1 Pour être libre, faut-il se débarrasser de toute morale ? Notions abordées : morale, devoir, liberté, bonheur, société, État Important : lire et apprendre l’annexe p. 5 sur la liberté Chacun d’entre nous, probablement, aspire à être libre, et en même temps il sent la nécessité de régler ses actions d’après des principes moraux. Il serait donc intéressant de se demander s’il est possible de concilier ce désir de liberté avec les exigences de la morale ou si, au contraire, une morale est par définition ennemie de la liberté. Tâchons donc de définir les deux notions en présence. Une morale est un ensemble de principes, présents dans la conscience d’un individu, et qui sont censés guider celui-ci dans ses choix, afin qu’il fasse ce qui est bien et évite ce qui est mal. La liberté est le pouvoir d’agir en fonction de ses propres buts, et non poussé par une contrainte extérieure. D’après ces définitions, on pourrait penser que la présence d’une morale dans la conscience n’est pas incompatible avec la liberté. Agir moralement, en effet, c’est agir en fonction de principes qui sont inscrits au cœur de la conscience, et non sous une contrainte extérieure. En somme, c’est obéir à soi-même. Cependant, ce n’est pas parce que les principes de notre morale sont en nous qu’ils viennent de nous. Peut-être sont-ils simplement le résultat de notre éducation. Et si c’est le cas, ne nous empêchent-ils pas d’être libres, en nous interdisant d’accomplir nos « mauvais » désirs ? La liberté véritable ne suppose-t-elle pas l’abandon de toute morale ? Mais que se passe-t-il si nous laissons libre cours à tous nos désirs ? Ne risquons-nous pas de faire des choses que nous regretterions par la suite, dans la mesure où nos désirs peuvent se contredire les uns les autres ? La liberté ne consiste-t-elle pas dans le fait d’obéir à sa raison, donc d’agir selon un certain type de morale ? Tel est le problème que nous allons tâcher de résoudre. I. En nous aidant à être heureux, la morale épicurienne nous rend libres Épicure identifie le bien et le bonheur. Sa morale est un eudémonisme (d’un mot grec qui signifie « bonheur »). Bien agir, pour un épicurien, c’est donc agir de manière à éprouver un maximum de plaisir et un minimum de douleur. Or, cela nécessite des principes à respecter. En effet, si l’on ne se donne aucune règle, on agit sans penser aux conséquences et on s’attire plus de souffrance que de plaisir. Il s’agit donc, pour être heureux, de bien utiliser sa raison, c’est-à-dire de raisonner correctement en étudiant pour chaque action quels résultats elle entraîne. Ainsi, il y a bien une morale épicurienne, mais une morale qui met moins l’accent sur les devoirs (c’est-à-dire ce qui est prescrit par les règles morales) que sur le plaisir qui découle du respect de ses devoirs. Quand, par exemple, Épicure recommande à ses disciples de respecter les lois et de vivre en bonne entente avec le reste de la société, ce n’est pas pour qu’ils deviennent altruistes (soucieux du bonheur d’autrui) : c’est pour leur éviter des troubles inutiles. Rappelons qu’Épicure définit le bonheur comme tranquillité de l’âme et bonne santé de l’âme. En ayant des rapports pacifiques avec les autres hommes, on préserve sa tranquillité, donc son bonheur. Il ne semble donc pas que la morale épicurienne soit un obstacle à la liberté : elle ne met pas les devoirs en avant, mais le bonheur. Les principes à respecter sont simples, peu nombreux et faciles à comprendre. Ce sont des principes venant de la raison, c’est-à-dire de nous-mêmes, et en les suivant on ne fait qu’obéir à soi-même. On est donc bien libre. Enfin, ajoutons que l’épicurisme nous recommande d’être le plus indépendant possible du monde extérieur, afin d’éviter la souffrance liée au manque. Il s’agit donc de rejeter les désirs vains et de n’accomplir les désirs naturels superflus qu’avec modération : il ne faut pas s’habituer au luxe et au confort, car cette accoutumance diminue le plaisir et cause des souffrances si un imprévu entraîne une chute du niveau de vie. Là encore, la recherche épicurienne du bonheur semble conduire à une forme de liberté : le détachement à l’égard des biens matériels superflus. 2 Transition - D’après ce qui précède, la liberté suppose qu’on se débarrasse des morales mettant en avant l’idée de devoir. Mais elle est possible si on adopte la morale épicurienne, qui identifie le bien au bonheur. On peut cependant faire une objection à cette idée : cette morale n’est que partiellement fondée sur la raison. Elle recommande sans doute d’utiliser des moyens rationnels pour parvenir au but essentiel de la vie : le bonheur. Mais le but proposé par la morale épicurienne n’est guère raisonnable. Pour Épicure, il s’agit en effet de satisfaire ses « désirs » naturels, donc de se soumettre à la nature, comme un animal. Or, la liberté ne consiste-t-elle pas au contraire à se donner à soi-même des buts, sans être poussé par un instinct ? II. Agir moralement, c’est être autonome, donc libre 1. L’autonomie de la raison À bien des égards, Kant (1724-1804) est l’antithèse d’Épicure. Alors que ce dernier fonde sa morale sur la sensibilité (capacité d’éprouver des sensations ou des sentiments), Kant pense qu’une morale digne de ce nom doit être entièrement tirée de la raison. Agir d’abord en fonction de ses sensations ou de ses sentiments est en effet indigne d’un être humain. C’est se conduire comme un animal, qui cherche seulement à fuir la douleur et à éprouver des sensations agréables. L’homme vraiment moral agit raisonnablement, donc suivant des principes cohérents, et même universels (valables en toutes circonstances et pour tout homme). Il n’est donc pas comme une girouette, qui change de décisions en fonction des circonstances : il a des principes et il s’y tient fermement. Par exemple, il s’efforce d’être juste envers ses enfants, et de ne pas se laisser aveugler par la pitié ou la colère. Ainsi, en suivant sa raison, l’homme moral est pleinement libre. L’homme immoral, celui qui se laisse guider par sa sensibilité, est au contraire passif : il se laisse contrôler par ses désirs. Il peut d’ailleurs facilement se laisser influencer par autrui, qui peut jouer sur ses peurs, son amour, sa colère, pour faire de lui tout ce qu’il veut. On comprend donc que la moralité (le fait d’agir moralement) ne consiste pas à respecter n’importe quelle règle ou d’obéir à n’importe quel ordre. Il ne s’agit pas, pour être moral, de se soumettre aveuglément à une autorité extérieure1, mais d’obéir à sa propre raison. En ce sens, la philosophie de Kant s’inscrit pleinement dans le courant des Lumières. 2. Le devoir moral La vraie morale, celle qui est fondée sur la raison, est donc un produit de la liberté humaine. Elle est une morale de l’autonomie, et à ce titre nous libère de l’instinct animal. Mais ce faisant elle s’oppose à la sensibilité, qui nous pousse bien souvent à adopter un comportement égoïste. C’est pourquoi la loi morale est ressentie comme contraignante : elle nous impose des devoirs. Un devoir est une tâche ou une manière d’agir qui est prescrite par une loi. C’est donc quelque chose d’obligatoire, qui va à l’encontre de certains désirs. Si on faisait toujours le bien spontanément, par plaisir, on n’aurait pas besoin d’avoir des devoirs. Cependant, le devoir n’est pas une nécessité physique : nous ne sommes pas forcés de le faire. Une loi juridique ou morale (contrairement aux lois de la nature) peut être transgressée. Quant au devoir moral, celui qui nous occupe ici, c’est le devoir qui est prescrit par la loi morale, cette loi qui est inscrite dans notre conscience individuelle et qui vient de la raison. Ce devoir-là est à distinguer du devoir juridique, qu’on accomplit souvent par peur d’être sanctionné et non pour être en paix avec sa conscience. Il y a cependant des liens entre le devoir juridique et devoir moral : si nous acceptons d’accomplir notre devoir juridique, c’est souvent parce que la loi juridique est légitime à nos yeux, donc correspond à nos principes moraux. 1 Comme les individus étudiés par le psychologue Stanley Milgram. Cf. à ce sujet ces deux liens : http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram et https://www.youtube.com/watch?v=iyDzZoyOJzY 3 3. L’impératif catégorique En quoi consiste précisément notre devoir, pour Kant ? D’après lui, nous devons toujours agir suivant un principe universel, ou susceptible de devenir universel (valable tout le temps et pour tout le monde). Être moral, c’est refuser de faire des exceptions à la règle qu’on s’est prescrite, c’est rester ferme sur ses principes. Ce que la raison nous dit, c’est : « Agis toujours de manière à ce que la maxime2 de ton action puisse devenir une loi universelle ». Ce principe moral est un impératif (une formule exprimant un commandement de la raison). Et cet impératif est catégorique : il est valable absolument, sans condition. L’impératif catégorique se distingue de l’impératif hypothétique, qui peut s’écrire ainsi : « Si tu veux obtenir tel résultat, alors agis de telle manière ». L’impératif hypothétique n’a rien de moral : il nous dit seulement comment on doit agir, quels moyens on doit utiliser pour atteindre un objectif (même si celui-ci est criminel). L’impératif catégorique, lui, nous prescrit le but que nous devons atteindre. Et ce but, c’est d’agir en fonction d’une règle que tous les hommes puissent accepter en permanence. Exemple : « Si tu veux gagner beaucoup d’argent, raconte des mensonges aux gens naïfs ». Cette formule n’a rien de moral : elle est un impératif hypothétique. En revanche, l’impératif catégorique, d’après Kant, implique comme conséquence l’interdiction du mensonge. Je ne puis vouloir, en effet, que tout le monde se mette à mentir en permanence, car alors plus personne ne ferait plus confiance à personne et le mensonge n’aurait plus lieu d’être. Mon devoir est donc de ne pas mentir, même si cela m’en coûte. 4. Le respect dû aux personnes Chaque être humain étant capable d’agir moralement, selon des principes qu’il s’est donné à lui-même, il est digne de respect : il a une valeur absolue, en tant qu’être raisonnable. Kant considère d’ailleurs que l’impératif catégorique peut se présenter sous une autre forme que celle que nous avons vue plus haut (cf. 3) : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. » Nous pouvons demander à autrui de nous rendre service, mais jamais l’utiliser comme un simple moyen, comme un outil au service de nos désirs égoïstes. Parce qu’il est un être libre, son existence a une valeur en elle-même : elle est une « fin en soi » (un but en elle-même). Mais ce respect ne vaut pas seulement pour autrui : nous devons aussi nous respecter nous-mêmes. Si le respect est moral, c’est justement parce qu’il doit être universel. Transition - De la philosophie morale de Kant, retenons l’idée d’autonomie de la raison : en tant qu’êtres raisonnables, nous pouvons agir d’après des principes que nous avons librement acceptés, et non en fonction d’une morale extérieure. Ce qu’il y a de plus discutable, dans cette philosophie, c’est qu’elle est dualiste : Pour Kant, l’homme est double : il est à la fois raison et sensibilité, et ces deux principes sont très souvent en lutte l’un contre l’autre. On peut donc se demander si la moralité, telle que Kant la définit, est vraiment compatible avec la liberté. Car si notre raison est perpétuellement en train de réprimer la sensibilité, un grand nombre de nos désirs ne peuvent être réalisés. La moralité3, au sens où Kant l’entend, implique une grande maîtrise de soi. Mais être son propre maître, n’est-ce pas aussi, d’une certaine manière, être son propre esclave ?4 Nous allons maintenant étudier une philosophie morale qui tente, davantage que le kantisme, de réconcilier raison et sensibilité, but universel de la raison et intérêt particulier. 2 3 4 La maxime de ton action : la règle d’après laquelle tu agis Moralité : la moralité, c’est le respect de la loi morale, le fait de se comporter moralement. On pourrait aller encore plus loin dans cette critique, et se demander si la morale kantienne est vraiment raisonnable. La raison, en effet, est ce qui nous permet de penser de manière cohérente, ce qui permet à l’homme de se réconcilier avec soi, et non ce qui le met sans cesse en conflit avec soi-même. Ce que Kant appelle « raison » n’est donc peut-être pas très raisonnable. Tel le surmoi freudien, elle est peut-être une contrainte intériorisée au cours de l’éducation davantage qu’un véritable principe d’autonomie. 4 III. C’est dans la vie collective que la morale est compatible avec la liberté 1. C’est dans la vie collective que la raison se réconcilie avec la sensibilité La thèse que nous allons étudier maintenant est tirée de la philosophie de Hegel (1770-1831). Pour ce dernier, la moralité n’a pas de sens en-dehors de la vie éthique, c’est-à-dire d’une vie collective où l’intérêt commun est premier par rapport aux intérêts particuliers. Dans la philosophie de Kant, l’individu est seul face à la loi morale, et c’est pourquoi il est toujours obligé de se contraindre pour réprimer son égoïsme et agir moralement. Pour Hegel, l’individu est dès le départ plongé dans une vie collective. Par l’éducation et par la vie en société, il est donc amené à dépasser son intérêt égoïste et à tenir compte de l’intérêt commun. C’est dans cette vie éthique que la raison se réconcilie avec la sensibilité, et que les principes universels de la morale se réconcilient avec les intérêts particuliers. Voyons cela plus précisément. 2. La famille Loin d’être radicalement séparée de la sensibilité, la raison apparaît d’abord sous la forme d’un sentiment : l’amour familial. Dans ce sentiment, nous découvrons qu’il n’y a pas d’opposition insurmontable entre notre intérêt personnel et l’intérêt commun : au lieu de ne penser qu’à satisfaire nos désirs égoïstes, nous nous plaisons à agir dans un but qui nous dépasse. Ainsi, au sein de la famille, un individu apprend à vivre en communauté, et à concilier son intérêt particulier avec un but plus vaste. C’est seulement dans la mesure où nous avons fait cette expérience que nous pouvons par la suite devenir membre de la société et citoyen. Seulement l’amour qui unit les membres de la famille n’est pas encore pleinement raisonnable : une famille n’est qu’une communauté particulière, qui n’a pas forcément les mêmes buts qu’une autre famille, alors que la raison est ce qui nous permet d’agir et de penser selon des principes universels. 3. La société civile et l’État (cf. les cours sur la société et l’État) C’est au sein de la société civile et de l’État que l’individu apprend vraiment à devenir raisonnable. Certes, les membres de la société poursuivent d’abord leur intérêt particulier (bonheur personnel, de la famille, des amis, prospérité de l’entreprise, de la catégorie sociale à laquelle on appartient…). Mais comme ils sont tous interdépendants, ils comprennent qu’ils doivent tenir compte de l’intérêt commun pour réaliser leurs propres buts. Ainsi, ils agissent et pensent comme des citoyens, des membres de l’État : selon des principes universels, acceptables par tout le monde, et pas seulement pour leurs buts propres. Et comme cette manière d’agir devient une habitude, elle est de plus en plus facile à mettre œuvre : on n’a pas à lutter sans cesse contre sa sensibilité, car celle-ci est devenue moins égoïste. On développe de bonnes dispositions, et on trouve son épanouissement dans le fait d’être reconnu et estimé par ses semblables. 4. Moralité, vie éthique et liberté Pour Hegel, c’est donc au sein de la vie collective qu’on intériorise des principes raisonnables, c’est-à-dire universels, susceptibles d’être partagés par tous. Cette vie à la fois collective et raisonnable, il l’appelle vie éthique (Sittlichkeit, en allemand) pour la distinguer de la moralité (Moralität), qui est une affaire purement personnelle. Il ne faut cependant pas croire que Hegel oppose radicalement la vie éthique et la moralité. Comme Kant, il pense qu’un être raisonnable doit être moral, c’est-à-dire autonome, et ne pas obéir aveuglément à des principes extérieurs. Comme Kant également, il est convaincu que certaines coutumes sont mauvaises, parce qu’elles sont immorales, opposées aux buts universels de la raison. Seulement, contrairement à Kant, il ne pense pas que les principes de la morale puissent être produits par un individu isolé : c’est dans la vie collective que nous les découvrons. C’est dans la famille, dans la vie sociale et dans la vie politique que nous apprenons à distinguer le bien du mal, et à agir de manière raisonnable. Nous n’avons pas à inventer une morale. En revanche, nous devons comprendre le 5 sens et la justification de la morale qui est contenue dans les coutumes de la société où nous vivons : nous n’avons pas à les suivre comme des moutons, sans intelligence ni esprit critique. Ainsi la morale est une forme de liberté, dans la mesure où elle est produite par une société d’hommes libres, qui agissent suivant leur raison, en tant que citoyens. Annexe : explication de ma définition de la liberté Dans l’introduction, j’ai défini la liberté comme le pouvoir d’agir en fonction de ses propres buts, et non en étant poussé par une contrainte extérieure. Cette définition appelle plusieurs remarques et éclaircissements. Remarque 1 - Il y a deux aspects dans la liberté. Pour être pleinement libre, il faut que des conditions extérieures soient présentes : si nous n’avons aucun pouvoir d’agir, par manque de force physique, par manque d’argent ou parce que la société ne nous accorde aucun droit, notre liberté risque fort d’être très réduite. Mais ces conditions extérieures ne sont pas suffisantes. Nous ne sommes vraiment libres que si les buts qui motivent nos actions sont vraiment les nôtres. Si, à cause de notre éducation, nous sommes déterminés à agir contre nos désirs les plus essentiels, alors nous ne sommes pas libres. Remarque 2 – Certains philosophes mettent plutôt l’accent sur les conditions extérieures de la liberté (absence d’obstacle insurmontable à l’action), d’autres sur les conditions intérieures (la volonté n’est pas déterminée par une contrainte psychologique). Remarque 3 – Il n’est pas évident de savoir si quelqu’un est vraiment libre au sens où je l’ai défini. Souvent, nous croyons agir librement alors que nous sommes poussés par notre éducation, nos préjugés, nos désirs inconscients, la pression de la société, etc. Comme le dit Spinoza (philosophe du 17ème siècle), les hommes se croient libres parce qu’ils ont conscience de leurs actions mais ignorent les causes qui les déterminent à agir. Remarque 4 – On pourrait croire, en lisant ma définition de la liberté, que cette dernière implique l’absence totale de toute contrainte. Rien n’est plus faux. Ce qu’il faut, pour être libre, c’est agir sans y être poussé par une contrainte extérieure. Cela ne signifie pas être toutpuissant, ne rencontrer aucun obstacle insurmontable. On peut très bien avoir une liberté encadrée, limitée : à l’intérieur de ce cadre, il est possible de faire beaucoup de choses. C’est notamment le cas si on a choisi librement ces contraintes. Un artiste, comme le compositeur Stravinsky, peut décider de se fixer quelques règles afin que son imagination ne parte pas dans tous les sens. Cela ne signifie pas qu’il n’a plus aucune liberté créatrice. De la même manière, les citoyens d’un État démocratique peuvent s’accorder sur le fait que certaines actions sont interdites, et que la police a le droit d’empêcher quelqu’un (par la force s’il le faut) de les accomplir. Cette contrainte-là n’est pas ennemie de la liberté, si elles incitent chacun à respecter les droits (c’est-à-dire la liberté) des autres citoyens. Remarque 5 – On pourrait penser, d’après ma définition, que la liberté est nécessairement quelque chose de très individuel. Or, cela ne va pas de soi. Il se peut que j’aie les mêmes buts que les autres hommes. Si ma liberté est raisonnable, si elle est en accord avec des principes universels, alors elle aspire à devenir collective, et pas seulement personnelle.