METHODE DES ARTS PLASTIQUES – TD 8 – 9/4/2008
Contenu exposé charlotte
Bourdieu, « Mais qui a créé les créateurs ? », Questions de sociologie
Extrait de la conférence qui s’est déroulée en Avril 1980 à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs.
Bourdieu est un sociologue français de la deuxième moitié du XXe siècle (1930-2002). Son œuvre est déterminante
pour la sociologie contemporaine. Nous allons étudier un entretien qu’il a prononcé l’Ecole nationale supérieure des
arts décoratifs en 1980, intitulé « Mais qui a créé les créateurs ? » que l’on trouve dans un recueil de ses
conférences, Questions de sociologie, publié en 1984. Bourdieu a étudié de nombreux objets sociologiques à travers
sa théorie des champs sociaux et de l’habitus. Ces deux principes se retrouvent notamment dans sa sociologie de
l’art. L’habitus est une notion qui exprime, chez Bourdieu, un système de pensée inculqué à l’individu par
l’éducation (scolaire, familiale…) et intériorisé par lui. Chez Bourdieu, cet habitus est l’expression inconsciente du
collectif dans l’individuel. Les artistes s’expriment à travers cet habitus inscrivant leurs œuvres dans le modèle de
pensée propre à chaque époque. D’autre part Bordieu conçoit l’espace social comme un ensemble de champs
d’activité plus ou moins autonomes et au sein desquels s’effectuent les rapports de force qui structurent la société.
Dans ces conditions le monde de l’art apparaît donc comme un de ces champs.
Bourdieu en tant que sociologue semble aborder le monde de l’art dans une démarche épistémologique, jetant les
bases d’une nouvelle sociologie de l’art. Il dénonce la sociologie de l’art qui ne s’intéresse qu’à la consommation de
l’art et non à la production, cédant au tabou qu’impose l’éternelle sacralisation de l’art. Il définit l’art comme « un
univers de croyance » qui pose l’artiste en « créateur incréé », en démiurge dont on ne peut expliquer le pouvoir
créateur. Si l’on part du principe que le génie est la seule explication de la production des œuvres, il n’y a pas lieu
de chercher à comprendre le processus de création artistique. Bourdieu veut donc étudier les conditions de la
production artistique au sein du champ de production, conformément à sa théorie de l’espace social. L’artiste n’est
pas seul dans le champ de production, il faut ajouter à la question du pouvoir de l’œuvre la question de sa réception.
Il s’agit de voir à la fois ce qui fait qu’un artiste crée et ce qui fait qu’on le considère comme un artiste. Pour cela,
Bourdieu s’attaque notamment à une question fondamentale de l’art, celle de sa sacralisation. On peut se demander
dans quelle mesure peut-on parler d’autonomie de l’artiste ? Dans un premier temps, nous analyserons la notion de
sacralité de l’artiste qui sous-tend le regard d’une société, et dans un second temps, comment l’artiste se définit à
partir du champ de production artistique.
I) La valeur sociale de l’artiste
a) L’aura de l’oeuvre
Pour comprendre comment s’institue le charisme de l’artiste Bourdieu tente d’exprimer le phénomène de l’aura de
l’œuvre et de l’artiste. Il renvoie à « l’aura » dont parle Benjamin, mais il semble redéfinir le terme pour proposer
une autre explication du pouvoir apparemment magique des œuvres et des artistes. Contrairement à Benjamin qui
trouve l’aura dans la valeur intrinsèque des œuvres, l’unicité de leur existence, Bourdieu attribue cette valeur non à
l’œuvre elle-même mais à la valeur sociale qu’on accorde à l’artiste. Bourdieu donne l’exemple de la haute couture
qui appuie son prestige sur la marque, le nom du créateur et, par extension, le parfum qui s’appuie essentiellement
sur le nom : l.35-38 « On sait que la magie de la griffe peut, en s’appliquant à un objet quelconque, un parfum, des
chaussures, voire, (…) un bidet, en multiplier extraordinairement la valeur. » et, l.40, « (…) la nature et la valeur
sociale de l’objet se trouvent changés sans que soit en rien modifiée la nature physique ou chimique (…) des objets
concernés » puis, l.45, « (…) actes magiques qui, comme ceux du couturier, doivent si évidemment leur valeur à la
valeur sociale de celui qui les produit qu’on est obligé de se demander non ce que fait l’artiste, mais qui fait
l’artiste ». Bourdieu met donc en relation l’individualité de la création et le regard que la collectivité pose sur
l’artiste. Pour soutenir cette idée il reprend l’une des grandes questions de l’histoire de l’art c’est à dire la question
de l’attribution des œuvres et leur valeur économique qui est, justement, fonction de l’attribution, et finalement
moins de la « qualité » de l’œuvre : l.55 « Mais il suffirait d’analyser les rapports entre l’original (l’authentique) et
le faux, la réplique ou la copie, ou encore les effets de l’attribution (objet principal , sinon exclusif, de l’histoire de
l’art traditionnelle, qui perpétue la tradition du connaisseur et de l’expert) sur la valeur sociale et économique de
l’œuvre, pour voir que ce qui fait la valeur de l’oeuvre, ce n’est pas la rareté (l’unicité) du produit mais la rareté du
producteur, manifestée par la signature, équivalent de la griffe, c’est à dire la croyance collective dans la valeur du
producteur et de son produit. »