La trame de ce livre d'un peu plus de 220 pages de format moyen et qui consiste en un recueil
d'entretiens accordés à des médias nationaux et étrangers est tissée – on l'aura compris – autour du
comportement arrogant de l'Occident et principalement de la manière, on ne peut plus,
cavalière avec laquelle les Etats-Unis entendent conduire les affaires du monde et leur
propension à mépriser et à traîner dans la boue tous ceux qui ne se réclament pas de la
culture judéo-chrétienne. Donc les Arabes et les Musulmans en premier lieu mais aussi les
Chinois, les Japonais, les Hindous et même ceux des Latino-américains ou Européens qui ne
se rangent pas aveuglément de leur côté et n'épousent pas leurs thèses post-colonialistes.
G.W. Bush, prenant prétexte du drame du 11 septembre n'a cessé de marteler qui quiconque n'est
pas «avec» l'Amérique (et accessoirement avec l'Occident) est forcément «contre» elle. Ce qui
revient à dire que l'Allemagne et la France, situées au cœur même de l'Occident sont cataloguées
dans la seconde catégorie même si – pour des raisons de politique politicienne et d'intérêts
stratégiques et économiques - elles ne sont pas ouvertement désignées comme des ennemis de
Washington.
Pour l'auteur, cette vision manichéenne et réductrice du monde trouve ses origines dans l'absence
de repères et de référentiels historiques et culturels chez l'Américain à même de lui baliser la voie
et de le mettre à l'abri des abus de ceux qui le dirigent, parlent, décident et agissent en son nom.
Cette absence de repères et de «garde-jours» a déjà montré et démontré amplement sa nocivité, en
Amérique même, lors de la période du Mc- Cartysme, au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Aujourd'hui, à la faveur de la «globalisation» et de la désintégration de l'ancien bloc
soviétique, ce déficit historico-culturel et donc communicationnel, se manifeste sous ses pires
formes, prend des dimensions démoniaques et promet à terme, selon le fin analyste et
prospectiviste avisé qu'est El Mandjra de mener l'Amérique à sa perte. Faute d'avoir su se
connaître elle-même et connaître ses limites d'abord et pour n'avoir pu connaître et comprendre le
monde qui l'entoure et qu'elle veut régenter comme seul bon lui semble.
Les diverses expéditions permissives menées depuis la fin de la seconde guerre mondiale et plus
récemment, les guerres livrées unilatéralement par l'Amérique en Afghanistan et en Irak au nom
du sacro-saint et néanmoins, très peu évident impératif de combattre le mal pour faire régner le
bien participent toutes de cette folle et stérile logique qui fait planer de lourdes et réelles menaces
sur le monde entier et, au premier chef, sur ceux qui la cultivent et s'en nourrissent. Une logique et
une vision qui n'ont pour seule et unique finalité que celle d'écraser les autres civilisations, de
museler toute autre culture qui ne partage pas les valeurs occidentales et spécialement
américaines, d'imposer au reste de la planète un seul mode de pensée, un unique style de vie, une
manière typique et préalablement codifiée d'agir et de réagir. Bref, l'humiliation dans son
expression la plus cynique et la plus raffinée, l'humiliation suprême étant celle que nous nous
infligeons à nous-mêmes, nous Arabes et Musulmans, en particulier en nous complaisant dans le
rôle de victimes impuissantes et sans défense, voire consentantes.
Car le degré d'humiliation d'un pays ou d'une région, est, estime –t-il, directement proportionnel à
la compromission de ses dirigeants et au degré de léthargie et de soumission de sa population». Le
Pr. El Mandjra est toutefois convaincu que la crise des «valeurs» qui secoue le monde du fait
précisément du refus des uns de reconnaître les autres est le signe avant-coureur du début de
la fin de l'empire post-colonial américain et optimiste – mais raisonnablement - il croit en la
victoire finale de toutes ces «intifidates» (par référence au soulèvement populaire, spontané des
Palestiniens contre l'occupation et l'oppression israélienne) qui, de par le monde, font se dresser
les humiliés contre leurs humiliateurs.
Humiliation de la colonisation : dirigeants =) gouvernements =) petits responsables =) peuples
Mais la plus grande humiliation est d’accepter l’humiliation …On doit faire preuve d’amour
propre et de dignité en refusant de se vendre