de se couper de la société dont l’anthropologue est originaire, et la nécessité de partager la vie des indigènes autant que possible. Il souligne l’importance de collecter connaissances de toutes sortes, même triviales. Il faut voir le monde et les choses tel que les comprennent les sociétés étudiées. C’est une rupture avec les travaux anciens, essentiellement descriptifs. Il
n’a pas été le premier homme de terrain, mais il a été le premier à systématiser tout cela pour donner
une nouvelle méthode d’investigation. Les argonautes du Pacifique occidental (1922), les argonautes
sont les navigateurs. Il y décrit sa systématisation de terrain et l’observation participante qui est toujours la langue de base de toute enquête anthropologique. Dès les années 1930, les enquêtes de terrain se systématisent.
Nouvelle façon d’envisager la recherche : jusque là, il y avait des monographies descriptives, avec des
chapitres par domaines (habitat, religion…). On faisait les Etudes de sociétés selon des domaines séparés. Malinowski introduit une approche révolutionnaire à l’époque : il prend un thème d’étude et lui
appose une approche pluridimensionnelle. Dans son ouvrage, il étudie un cycle d’échanges appelé Kula. Il s’agit d’échanges cérémoniels de colliers de coquillages contre bracelets de coquillages. Les îles
Trobriand distantes, dessinent un cercle. L’activité économique de base des indigènes est la pêche côtière. Ils font des expéditions dangereuses pour effectuer les échanges Kula (échanges pas de nature
économique, ni esthétique). Cela permet aux îles de rester en contact, et de fonctionner en archipel
(pas d’unités sociales isolées). Il ne s’est pas simplement limité aux échanges cérémoniels, mais a vu le
fonctionnement de la société de façon beaucoup plus large : dimension religieuse de ces échanges (cérémonies), dimension de prestige (hiérarchie des objets et des hommes : place sociale des partenaires
d’échange), dimension du réseau social des individus, dimension politique (pouvoir), dimension juridique (obligations et devoirs) et dimension économique (dans la mesure où l’expédition, rude, exige
une coopération économique à plusieurs). Ces échanges mettent l’accent sur l’importance du don
comme principe à la base de création et maintien du lien social. Il n’a pu étudier des échanges indépendamment de toutes ces valeurs. Le Postulat qui est posé : les faits qu’on observe dans une société
doivent prendre sens les uns avec les autres ; il y a une construction permanente cherchant à déterminer une cohérence entre les données. Il fait l’étude d’un objet par la mise en relation des variables
l’entourant. Problème : si on peut parler de découpages (religion, politique…) il s’agira de NOS découpages, notre mode de pensée. Exemple, la médecine chez les indigènes : liée à une dimension religieuse, glissement remède/aliment. Si on se limite à notre conception de la médecine, on passe à côté
de beaucoup de choses.
Il faut arriver à la conception de la société qu’ont les indigènes de leur propre monde en se décentrant : d’une
part, les anthropologues doivent voir avec les yeux des indigènes, et apprendre à considérer leur propre expérience comme un des cas possible de l’expérience humaine, mais pas plus. Notre façon de faire est peut être la
meilleure pour moi, mais pas la meilleure dans l’absolu : ce n’est qu’une façon de faire. Lévi-Strauss assimile
l’anthropologue à l’astronome : ce dernier étudie une étoile à partir de la voue céleste. L’anthropologue fait la
même chose, il étudie une société en sachant qu’il y en a d’autres ; une culture comme une étoile et toute la
diversité alentour. Sa propre culture n’est pas le soleil, mais une étoile parmi d’autres.
L’anthropologie a certes un versant social, et biologique. Au moment où elle est née, est née l’étude du plus
lointain. L’anthropologie a toujours été obsédée par la différence, l’altérité. Il y a un intérêt pour l’étude de
l’autre, parallèle à un mouvement idéologique qui est allé de plus en plus dans le sens de la reconnaissance de
l’autre non pas comme quelqu’un de différent mais comme un égal. Elle est passée de l’étude de la différence à
l’étude de la diversité, qui implique l’existence de plusieurs cultures chacune comme la possibilité de
l’existence d’une possibilité humaine (≠ cultures étudiée par rapport à la culture-norme de l’anthropologue).
B) TERMINOLOGIE
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Auteur suisse théologien du 18ème siècle, Chavannes : ouvrage en 1788, Anthropologie ou science générale de l’homme. Il y fait une proposition, et élargit l’anthropologie des facultés (qui étaient l’étude
de la place de l’homme dans le projet de dieu). Il élargit cette conception en proposant une étude globale de l’homme, qui s’appellerait Anthropologie.
1850 : on va utiliser le terme d’anthropologie pour l’étude des sociétés humaine et de l’homme préhistorique.
Vers 1900, apparaît en Angleterre un courant de sociologie liée à l’étude des peuples colonisés : les
britanniques mettaient un administrateur au dessus de l’organisation traditionnelle des colonies, qu’ils
autorisaient. Ce courant de socio empirique est né par rapport à ce besoin de connaissance du fonctionnement des sociétés colonisées. En France, c’est différent, ils plaçaient une administration qui avalait les organisations locales.
On a utilisé le terme d’ethnologie pour l’étude de tout ce qui était dans les musées (objets, culture…)
En France, pendant longtemps on a appelé ethnologie la partie culturelle, et anthropologie ce qui concernait le versant biologique.
Aux EU, en 1930 : anthropologie comme étude de la diversité, avec intérêt très poussé à l’époque de
voir comment intégrer les ethnies différentes à la société américaines.
En France, réintroduction du terme anthropologie pour désigner le versant culturel, avec :
 G. Balandier : étudie rapport entre tradition et modernité à partir des colonies d’Afrique. Volonté
de se démarquer avec le courant de l’ethnologie pour se couper de cette tendance attaché à la
primitivité des sociétés sans prendre en compte le changement social. D’autre part, il était influencé par le courant britannique.
 Lévi-Strauss : va faire une distinction entre l’anthropologie et l’ethnologie ; il dit que l’ethnologie
est l’étude d’une société ; tandis que l’anthropologie est une étude faite à partir d’un thème à
partir de données de différentes sociétés (exemple de la parenté, analyse avec des données des
structures apparaissant à partir des formes que prend la parenté dans différentes sociétés). Autre
terme ; ethnographie, qui implique le travail de terrain avec collecte de données.
En France, le terme ethnologie se confond avec anthropologie. Aux EU, terme n’est que peu utilisé, terme folklorique.
C) LE TRAVAIL DE TERRAIN ET L’APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE
1) L ES ENTRETIENS
Ça doit être une situation de dialogue. Il y a trois types d’entretiens :
-
Directifs : questions, avec questionnaires : on ne l’utilise pas.
Semi-directifs : lancer une question, et la personne répond comme elle veut, on la laisse gérer. Ce
n’est pas non plus le plus adapté. On pose des questions selon les réponses. Les questions à ne pas
poser/ poser ? Les questions donnent à la personne la possibilité de donner une réponse avec ré-
-
cit/explication des choses est importante. Ne pas poser de questions fermées, dont les réponses sont
« oui/non » !
?
Le fait de connaître la langue permet de mieux connaître la réalité de la communauté étudiée. Tous les anthropologues ne le font pas et beaucoup travaillent avec des traducteurs. Le problème est que même si on connaît
sa langue, on n’est pas forcément un bon traducteur. On essaie donc plusieurs personnes, on choisit à tatons.
De plus, les informateurs n’ont parfois pas envie de se faire traduire par n’importe qui. Ils veulent souvent que
ça soit un membre de leur famille. On fait comme on peut et il existe plusieurs techniques pour que cela soit
fait le mieux possible, comme celle d’apprendre les termes centraux en fonction du thème étudié dans la
langue vernaculaire. On recherche les champs sémantiques. Si on tombe sur un traducteur qui résume, à
chaque fois qu’on entend un mot connu, on peut ensuite questionner le traducteur. Cela exige une attention
permanente de l’anthropologue.
2) L’ OBSERVATION PARTICIPANTE
Il est judicieux de participer à la vie quotidienne de la communauté tout en respectant les codes dus au sexe et
à l’âge de l’anthropologue.
Quand on observe une pratique rituelle, on ne peut se contenter d’une seule car il peut y avoir des différences.
3) A SPECT QUALITATIF
Le travail de terrain est qualitatif. Il se fait en long et en profondeur. C’est l’originalité première du travail anthropologique, le sujet abordé pouvant l’être également par d’autres disciplines mais autrement.
Au départ, les anthropologues partaient loin dans une société inconnue ; un travail long était donc impératif.
De plus, pour observer des pratiques qui ne se font pas forcément tous les jours, il faut être là longtemps.
Le travail se fait dans une situation de dialogue. Il faut donc établir une relation de confiance. Les entretiens et
les observations se complètent. C’est un moyen de connaître la société plus finement : le dialogue permet de
revenir sur des choses qu’on a vu et dont on a manqué des détails et à l’inverse on peut vous parler d’une pratique inconnue, en omettant certaines choses qui paraissent banales mais qui sont importantes et qu’on observe a posteriori. On peut aussi poser des questions sur la norme sociale.
Aussi bien l’observation que l’entretien sont des instruments qualitatifs, ce qui est le contraire du questionnaire.
Mais ça ne veut pas dire que l’anthropologue ne doit pas tenir compte des données quantitatives : elles doivent
permettre de mieux comprendre la situation de ce que j’étudie qualitativement (une donnée démographique
par exemple).
4) L A MISE ENTRE PARENTHESE DES CATEGORIES DU CHERCHEUR
C’est difficile car les catégories de pensée permettent d’organiser sa pensée. Il faut toujours partir du principe
que la catégorie de pensée change et que je dois apprendre celle de la communauté que j’étudie.
Exemple : la classification botanique chez les Amérindiens : savoir comment ils nomment, regroupent les végétaux selon des critères alimentaires, rituels, ethniques. On peut voir que certaines plantes sont liées à des animaux et à une divinité. Certaines n’entrent dans aucune classification, de la même manière que les mauvaises
herbes n’ont pas de nom dans la classification européenne, car elles ne s’utilisent pas.
La classification concerne beaucoup plus de choses que les seuls végétaux.
C’est une perception émique de la culture (de l’intérieur, contraire d’étique). Ce mot vient de K. Pike qui a fabriqué ces termes à partir des mots phonetics et phonemics. La phonétique est la description des sons d’une
langue tandis que la phonologie est l’analyse du fonctionnement des phonèmes : d’où l’idée d’étude de
l’extérieur ou de l’intérieur.
5) L E HOLISME
Notion de « fait social total » par Marcel Mauss : il part de l’exemple de cérémonies, célébrations dans les
sociétés traditionnelles qui mettent en évidence la société toute entière. Il y a des aspects juridiques, relatifs à
la parenté, etc. Dans la mesure du possible, il y a l’idée d’étudier tout fait social comme un fait social total et ne
pas s’enfermer dans l’aspect le plus évident.
6) Q UI FAIT QUOI ?
Quand on parle de communauté, on a une idée d’un ensemble assez homogène où tout le monde pensent la
même chose, que tout le monde est interchangeable. Ainsi, pendant longtemps, en anthropologie, on a pensé
qu’il fallait étudier de petits groupes homogènes.
Mais c’est une conception fausse : dans toutes les sociétés, il y a des clivages (dus à l’âge, le sexe, le pouvoir) ; il
n’y a pas de réelles sociétés égalitaires. Il y a des gens dans des positions sociales complètement différentes et
ils agissent en fonction de celles-ci.
Ainsi, il faut faire attention lorsqu’on choisit ses informateurs. Il faut essayer de voir les positions sociales. Il va
y avoir des différences de pensée et d’agissements sur le sujet étudié : on note l’âge, le sexe, le milieu économique, l’occupation, l’ethnie, la religion, la situation politique… Ca permet de voir les zones de fracture et celle
de solidarité.
7) L A DISTANCE CULTURELLE ENTRE L ’ ANTHROPOLOGUE ET LE GROUPE ETUDIE
Elle est importante car elle permet de voir des choses qui restent invisibles pour le groupe étudié. On doit confronter la diversité à autre chose pour la voir.
Les natifs ne font pas nécessairement un meilleur travail. L’apprentissage d’une nouvelle société est plus long
mais plus facile que l’analyse des choses qui paraissent évidente. C’est surtout le cas pour un premier travail
anthropologique.
8) L’ ARTICULATION PARTICULIER / GENERAL ( PAR RAPPORT A UN THEME )
On part toujours d’un fait particulier pour aller au général, par exemple à partir d’un récit de vie.
9) R APPORT ENTRE LOCAL ET GLOBAL ( PAR RAPPORT A UNE SOCIETE )
C’est au départ propre à la méthode sociologique, mais c’est passé à la sociologie. C’est le rapport entre le lieu
que j’étudie et un milieu plus large.
Exemple : étude d’une nouvelle religion : le terrain sont les temples. On doit voir un contexte plus large, cette
création n’émane pas de rien. Il peut y a avoir d’autres nouvelles religions par exemple.
Un fait social peut aussi avoir une conséquence plus large.
10) L’ APRES - TERRAIN
On peut travailler avec un magnétophone ou avec un carnet. Les deux ont des avantages et des inconvénients..
Aujourd’hui, on transcrit tout sur l’ordinateur, ce qui est très pratique pour trier les informations. On sépare le
texte selon des mots clés, on met le nom de l’informateur puis on numérote pour ne pas perdre l’ordre.
CHAPITRE 2 : ENTRE DIMENSIONS BIOLOGIQUES ET DIMENSIONS SOCIALES :
QUELQUES LIEUX D ’INTERFERENCES ENTRE LA SOCIALISATION DU NATUREL ET LA
NATURALISATION DU SOCIAL
SECTION 1 : SEXES, GENRES
Il y a des différences biologiques entre les sexes : chromosomiques, hormonales, génitales, psychologiques
(différents rythmes de croissance, différentes stratégie), pathologiques. Ce qui nous intéresse ce sont les différences sociales : la perception des différences biologiques par les sociétés.
Le sexe comme catégorie est omniprésent. Les hommes et les femmes ne sont pas interchangeables. Ça apparaît par exemple dans la religion : dans certaines sociétés, il y a seulement des prêtres, d’autres aussi des prêtresses (ils n’ont alors pas la même mission).
Dans les sociétés traditionnelles, la division sexuelle du travail est marquée, en ce qui concerne l’héritage idem.
Cela permet d’apprécier l’extrême variabilité sociale et psychologique qu’on attribue aux sexes. Dans certaines
sociétés, ce sont les hommes qui tissent alors que c’est interdit aux femmes. Dans certaines sociétés, c’est
l’homme qui choisit la femme et inversement dans d’autres.
On voit que les frontières établies entre les sexes sont floues, elles ne sont pas définies pareil partout. Chaque
société établit sa conception du masculin et du féminin. C’est une interprétation de la biologie : le sexe devient
genre (sexe social).
Il y a entre les sexes/genres des frontières +/- nettes. Dans certaines sociétés, les femmes ne portent pas les
mêmes vêtements que les femmes. De même, les sociétés dans lesquelles les femmes et les hommes font le
même travail sont rares.
Exemple des Indiens des plaines Ouest américaine :la communauté des Berdaches
Il s font une transgression de sexe par le genre : dans les familles où il y a seulement des garçons, il y en aura un
choisi par ses parents qui sera éduqué socialement comme une fille (habits, etc…). Ces personnes forment un
troisième sexe. On disait que les Berdaches avaient des pouvoirs particuliers, notamment en ce qui concerne le
chamanisme.
Ils doivent se marier avec quelqu’un du sexe opposé socialement. Une femme biologique berdache devra se
marier avec un individu femme donc soit une femme biologique, soit un homme biologique berdache. Il faut
voir le mariage comme une alliance de groupe avant l’alliance entre individus.
Exemple chez les Inuits : Quand un enfant naît, le Chaman dit aux parents quel est l’ancêtre qu’il incarne.
L’enfant prend ainsi le nom et le sexe de cet ancêtre jusqu’à la puberté.
Exemple dans certaines sociétés africaines (notamment Afrique de l’Ouest) : Des femmes se marient avec des
femmes mais pas dans une logique homosexuelle. Ce sont les femmes qui cultivent, qui gagnent de l’argent.
Avoir des enfants est une richesse ; les filles vont cultiver les terres de leurs mères. Les femmes stériles se trouvent une jeune épouse et deviennent le père social et l’époux social.
Est-ce qu’il y a un lien entre les différences biologiques et les différences sociales entre les sexes ?
Mervin Hans : il part des différences physiques. Il considère que la différence majeure est la force physique. Elle
n’empêche pas les femmes de participer à des tâches qui demandent de la force mais, quand la société assigne
des tâches, cela se fait en fonction de ce que chaque sexe fait le mieux. Ainsi les hommes ont appris à manipuler les armes. Comme les hommes sont la principale force guerrière, ils reçoivent une éducation qui les rend
agressifs (ils sont amenés à tuer avec les armes). C’est pour ça que les hommes dominent dans les sociétés
traditionnelles.
Françoise Héritier : elle fait jouer la différence entre les sexes : leur rôle dans la reproduction, la représentation
de cette différence. Une série d’oppositions apparaissent (supérieur/inférieur, chaud/froid, haut/bas, …) dans
les représentations culturelles des sociétés dans lesquelles le principe valorisé est lié au principe masculin.
Selon Aristote, le principe masculin est lié au chaud, à ce qui est animé et au souffle, inversement pour la
femme.
Article « fécondation » de l’encyclopédie Universalis de 1989 : ce sont les mêmes représentations. On voit donc
que c’est une grille de lecture qui a aussi une influence dans le domaine scientifique.
Socialement et politiquement, les hommes ont une position hiérarchique supérieure. NB : le matriarcat est un
mythe évolutionniste, il ne se retrouve jamais en réalité. Le pouvoir politique le plus élevé est toujours dans les
mains de l’homme et on peut le voir dans l’exemple qui est le plus souvent utilisé pour montrer le matriarcat :
les Iroquois étaient des guerriers faisant la guerre loin de chez eux ; les femmes avaient donc le pouvoir de la
communauté. Mais ils étaient organisés en confédération, dont le pouvoir était toujours aux mains d’un
homme.
François Héritier va donc parler de la « valence différentielle des sexes » comme étant un universel de la culture
(le fait que les sexes ne se valent pas). Elle dit que celle-ci correspond moins à un handicap du sexe féminin
qu’à une volonté des hommes de contrôler le seul pouvoir qu’ils n’ont pas : la reproduction. Elle pose cette
affirmation comme une hypothèse.
SECTION 2 : RACES, RACISMES
A) QUESTIONNEMENT SUR LA DIFFERENCE ENTRE LES PEUPLES
Quand il y a eu les 1ères interrogations sur la différence entre les peuples, on voyait les différences physiques et
les différences culturelles conjointement. L’anthropologie se sépare à la deuxième moitié du XIXe entre le courant biologique et le courant socioculturel.
L’anthropologie biologique voulait établir un lien entre homme moderne et les squelettes retrouvés (intérêt
diachronique) et les différences entre les races (synchronique) :
-
intérêt diachronique : en 1850, Darwin met en place sa théorie selon laquelle l’homme viendrait du
grand singe.
Intérêt synchronique : à partir des récits des voyageurs. On a pensé que des populations physiquement différentes témoignaient d’un passé différent. On a commencé les typologies raciales en mettant en relation type de sociétés et caractéristiques physiques (ces typologies ne sont jamais totalement biologiques).
En 1829, la race est définie aussi bien par des caractères physiques qu’intellectuel et moraux. Il n’y a pas de lien
de cause à effet, seulement des coïncidences.
B) LA QUESTION DE LA RACE DEVANT LA SCIENCE
1) A NTHROPOLOGIE PHYSIQUE : EFFORT PROGRESSIF DE DISSOCIATION DU CULTUREL ET BIOLOGIQUE
La race c’est l’ensemble des êtres humains partageant des caractères physiques communs.
Tout cela sert à répartir l’espèce humaine (Homo Sapiens) en plusieurs groupes équivalents aux variétés en
botaniques. Le but biologique est d’expliquer pourquoi il y a des différences. On a une distinction entre 3-4
grands groupes de races (noirs, blancs, jaunes, et parfois peaux rouges). Quand on parle de sous-race, il y a une
typologie par auteur, ce qui n’est pas le cas en botanique.
2) L A CONTESTATION PAR LA GENETIQUE
Sur Terre, on a une continuité des types : on n’a jamais deux types complètement différents l’un à côté de
l’autre (sauf en cas de migration). Une critique de la discipline a même conduit à l’abandon du critère de la race
comme critère de recherche. De plus, en 1930, l’étude des groupes sanguins donne une autre répartition. Apparaît la génétique des populations qui étudie l’évolution biologique et les facteurs socioculturels qui peuvent
avoir une influence dessus. La notion de race perd sa valeur scientifique (elle était face à des problèmes tels
que la définition du métissage). On pense la population en termes de stock génétique. Ce ne sont plus des
études typologiques mais de variations.
C) LES ANTHROPOLOGUES FACE AU RACISME
Ce sont les européens colonisateurs qui réfléchissaient sur les colonisés. Il y a une différence hiérarchique, qui
se traduit par une discontinuité sociale et politique qui va s’étendre à tout ce qui caractérise biologiquement et
culturellement l’Europe et les autres. La représentation de la supériorité du colon est assimilée par le colonisé.
Ainsi apparaissent les premières thèses racistes parlant de race supérieur/inférieur et présentant le métis
comme une dégénérescence. Les inégalités sont justifiées sur la biologie.
Les races humaines, L. Figuier (1878) : la race blanche est affirmée comme la première au monde, qui a donné
naissance aux populations civilisées. Même entre les blancs, il y a des différences : en Italie du Sud, la proximité
de l’Afrique et le sang africain auraient modifié l’essence des italiens du Sud.
L’apparition de la génétique des populations provoque un changement important. De plus, après la 2 nd GM et
la décolonisation (les populations accèdent à l’égalité internationale) rompent le lien avec l’anthropologie ancienne. Donc on a une rupture scientifique concomitante à une rupture dans le discours social issues d’un
changement dans les rapports entre les peuples.
L’Unesco a eu un rôle important en demandant des travaux pour contrer l’idéologie raciste.
Racisme : idéologie dans laquelle une affirmation d’une inégalité biologique est à la base de comportements et
de capacités différentes.
L’Unesco a ainsi publié un livre des travaux parmi lesquels ceux de Leiris (Race et civilisation) et Lévi-Strauss
(Race et histoire). Leiris : s’il y a une différence c’en est une de rythme historique. Lévi-Strauss : point de vue
relativiste, refus d’une hiérarchisation. Ils parlent surtout de la culture.
C’est pourquoi l’Unesco convoque une assemblée d’anthropologues biologistes. Voir poly : naît l’idée qu’il y a
des caractères héréditaires communs dont la prégnance varie selon les populations. « Les races humaines sont
en voie de formation et de dissolution » : si on peut parler de race, il faut penser qu’il y a des variations au départ et que les groupes formés ne sont pas figés.
Si on parle de race, il faut le considérer comme un concept biologique uniquement.
On affirme une coupure claire entre la race d’un point de vue biologique et le racisme, fait social qui n’a rien à
voir avec la biologie. Mais ça n’a pas seulement un aspect biologique chez les racistes ; ça s’appuie sur un concept populaire.
On a une destruction du concept de race ; on parle du fait que ce concept est inutile scientifiquement.
Chez les racistes, le concept de race s’appuie sur une représentation.
ex : métissage : enfant de deux parents véhiculant un message de différence culturelle. Les gens sont très imprégnés de ce qu’on leur raconte sur les gens, sur leurs origines culturelles. Par exemple, à la Martinique, des
gens sont considérés comme noirs seulement parce qu’on sait qu’ils ont un ancêtre noir (ça ne se voit pas sur
leur visage).
Les arguments utilisés contre le racisme sont fragiles car ils restent sur le même plan que les thèses racistes
(inégalités biologique donc inégalité de capacités ce qui justifient les pratiques discriminatoires) : pas
d’inégalité biologique donc pas d’inégalité de capacités. Le lien entre capacité et biologie est toujours là (parce
que l’un alors l’autre et parce que pas l’un alors pas l’autre).
Un discours raciste doit partir de l’espèce humaine : on est tous des hommes, tous pareils. Le mot race est
devenu maudit à cause du racisme. Le problème n’est pas la race mais la façon dont elle était définie du temps
des typologies racistes.
CHAPITRE 3 : QUELQUES FONDEMENTS DE L’ORGANISATION SOCIALE
SECTION 1 : L’ANTHROPOLOGIE DE LA PARENTE
C’est un aspect important car dans les sociétés traditionnelles, l’organisation sociale est fondée sur la parenté.
Souvent, dans les villages, les gens sont tous parents.
De plus, c’est un point à partir duquel on peut saisir plus facilement ce qu’est la diversité. Les liens de parenté
sont tellement assimilés que ça nous paraît naturel alors que c’est culturel.
On dit souvent que la parenté est la charpente des sociétés traditionnelles. Cela permet de comprendre une
partie de l’organisation sociale. La famille est la cellule fondamentale des sociétés modernes. On fait une distinction entre parenté (associée à la société traditionnelle) et famille (associée à la société moderne). Il y a une
anthropologie de la parenté et une sociologie de la famille. Cette distinction est due à l’occupation originelle de
ces deux sciences.
On étude les relations de parenté dans une société, lesquelles donnent des droits et des devoirs, exigent des
comportements de certains parents. On part d’une généalogie, dans laquelle on étudie les liens de parenté
entre les individus. On en tire ainsi les règles régissant la société. Dans les sociétés traditionnelles, la parenté
est le principe d’organisation de la société. L’étude se fait à partir de l’analyse de trois types de relations :
-
Relation de filiation : enfants-parents
Relation de germanité : frères-sœurs sans distinctions de sexes, c'est-à-dire les germains.
Relation d’alliance : mariage (union stable en vue de la formation d’une famille) ; il peut être unique,
soit monogame, ou multiple, soit polygame.
Un certain nombre de paramètres biologiques sont modelés, gérés différemment selon les sociétés (faiblesse
du nouveau né, gestation, …). Actuellement, dans les sociétés occidentales, on a une revalorisation du lien du_
sang (controverse sur l’accouchement sous X par exemple). Les relations biologiques fournissent le matériaux
de base sur lesquels les sociétés élaborent leur système de parenté.
Quand il y a un lien fictif (comme l’adoption), il ne contredit pas les liens biologiques.
ex : une famille ayant des enfants adopte un enfant : ce dernier n’a pas le droit d’épouser et de coucher avec
ses « frères/sœurs » adoptifs ; c’est l’interdiction de l’inceste.
A) SOCIOLOGIE DE LA FAMILLE : LES DIFFERENTS MODELES FAMILIAUX
1) F AMILLE NUCLEAIRE OU ELEMENTAIRE
En sociologie on appelle ce modèle la famille conjugale ou restreinte. On a les parents et les enfants dans un
même foyer. Ce n’est pas la famille qui se trouve uniquement dans les sociétés occidentales.
2) F AMILLE ETENDUE OU INDIVISE
Il y a 3 générations dans un même foyer (grands-parents, parents, enfants). Le chef de famille est l’aîné de la
génération des grands-parents. Cela correspond à un schéma où la famille a du patrimoine. Il y a une socialisation des enfants. C’est une continuité.
3) F AMILLE SOUCHE
Il y a 3 générations dans le même foyer mais 1 couple par génération. Le patrimoine est plus restreint, ne permettant pas à une famille nombreuse de vivre.
4) F AMILLE POLYGAME
1 conjoint peut avoir plusieurs conjoints :
-
Polygénique : 1 homme peut avoir plusieurs femmes
Polyandrique : 1 femme peut avoir plusieurs hommes.
5) F AMILLE MONOPARENTALE
Famille nucléaire incomplète
B) NOTATION DE LA PARENTE EN ANTHROPOLOGIE
Exemple en France :
Tous les hommes de cette génération sont nommés « oncle », bien qu’ils occupent une place différente (cf
vert). On voit ainsi comment sont regroupés les liens de parenté (cf poly).
Notre système est le même que le système eskimo : on fait la distinction entre le groupe « père-mère-enfants »
et les « tantes-oncles-cousins ».
En anthropologie, on distingue
-
Les cousins parallèles : cousins germains issus du frère du père/sœur de la mère.
Les cousins croisés : cousins germains issus de la sœur du père/frère de la mère.
Dans certaines sociétés australiennes, les familles sont divisées en deux sociétés exogames (on appartient à un
groupe ou l’autre). Ce sont des moitiés rituelles, dans les fonctions sociales, moitiés matrimoniales (on doit se
marier avec une personne du groupe opposé sinon c’est un inceste).
Si l’on est dans une société patrilinéaire, les enfants appartiennent au groupe du père.
Certains cousins vont ainsi être appelés « frères » et « sœurs » et d’autres non.
On peut également être dans une société matrilinéaire et alors c’est l’inverse.
Il y a des systèmes très complexes. Certains sont plus descriptifs que d’autres, comme dans le modèle soudanais, dans lequel chacun a un nom différent. Il y a des distinctions selon la place dans la fratrie aussi (il y a ainsi
différents droits et devoirs liés à cette place).
C) LE LIEN DE FILIATION
La filiation peut avoir une base biologique mais aussi une base sociale. C’est le lien qui unit un enfant à son
père et à sa mère selon la façon dont le considère la famille. Il y a différents types :
1) F ILIATION UNILINEAIRE
Elle se trouve dans les sociétés organisées en clans et lignages.
Si la société est patrilinéaire, les enfants appartiennent au même groupe de parents que le père. C’est la plus
courante.
Si la société est matrilinéaire, les enfants appartiennent au même groupe de parents que la mère. La matrilinéarité n’implique pas la possession des biens par les femmes et la domination des femmes. Concernant
l’autorité sur les enfants par exemple, c’est le frère de la mère qui va le plus souvent avoir l’autorité car il appartient au même groupe de parents. Matrilinéarité ne signifie pas matriarcat.
Chez nous, les restes du lignage sont les noms de famille, hérités du système romain.
Ce type de filiation montre un écart entre la filiation biologique et la filiation sociale.
Les clans et les lignages sont des groupes exclusifs.
Les clans ont un ancêtre mythique, qui peut même être une plante/animal, ce qui explique les tabous alimentaires. Ils sont plus vastes et stables (le nombre dans la société est constant).
Les lignages ont un ancêtre historique, un individu jusqu’auquel on peut retracer des liens de parenté. Ils sont
plus restreints et donc plus soudés et solidaires. Ce sont des groupes plus dynamiques. C’est une unité religieuse : rituels concernant spécialement les membres du lignage.
Clans et lignages sont exogames (très général pour les clans, absolu pour les lignages) : il est impératif de se
marier avec quelqu’un d’un clan/lignage différent.
2) F ILIATION BILINEAIRE
L’appartenance est soit au groupe du père soit à celui de la mère selon les sujets. C’est très rare. On peut citer
les Yako du Nigeria : on hérite par voie patrilinéaire tout ce qui est immeuble alors que tout ce qui est meuble
s’hérite par voie matrilinéaire. Certains objets sont, en même temps, très liés au sexe dans les sociétés traditionnelles, en fonction de leur fonction sociale.
3 F ILIATION BILATERAL OU INDIFFERENCIEE
C’est la nôtre, ou celle des eskimo. Un individu appartient à toues les lignées. Au centre, il y a la famille nucléaire (père, mère, enfants). L’individu est au centre d’un réseau de parenté qui n’a pas de limite précise, la
parentèle. Selon les individus, la parentèle varie.
D) L’ALLIANCE
Quand on parle du mariage, on centre son attention sur le couple. Quand on parle d’alliance, on centre son
attention sur les deux groupes de parents. Il y a des règles d’exogamie (qui interdisent certaines alliances) et
des règles d’endogamie (qui prescrivent certaines alliances). C’est une alliance entre groupes sociaux. On a par
exemple le lévirat (≠ sororat) : quand un homme marié meurt, sa veuve est encouragée/obligée de se marier
avec l’un des frères du mort. Ça montre qu’on a une alliance entre groupes, qui est fixée par un pacte matrimonial, qui va au-delà des deux individus.
Dans toutes les sociétés, sont définies des catégories qu’on peut/pas épouser, contrairement aux animaux.
1) L A PROHIBITION DE L ’ INCESTE
L’inceste est l’union sexuelle entre des parents proches.
C’est un principe universel mais qui varie dans ses modalités d’une société à l’autre.
Dans certaines sociétés, le fait d’avoir un ancêtre très lointain en commun, interdit l’union.
On a parlé comme d’une exception de l’Egypte ancienne : dans la population il aurait existé un mariage adelphique (entre frères et sœurs), mais il n’y a pas de certitudes.
L’idée courante est que l’inceste est désastreux d’un point de vue génétique mais en réalité, celui-ci ne transmet pas de nouvelles tares génétiques, on ne fait que transmettre ses gènes. Ce n’est pas l’inceste qui fabrique
les tares.
Une théorie de sexologues affirme qu’il y a très peu d’attrait entre parents proches tandis que les psychanalystes affirment que si c’était le cas, la prohibition serait inutile.
Comment expliquer cet interdit universel ?
L’explication donnée par Lévi-Strauss est que cette prohibition illustre une règle fondamentale de la sociabilité
humaine, la réciprocité et l’échange. Les hommes entrent en relation via l’échange (mots = langage, biens =
commerce, femmes = matrimonialité,…). Il y a obligation de donner des filles, sœurs pour avoir des épouses.
Cela conduit à augmenter le réseau de parenté, d’alliés.
ex : M. Mead a travaillé en Nouvelle-Guinée, dans le groupe des Arapesh : elle pose la question à un homme de
savoir pourquoi n’épouse pas sa sœur. On lui répond que l’alliance est un gain en termes de travail et de relations sociales.
Cela implique une relation d’exogamie (se marier en dehors d’un groupe donné). L’alliance matrimoniale renforce les liens de solidarité.
Un mariage fait exception à l’inceste, le mariage arabe : sociétés patrilinéaires dans lesquelles un homme est
poussé à épouser la fille de son oncle paternel (cousine ≠ parallèle patrilatérale) pour le maintien du patrimoine car, selon le Coran, les femmes ont quand même droit à une partie de l’héritage ; c’est donc une façon
de le diviser le moins possible.
2) STRUCTURES ELEMENTAIRES // COMPLEXES DE PARENTE
Lévi Strauss distingue les systèmes élémentaires et complexes de parenté et François Héritier ajoute la notion
de système semi-complexe.
2.1) STRUCTURES ELEMENTAIRES DE LA PARENTE ET PRESCRIPTION DU CONJOINT : L A REGLE D ’ ENDOGAMIE
« Nous entendons par structures élémentaires de la parenté les systèmes où la nomenclature permet de déterminer immédiatement le cercle des parents et celui des alliés ; c'est-à-dire les systèmes qui prescrivent le mariage avec un certain type de parents », Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté
Il faut se marier dans un groupe donné. En règle générale, les ethnies sont endogames.
Ex : les castes en Indes
Un mariage entre cousins parallèles est un inceste alors qu’entre cousins croisés, c’est souhaité voire obligatoire dans certaines sociétés.
 Lévirat et sororat
Lévirat : si dans un couple l’homme meurt, la femme épouse le frère de son mari. S’il est déjà marié, on trouve
un autre homme de la famille.
Sororat : si la femme d’un couple meurt, le mari épouse la sœur de la femme.
Parfois les deux vont de pair. Il ne faut pas comprendre l’alliance comme une alliance entre deux individus mais
entre deux groupes.
2.2) S YSTEME COMPLEXE DE PARENTE ET LOI D ’ HOMOGAMIE
« Nous réservons le nom de structures complexes aux systèmes qui se limitent à définir le cercle des parents et
qui abandonnent à d’autres mécanismes, économiques ou psychologiques, le soin de procéder à la détermination du conjoint », Lévi-Strauss, op. cit.
Un certain nombre de gens sont désignés comme impossible à épouser en dehors desquels, on est théoriquement totalement libre.
Mais en réalité, le choix se fait en fonction de critères sociologiques qui font que l’alliance se fait quasiment
toujours avec des égaux (économique, religieux, …). C’est ce que les sociologues ont appelé la loi d’homogamie.
2.3) S YSTEMES SEMI - COMPLEXES DE PARENTE (F. H ERITIER )
Les groupes dans lesquels on ne peut pas se marier sont larges : ni groupe du père, de la mère, grand-père et
grand-mère. Ils ont pu être étudiés grâce au développement de logiciels spécialisés.
3) L A DOTE
On fait une distinction entre la dote et le prix de la fille.
Dote : biens matériels donnés par les parents à leur fille au moment du mariage. C’est une forme anticipée
d’héritage. C’est un don fait au couple, mais qui reste la propriété de la fille, s’il y a séparation par exemple.
Le prix de la fiancée est la compensation matrimoniale, c'est-à-dire la compensation donnée à la famille de la
fille. C’est le cas dans les sociétés dans lesquelles les filles sont susceptibles de posséder des biens.
4) L A RESIDENCE
Elle peut être
-
Néolocale : où l’on veut
Patrilocale : dans/très près de la maison des parents de l’homme
Matrilocale.
E) PARENTE ET SOCIETE : DEUX EXEMPLES
1) P ARENTE FICTIVE // PARENTE SPIRITUELLE
1.1) L ’ ADOPTION // PARRAINAGE
Dans l’adoption, on assimile les parents fictifs aux parents réels. L’utilisation de ce terme en anthropologie
montre l’importance de la biologie sur le social dans la parenté.
On parle de parenté spirituelle pour le parrainage. Il y a substitution des parents spirituels aux parents réels.
1.2) D E LA PARENTE FICTIVE A LA PARENTE SPIRITUELLE
Il y a eu dans l’histoire de l’Europe, un passage de la parenté fictive à la parenté spirituelle. Dans la Rome antique, l’adoption avait une très grande importance. Elle avait une fonction religieuse au sein du lignage. Les
romains étaient divisés en lignages patrilinéaires (gens) et ils avaient besoin de garçons pour le culte des ancêtres (Lars). Dans les législations européennes, l’adoption disparaît à partir du IVe siècle. C’est le moment où
le baptême des nouveaux nés remplace celui des adultes. L’adoption réapparaît à la fin du XIXe. La parenté
fictive a été remplacée socialement par la parenté spirituelle.
Toute l’institution de l’Eglise repose sur un système très vaste de parenté spirituelle. A partir du XVIe, le célibat
des prêtres les fait devenir les pères spirituels des chrétiens. On considère l’union d’un curé et d’une femme
comme une relation incestueuse.
Il y a un parrain et une marraine à l’image du couple biologique. L’intervention de cette norme est de substituer une parenté à une autre dans le domaine des valeurs liées à l’Eglise. Les parents spirituels sont les garants
d’un certain nombre de vertus de l’enfant. Ils sont responsables de l’éducation religieuse des enfants si les
parents ne s’en occupent pas. Dans la pratique, le baptême, surtout dans les sociétés catholiques, crée deux
institutions : le parrainage et le compérage.
1.3) P ARRAINAGE ET COMPERAGE
Parrainage : lien entre parrain-marraine et enfants.
Compérage : lien entre parents et parrain-marraine.
Ces institutions se développent en gardant un lien plus ou moins étroit avec les principes religieux selon les
lieux et l’époque. Souvent, le compérage devient plus important que le parrainage. Les compères ont plus de
liens que le parrain avec ses filleuls.
Il y a 2 choix de stratégie sociale possibles :
-
Les parrains sont choisis parmi les gens de même statut (rapports horizontaux) pour resserrer les liens
au sein de la famille/amis.
Parmi les gens qui ont un statut plus élevé (rapports verticaux et complémentaires car les gens d’un
statut plus élevé augmentent également leur prestige social) ; notamment dans les sociétés avec un
rapport de clientélisme.
Il y a beaucoup de travaux sur les alliances stratégiques fondées sur les alliances spirituelles.
Ch. Klappisch-Zuber, La maison et le nom : dans 50% des cas à Florence, les enfants ont 3 parrains et 3 mar-
raine. 2,5% en ont plus de 10.
Dans les sociétés inégalitaires, dans lesquelles les mariage s’établissent au sein de groupes fermés, le compérage permet de créer un rapport entre des individus qui ne pourrait pas avoir de rapports maritaux. Ce sont des
liens d’amour impliquant des liens plus forts que le clientélisme (« liens d’amitié » où la hiérarchie est marquée).
 Pitt-Rivers, Anthropologie de l’honneur, sur l’Andalousie : le parrainage établit une relation hiérarchique
entre les parrains et les parents, du fait qu’il a le droit de regard sur la vie de l’enfant En revanche, le compérage donne un lien d’égalité ; l’enfant est un prétexte. Toujours ces deux stratégies :ex : un ouvrier agricole
peut demander au propriétaire : la relation reste inégalitaire ; il respecte son devoir mais il reste le supérieur
hiérarchique. Ce n’est pas pareil si on demande à un ami, renforcement des liens d’amitié.
En Amérique latine non amérindienne (milieux ruraux), les parrains-marraines sont choisis le plus souvent en
dehors de la parenté. C’est un choix très important car cela entraîne une relation d’amitié et de respect jusqu’à
la mort. Ex : même si on se connaît depuis toujours, on commence à se vouvoyer. L’enfant est un prétexte.
D’ailleurs quand il n’y a pas d’enfant (notamment dans les Andes), on détourne pour pouvoir établir un compérage : lors de la fête de la Toussaint, on fait des pains de toutes sortes, de toutes formes (ils savent que les
morts sont venus car le pain n’a pas de goût, ils ont pris tous le jus) : pour le compérage, on simule un baptême
en faisant un pain en forme de bébé.
Des auteurs ont montré qu’on crée des liens de parenté fictive dans le sens où ce sont des liens qui paraissent
assimilés aux liens biologiques  tabou de l’inceste : il y a une interdiction dans certaines sociétés, d’avoir des
rapports sexuels entre compères et commères et parrain-marraine-filleul. De la même manière que le curé
avec n’importe quelle femme de la communauté (parenté spirituelle). Il y a une croyance en Argentine du nord
et au Paraguay : le mort qui fait peur = Alma Mula (âme mulet) : c’est quelqu’un qui a violé l’interdiction de
l’inceste (spirituel ou biologique). Le mulet donne l’idée d’union interdite et contre nature.
Ça va donc bien au-delà de ce que l’Eglise a institué.
2) LA POLYANDRIE : LE MARIAGE NAYAR
Caste dans le Kerala des Malayali (société de castes) : dans cette société, il y a aussi des Brahman Nambudiri
(caste de guerriers).
La définition classique du mariage est une union entre un homme et une femme telle que les enfants nés de
cette union soient reconnus comme les descendants légitimes de cette union. Chez les nayar, cette définition
pose problème : les femmes ont une polyandrie, les enfants se référent aux partenaires de leur mère non pas
par le terme « papa » mais « mon seigneur ». Le couple ne réside pas ensemble, il n’y a pas formation de foyer.
Les pratiques des nayar et des nambudiri sont différentes mais étroitement liées.
2.1) LE SYSTEME NAMBUDIRI
Les nambudiri sont au sommet de la hiérarchie rituelle, ce sont de grands propriétaires fonciers. La cellule sociale est un lignage patrilinéaire (qui vise à préserver le lignage). Importance de la primogéniture : seul le fils
aîné est autorisé à se marier et à produire les héritiers de la propriété familiale. Il peut prendre plusieurs
femmes  toutes les femmes de sa caste se marient (rare chez les brahman qui sont généralement monogames). Les frères cadets ne peuvent pas se marier et leur descendance n’est pas considérée comme légitime,
pas des nambudiri. Ils peuvent s’unir à une femme nayar = union/liaison Sambandham (« blaguer ensemble ») ;
pas un cadre matrimonial et donc pas le domaine de la parenté (ne deviennent pas les parents des femmes
nayars). Mais ces liaisons sont importantes politiquement car les femmes nayar concernées sont issues des
lignages les plus puissants. Il y a renforcement des liens entre les nambudiri et l’aristocratie militaire nayar.
Pour les nayar, c’est une liaison de prestige. Pour les nambudiri, le mariage de l’aîné et l’union des cadets con-
vergent vers la volonté de conserver le pouvoir économique. NB : on met fin aux unions sambandham quand
on veut.
2.2) LE SYSTEME NAYAR
Le système nayar est matrilinéaire  2 modes de filiation différents mais qui s’harmonisent. Dans les lignages
les plus hauts, les femmes ont un mariage hypergamique qui permet la bonne intégration des castes dominantes. Les femmes nayar ont comme partenaires les cadets nambudiri et nayars (plusieurs liaisons par
femme). La cellule sociale fondamentale et les taravad (= lignage matrilinéaire et maison nayar) centré autour
d’une cérémonie de mariage = nouer le taali (pendentif en or, symbole du mariage dans le sud de l’Inde
comme l’alliance chez nous). C’est le rite principal au sud de l’Inde mais là c’est purement rituel. La femme est
isolée pendant 3j puis les jeunes hommes du lignage associé lui noue le taali et passent quelques jours avec
elle. Puis ils partent, ils n’ont plus aucune obligation vis-à-vis de la fille. Elle non plus, à l’exception de
l’obligation de porter le deuil pour elle et tous ses enfants quand un mari rituel meurt. A partir de cette cérémonie, la femme change de statut : elle devient une femme apte à produire des enfants ; on l’appelle amma
(Mme et maman). Le mari rituel est le seul que les enfants vont appeler appa (papa).
2.3) L ’ UNION SAMBANDHAM
Les amants se présentent chez la femme la nuit avec une pièce de tissus signifiant qu’ils veulent s’unir à elle. Il
faut que le frère soit d’accord ; si c’est le cas, ils passent la nuit avec elle puis repartent chez eux. Il y a des
normes à respecter :
-
il faut avoir l’accord du frère.
Si c’est un nayar, il faut que ce soit un homme d’un lignage différent (exogamie) et qu’il ait un statut
au moins égal à celui de la femme.
Un homme ne peut pas avoir de relation avec deux femmes de la même maison.
Tous les partenaires de la femme sont appelés « mon seigneur ». Mais si l’un meurt, la femme et ses
enfants ne portent pas le deuil.
Le cadeau est d’abord un tissu blanc puis cadeaux d’amants (parfum, etc.), qui ne montrent pas
l’entretien d’une épouse. Il n’a pas d’obligation de subvenir à ses besoins, sauf lorsque la femme est
enceinte : il faut qu’un des partenaires reconnaissent l’enfant et paie les frais d’accouchement.
On n’a donc pas de mariage au sens strict du terme. Le mariage rituel est nécessaire pour que la femme puisse
avoir des enfants. La paternité est divisée en 3 : le 3ème est l’oncle paternel, c’est le père nourricier, celui qui a
l’autorité sur l’enfant.
L’union sambandham n’est pas un concubinage. Les enfants sont légitimes, il y a des normes à respecter. C’est
une institution matrimoniale qui n’existe plus depuis le XVIIIe, car il y a eu un passage progressif à la patrilinéarité.
SECTION 2 : LES CASTES
C’est une façon de parler des hiérarchies sociales.
A) EGALITE ET HIERARCHIE
Elles sont toujours présentes mais elles représentent deux pôles dont l’un est valorisé et l’autre non selon les
sociétés.
1) S OCIETES HIERARCHIQUES
Elles impliquent qu’il y a quelque part des statuts d’individus. La société est hiérarchique, certains groupes sont
mis au dessus des autres par statut juridique  inégalité qualitative comme dans la France de l’AR ou les sociétés esclavagistes coloniales. C’est ce qu’on appelle le pôle hiérarchique des sociétés ; c’est une valeur structurante, une idéologie. L’ordre de la société apparaît comme un ordre naturel où chaque espèce tient son rôle. La
société est valorisée plus que l’individu.
2) S OCIETES EGALITAIRES
L’autre pôle est celui des sociétés qui prône l’idéal égalitaire. Ce sont des sociétés dans lesquelles, il y a des
inégalités mais pas de droit, des inégalités de fait (cf DDHC) qui aboutissent à la stratification d’un ordre social
où l’individu est la valeur suprême au détriment de la société. Il y a un individualisme. Les besoins de la société
sont subordonnés et au service de l’individu. Ces sociétés sont plutôt rares au niveau mondial. Il y a des inégalités de classes sociales (impliquant des rôles différents) ; il y a des revendications permanentes L’hérédité de
position existe ainsi que la mobilité sociale.
B) NOTION DE CASTE
C’est la cristallisation d’un système de hiérarchie. Le terme a différents sens :
-
-
Le plus stricte (surtout en Inde) : groupe social auquel on appartient par la naissance, strictement délimité et hiérarchisé selon un ordre de prestige accepté et reconnu par tous.
Extension n°1 : concept dans l’analyse des relations ethniques (ex : rapports noirs-blancs aux E-U,
amérindiens-autres en Amérique latine)  conjugaison entre une appartenance ethnique et un statut
dans la société.
Extension n°2 (très employée, ≈ métaphorique) : la « caste politique », groupe fermé et solidaire qui en
tant que groupe impose son statut au reste des membres de la société. Pour les groupes dominants.
C) CASTES EN INDE
1) L A HIERARCHIE COMME IDEOLOGIE STRUCTURANTE DE LA SOCIETE INDIENNE
Elles construisent la société. Sans elles, la société devient quelque chose de complètement différent.
Bouglé : pose la question de savoir si le régime des castes était universel ou si c’était particulier à l’Inde. Les
réponses ne vont pas toujours dans le même sens. Si c’est dans une certaine mesure universel, l’Inde est paradigmentaire car le régime de castes est poussé à l’extrême. C’est le régime des castes qui est particulier, « il
envahit tout ». Dans d’autres sociétés hiérarchiques, comme la Rome antique, on peut dire qu’il y a des castes
mais tous les niveaux du système social dans son ensemble ne sont pas envahis.
Dumont, Homo hierarchicus : il veut montrer qu’il y a un principe hiérarchique omniprésent, polarisation verticale perpétuelle des valeurs.
2) V ARNA ET D JATTI
-
Varna : couleur
Djatti : espèce
Selon les auteurs, il y a des castes et des sous-castes, ou des couleurs et des espèces. Les varna sont les 4
grandes castes, elles sont subdivisées en djatti.
1.
2.
3.
4.
Brahman
Ksatriya
Vaycias (agriculteurs, éleveurs)
Sudras (serviteurs de tous les autres
Les « deux fois nés » : ceux qui ont reçu une
initiation religieuse. Castes dites supérieurs
Hors castes : les intouchables (dalit)
« La caste unifiée de l’extérieur est divisée de l’intérieur ». A l’intérieur d’une caste, les individus ne sont pas
interchangeables.
Dumont insiste sur le fait que cette hiérarchie fait que l’ensemble soit solidaire.
3) B IPOLARITE DU PUR ET DE L ’ IMPUR
L’idéologie est profondément insérée dans la religion : les castes supérieures sont pures, les castes inférieures
impures, d’où la nécessité de se séparer de ce qui est moins pur. Cela induit aussi un aspect extérieur individuel. Un certain nombre de comportements vont avec chaque caste : traditionnellement, il y a avait une caste
dont le métier était d’être voleur  par définition, on ne peut pas accéder à un autre niveau de pureté. Le fait
que certains rendent des services impurs permet aux autres de rester purs. Ex : hôtels : les gens purs font la
cuisine (car Brahman ne peuvent pas manger sinon) mais pas nettoyer les toilettes. Dans certains hôtels, il y a
des portes différentes pour accéder aux toilettes. Il y a également une église à Pondichéry qui est divisée en
fonction des castes.
NB : le système des castes est aboli par Nehru en 1948, mais il est encore très présent/
Il y a donc des interdits structurés. Les étrangers sont des intouchables. Il y a 2 règles :
-
Ne pas se marier en dehors de sa caste (endogamie).
Pour les femmes il y a néanmoins une possibilité d’hypergamie dans certaines conditions : possibilité
de marier avec un homme d’une caste juste supérieure. En règle générale, les indiens sont patrilinéaires, donc si une femme se marie avec un homme d’une caste inférieure à la sienne, elle sera souillée par son enfant.
Robert Deliège : en fait la vision que donne Dumont est trop brahmanique. A l’inverse, Deliège analyse peutêtre trop en fonction des intouchables. Il nuance. Dumont montre une structure sociale comme si elle avait une
unité dans tout le pays. Toutes les castes ne sont pas partout, hiérarchie variable (il y a par exemple des brahman liés au pouvoir politique et des brahman non liés au pouvoir politique). Ce qu’il voit c’est que tout ce qu’il
y a entre les brahman et les intouchables est très complexe er bouge. L’idéologie des inégalités entre chaque
caste a comme un caractère biologique (↔ djatti, espèce).
4) E XTENSION DU CONCEPT DE CASTE A D ’ AUTRES SOCIETES
A partir du concept de caste, on trace la ligne de couleur : barrière de statuts fondée sur la couleur de la peau.
Des sociologues étudient ainsi la situation entre les noirs et les blancs aux E-U. Les blancs sont ceux qui théoriquement n’ont pas une goutte de sang noir. Les autres sont tous noirs. La hiérarchie de naissance s’oppose au
discours égalitaire nord-américain. C’est une société dans laquelle les inégalités sont acceptées dans le seul cas
où le succès est dû à la concurrence. C’est un système qui a une profonde contradiction.
Ça a conduit un certain nombre d’auteurs ayant travaillé sur les castes en Inde à dire que ces castes sont apparues dans une situation analogue aux E-U : idéologie construite par des groupes dominants = aryen qui
s’imposent face aux davidiens en les désignant comme une caste inférieures, eux-mêmes s’étant imposés sur
les tribaux en les désignant comme intouchables. L’idéologie était tellement forte que l’idéologie de classe est
devenue une idéologie de caste.
SECTION 3 : ETHNOCENTRISME ET RELATIVISME CULTUREL
A) L’ETHNOCENTRISME
L’ethnocentrisme, c’est le fait de se situer au centre du monde et de voir tout à travers nos propres schémas
conceptuels. Le terme est créé par Summer en 1906. « Terme technique pour cette vue des choses selon laquelle notre propre groupe est le centre de toutes choses, tous les autres groupes étant mesurés et évalués par
rapport à lui. (…) Chaque groupe nourrit sa propre fierté et vanité, se targue d’être supérieur, exalte ses propres
divinités et considère avec mépris les étrangers. Chaque groupe pense que ses propres coutumes sont les seules
bonnes, et s’il observe que d’autres groupes ont d’autres coutumes, celles-ci provoquent son dédain », Summer.
C’est une attitude universelle. La diversité est ressentie comme quelque chose de bizarre, ce qui la provoque.
Cela implique que chaque société se considère comme centre du monde et mette des limites à la périphérie
d’elle-même pour se différencier. Souvent, comme chez les Inuits, les groupes se nomment avec un mot prestigieux et nomme les autres comme inférieurs  les algonkins les appellent esquimaux « mangeurs de viande
crue ». Dans la société grecque ancienne et dans l’histoire de la société occidentale, on trouve des termes qui
montrent le refus de la diversité culturelle : « barbare », « sauvage »  rejet de ces sociétés hors de la culture.
On trouve de l’ethnocentrisme au sein de l’anthropologie, de sa naissance jusqu’aux 1 ères décennies du XXe :
hiérarchisation des sociétés
-
-
D’un point de vue historique : théorie évolutionniste qui a hiérarchisé les sociétés en fonction des
stades de développement (progrès technique). Les groupes les plus primitifs ont été situés dans
l’enfance de l’humanité.
Ce n’est pas une attitude de racisme : cette théorie dit que toutes les sociétés doivent passer par les
différents degrés de civilisation et qu’elles arriveront toutes au niveau le plus haut.
D’un point de vue mental : Lévy-Bruhl a travaillé sur la société « archaïque » et son articulation avec la
société moderne. C’était un homme de bureau, étude à partir de la bibliographie. Il distingue
 Mentalité logique : occidentale, qui se définit par une approche du monde guidée par la raison.
 Mentalité prélogique : primitifs, les hommes interprètent le monde guidés par la logique du
mythe (racontent comment les choses ont commencé, intervention d’une divinité qui donne
les choses et les apprentissages).
L’ethnocentrisme conduit à des effets négatifs.
Des chercheurs ayant travaillé sur l’ethnocentrisme soulignent le fait que c’est un phénomène normal et qu’il a
de bons côtés. PJ Simon : fonction positive dans la société car il lui permet de ne pas se désagréger, de rester
elle-même. « L’ethnocentrisme doit être tenu pour un phénomène pleinement normal, constitutif, en fait, de
toute collectivité ethnique en tant que telle, assurant une fonction positive de préservation de son existence
même, constituant comme un mécanisme de défense de l’in-group vis-à-vis de l’extérieur. Un certain degré
d’ethnocentrisme est, en ce sens, nécessaire à la survie de toute collectivité ethnique, puisqu’il apparaît qu’elle
ne peut que se désagréger et disparaître, sans le sentiment largement partagé par les individus qui la constituent de l’excellence et de la supériorité, au moins par quelques aspects, de sa langue, de ses manières de vivre,
de sentir et de penser, de ses valeurs et de sa religion. La perte de tout ethnocentrisme conduit à l’assimilation
par adoption de la langue, de la culture, des valeurs d’une collectivité considérée comme supérieure », PJ Simon.
Même Herskovits, qui a dénoncé l’ethnocentrisme, reconnaît cela : c’est problématique si l’ethnocentrisme se
« rationalise et devient la base de programmes d’action au détriment d’autres peuples ».
Pendant longtemps le terme ethnocentrisme était uniquement employé dans les sciences sociales. Il est ensuite tombé dans le sens commun ; c’est alors qu’il est devenu synonyme de racisme. L’ethnocentrisme concerne la culture tandis que le racisme se fonde sur la perception de la différence biologique. Dans des situations concrètes, on voit un mélange des deux.
B) LE RELATIVISME CULTUREL
Il apparaît au moment où les anthropologues se mettent à faire du terrain. Les grandes théories ne servent à
rien pour comprendre les représentations etc. d’une société. L’écart entre les sociétés, les spécificités rendent
tous les essais d’explication générale assez vains et faux  réaction des anthropologues contre ces théories.
1) D EFINITION
Franz Boas : les faits culturels sont uniques. Ils doivent être expliqués en fonction de la culture et pas des théories générales. C’est une forme de respect.
Critique : il est paralysé par cette idée.
Celui qui a théorisé le relativisme culturel est Herskovits dans Les bases de l’anthropologie culturelle, 1948.
NB : l’enculturation c’est l’apprentissage de sa propre culture.
Dans la mesure où chacun a des valeurs en fonction de son enculturation, il n’y a pas de valeur absolue. Il n’y a
pas de culture supérieure, elles sont toutes égales.
Il faut suspendre tout jugement moral pour comprendre une autre culture, avoir un esprit ouvert envers l’autre
et un esprit critique envers ses propres valeurs. Si on ordonne les sociétés en fonction de leur progrès technique, c’est seulement valable pour le progrès technique.
Impossibilité de « porter un jugement d’ordre intellectuel ou moral sur les valeurs respectives de tel ou tel système de croyances ou telle ou telle forme d’organisation sociale, les critères de moralité étant pour
[l’ethnologie], par hypothèse, toujours fonction de la société particulière où ils ont été énoncés », Lévi-Strauss,
Le regard éloigné, 1983.
2) R ELATIVISME ETHIQUE ET RELATIVISME METHODOLOGIQUE
« Il n’existe pas de morale ‘vraies’ pour tous, ni de principes universels de devoir ou d’obligation morale », R.
Massé.
L’anthropologie est incapable de porter des jugements de valeurs sur les croyances, l’organisation sociale etc.
car elles dépendent de la culture. Ça implique une position éthique, c’est ce qu’on appelle le relativisme
éthique. Au sein de ce dernier, on fait la distinction entre le relativisme éthique et celui concernant le travail de
terrain de l’anthropologue.
L’anthropologue doit pénétrer la société pour arriver à avoir une vision des choses, une compréhension en
profondeur. Sinon, on ne voit que de l’exotisme. C’est un relativisme méthodologique. C’est pragmatique, c’est
un outil. Ça ne veut pas dire qu’on accepte la pratique. Cet outil reste valable.
En revanche, en ce qui concerne le relativisme éthique, ça a changé. Pendant longtemps, ça a été un dogme, on
ne pouvait pas faire de jugement sur la valeur comparée. On avait une valorisation de la tradition etc. Ce que
les « relativistes » n’avaient pas pour leur propre société. Il y a eu des sociétés devenant indépendantes qui
considéraient que la société occidentale est supérieures dans certains domaines pour le développement (santé,
scolarisation, progrès)  le discours des anthropologues a été vu comme un néocolonialisme.
3) LES CRITIQUES DU RELATIVISME CULTUREL
Ruth Macklin, Against relativism : critique de fond sur le relativisme. Elle veut se démarquer de tout absolutisme en matière de relativisme.
-
Il y a un certain nombre de principes universels, la tolérance est possible.
-
-
Il y a des choses relatives mais pas d’autres ; face à une pratique violant les droits de l’homme, on n’a
pas à relativiser.
Il n’a jamais été démontré que les éthiques se valent.
Elle nie le fait que les valeurs sont légitimées du fait qu’elles sont adaptées à un contexte particulier.
Pour les relativistes, l’adaptation légitimait la pratique. Elle dit qu’une pratique peut être adaptée à
une culture mais aux individus ?
Le relativisme conduit à l’essentialisme, c'est-à-dire au fait de considérer la culture comme l’essence
d’un individu, ce qui implique qu’un individu est comme il est car il appartient à une culture. C’est une
assignation à la différence. Il ne peut pas sortir de ce qu’il pense. Cela implique dans les théories relativistes que tout ce qui fait partie de sa culture devrait lui convenir. Cela ne tient pas compte du fait
qu’une société est formée par un ensemble de groupes qui ne veulent pas la même chose. Le fait de
ne pas vouloir interférer finit par reproduire la souffrance. Ce sont des valeurs que les gens ne veulent
pas forcément conserver.
Le relativisme n’est pas vraiment neutre.
4) Q UELLE DOIT ETRE LA POSITION DE L ’ ANTHROPOLOGUE ?
Il ne faut pas de jugements de valeurs, sinon on disqualifie son travail d’emblée. Il faut faire une analyse sociale
approfondie et une bonne mise en contexte. Il faut faire une description aussi détaillée que possible. On donne
une interprétation des pratiques selon ce que la société en fait. Cela se fait dans le cadre d’un relativisme méthodologique. Il faut contextualiser dans le cadre des conditions d’existence. Comment les différents groupes
se positionnent dans cette pratique ? En quoi cette pratique est positive ou négative (produit de la souffrance,
à qui ?) ? Une pratique n’est pas légitime du seul fait qu’elle appartient à la tradition.
SECTION 4 : ACCULTURATION
A) LA CULTURE
1) D YNAMIQUE DES CULTURES ET QUESTION DE L ’ HOMOGENEITE
Pendant longtemps, la culture a été considérée comme une espèce de nature. Il y avait un immobilisme et une
homogénéité de la culture. Donc elle paraissait déterminer ses porteurs. Or, la culture ne doit rien à la nature.
C’est la nature qui va être expliquée en fonction de la culture. Contrairement aux espèces animales, chez les
hommes il n’y a pas de comportements innés.
La culture est transmise à l’enfant dès sa naissance. Cet apprentissage conduit à penser certains comportements comme naturels.
Aujourd’hui, on reconnaît la culture comme dynamique et non homogène dans son intérieur.
2) IMBRICATION DE CULTURE ET SOCIETE
La notion de culture fournit un cadre de référence qui va donner sens aux croyances et aux pratiques. On dit
que la culture va guider l’action des membres d’une société. Cependant, il ne faut pas comprendre la culture
comme un programme qui agirait sur des êtres passifs : la culture guide mais ne détermine pas.
B) L’ACCULTURATION
1) D EFINITION
 Roger Bastide (anthropologue français) a parlé « d’interprétation de civilisations ». Mais le concept
d’acculturation s’est développé dans la 1ère moitié du XXe. A partir de là, les anthropologues ont commencé à
analyser les contacts entre les peuples, plus ou moins spontanés ou forcés.
 La 1ère définition est donnée en 1936 par Robert Redfield, Ralph Linton et Herskovits : « L’acculturation est
l’ensemble des phénomènes qui résultent de ce que des groupes d’individus de cultures différentes entrent en
contact continu et direct et des changements qui se produisent dans les patrons (patterns) culturels originaux
de l’un ou des deux groupes », Memorandum for the study of acculturation.  deux groupes de culture différente, changements suite aux contacts.
 Quand deux groupes entrent en contact, il n’y a pas le passage de toutes les blocs des deux cultures ; seuls
certains éléments, acceptés par le gros emprunteur passent. C’est l’acculturation spontanée.
Pendant la colonisation : acculturation forcée.
Programme de développement : acculturation programmée. Le consentement est moins important.
2) A CCULTURATION ≠ CHANGEMENT CULTUREL
L’acculturation est différente du changement culturel. Le changement est plus vaste, l’acculturation en fait
partie. Il peut y avoir changement par des évolutions internes. L’acculturation peut mener à la disparition complète de la culture d’origine pour accepter celle du groupe dominant. C’est un concept qui ne correspond pas
nécessairement à la réalité : une population ne peut pas oublier totalement sa culture d’origine.
De même, le débat entre assimilation et intégration est inutile. Ce sont juste des concepts qui donnent des
éléments pour analyser des situations réelles.
Il y a souvent un jugement moral face à la notion d’acculturation. Il faut plutôt la voir comme un phénomène
social. Il ne doit pas y avoir de jugement dans l’analyse du contact.
3) A CCULTURATION ≠ ENCULTURATION
L’enculturation c’est la transmission de la culture des adultes vers les enfants. L’acculturation touche les
adultes qui ont déjà été enculturés. C’est justement pour ça que l’acculturation crée parfois des conflits dans la
psychologie des individus. Les chances d’aboutir à une assimilation sont nulles ou presque.
4) A CCULTURATION ≠ INTEGRATION
Quand on parle d’acculturation, on parle d’un phénomène lié à la culture : acceptation de valeurs et pratiques
d’une autre culture. Cela concerne un ensemble au sein de rapports sociaux. L’intégration est facilitée s’il y a eu
acculturation au préalable. Intégration dans la différence : les individus n’ont pas à perdre leur culture pour
faire partie d’une même société.
C) MODALITES D ’INTEGRATION DE TRAITS CULTURELS NOUVEAUX : QUELQUES REGULARITES
La modification d’un élément dans une culture va entraîner des modifications, souvent imprévisibles, sur
d’autres éléments. Quand il y a une acculturation, il va y avoir une suite d’effets (pas forcément mauvais), qui
ne seront pas forcément tous prévus au départ.
1) REACTIONS EN CHAINE
Ex : introduction de la monnaie dans les sociétés traditionnelles africaines : transformation des systèmes économiques fondés sur la réciprocité et la redistribution. Elle a aussi entraîné d’autres changements importants :
-
-
Sur les alliances matrimoniales : pour obtenir une épouse, il fallait verser à la famille une compensation matrimoniale en têtes de bétail. Avec l’argent, la réunion de la somme nécessaire ne va pas exiger
la collaboration de tout le groupe de parenté. Le mariage est plus une affaire individuelle qu’une affaire de groupe. C’est une tractation économique. Cela fait perdre l’aspect d’alliance entre 2 lignages.
Apparition de l’individualisme
Divorce : les femmes qui travaillent et gagnent de l’argent peuvent quitter plus facilement leur mari et
rembourser la compensation matrimoniale.
Selon les missionnaires, l’achat de la mariée et l’instabilité conjugale sont contraires aux principes de
l’Eglise. Ils ont supprimé la compensation. Du coup, les conjoints se sentaient à peine mariés. Cela
donnait encore plus de facilité aux femmes à divorcer et à changer de partenaire.
2) INTERPRETATION ET REINTERPRETATION
Ex :
 La société indienne accepte les médicaments mais les réinterprète selon la médecine traditionnelle. Dans la
société, les remèdes et les aliments sont classés sur une échelle qui va d’un pôle très frais à un pôle très chaud.
La société donne une grande importance aux remèdes très frais, car ils sont censés évacuer les impuretés du
sang laissées par les aliments très chauds. L’idée de frais/chaud n’est pas liée à la température.
 Dans un village au nord de l’Argentine il fait très chaud en été. Les toits des maisons sont faits en chaume
par les habitants eux-mêmes (gratuit). Puis est arrivée la tôle ondulée. Il faut la payer et elle n’est pas du tout
adaptée à la chaleur. Mais c’est un symbole de richesse d’acheter son toit, prestige. Le toit en chaume représente les paysans. La valeur de l’argent change la valeur attribuée au toit traditionnel, alors qu’il est adapté au
climat.
3) RESISTANCE
Ex : renaissance du chamanisme dans la société indienne quand on pensait qu’on était en présence des derniers chamans. C’est un réveil identitaire. Dans les sociétés amérindiennes, on voyait des chamans rester très
âgés, peu de jeunes s’initiaient. On a un regain d’intérêt de la part de la jeunesse.
4) LA CONTRE - ACCULTURATION
C’est un phénomène religieux et politique qui prend des formes diverses :
-
Messianisme : nouvelles religions avec la venue d’un messie
Prophétisme : religion conduite par un prophète
Nativisme : forme religieuse qui reprend l’ancienne dans toute sa pureté…
Ce phénomène apparait quand l’acculturation a produit des effets désorganisateurs et destructeurs dans la
société. Ce sont des essais de retour en arrière et des mouvements syncrétiques qui vont fondre ensemble des
éléments chrétiens et des éléments de religions traditionnelles.
Ex : culte du cargo en Mélanésie, apparu à la fin du XIXe suite à des contacts avec les européens : ce culte se
fondait sur la croyance que la venue des navires de marchandises avait une origine divine. Les mélanésiens ont
interprété l’arrivée des cargos à partir de leurs mythes sur la création du monde. Les cargos représentaient le
retour des divinités, annoncé dans les légendes. Ce retour préparait l’avènement d’une période de prospérité.
Mais les cargos ont été perçus très rapidement comme un instrument de domination des colonisateurs. 2 explications :
-
Les divinités avaient pris le parti des européens, ce qui explique leur suprématie
Les blancs ont détourné à leur profit les navires que les divinités destinaient aux mélanésiens.
Le but de ce culte du cargo était de modifier le cours des choses : il fallait s’attirer la faveur des divinités pour
qu’elles envoient les navires aux mélanésiens et punissent les européens pour vol. En même temps, ces navires
devaient contenir des armes envoyées par les divinités pour permettre aux mélanésiens de mettre fin à la domination coloniale.
Les cultes syncrétiques montrent que les mélanésiens veulent les objets occidentaux mais pas le reste.
L’opposition est contre la domination mais pas contre les biens matériels.
Cet exemple montre comment, à partir des phénomènes de rencontre et d’acculturation, des innovations apparaissent. Des cultes nouveaux sont nés et n’auraient pas existé sans l’acculturation. On voit la nécessité de
prendre en compte le contexte social, historique et politique dans l’analyse des contacts culturels. Les cultes
sont la combinaison d’éléments des deux cultures, mais aussi d’une situation coloniale et de l’impact des valeurs européennes.
Aujourd’hui l’acculturation est vue comme l’imposition du fort sur le faible. Il peut y avoir une acculturation
forcée dans certains domaines, tandis que dans d’autres elle est spontanée. Dans une situation de domination
coloniale, les valeurs associées aux colons sont considérées comme les meilleures. D’où le souhait pour les
populations colonisés de les copier.
Pour certains, l’acculturation fait perdre la pureté des origines. C’est une idée fausse car la culture évolue, les
contacts entre cultures ont toujours existé. C’est dangereux car ça fait un lien avec la notion de pureté de race.
On met l’accent sur le fait que le contact avec une autre culture va donner lieu à une perte dans sa propre
culture. Il faut voir l’acculturation comme un fait normal qui a lieu quand deux sociétés se rencontrent.
D) ASSIMILATION ≠ ETHNOCIDE
Le terme ethnocide a été créé par des anthropologues dans les 60’s pour décrire une situation particulière,
celle des populations d’Amazonie, dont le mode de vie avait été brutalement transformé par l’exploitation de
la forêt, qui mettait en cause leur possibilité de continuer à l’exploiter. C’est une acculturation forcée.
Génocide : extermination physique d’un peuple.
Ethnocide : destruction systématique de la culture d’un peuple. C’est une déculturation programmée volontaire.
C’est l’époque où on exalte le pluralisme culturel, les identités. On dénonce l’impérialisme américain. Le terme
a eu des ambiguïtés, car on le confondait avec génocide. On peut se demander si ce n’est pas mieux pour les
enfants d’apprendre à écrire et à lire. Quel est le projet d’une nation qui laisse sa population dans l’ignorance ?
On a aussi parlé d’ethnocide pour les missionnaires chez les indiens à la suite de la conquête. Le contexte était
différent : les missionnaires voulaient donner une vérité aux indiens, un avenir meilleur. Il faut aussi noter que
c’était les religieux qui défendaient les indiens contre les abus des colons.  Prudence avec le terme ethnocide. Quand il y a une situation qui peut se rapprocher d’une assimilation, cela ne se fait pas forcément par
l’imposition d’une culture dominante. Souvent, c’est aussi parce que ceux qui sont en position de domination
viennent à adopter des valeurs et pratiques qui sont considérées comme supérieures. C’est généralement le
cas dans les colonisations. Il faut tenir compte de la dimension historique.
SECTION 5 : ETHNICITE
A) DEFINITION
Etymologiquement, ethnie vient du grec ethnos qui désigne les peuples non organisés en cité. Dès le départ ce
terme a une connotation négative. Il suppose un classement par rapport à la forme supérieure de la civilisation
grecque.
En français, l’adjectif ethnique a eu le sens « païen », « idolâtre », pour désigner les groupes non monothéistes.
Ce terme est introduit dans les sciences sociales en 1896 par Vacher de Lapouge pour distinguer race, nation et
ethnie :
-
Race : ensemble des êtres humains réunis, regroupés par des caractéristiques physiques communes.
Nation : entité politique sociologie historique.
Ethnie : langue et culture commune, tradition intellectuelle commune et pas par une hérédité physique ni une solidarité historique.
Le terme nation est réservé aux sociétés occidentales dotées d’un projet historique, tandis que le terme ethnie
est réservé aux sociétés jugées inférieures et primitives.
Aujourd’hui on définit une ethnie à partir de 4 caractéristiques :
-
Endogame : les membres d’une ethnie se marient entre eux
Partage de valeurs culturelles qui s’intègrent dans une unité appelée culture
Système propre de communication
Appartenance qui se dédouble :
 Identification : Identification des membres de l’ethnie entre eux
 Assignation : Les gens de l’extérieur classent une personne dans telle ethnie.
B) ETHNICITE ET DISCONTINUITE ENTRE GROUPES ETHNIQUES IMPLIQUANT DES FRONTIERES
L’ethnicité c’est l’identité ethnique. Dans le domaine populaire, l’identité est comprise comme une caractéristique stable, permanente et inamovible de l’individu. Or, dans les faits, il y a plusieurs identités (européen,
français, breton, …). Selon les circonstances, on va mettre en avant telle ou telle disposition de l’identité. C’est
la saillance (ou mise en relief). Quand on parle de l’identité en général, il n’y a pas qu’une identité ethnique.
L’ethnicité apparaît comme plus évident, structurée dans les sociétés polyethniques. Ce sont des sociétés dans
lesquelles les groupes sont distingués par la langue, la religion, le physique, les structures de parenté. En même
temps, il y a une culture commune. Ex : île Maurice : malgaches, chinois, indiens… et une créolité commune.
Entre les groupes ethniques, il y a des discontinuités culturelles, d’identité sociale, religieuses, … Elles impliquent des frontières entre les membres de tel ou tel groupe ethnique.
C) LES TRAVAUX DE F. BARTH
Frederik Barth, 1969, les groupes ethniques et leurs frontières : il a renouvelé les études sur l’ethnicité. Il a
étudié les ethnies non pas dans leur centre mais dans leurs interactions. Ça a été un changement de perspective car jusque là le groupe ethnique était étudié selon une conception statique, selon la notion de race et de
culture immobile. Il va introduire une conception dynamique de l’ethnicité et s’intéresser à la façon dont
l’identité ethnique se construit et se transforme dans l’identité des groupes sociaux.
Il constate que les frontières ne sont jamais imperméables. Même si les ethnies sont endogames, c’est seulement en général. Malgré ces flux, les frontières persistent. Les relations entre deux groupes ethniques sont très
souvent durables. Elles vont se faire de telle façon que les rapports qui s’établissent entre les groupes vont
aussi marquer leurs différences. Il s’agit souvent d’ethnies qui vont avoir des statuts différents. Ex : les sociétés
rurales latino-américaines ont une médecine traditionnelle très vivante et valorisée. On ne comprend pas la
façon de soigner des indiens, qui sont vus comme des sorciers. Quand un latino-américain ne peut être soigné
par les guérisseurs, on va consulter un sorcier indien.
1) L ’ APPARTENANCE : IDENTIFICATION ET ASSIGNATION
L’appartenance est considérée comme la caractéristique principale de l’ethnie. Barth lui a donné son importance. Les groupes ethniques sont à la fois des catégories d’assignation et d’identification. Une identité ethnique se définit par rapport à une altérité. Si le groupe en face disparaît, on ne peut plus se définir par rapport
à lui. On peut alors se définir de manière différente. Ex :
 Identification : Dans la période coloniale en Amérique du Sud, les criollos étaient les enfants des espagnols
d’Amérique. En général c’était des métis mais ils étaient recensés comme espagnols. Pendant toute la période
coloniale, ils avaient moins de droits que les espagnols nés en métropole, un statut social différent. Dans la
période juste avant les indépendances, cette identité criollo commence à s’opposer de plus en plus à l’identité
métropolitaine. Avec l’indépendance, les espagnols perdent tout contrôle politique. Donc les criollos ne pouvaient plus se définir par rapport à eux. La dénomination a été oubliée et les individus se sont identifiés à la
dénomination nationale des pays qui naissaient (Pérou, Colombie, …). En Argentine, il y a eu rapidement une
immigration européenne très importante qui a triplé la population. C’est à ce moment que l’identité criollo a
repris sa force pour les gens du pays, pour s’identifier à tous ces gens qui arrivaient, les gringos. Avec
l’immigration, il y a eu un blanchiment de la population dans les principales régions d’immigration (pas les
régions rurales).
 L’assignation : Quelqu’un a une identité. On enferme un groupe dans un label, alors qu’il n’y tient pas forcément. C’est le cas d’un immigrant qui veut s’intégrer et la société d’accueil qui refuse en l’ethnicisant. C’est
aussi le cas des juifs de France au moment de la guerre. Cette assignation de l’extérieur peut mener à la création d’un groupe. On dit que la nomination est productrice d’ethnicité. Les noirs américains ont été créés
comme groupe social par les blancs qui les ont emmenés en Amérique et mis dans des conditions semblables.
Les noirs venaient de groupes ethniques différents et en Amérique, ils sont devenus des afro-américains. Cela
finit par produire une solidarité réelle entre les membres du groupe. Pendant longtemps, les amérindiens ont
gardé leur propre dénomination ethnique. Une autre appellation a été créée, « native Americans », car ce sont
tous des groupes qui ont été mis dans une situation de marginalisation sociale, qui a créé une solidarité et une
appartenance au dessus des appartenances particulières.
2) L ES MARQUEURS ETHNIQUES
Les marqueurs ethniques apparaissent comme essentiels dans un groupe. Ils ne sont pas la somme des différences objectives qu’on peut observer à partir de l’extérieur. Ce sont des éléments que les groupes eux-mêmes
vont considérer comme significatifs. Ex : le drapeau français n’est pas forcément un marqueur d’identité en
France surtout quand on compare son utilisation avec le drapeau américain.
Il y a des marqueurs de 2 types :
-
Signes explicites (langue, vêtement, …) qui se voient concrètement.
Orientations de valeurs (critère de moralité, d’excellence, …) qui sont partagées. Ex : la laïcité en
France face à la liberté religieuse aux E-U.
Les marqueurs ne sont pas figés. Autrefois, l’opposition entre le Canada et le Québec se faisait en termes de
religion (catholique vs protestants). Puis la religion est devenue moins importante au Québec. Mais la frontière
entre québécois et canadiens persiste, à travers la langue.
D) REAFFIRMATION CONSTANTE DES FRONTIERES
Les frontières ne sont pas nécessairement statiques. Elles persistent car il y a une réaffirmation constante. Ex :
discours politiques, enseignement de l’Histoire à l’école.
Il peut y avoir une pression dans le groupe pour obliger le groupe à ne pas dépasser les frontières. Ex : Afrique
du sud à l’époque de l’apartheid où le pouvoir de la classe dominante reposait sur la séparation entre les noirs
et les blancs : la participation active du groupe blanc pour maintenir la frontière était de l’ordre du devoir moral.
Les frontières peuvent aussi être maintenues par le groupe dominé. Ex : les afro-américains après l’esclavage
(surtout sud des E-U) : il y a eu un code d’honneur selon lequel celui qui essayait de quitter le groupe (se marier
à l’extérieur, …) était considéré comme un traitre.
Le maintien des frontières entre groupes ethniques ne dépend pas de la permanence de la culture. Ce n’est pas
ça qui va forcément conduire à l’effacement des frontières.
Ex : les amérindiens se sont massivement convertis à des religions de nouveau christianisme (penchant pentecôtiste, mélangé avec des croyances indiennes). Le fait de s’être convertis à ces religion n’a pas affaibli la frontière qui sépare les indiens des non-indiens.
La pentecôte est la fête du saint esprit. Le Pentecôtisme est le christianisme qui donne une place importante au
saint esprit, qui donne les charismes à certains fidèles. Parmi ces dons, il y a guérison, prophétie, langage… Ce
sont des pouvoirs qui permettent de manipuler le surnaturel. Cela s’est rapidement diffusé chez les indiens car
il y a des points communs avec les croyances traditionnelles. Ces religions pentecôtistes se sont beaucoup diffusées dans les couches inférieures. Cela aurait pu conduire à un rapprochement idéologique avec des nonindiens des classes les plus basses. Cela n’a pas été le cas. Ça a plutôt renforcé les frontières indiennes car ces
conversions leur ont permis de renouveler des aspects importants de leurs religions traditionnelles. Dans la
mesure où ce type de religion a comme caractéristique générale que les gens construisent leurs temples. A
travers la création d’une église distincte, les indiens vont marquer la limite qui va les séparer d’autres groupes
marginaux de la même société.
E) LES REPRESENTATIONS
Les représentations sont les valeurs propres à une société mais qui ne sont pas forcément explicites. C’est un
construit social. C'est-à-dire qu’il s’agit de la création et du patrimoine de l’ensemble d’une société ou d’un
groupe social. Le construit n’est pas forcément élaboré de façon consciente, ni qu’il puisse être expliqué théoriquement par les membres d’une société. L’explicitation est la tâche de l’anthropologue.
1) U N ENSEMBLE COHERENT REPOSANT SUR UN CODE COMMUN
Les représentations d’une société sont ainsi l’ensemble des significations qu’une société va donner aux choses.
Elles sont arbitraires car chaque société a ses propres représentations. Elles ne sont pas arbitraires dans le sens
où elles ont une cohérence entre elles au sein d’une même culture : elles reposent sur un code commun, qui
est plus ou moins conscient. Il permet de se comprendre au sein d’une société. Les représentations ne sont pas
une réponse à une enquête d’opinion mais un ensemble cohérent dans lequel les significations profondes sont
solidaires les unes des autres. Les axes de signification sont différents selon les cultures. Ex : le mauvais œil :
c’est une croyance répandue en Méditerranée, au M-O. Une personne a un pouvoir avec son regard, et peut
nuire à une autre personne vulnérable. L’anthropologue va se pencher sur des cas concrets (agents, victimes,
raisons, …) et il arrive à des représentations qui reposent sur la force (agent vs victime), la marginalité (victime
vs agent), l’intimité de la vie familiale,…
Les représentations apparaissent comme un lieu d’analyse des faits observés et comme une grille de lecture du
monde. Cela permet à l’anthropologue de voir les liens entre différents domaines culturels d’une même société.
2) U N SYSTEME DE COMMUNICATION
Les représentations sont un système de communication car elles sont partagées par les membres d’une société. Ce partage n’implique pas un niveau de connaissances égal de la part de tous les membres. Mais de façon
générale, on voit que la connaissance se rattache à la représentation. Ces représentations sont collectives. Ex :
corps et recherche de thérapie : en pratique les comportements se rattachent au système de représentation
dans la mesure où c’est un système de référence pour l’action. Les écarts existent tout de même. Ex : dans les
médecines traditionnelles, quand quelqu’un tombe malade à cause d’un sort, cette maladie doit être soignée
par un guérisseur mais jamais par un médecin, car il ne comprend pas la sorcellerie. On trouve aussi des gens
qui se disent ensorcelés et qui vont aller chez le docteur à cause des logiques sociales (connaissance intime,
trouver un calmant…).
Les représentations demandent une démarche en profondeur, dans les détails, … C’est une dimension propre à
l’anthropologie.
3) E XEMPLE DES REPRESENTATIONS DE LA MALADIE
Etude auprès des Chaco qui s’appellent eux-mêmes criollos. C’est une population issue d’anciens métissages
entre espagnols et amérindiens, au nord de l’Argentine. Ils ne se considèrent par comme descendants des espagnols et des amérindiens. Dans leur représentation de la maladie, on trouve un composant espagnol et populaire. Les médecins mettent l’accent sur tout ce qui est équilibre. La maladie correspond à un déséquilibre.
C’est une des médecines qui vont classer les remèdes et les aliments sur une échelle qui va du plus chand au
plus frais.
Il y a un lien entre maladie et religion, ce qui est fréquent dans les médecines traditionnelles. Il s’agit de représentations qui concernent aussi le religieux. Dans les entretiens, on voit apparaître des termes qui reviennent
de façon insistante. Quand on se met à faire l’analyse des informations qu’on a, ces termes sont des termes
forts qui donnent leur sens à certains axes d’explication :
 Naturel//surnaturel//artificiel : ces termes ont été utilisés traditionnellement en anthropologie pour faire
des classifications externes des maladies (pas faite par les membres des sociétés étudiées).
-
Naturel : tout ce que Dieu a donné aux gens (catholicisme populaire fort et identitaire ; ex : plantes
médicinales, eau bénite, pouvoirs du guérisseur, miracle).
Surnaturel : tout ce qui vient du diable (certains animaux) et tout ce qui est fait avec son pouvoir (sorcellerie, maladie provoquée par un sort, …).
Artificiel :
 dans un certain sens, c’est synonyme de surnaturel, tout ce qui est fabriqué par le sorcier.
 Tout ce qui est élaboré, moderne ; ce qui a la marque de fabrication moderne. Tout ce qui est
classé comme artificiel est dévalorisé par rapport au naturel.
 Chaud//frais : ça fait partie d’une classification très répandue dans les sociétés latino-américaines. Cette
idée n’a rien à voir avec la température de l’aliment/remède. Ex : si une tisane est faite avec une plante considérée comme fraiche, alors la tisane sera considérée comme ayant la capacité de refroidir le corps.
On dit que la nature humaine est tiède. La notion d’équilibre est fondamentale. Le but est de restituer au corps
un équilibre perdu. Il y a des maladies provoquées par des excès de chaleur : ex : l’empacho peut être provoquée par une consommation modérée/excessive d’aliments chauds ou par l’ingestion simultanée ou presque
d’un aliment très chaud et d’un aliment très frais. La chaleur s’accumule dans l’estomac et passe dans le sang,
ce qui provoque des impuretés. On restitue l’équilibre en donnant des remèdes donnant du frais. NB : chaleur
≠ fièvre (elle peut être provoquée par un excès de froid).
Il y a un ensemble de remèdes plus valorisés : plantes très fraiches que les gens prennent quasiment tous les
jours  Mathé dans lequel mettent des plantes médicinales ou des plantas cordiales (vient de « cœur », notion
d’équilibre). Elles nettoient le sang, parcourent l’organisme veine par veine. On peut attraper une maladie plus
facilement quand le sang n’est pas propre (sang faible)  prévention.
Les aliments considérés comme les plus nutritifs sont les aliments chauds.
 Force//fragilité : on retrouve cette distinction un peu partout. Chez l’être humain, quand on est bébé, on est
fragile, ce qui se manifeste par des maladies concernant l’esprit ou l’organisme.
Le mauvais œil (pas la même chose qu’en Méditerranée) qui est une maladie provoquée par la force d’un individu. Les bébés sont particulièrement sujets à cette maladie. Les os de la fontanelle se séparent, ce qui fait
mal ; seul le guérisseur y touche pour diagnostiquer le mauvais œil. On met des rubans etc. pour recoller les os.
Cette maladie est provoquée par une fragilité de l’organisme (tout n’est pas encore bien fixé). C’est une maladie presque exclusivement infantile, qui concerne exceptionnellement les femmes.
Une autre maladie est appelée « vaso volcado » (caillette renversée ; comme les vaches quand elle rumine ; la
caillette ne sert que pendant l’allaitement). Parfois la caillette se renverse, le lait s’en va et l’enfant vomit. Il
faut lui remettre en place.
On acquiert de la force avec la croissance. Quand on est un adulte normal, on est fort. La force peut être bonne
(protège l’adulte des maladies) ou mauvaise (provoque des maladies chez d’autres, plus fragiles). L’acte thérapeutique est considéré comme un jeu de forces : le corps d’un malade est atteint car la maladie est plus forte
que le corps. Les médicaments doivent être plus forts que la maladie mais de façon supportable pour le malade. La force du guérisseur doit être supérieure à celle de la maladie. Ex : la maladie infantile « de la peur », ou
susto : c’est très répandu en Amérique latine non indienne. On a la croyance qu’on a un ver dans la colonne et
qu’il remonte vers la nuque avec le susto, ce qui pousse l’enfant à renverser sa tête vers l’arrière (souvent méningite/convulsion). L’enfant ne peut ni dormir ni manger, il pleure tout le temps. On prévient la maladie par
un baptême maison, l’ondoiement : le guérisseur arrose d’au bénite l’enfant (le vrai baptême coûte cher donc
on le remet à plus tard mais si l’enfant meurt, il faut qu’il puisse aller au paradis) ; cela fortifie le corps. Le traitement pour faire redescendre le ver est le même que celui contre les parasites, une tisane. Puis on fait la normalisation de l’esprit de l’enfant : l’appel faire revenir l’esprit (le guérisseur approche sa bouche de la tête de
l’enfant et l’appelle par son nom 3x en le bénissant) puis il asperge l’enfant d’eau bénite en croix avec sa
bouche. Enfin, fumigation avec du romarin/lavande/myrrhe.
Certaines maladies ne concernent qu’un seul axe. Mais dans certains cas, il y a un lien entre l’axe chaud//frais
et force//fragilité :
-
-
La maladie aicadura : transmise par un cadavre. En général elle est attrapée par le fœtus quand la
femme est enceinte et qu’elle inhale les flux de maladie (l’odeur de pourri retombe sur le fœtus). Le
bébé naît malade : il se dessèche, jaunit, son ventre se gonfle (cas de malnutrition aigue). Ça implique
la mort de l’enfant car le mort a contaminé l’enfant avec la mort. Le traitement vise à lui redonner la
vie. On va avec l’enfant à l’abattoir du village où on le met dans l’estomac d’un bovin pendant 15-30
min, on l’enveloppe dans une couverture, bains avec des plantes chaudes, fumigation  on lui donne
de la chaleur pour le renforcer. C’est répété pendant 3j. Le bovin est considéré comme un animal fort,
sa viande est chaude. Dans l’estomac, il y a l’herbe que le bovin a mangée et qui a donc sa force et sa
chaleur. On a la même idée au Pérou avec l’estomac d’un lama.
Soin à la femme qui vient d’accoucher : la femme est particulièrement vulnérable pendant 40j. C’est la
conséquence de la perte de sang, d’avoir nourri l’enfant pendant 9 mois puis par l’allaitement. Il faut
la rendre plus forte. Elle ne peut pas prendre un aliment trop fort car elle ne pourra pas le supporter.
La viande est conseillée car elle est chaude et forte ; prend de la viande de vache (supportable pour la
femme) ou de poule (fraiche et féminine).
FILM D’ELIANE DE LATOUR
Une fois que le mari est nommé chef, les femmes doivent être enfermées.
 Au début, les filles disent ce qu’elles veulent quand elles seront mariées. Ce n’est pas une situation de changement social, c’est l’attitude d’une classe d’âge.
 Grande maison dans laquelle chaque femme a une pièce où elle vit avec ses enfants. Les femmes ne peuvent
pas s’approcher facilement de l’espace masculin. De même, pour les hommes, il est interdit d’entrer dans
l’espace féminin, sauf pour l’intendant, employé du mari.
 viande amenée par le mari ≠ légumes/graines par les femmes, mais le mari doit payer.
 Le mari a de la musique, des fauteuils pas africains, qui sont des signes de prestige.
 Chaque femme s’occupe de son mari pendant 2j.
 Rabi, la 2ème épouse : elle a été mariée une 1ère fois par un mariage arrangé par son père mais est rentrée
tout de suite chez elle. Elle a ensuite été prise comme 2ème épouse par son actuel mari. Depuis que le mari est
chef, elles ont changé d’endroit et sont cloîtrées. C’est un changement fort pour ces femmes car elles font du
commerce et elles seraient donc obligées de sortit ; elles le font de la maison avec l’aide de leurs enfants. Elle
dit qu’elle tire le prestige de la place de son mari et que ça lui profite aussi. Dimension importante dans la société traditionnelle.
NB : groupes islamisés ≈ harem
 Goshi, la 1ère épouse : elle a un statut hiérarchique supérieur. Jalousie : question du rapport difficile entre
coépouses  la plus jeune a été sortie de la maison et mise ailleurs car la situation était intenable. Une parenté
se crée entre coépouses. Tous les enfants sont égaux ; ils ne se retrouvent jamais seuls car parenté large.
NB : tous les hommes ne sont pas polygames (les mieux placés surtout). Les femmes n’aiment pas partager un
mari mais aiment avoir un mari prestigieux. Les femmes ont le choix de rentrer chez elles.
« Il n’y a de vieillesse que si on en amène une plus jeune »
NB : deux derniers visionnages du film manqués
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