3. L’impératif catégorique
En quoi consiste précisément notre devoir, pour Kant ? D’après lui, nous devons toujours
agir suivant un principe universel, ou susceptible de devenir universel (valable tout le temps et
pour tout le monde). Être moral, c’est refuser de faire des exceptions à la règle qu’on s’est prescrite,
c’est rester ferme sur ses principes. Ce que la raison nous dit, c’est : « Agis toujours de manière à ce
que la maxime
de ton action puisse devenir une loi universelle ». Ce principe moral est un
impératif (une formule exprimant un commandement de la raison). Et cet impératif est
catégorique : il est valable absolument, sans condition. L’impératif catégorique se distingue de
l’impératif hypothétique, qui peut s’écrire ainsi : « Si tu veux obtenir tel résultat, alors agis de telle
manière ». L’impératif hypothétique n’a rien de moral : il nous dit seulement comment on doit
agir, quels moyens on doit utiliser pour atteindre un objectif (même si celui-ci est criminel).
L’impératif catégorique, lui, nous prescrit le but que nous devons atteindre. Et ce but, c’est d’agir
en fonction d’une règle que tous les hommes puissent accepter en permanence.
Exemple : « Si tu veux gagner beaucoup d’argent, raconte des mensonges aux gens naïfs ». Cette
formule n’a rien de moral : elle est un impératif hypothétique. En revanche, l’impératif catégorique, d’après
Kant, implique comme conséquence l’interdiction du mensonge. Je ne puis vouloir, en effet, que tout le
monde se mette à mentir en permanence, car alors plus personne ne ferait plus confiance à personne et le
mensonge n’aurait plus lieu d’être. Mon devoir est donc de ne pas mentir, même si cela m’en coûte.
4. Le respect dû aux personnes
Chaque être humain étant capable d’agir moralement, selon des principes qu’il s’est donné à
lui-même, il est digne de respect : il a une valeur absolue, en tant qu’être raisonnable. Kant
considère d’ailleurs que l’impératif catégorique peut se présenter sous une autre forme que celle
que nous avons vue plus haut (cf. 3) : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien
dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais
simplement comme moyen. » Nous pouvons demander à autrui de nous rendre service, mais
jamais l’utiliser comme un simple moyen, comme un outil au service de nos désirs égoïstes. Parce
qu’il est un être libre, son existence a une valeur en elle-même : elle est une « fin en soi » (un but en
elle-même). Mais ce respect ne vaut pas seulement pour autrui : nous devons aussi nous respecter
nous-mêmes. Si le respect est moral, c’est justement parce qu’il doit être universel.
Transition - De la philosophie morale de Kant, retenons l’idée d’autonomie de la raison : en
tant qu’êtres raisonnables, nous pouvons agir d’après des principes que nous avons librement
acceptés, et non en fonction d’une morale extérieure. Ce qu’il y a de plus discutable, dans cette
philosophie, c’est qu’elle est dualiste : Pour Kant, l’homme est double : il est à la fois raison et
sensibilité, et ces deux principes sont très souvent en lutte l’un contre l’autre. On peut donc se
demander si la moralité, telle que Kant la définit, est vraiment compatible avec la liberté. Car si
notre raison est perpétuellement en train de réprimer la sensibilité, un grand nombre de nos désirs
ne peuvent être réalisés. La moralité
, au sens où Kant l’entend, implique une grande maîtrise de
soi. Mais être son propre maître, n’est-ce pas aussi, d’une certaine manière, être son propre
esclave ?
Nous allons maintenant étudier une philosophie morale qui tente, davantage que le
kantisme, de réconcilier raison et sensibilité, but universel de la raison et intérêt particulier.
La maxime de ton action : la règle d’après laquelle tu agis
Moralité : la moralité, c’est le respect de la loi morale, le fait de se comporter moralement.
On pourrait aller encore plus loin dans cette critique, et se demander si la morale kantienne est vraiment
raisonnable. La raison, en effet, est ce qui nous permet de penser de manière cohérente, ce qui permet à l’homme de se
réconcilier avec soi, et non ce qui le met sans cesse en conflit avec soi-même. Ce que Kant appelle « raison » n’est donc
peut-être pas très raisonnable. Tel le surmoi freudien, elle est peut-être une contrainte intériorisée au cours de
l’éducation davantage qu’un véritable principe d’autonomie.