Morphème que - 1 Envoyé par Fanny Le morphème que ¤¤¤¤¤¤ I- Le que complétif Les propositions complétives sont des subordonnées qui peuvent parfois se substituer à des GN dans des GV et même, dans quelques cas à des GN sujets ou compléments de noms ou d’adjectifs. Toutes les complétives ne sont donc pas des compléments, et toutes les subordonnées compléments ne sont pas des complétives. Voir les différences entre : Je vois Paul Je vois que Paul est arrivé Je vois Paul marcher vers nous Je vois comment Paul conduit sa voiture 1 - Compléments directs du verbe Ce sont les plus fréquentes et les plus typiques. Les verbes ou locutions verbales dont elles dépendent font référence à des actes psychologiques, dont le sujet est un être animé, souvent humain. Déclaration : dire, déclarer, raconter Jugement : penser, croire, juger, savoir découvrir, démontre, être d’avis Sentiment : sentir, craindre, espérer, déplorer, avoir peur Volonté : vouloir, ordonner, tolérer, désirer, avoir envie Les verbes comme parler, connaître, chercher, raisonner, compatir, braver, sommer, convoiter n’ont pas, dans leur structure sémantique, de place de complément pour un contenu propositionnel. L’ordre des mots : la conjonction que étant seulement instrument de subordination, il n’a aucune fonction dans la subordonnée. On peut observer l’inversion du sujet si le verbe subordonné est transitif et que le GS est d’un volume suffisant : J’aime que surviennent de nombreux rebondissements Le problème du mode : le plus délicat que posent ces propositions. Morphème que - 2 Indicatif : après verbes de déclaration et de jugement Subjonctif : après verbes de sentiment et de volonté Pour des verbes comme dire ou écrire, le mode change selon l’acception et la nuance qu’ils expriment : je lui ai écrit que tout allait bien [informer] Je lui ai écrit qu’il vienne [ordonner] A noter également le passage de l’indicatif au subjonctif entre la formulation affirmative et négative ou interrogative : je crois qu’il viendra Je ne crois pas qu’il vienne / crois-tu qu’il vienne ? 2 - Suites de formes impersonnelles Verbe ou locutions verbales impersonnelles : il se peut, il est question, il semble, il faut, il arrive. Dans ts les cas, le verbe est au subjonctif, que le verbe principal soit affirmatif, négatif ou interrogatif. Mais, pour sembler, si il y a un complément indirect, le mode est celui de l’indicatif : il semble que ce soit un succès / il me semble que c’est un succès. NB : falloir admet une pronominalisation par le et il est question par en. Construction attributive il est + adj. Jugement de fait / épistémique : vrai, clair, exclu Jugement de valeur / axiologique : bon, mauvais, scandaleux, dont on peut rapprocher la tournure éventuellement elliptique (il est) dommage que. Subjonctif obligatoire après il est possible, douteux, faux, honteux, juste, naturel Indicatif après il est probable, certain, vrai (sauf si tournure négative ou interrogative). Dépendant d’un présentatif : C’est que Pierre est un grand garçon maintenant. Il y a que je suis en colère. Voici que commence place de l’Etoile le défilé des troupes. 3 - Sujets Elles sont placées en tête de phrase et se trouvent toujours au mode subjonctif : Qu’il vienne m’étonnerait beaucoup. Morphème que - 3 Cette structure est rare en français, on trouve plus souvent la complétive détachée en tête de phrase et reprise par un pronom ou un GN : qu’il vienne, ça m’étonnerait / la chose m’étonnerait. Dans les tournures du type la vérité est que / le mieux est que, la complétive est attribut et constitue la propos de la phrase par rapport au GN sujet qui est la thème de la phrase. 4 - Compléments indirects introduits par que Quand le verbe se construit de façon indirecte, cela se répercute sur la complétive qui prend elle aussi une forme indirecte. La conjonction apparaît alors sous la forme ce que. Travailler, arriver, veiller à ce que + subjonctif Se réjouir, se plaindre, s’indigner de ce que, auxquels on ajoute informer de ce que et consister en ce que, + indicatif. Ces verbes sont toutefois suivis du subjonctif quand ils ont une construction directe : Je me réjouis qu’il soit venu / Je me réjouis de ce qu’il a enfin réussi. NB : pour ce que, il faut distinguer les conjonctives (Je m’oppose à ce que tu viennes) et les relatives ou interrogatives indirectes (Je m’oppose à ce que tu viens de me dire). Les complétives à ce que / de ce que ont parfois des variantes en que, mais lorsqu’on procède à la pronominalisation (J’ai informé Pierre que ma décision était prise → Je l’en ai informé), on voit qu’il s’agit bien d’une construction indirecte, grâce au pronom en. 5 - Compléments de noms et d’adjectifs Noms correspondant, pour la forme ou le sens, à des verbes (idée, crainte, hypothèse) ou des adjectifs (la certitude, la probabilité) : J’ai retrouvé l’espoir que tout va s’arranger. On peut rattacher à cette catégorie le fait que, qui finit par être une locution conjonctive qui se substitue à que, lorsque cette dernière conjonction ne peut être utilisée : je ne condamne pas le fait qu’il ait cherché à sauver sa vie. Adjectifs construits avec une complétive : que + subjonctif de ce que + subjonctif ou indicatif 6 - Détachées Elles sont reprises ou annoncées par un pronom « neutre » ( cela, le) ou un GN (cette chose, cet événement). Morphème que - 4 Placées en tête, elles sont mises en valeur par cette « dislocation emphatique », elles sont attente ; leur mode est généralement le subjonctif : que cet individu soit un escroc, nous le savions depuis longtemps. Postposées, elles sont généralement au mode subjonctif, mais, si le sens le permet, on peut trouver l’indicatif : tu n’en es pas sûr, que ce soit un escroc, / j’en suis sûr à présent, que c’est un escroc. II – Le que comparatif 1 – Le complément du comparatif Que sert à introduire le complément du comparatif (il est plus / moins / aussi fort qu’Hercule), qui est l’élément de référence de la comparaison. Il peut introduire divers types de compléments : - un GN / nom / pronom Ce lièvre est plus rapide que ma tortue / qu’Achille / que toi - un adjectif, dans le cas où la comparaison porte sur deux qualités : Il est plus audacieux que rusé - un GP / adverbe : La choucroute est meilleure qu’à Paris / qu’en été / qu’hier - une proposition qui précise l’instance d’évaluation du second élément de comparaison : Le bonheur est moins rare qu’on ne le pense. 2 - Les systèmes corrélatifs comparatifs Comme et ses variantes ainsi que ; de même que [qualité] Les propositions qu’ils introduisent sont peu mobiles et fréquemment postposées. Enoncent une équivalence entre deux faits ou rapprochent deux GN sur la base d’un prédicat commun, implicite ou explicite. On peut rapprocher de ces formations celle en le même… que qui sert à l’expression de l’identification : C’est bien le même livre que celui que j’ai vu dans la vitrine du libraire. De même que … de même Cette structure parallèle, typique de la poésie épique, permet d’exprimer une comparaison globale : de même que le feu éprouve l’or, l’adversité éprouve l’homme courageux. Morphème que - 5 [quantité] plus que, moins que, autant que les nombreuses constructions elliptiques montrent que, dans ce cas, la comparaison ne prend comme invariant que le GN / le prédicat verbal / le prédicat adjectival : il est plus bête que Pierre il est plus bête que méchant il a autant mangé que moi il a autant mangé que bu III – Que relatif 1 - Complément direct Que est objet direct (l’itinéraire que nous suivons) ou attribut (les grammairiens que nous sommes). Il peut être complément d’objet direct du verbe : je regrette chacun des baisers que je donne, je lis un livre que m’a offert la sœur, il a dit le mot qu’il fallait, je connais le garçon que voilà. Il peut être complément d’un adjectif attribut du sujet du verbe être quand cet adjectif, en position détachée, se trouve renforcé : Pressé que j’étais de vous voir, je suis venu aussitôt. 2 - expressions circonstancielles Certains syntagmes, constitués surtout de relatives, ont les caractéristiques sémantiques et formelles de propositions circonstancielles :ils expriment la nuance de concession. - qui que, quoi que, où que suivis du subjonctif premier élément est un pronom indéfini et les second le relatif, qui permet à cet indéfini de trouver une place et une fonction dans la subordonnée ( qui que ce soit, c’est un malin). - Quelque … que, quel … que Toujours dans des phrases avec le verbe être et le mode subjonctif. La première formule attend un adjectif attribut qui vient s’intercaler, la seconde comporte une « proforme attributive ». Exprime un haut degré dans la qualification, mais le sens concessif donne une nuance de causalité déniée (quelque patient que je sois, il vaut mieux que tu n’exagères pas ; quelle que soit ma patience, ne me pousse pas à bout). Morphème que - 6 NB : la grammaire traditionnelle classe ces propositions dans les circonstancielles, bien que ces relatives ne présentent aucune véritable conjonction de subordination. IV – Que interrogatif 1- Interrogation totale1 Se fait à l’aide du terme complexe est-ce que, version interrogative de c’est que. D’utilisation courante au XXème siècle, cette tournure était jugée familière au XVII ème. De nos jours elle vaut à l’écrit comme à l’oral. Non seulement son utilisation signale dès le début de la phrase qu’on est dans une interrogative, mais elle permet de conserver l’ordre canonique sujet-verbe : A propos, est-ce que vous nous préparez un roman ? 2- Interrogation partielle2 Interrogatif simple Que se met en tête de phrase et se reporte à un non-inanimé, par opposition avec qui qui renvoie à un humain ou un animé. NB : à la question Que regardes-tu ?, on peut répondre les nuages, la tour Eiffel ou les gens dans la rue, donc ici des humains…De même, les questions portant sur des animaux trouvent mal leur place dans ce cadre : qui sert pour les humains, mais que sert pour les inanimés…De deux choses l’une : soit l’animal est familier et porte un nom (Milou, Casimir, Grominet, …) et auquel cas on peut utiliser qui, soit on contourne la difficulté en usant de l’interrogatif quel suivi d’un substantif (quel chien ? quel gros monstre jaune ? quel chat ?). -portant sur le sujet : Que m’importe ? Que n’est pas vraiment le sujet ici. -portant sur l’attribut : Que serais-je sans toi ? Interrogation totale porte sur « l’ensemble du matériau » de la phrase (Riegel p. 391) et attend une réponse par oui ou par non :Faut-il te parler franchement ? Oui (il faut me parler franchement). 2 Elle porte sur un des constituants de la phrase, qu’elle appelle en réponse, et qui est la variable sur laquelle porte la demande, puisque le reste des éléments de la phrase est considéré comme des présupposés :Qui a utilisé ma voiture ? Moi/ ma sœur/ le voisin…(l’utilisation de cette voiture est présupposée (Riegel p. 392) 1 Morphème que - 7 Que interroge dans ce cas sur une qualité, à la différence de qui, qui interroge sur une identité. -portant sur le complément d’objet : Que voulez-vous ? Qu’écrit l’enfant ? Que veut cet homme ? Dans ces cas, le pronom personnel sujet, le nom ou le pronom autre que les pronoms personnel doivent toujours se trouver après le verbe. 2- Interrogatif complexe Qui est-ce que / Qu’est ce qui / Qu’est-ce que Le premier que est un pronom interrogatif qui permet une distinction sémantique (qui = humain, que = inanimé), tandis que le second que est un pronom relatif, qui sert à une distinction syntaxique (attribut ou objet). Mêmes remarques pour ordre sujet verbe que pour est-ce que. De plus, elle évite les ambiguïtés d’énoncés du style qui attend l’enfant ?, qui peut vouloir dire qui est-ce qui attend l’enfant ? ou encore qui est-ce que l’enfant attend ?. V- Que exclamatif Cet adverbe n’exprime pas par lui-même le haut degré de qualité, à la différence de très, beaucoup. 1- Que Que + de + nom Que de trésors éclos en mon absence ! Que + adj / adv / verbe Que les soleils sont beaux dans les belles soirées ! Que ne peut introduire que des énoncés indépendants. 2- Ce que, qu’est-ce que Avec un adj, un adv, un verbe : Ce qu’il est bête ! Morphème que - 8 Avec un nom, ces expressions ont une valeur quantifiante (= combien) : Ce qu’il a débité comme sottises ! Ce que est la réduction de qu’est-ce que, mais il moins vu comme familier que ce dernier. Ils ne sont de toute façon que des variantes des autres exclamatifs comme que. 3- Exclamation par extraction C’est maintenant que tu le dis ! VI- Que négation exceptive (restrictive) Ne … que = seulement, uniquement (on peut le remplacer par un de ces deux adverbes). Vient du latin tardif non … quam « représentant non aliud … quam influencé par non … nisi » ( G. Moignet). Ce n’est pas à proprement parler une négation, elle ne fait qu’exclure de son champ tout terme autre que celui qu’elle introduit (Je n’aime que le latin, et donc pas le grec). Elle peut affecter : Complément d’objet : Elle ne mense qu’à elle. Attribut du sujet : L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature. Complément circonstanciel : Ce train ne circule que le dimanche. Séquence impersonnelle : Il ne reste, autour de moi, que la desserte d’un long été. Ne peut pas porter sur le sujet précédant un verbe ou sur un verbe à un mode personnel (on utilise seul ou seulement). Un terme négatif peut annuler l’exception et donc rétablir toutes les autres possibilités : je n’aime pas que le latin, donc peut-être aussi le grec. Cette « annulation de la restriction » se rencontre surtout avec des tournures verbales comme il y a / c’est. NB : jusqu’au XVIIème, ne…pas, ne… point sont de simples synonymes de ne…que. Pour Montaigne, je n’ai point de faim qu’à table n’est rein d’autre que je n’ai faim qu’à table.