Lumières, Jacques-François Blondel, qui créera à Metz son chef-d’œuvre monumental, unique par bien des aspects,
véritable célébration urbaine du pouvoir de Louis XV. Dominée par la cathédrale gothique, la place d'Armes
regroupait et cristallisait en seul et même lieu les symboles du pouvoir municipal, royal, judiciaire, militaire et
religieux.
Au XIXe siècle, Metz reste au centre d'enjeux de pouvoir et continue sa métamorphose. Échappant à l'expansion
industrielle lorraine du fait de sa position militaire défensive, Metz a connu dans la seconde moitié du XIXe siècle et
au début du XXe siècle – avant, pendant et après l’annexion allemande, sous les règnes successifs de Napoléon III
(1852-1870), de Guillaume Ier et de Guillaume II (1871-1918), et sous la IIIe République (1918-1940), une aventure
urbaine hors du commun.
Cité annexée à l'empire allemand, Metz a été marquée, physiquement et symboliquement, par le pouvoir de
l'empereur Guillaume II. Son patrimoine intra-muros a été vigoureusement remodelé, tandis que se créait, en
extension du noyau ancien, un quartier neuf, fonctionnel et pittoresque. Directement impliqué dans les choix
stylistiques et urbanistiques qui ont présidé à la naissance de ce quartier moderne, le souverain allemand s’est
employé à mobiliser les savoirs de ses ingénieurs urbains et de ses architectes pour façonner le territoire de Metz et
élever son image, ses usages et ses paysages à la dignité d’une ville impériale germanique. La place de la gare, l’îlot
de la poste et les tissus résidentiels adjacents cristallisent cette volonté politique en une forme urbaine expressive et
éclectique fondée sur une savante recomposition architecturale de l’histoire.
L'appartenance successive de Metz à des nations opposées lui a créé un destin culturel, architectural et urbain
unique. L’abondance et la diversité des chefs-d'œuvre que compte le territoire messin est exceptionnel. Cependant,
c'est bien l'agencement de ces éléments dans l'espace urbain, le paysage qui en résulte et la continuité temporelle
sous des appartenances nationales et des régimes politiques différents qui en constituent la singularité la plus
remarquable.
Les confrontations stylistiques (gothique / classique / néo-gothique / néo-roman / néo-renaissance / néo-baroque...)
ont trouvé à Metz une forme libre, vigoureuse, mais infiniment subtile, qui porte en elle, et qui révèle, mieux
qu'ailleurs, les trames symboliques de la culture européenne. La ville a été un laboratoire architectural très actif, où la
question de l'apparence urbaine d'un édifice a été posée avec une étonnante acuité théorique. Une acuité d'autant
plus exacerbée que le territoire offrait, avec ces chefs-d'œuvre de haut vol que sont la cathédrale Saint-Étienne et les
aménagements de Blondel, l'un des exemples les puissants et les plus raffinés d'articulation du classique au
gothique qu'ait connu l'Europe des Lumières. À cette aura que lui vaut son passé prestigieux, Metz ajoute, avec son
extension moderne allemande, une contribution substantielle aux pratiques qui ont donné naissance à l'urbanisme.
Metz participe au mouvement novateur qui se développe dans les capitales européennes visant à contrôler par la
création de plans cohérents l'expansion urbaine consubstantielle à la Révolution industrielle.
Critère (iv) : Le centre historique de Metz, remodelé au siècle des Lumières, et son extension moderne allemande
offrent un exemple exceptionnel, dans un contexte particulier de démonstration de pouvoir, de constructions,
d'ensembles et de paysages, illustrant l'émergence en Europe d'une prise en compte inventive du passé pour créer,
à travers la restauration des monuments anciens, comme à travers la construction de bâtiments neufs, une identité
architecturale, urbaine et paysagère moderne.
Du fait de son histoire politique mouvementée, Metz s'est trouvée placée au milieu du XIXe siècle dans une situation
culturelle originale qui allait en faire, pendant plusieurs décennies, un laboratoire stylistique et paysager unique en
Europe. On peut observer à Metz l'effet concret des grands débats théoriques qui ont agité, à l'échelle internationale,
le monde de l'architecture et du patrimoine.
La ville de Metz a été le théâtre d'une véritable recomposition sémantique de son patrimoine architectural et de son
territoire urbain. Dès 1845, fut engagée la restauration intérieure de la cathédrale. Dès cette période, on envisagea la
démolition du portail de Blondel, marque urbaine du pouvoir royal, afin de « laisser la place à une œuvre conçue
dans le style du Moyen Âge ». Les arcades qui longeaient la cathédrale furent démolies à partir de 1860, et c'est
durant l'annexion, de 1898 à 1903, que le portail classique céda la place à un portail néogothique créé par l'architecte
allemand Paul Tornow et par le sculpteur français Auguste Dujardin. La question de la restauration des monuments
médiévaux mobilisait à l’époque les architectes les plus éminents de la scène internationale, Viollet-le-Duc, George-
Edmund Street, Sir Gilbert Scott, Petrus-Josephus Cuypers, Richard Voigtel, Friedrich von Schmidt, Conrad-Wihelm
Hase... Avec l’annexion, les architectes français furent remplacés par des architectes allemands, qui portaient au
gothique le même intérêt que leurs prédécesseurs. Conrad Wahn, Paul Tornow et Wilhelm Schmitz trouvèrent à Metz
un authentique champ d'expérimentation. Ces trois érudits appartenaient à cette aristocratie intellectuelle du
néogothique qui transforma, à la fin du XIXe siècle, le visage de nombreuses villes européennes. La volonté de