Mahdi Elmandjra
Mahdi Elmandjra est un futurologue très célèbre au Maroc. Il est également un économiste
et un sociologue.
Né en 1933 à Rabat, le Professeur Mahdi Elmandjra a fait ses études universitaires aux Etats-Unis
à l’Université de Cornell (Licence en Biologie et en Sciences Politiques) et les continua en
Angleterre il obtint son doctorat (Ph.D. éco.) à la LONDON SCHOOL OF ECONOMICS
(Université de Londres). Il enseigne à l’Université Mohamed V à Rabat depuis 1958.
Le Professeur Elmandjra a reçu le Prix de la Vie Economique 1981 (France), la Grande Médaille
de l’Académie Française d’Architecture (1984), Ordre des Arts et Lettres (France, 1985), Ordre du
Soleil Levant (Japon, 1986).il a également reçu la Médaille de la Paix de l’Académie
Internationale d’Albert Einstein et le Prix de la Fédération Mondiale des Etudes sur le Futur en
1995.
« Valeur des valeurs » :
Ce livre est composé de trois parties. La première traite principalement des valeurs et de la
société ; la seconde insiste sur les rapports féconds entre les valeurs et la créativité alors que la
dernière souligne la place de la mémoire en tant que valeur qui rejette l’amnésie... Pour Mahdi
Elmandjra, « La mémoire : une valeur qui donne au temps son harmonie entre un passé qui se
renouvelle, un présent épmère et un avenir éternellement ouvert. On ne ‘ tourne pas les page’ on
les relit régulièrement... » On peut détruire les infrastructures matérielles mais on ne détruit
pas la mémoire d’un peuple comme le savent ceux qui aujourd’hui, en Israël, procèdent à des
éliminations ethniques... « Etre conscient de la valeur des valeurs c’est déjà une valeur en soi».
Mahdi Elmandjra pense que « Le commerce des idées et le monde de la créativité ne se négocient
pas à la manière des accords du libre échange et ne se prêtent pas aux règles qui régissent les
produits agricoles ou industriels. On n’occupe pas le champ culturel comme on occupe un champ
de bataille. Tout ce que l’on réussit, c’est exacerber d’un côté l’ethnocentrisme et l’arrogance
culturelle caractérisant l’attitude d’un grand nombre de pays occidentaux, et accentuer d’un autre
côté la résistance de la majorité des peuples aux agressions culturelles ».
Il livre une comparaison entre les obsessions qui effrayaient le monde, il y a 20 ans, et celles
d’aujourd’hui : « Dans une émission consacrée à la prospective, il y a déjà plus de vingt ans,
j’avais insisté sur le fait que l’Occident souffrait de trois obsessions : la démographie, l’Islam et
le Japon (Dossiers sur l’Ecran- TF1, 24- 06- 1980). Aujourd’hui, la peur de l’immigration a
remplacé celle de la démographie, la peur de la Chine s’est substituée à celle du Japon alors que la
peur de l’Islam s’est amplifiée sous la forme d’une islamophobie à visage découvert l’on
associe ouvertement Islam et terrorisme en ayant recours au terrorisme sémantique et au
matraquage médiatique. On oublie que dans le monde musulman, le mot paix (essalam) est
prononcé en moyenne un milliard de fois toutes les heures, soit près de 17 millions toutes les
minutes ».
Il estime que « La paix passe par une meilleure communication culturelle, dénudée de mensonges
et de discrimination dans les rapports internationaux ». Il vise par là à dénoncer ce qu’il appelle le
mimétisme : « Le respect des valeurs des autres est la condition essentielle pour parvenir à une
relativisation du concept de « valeurs universelles » afin de faciliter une véritable communication
culturelle entre les peuples au lieu d’insister sur leur « adaptation », par mimétisme, à un «
universalisme », préfabriqué et réductionniste aux niveaux de l’espace et du temps de l’histoire de
l’humanité. « Le jour la vie d’un Américain ou d’un Israélien vaudra la vie d’un
ressortissant du Tiers monde en général ou d’un ressortissant d’un pays musulman en
particulier, on se rapprochera de cet universalisme tant proclamé. Les dernières agressions
barbares d’Israël nous démontrent à quel point nous en sommes très très loin... », souligne-t-il.
L’auteur ne pouvait pas parler d’un tel sujet sans évoquer le 11 septembre : « L’attaque aérienne
fort condamnable de New York en septembre 2001 a inauguré l’ère de la « phobiecratie » l’on
gouverne par la peur. Une peur qui coûte cher en matière de défense des libertés et en
investissements contre le « terrorisme » (plus de $ 400 milliards de dollars annuellement dans le
monde en plus des dépenses militaires) - un terrorisme qui n’a encore fait l’objet d’aucune
définition juridique internationalement acceptable. Un « terrorisme » qui exclut le terrorisme qui
fait le plus de dégâts en vies humaines et en destructions matérielles- le terrorisme d’Etat. Derrière
cette lutte contre le terrorisme, se profile un combat contre d’autres systèmes de valeurs », estime
le futurologue, Mahdi Elmandjra.
La valeur de la connaissance :
L'"immatérialisation" du matériel: les produits industriels requièrent de moins en moins de
matières premières et de plus en plus de valeur ajoutée sous forme de matière grise. Un exemple
de cette immatérialisation est le recours au fibre optique qui a énormément réduit la quantité de
matière utilisée en comparaison avec le cuivre, miniaturisation, microprocesseurs et puces
électroniques. On parle ainsi de l'immatérialisation de l'économie.
Il faut que l’anglais devienne la langue de l’enseignement au Maroc, nous n’avons pas le choix. Il
se peut que d’ici 30 ou 40 ans ce soit le chinois ou le japonais. L’occident a atteint sa date de
péremption !!
Macroscopie, microscopie et relation entre les deux
«Humiliations. A l'ère du méga-impérialisme» :
«Il est difficile, même avec la meilleure volonté du monde, d'envisager une situation
politique et socioconomique dans le monde arabo-musulman pire que celle que nous
vivons. On baigne dans l'humiliation qui découle d'une flagrante lâcheté sur le plan
international vis-à-vis des grandes puissances et d'Israël (…) L'humiliation est devenue un
instrument de gouvernance on pourrait même parler d'humiliocratie».
Celui qui tient ce discours n'est pas n'importe qui. Ce n'est pas non plus un admirateur béat de Ben
Laden et consort, ni un anti-américain indécrottable ou un ennemi irréductible de l'Occident. Au
contraire, c'est un homme qui sait de quoi il parle et il le prouve et le démontre souvent avec la
rigueur scientifique et la pertinence d'analyse d'un chercheur de laboratoire.
Nous avons cité le Pr. Mehdi El Mandjra dont, au demeurant, la renommée mondiale est depuis
longtemps établie et dont les avis, réflexions et projections
-précisément en raison de leur rigueur et de leur pertinence, voire de leur précision quasi-
mathématique sont souvent sollicités par plus d'une institution ou médias internationaux. Les
propos que nous rapportons en prologue résument, on ne peut mieux, l'économie générale de son
dernier ouvrage intitulé : «Humiliation. A l'ère du méga-imperialisme» et dont la troisième édition
revue et actualisée vient de paraître sous les presses de l'imprimerie Najah El Jadida.
La trame de ce livre d'un peu plus de 220 pages de format moyen et qui consiste en un recueil
d'entretiens accordés à des médias nationaux et étrangers est tissée on l'aura compris autour du
comportement arrogant de l'Occident et principalement de la manière, on ne peut plus,
cavalière avec laquelle les Etats-Unis entendent conduire les affaires du monde et leur
propension à mépriser et à traîner dans la boue tous ceux qui ne se réclament pas de la
culture judéo-chrétienne. Donc les Arabes et les Musulmans en premier lieu mais aussi les
Chinois, les Japonais, les Hindous et même ceux des Latino-américains ou Européens qui ne
se rangent pas aveuglément de leur côté et n'épousent pas leurs thèses post-colonialistes.
G.W. Bush, prenant prétexte du drame du 11 septembre n'a cessé de marteler qui quiconque n'est
pas «ave l'Amérique (et accessoirement avec l'Occident) est forcément «contre» elle. Ce qui
revient à dire que l'Allemagne et la France, situées au cœur même de l'Occident sont cataloguées
dans la seconde catégorie même si pour des raisons de politique politicienne et d'intérêts
stratégiques et économiques - elles ne sont pas ouvertement désignées comme des ennemis de
Washington.
Pour l'auteur, cette vision manichéenne et réductrice du monde trouve ses origines dans l'absence
de repères et de référentiels historiques et culturels chez l'Américain à même de lui baliser la voie
et de le mettre à l'abri des abus de ceux qui le dirigent, parlent, décident et agissent en son nom.
Cette absence de repères et de «garde-jours» a déjà montré et démontré amplement sa nocivité, en
Amérique même, lors de la période du Mc- Cartysme, au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Aujourd'hui, à la faveur de la «globalisation» et de la désintégration de l'ancien bloc
soviétique, ce déficit historico-culturel et donc communicationnel, se manifeste sous ses pires
formes, prend des dimensions démoniaques et promet à terme, selon le fin analyste et
prospectiviste avisé qu'est El Mandjra de mener l'Amérique à sa perte. Faute d'avoir su se
connaître elle-même et connaître ses limites d'abord et pour n'avoir pu connaître et comprendre le
monde qui l'entoure et qu'elle veut régenter comme seul bon lui semble.
Les diverses expéditions permissives menées depuis la fin de la seconde guerre mondiale et plus
récemment, les guerres livrées unilatéralement par l'Amérique en Afghanistan et en Irak au nom
du sacro-saint et néanmoins, très peu évident impératif de combattre le mal pour faire régner le
bien participent toutes de cette folle et stérile logique qui fait planer de lourdes et elles menaces
sur le monde entier et, au premier chef, sur ceux qui la cultivent et s'en nourrissent. Une logique et
une vision qui n'ont pour seule et unique finalité que celle d'écraser les autres civilisations, de
museler toute autre culture qui ne partage pas les valeurs occidentales et spécialement
américaines, d'imposer au reste de la planète un seul mode de pensée, un unique style de vie, une
manière typique et préalablement codifiée d'agir et de réagir. Bref, l'humiliation dans son
expression la plus cynique et la plus raffinée, l'humiliation suprême étant celle que nous nous
infligeons à nous-mêmes, nous Arabes et Musulmans, en particulier en nous complaisant dans le
rôle de victimes impuissantes et sans défense, voire consentantes.
Car le degd'humiliation d'un pays ou d'une région, est, estime t-il, directement proportionnel à
la compromission de ses dirigeants et au degré de léthargie et de soumission de sa population». Le
Pr. El Mandjra est toutefois convaincu que la crise des «valeurs» qui secoue le monde du fait
précisément du refus des uns de reconnaître les autres est le signe avant-coureur du début de
la fin de l'empire post-colonial américain et optimiste mais raisonnablement - il croit en la
victoire finale de toutes ces «intifidates» (par référence au soulèvement populaire, spontané des
Palestiniens contre l'occupation et l'oppression israélienne) qui, de par le monde, font se dresser
les humiliés contre leurs humiliateurs.
Humiliation de la colonisation : dirigeants =) gouvernements =) petits responsables =) peuples
Mais la plus grande humiliation est d’accepter l’humiliation …On doit faire preuve d’amour
propre et de dignité en refusant de se vendre
« Première guerre civilisationnelle »
Elmandjra était effectivement le premier écrivain qui a parlé d'un choc des civilisations; dans un
entretien avec le magazine allemand « Der Spiegel » le 11 février 1991, il a désigné la guerre du
golfe en 1991 comme la « première guerre civilisationnelle ». Dans la même année, le professeur a
publié un livre sous le même titre en arabe, qui a paru plus tard aussi en français, anglais et
japonais.
Dans ce livre, Elmandjra distingue trois périodes fondamentales qui ont influencé le monde
pendant les derniers siècles : l'ère coloniale, qui a été caractérisé par des enjeux d'ordre
économique, le néocolonialisme, par des enjeux d'ordre politique et depuis les années 1990, avec
la fin de la guerre froide, la période post-coloniale qui a été caractérisée par des conflits culturels.
Ces derniers sont surtout des oppositions d'intérêts entre les pays du Nord et ceux du Sud. Le
début de cette période post-coloniale était, selon l'auteur, la crise et ensuite la guerre contre l'Irak,
dans laquelle s'opposaient deux cultures tout à fait différentes : l'Occident et l'Orient.
Elmandjra voit comme cause du conflit la diversité culturelle et il décrit trois grandes peurs de
l'Occident qui déclenche la mise à disposition à la guerre. Premièrement, il y a la peur de la
démographie. L'Occident qui représente moins de 20% de la population mondiale s'empare plus de
80% des richesses matérielles de la planète, mais dans 30 ans sa population ne dépassera pas 13%
de celle du globe. Deuxièmement, l'Occident craint la religion, c'est-à-dire l'Islam, car la
population musulmane est en pleine croissance et représentera bientôt plus de 40% de la
population mondiale. Finalement, l'Asie et surtout le Japon constituent aussi un facteur faisant
peur à l'Occident, à cause de son développement technologique et économique, qui a eu lieu sans
imitation des modèles occidentaux et sans adaptation à ses valeurs.
L'écrivain décrit ensuite que pendant la guerre du golfe en 1991, cinq mobiles des aspects culturels
du conflit se sont manifestés. Ci-joint une brève énumération :
1) Les États-Unis comme puissance unipolaire du monde ne peuvent pas tolérer l'émergence de la
région du Golfe et surtout de l'Irak.
2) Le développement technique de l'Irak représente une menace pour l'Occident.
3) La puissance militaire de l'Irak représente une menace pour l'Israël et l'Occident.
4) La puissance culturelle de l'Irak, symbole du monde arabe-musulman, représente une menace
pour l'Occident et ses valeurs judéo-chrétiennes.
5) Le rôle déterminant de l'Occident dans les pays du Sud doit être maintenu après les périodes du
colonialisme.
Ces raisons montrent qu'il s'agit selon l'auteur « de la première vraie guerre mondiale qui met aux
prises la quasi-totalité du monde occidental coalisé contre un peuple solitaire pour des motifs
culturels. » Les cinq mobiles mènent finalement à la guerre et aux crimes de celle-ci, qui se
manifestent dans l'agression contre le peuple, la destruction du pays, de l'environnement et des
biens culturels ainsi que dans la violation du droit et de la légalité internationale.
Tout compte fait, l'auteur en tire ses conséquences concernant le comportement futur de l'Irak et
des pays de l'Orient en général : il souligne, que les populations des pays du Sud doivent, au lieu
d'imiter le modèle occidental, développer leur propre stratégie de modernité en s'attachant à leur
identité culturelle et religieuse et en critiquant leurs régimes non-démocratique ou même
autoritaire. L'auteur propose une coopération Sud/Sud pour devenir indépendant de l'Occident et
pour déclencher le début d'un nouvel ordre international.
Les thèses de Mahdi Elmandjra se basent alors surtout sur des arguments culturels. Plus loin dans
son livre, il mentionne d'autres aspects dans ce sens, comme l'ignorance de l'Occident envers
l'histoire, les valeurs et les compétences techniques de l'Orient ainsi que l'ethnocentrisme de
l'Occident qui attend p.e. des peuples arabes de parler les langues occidentales et qui ne respecte
pas les trésors de l'art et de l'architecture dans les pays les plus anciens du monde.
On voit ainsi clairement les motives de l'auteur et comprend pourquoi il parle de la première
guerre civilisationnelle, voire la première vraie guerre mondiale. Son livre est devenu très actuel
dans notre contexte, car nous sommes maintenant encore une fois en pleine guerre, la deuxième
guerre contre l'Irak. Les thèses d'Elmandjra se confirment ainsi de nos jours, en outre, il ne faut
pas oublier les attentats du 11 septembre et la guerre en Afghanistan, qui se sont passés entre-
temps. Le concept du professeur Mahdi Elmandjra était vraiment nouveau au début des années 90,
mais la notion de la « Guerre Civilisationnelle » est seulement devenue populaire avec le livre de
Samuel Huntington « The Clash of Civilizations » en 1993. Cependant, Huntington lui-même
reconnaît à la page 246 de son livre, qu'Elmandjra était le premier à utiliser l'expression et à
énoncer le concept de la guerre civilisationnelle.
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !