Olivier Faure

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Olivier Faure
PCME 21.3.a
UE de projet
(mécanique) :
La fusée Ariane V.
Ariane V au décollage, de la base de Kourou.
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UE de Projet (Mécanique) :
La fusée Ariane V.
Introduction
Présentation, description du projet Ariane et rapide historique des fusées Ariane I à V.
Problématique : Comment fonctionne Ariane V et quels sont les phénomènes physiques,
mécaniques et chimiques mis en jeu lors de sa propulsion ?
I] Ariane V : vue d'ensemble.
1) Description de la fusée, composition, caractéristiques et structure.
a) Le composite supérieur.
b) Le composite inférieur.
2) Le cœur, le moteur Vulcain.
a) Le moteur.
b) Les réservoirs.
II] La propulsion d'Ariane V, énergies et carburants.
1) Etude physique et mécanique de la propulsion.
a) Le principe fondamental de la propulsion astronomique.
b) La poussée et la vitesse d’éjection des gaz.
2) Etude chimique de la propulsion, oxydants et réducteurs.
3) Les propergols.
a) Les propergols liquides.
b) Les propergols solides.
Conclusion
Conclusion et interrogations sur le futur d'Ariane V.
Lexique.
Journal, sources et liens.
2
Introduction :
A notre époque, les satellites sont devenus indispensables et servent dans de
nombreuses choses, tels que les télécommunications, la télévision, la radio, la
météorologie, le repérage, etc. Ils deviennent de plus en plus performants, et par la
même occasion de plus en plus complexes, lourds et encombrants.
Les fusées chargées de les mettre en orbite, que l’on appelle des lanceurs, doivent donc
s’adapter à ces progrès technologiques.
C’est dans cette optique de performance, de fiabilité et de rentabilité qu’a été conçue
Ariane V.
Tout d’abord, faisons un rapide historique sur la fusée Ariane :
Le projet Ariane est européen. Il fut proposé par la France dans les années 1970 après
l’échec du programme de lanceurs Europa. Cet échec avait découragé les autres pays
européens mais la France gaulliste souhaitait continuer un programme spatial pour
s’affranchir de la tutelle américaine.
L’Agence Spatiale Européenne (ESA) confie le projet au Centre National d’Etudes
Spatiales (CNES), tandis que la motorisation est confiée à la société française Société
Européenne de Propulsion (SEP) devenue la Société Nationale d'Etude et de
Construction de Moteurs d'Aviation (SECMA) par la suite.
Arianespace lance la première Ariane en 1979. Les premiers modèles d’Ariane II et III
arriveront à partir de 1984, et Ariane IV et 1988.
Ariane V, qui nous intéresse plus particulièrement, est née d’une Europe unie pour
préparer les années 2000 dans lesquelles des complexes orbitaux devaient être
assemblés, dans un souci de puissance, de transports mais aussi de réductions de coûts.
Par rapport à Ariane IV, la structure et la morphologie de la fusée ont du être revus,
ainsi que son moteur.
Son premier lancement de la base de Kourou le 4 juin 1996 fut un échec (à cause d’un
gyroscope provenant d’Ariane IV qui n’avait pas été re-testé …) et le premier vol
réussi eut lieu le 30 octobre 1997.
Ariane V est à l’heure actuelle le lanceur commercial le plus puissant au monde (seule
le Titan IV-B, lanceur militaire américain, est plus puissant) et peut emporter, pour sa
première version, jusqu’à 6,8 tonnes sur orbite de transfert géostationnaire (alors
qu’Ariane IV ne pouvait contenir que 4.4 tonnes), et son moteur Vulcain peut délivrer
une poussée allant jusqu’à 110 tonnes dans l’espace.
Ariane connaît peu de concurrents : le lanceur « Longue Marche » chinois, le H-IIA
japonais et le VSV-30 brésilien.
→ À travers ce mémoire, nous allons nous interroger sur le fonctionnement d’Ariane
V, et étudier les phénomènes mécaniques, physiques et chimiques mis en jeu lors de sa
propulsion.
3
I] Ariane V : vue d'ensemble.
Ariane V est lanceur en deux parties, que l’on appelle composite inférieur et
composite supérieur. Deux boosters sont accolés à l’étage principal et sont
largués en vol après le décollage (on dit ainsi qu’Ariane est un lanceur à « deux
étages et demi »). Au lancement l’étage principal est allumé en même temps que
les boosters pour fournir environ 1340 tonnes de poussée.
Le composite inférieur contient un Etage Central Cryotechnique pourvu de deux
accélérateurs à poudre, il est le même pour chaque mission, alors que le
composite supérieur est adapté en fonction de la mission.
Il existe plusieurs versions d’Ariane V, mais nous allons nous intéresser à la
version de base, Ariane V G (Générique), qui mesure 51,4m et pèse 746 tonnes.
1) Description de la fusée, composition, caractéristiques et structure.
a) Le composite supérieur.
Pour les lancements de satellites, le composite supérieur est fixé sur l’Etage
Principal Cryotechnique. Il est constitué par :
• La coiffe :
C’est le sommet de la fusée. Elle est en forme de cône et composée de deux
coquilles, et elle protège les satellites (ou charges utiles) lors du passage à
travers l’atmosphère. Il y est également entreposé la SYLDA 5, qui est l’un des
deux systèmes de lancement de multiple (voir point suivant). Sur sa face interne,
la coiffe est recouverte d'un matériau dont la structure est destinée à amortir les
vibrations et les perturbations mécaniques diverses qui se manifestent au cours
des premières minutes du vol du lanceur.
La coiffe est larguée environ 200 secondes après le décollage, après avoir quitté
l’atmosphère, à une altitude d’environ 110 km.
Caractéristiques (deux versions possibles) :
Diamètre : 5,4 m.
Diamètre utile intérieur : 4,57 m.
Volume interne : 200m3
Hauteur : 12,7 ou 17 m.
Masse : 2027 ou 2900 kg.
4
• La SYLDA 5 :
Comme dit précédemment, la SYLDA 5 est l’un des deux systèmes de
lancement (de satellite), car Ariane V a la possibilité de pouvoir effectuer des
lancements doubles, c'est-à-dire deux satellites en une mission, et elle est placée
sous la coiffe. Elle est moins lourde que l’autre système de lancement et ne
permet pas de transporter des satellites aussi grands.
Caractéristiques :
Première utilisation sur Ariane 5 : 21 mars 2000 sur le Vol 128.
Diamètre utile intérieur : 4 m.
Hauteur : 4,9 m.
Hauteur utile intérieure : 2,9 à 4,4 m.
Masse : 440 kg.
• La SPELTRA :
Ou Structure Porteuse Externe pour Lancement Multiple Ariane, l’autre
système de lancement d’Ariane V en cas d’un lancement double. En forme de
cloche, elle se pose entre la case à équipements et la coiffe (contrairement à la
SYLDA), et est en contact avec l’extérieur.
Caractéristiques :
Première utilisation sur Ariane 5 : 4 juin 1996 sur le Vol 88.
Diamètre utile intérieur : 4,57 m.
Hauteur : 5,5 à 7 m.
Hauteur utile intérieure : 6 m.
Masse : 704 à 820 kg.
• La case à équipements :
C’est le cerveau du lanceur, elle contient tous les instruments de vol. Le système
n’en occupe que la moitié, l’autre moitié étant une copie conforme du système
en cas de problème technique. Ariane V n’est pas pilotée depuis le sol, mais elle
est « téléguidée » par elle-même par la case à équipement qui dispose de
capteurs et calcule la position de la fusée à chaque instant. Elle commande tout,
l’extinction des moteurs, la séparation des étages, le largage de la coiffe ou
même sa destruction, l’orientation et la mise en place des satellites.
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Caractéristiques :
Diamètre : 5,4 m.
Hauteur : 1,56 m.
Masse : 1500 kg.
• L’Etage à Propergols Stockables (EPS) :
C’est un étage de propulsion utilisant le nouveau moteur AESTUS qui
développe 29 kN de poussée dans l’espace (ce qui équivaut à une poussée de 3
tonnes au sol), qui a pour but de propulser la charge vers son orbite. Il est réallumable, ce qui permet de lancer une « série de satellites » en les plaçant un à
un sur l’orbite désirée. Il est orientable par deux servomoteurs électriques.
Cet étage n’utilise pas de carburant solide, ou de type hydrogène/oxygène
liquides, mais du peroxyde d’azote et du monométhylhydrazine (MMH), qui
sont deux ergols dits hypergoliques, c'est-à-dire qui entre en combustion par
simple contact entre eux.
L’EPS fonctionne sur l’ensemble du vol pendant 1100 secondes.
Caractéristiques :
Diamètre : 3,94 m.
Hauteur : 3,35 m.
Masse (chargé de carburant) : 11 tonnes.
Contenance : 9,7 tonnes d’ergols.
En cas d’éventuels lancements habités, l’ensemble constitué par la case à
équipements et le véhicule spatial habités serait supporté directement par le
composite inférieur, sur lequel nous allons d’ailleurs nous pencher maintenant.
b) Le composite inférieur.
Le composite inférieur est constitué de deux étages :
• L’Etage d’Accélérateur à Poudre, EAP :
Les EAP sont les deux boosters (ou fusées d’appoint) d’Ariane V, de forme
cylindrique, qui contiennent 237,7 tonnes de poudre. La combustion est
canalisée pour permettre à la fusée de s’arracher du sol au décollage. Ils
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fournissent 90% de la poussée totale au décollage, et les éteindre est impossible
une fois allumés (ce qui peut constituer un danger, et qui par exemple a couté la
vie aux 7 astronautes de la navette spatiale Challenger en 1986).
La poussée maximale que peuvent fournir les EAP est de 6709 kN (une poussée
de 684 tonnes au sol), tandis que la poussée moyenne pendant le vol est de 4984
kN (508 tonnes), ils ont donc un rôle primordial dans le décollage de la fusée.
Ils sont largués après 90 secondes de vol grâce à 8 fusées d’éloignement, mais
peuvent être récupérés intacts grâce à un système de parachutes.
La tuyère (ou divergent) à la base est chargée d’évacuer les gaz de propulsion à
raison de 2 tonnes par secondes, et peut s’orienter à 6° (pour ainsi modifier le
cap et le tangage de la fusée). Elle est conçue dans un alliage métallique et
composite (avec de la silice) pour résister à la très haute température dégagée.
La pression de combustion dans l'EAP est de 61,34 bars (1 bar = 105 pascals),
soit plus de 60 pressions atmosphériques ! L’intérieur du corps central est fait de
8 mm d’acier et recouvert d’une protection thermique à base de caoutchouc.
Ces EAP constituent ce qu’on appelle le moteur à propergol solide (nous y
reviendrons par la suite).
Caractéristiques :
Diamètre : 3 m.
Hauteur : 31 m.
Masse totale : 277 tonnes.
Contenance : 237 tonnes de propergol solide.
• L’Etage Principal Cryotechnique (EPC) :
Le dernier étage d’Ariane V est une sorte d’énorme thermos de 31 m de haut,
dans lequel sont stockés 26 tonnes d’hydrogène liquide refroidi (conservé à -253
°C) et 132 tonnes d’oxygène liquide refroidi (conservé à -183°C). En effet, les
éléments occupent moins de place à l’état liquide et peuvent donc être mis dans
les réservoirs. (On emporte une masse plus importante d'oxygène dans un
volume plus petit car l'oxygène liquide est beaucoup plus lourd pour un même
volume que l'hydrogène liquide.)
L’EPC est propulsé par le moteur Vulcain, fixé à sa base, sur lequel nous allons
nous pencher plus précisément dans la sous partie suivante. Si cet étage n’est pas
celui qui sert le plus à la propulsion de la fusée au décollage, il est néanmoins
primordial pour le reste du vol (surtout pour la mise en orbite de la charge utile),
et comme son nom l’indique, l’élément principal d’Ariane V !
Le moteur Vulcain de l’EPC est le moteur à propergols liquides.
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Caractéristiques :
Diamètre : 5,4 m.
Hauteur : 31 m.
Masse totale : 170 t.
Contenance : 26 tonnes H (l) et 132 t O (l).
→ Nous venons de voir quelles étaient les principales composantes du lanceur
Ariane V, et allons maintenant nous intéresser de plus près à son moteur
principal situé dans l’EPC, Vulcain.
Voici une image légendée d’une coupe de l’ensemble de la fusée pour résumer
cette première sous partie :
Eclaté d’Ariane V.
8
2) Le cœur, le moteur Vulcain.
a) Le moteur
L’EPS ne dispose donc que de Vulcain comme moteur, conçu par la SECMA
spécialement pour Ariane 5. Il fournit une poussée de 1125 kN, ce qui revient à
115 tonnes au niveau du sol. La fusée pesant près de 790 tonnes en début de
mission, il est donc loin d’être le moteur principal au décollage comme nous
l’avons vu précédemment.
Vulcain fournit cette poussée en éjectant 250 kg.s-1 de gaz (en fait, de la vapeur
d’eau) à 3300°C. La pression de combustion y est de 110 bars (110
atmosphères !) ce qui est encore plus élevé que pour les EAP.
516 injecteurs injectent l’oxygène et hydrogène liquides sous haute pression, et
la chambre de combustion est refroidie en permanence par de l’hydrogène
liquide.
La tuyère (ou divergent) principale, classique, assure l’accélération des gaz en
régime supersonique jusqu’au maximum permis par la pression ambiante, à
savoir 4000m.s-1. Constituée de 456 tubes en hélice et refroidie par circulation
d’hydrogène liquide, toujours pour éviter une fonte due aux températures très
élevées des gaz (cette technique s’appelle « Dump cooling »).
Il y a aussi 2 tuyères auxiliaires sur les côtés qui participent à un complément de
poussée.
Le moteur est alimenté par deux turbopompes (pompes à haute vitesse)
indépendantes :
• La pompe à hydrogène : tournant à 33 000 tours.min-1, elle développe une
puissance de 15 MW, soit 21 000 chevaux (1 cheval  736 Watts) ou la
puissance de deux TGV.
Elle a fait l’objet d’études très poussées sur les roulements et la dynamique du
rotor, car elle doit franchir des paliers avant d’atteindre sa vitesse limite, pour la
stabilité du rotor.
Caractéristiques :
Puissance des turbines : 7 400 – 15 500 kW.
Vitesse de rotation : 28 500 – 36 000 tours.min-1.
Pression d’entrée : 2 – 6 bars.
Pression de sortie : 52 – 102 bars.
Température : 760 – 950 °k (~ 487 – 677 °C).
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• La pompe à oxygène : tournant à 13 000 tours.min-1, elle développe une
puissance de 3,7 MW, soit 5 000 chevaux. Elle fonctionne en dessous de sa
vitesse critique, et les matériaux qui la composent sont étudiés de manière à
éviter, en cas de frottements excessifs, la combustion des métaux dans l’oxygène
(on rappelle que l’oxygène est un très bon comburant, c’est-à-dire qu’il est
capable de réagir avec un combustible, ici les métaux, dans une réaction de
combustion).
Caractéristiques :
Puissance des turbines : 2 000 – 4 800 kW.
Vitesse de rotation : 11 000 – 14 800 tours.min-1.
Pression d’entrée : 3,5 – 7,8 bars.
Pression de sortie : 45 – 88 bars.
Température : 760 – 950 °k (~ 487 – 677 °C).
L’énergie nécessaire au fonctionnement de ces deux turbines est fournie par une
seconde chambre de combustion, un « générateur de gaz chauds », qui prélève
3% du combustible. Cette pompe permet la propulsion des deux turbopompes :
les gaz produits les entraînent et sont rejetés par deux tubes sur les côtés du
divergent (tuyère) principal.
Ce cycle offre une performance raisonnable et permet par la même occasion de
réduire le coup tout en augmentant la fiabilité.
La partie haute du moteur est enfermée dans une protection thermique qui l’isole
du rayonnement des jets des EAP (moteurs à propergol solide).
Le moteur Vulcain est démarré au sol pour pouvoir contrôler son
fonctionnement, avant l’allumage des EAP, qui rappelons-le, est irréversible.
Son démarrage est effectué par un démarreur à poudre qui actionne les
turbopompes, et de petits allumeurs pyrotechniques (explosifs) initient la
combustion dans les chambres de combustion. Le moteur peut-être orienté pour
assurer le pilotage du lanceur.
Il est testé pendant 7 secondes, en cas de problème, on le stoppe et le lancement
est annulé. En revanche, si tout se passe bien, les EAP sont allumés et Ariane V
décolle. Le moteur Vulcain fonctionne pendant une durée totale de 570 s
(9min30).
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Caractéristiques (moteur + tuyère) :
Diamètre (sortie de tuyère) : 1,76 m.
Hauteur : 3m.
Masse : 1685 kg.
Pression de combustion : 110 bars.
Poussée totale : 1 140 kN (dans le vide), 885 kN (au sol)
Impulsion spécifique (Is) dans le vide (cf. II) : 431,2 s.
Le moteur Vulcain.
b) Les réservoirs.
L’hydrogène et l’oxygène, respectivement carburant et comburant du moteur
Vulcain, sont donc maintenus liquides à basses températures dans des réservoirs
reliés à Vulcain, dans l’EPC. Le réservoir supérieur, de 123 m3, contient 132,5
tonnes d’oxygène, et le réservoir inférieur, de 391 m3, contient 26 tonnes
d’hydrogène.
L’épaisseur de leurs parois est de 4 mm, et elles sont recouvertes avec une
protection thermique en polyuréthane expansé de 2 cm d'épaisseur.
Ils sont mis sous pression avec de l’hélium 4h30 avant le décollage. Cet hélium
provient d’une sphère isolée thermiquement par une poche d’air, située juste au
dessus du moteur Vulcain. Elle contient au total 145 kg d’hélium liquide refroidi
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à 7°K (-266 °C) et pressurisé à 19 bars avant le décollage puis à 17 pendant le
vol
Pendant le vol, le réservoir à oxygène (LOX pour « Liquid Oxygen ») est
pressurisé toujours avec de l’hélium qui est réchauffé par contact avec
l’échappement de la turbine et remonte dans le réservoir avec un débit de 0,2
kg.s-1, la régulation étant assurée par des vannes montées sur « une platine »,
tandis que le réservoir à hydrogène (LH2) est pressurisé par de l’hydrogène
même, mais gazeux à 120 bars et 100°K (-173 °C), prélevé en amont des
injecteurs du moteur et introduit avec un débit de 0,4 kg.s -1 dans le réservoir,
tout ceci étant encore une fois régulé par plusieurs vannes.
Comme dit précédemment, l’oxygène et l’hydrogène sont prélevés des
réservoirs et injectés dans le moteur par un injecteur frontal constitué de 516
éléments assurant la pulvérisation et le mélange, à raison de 200 L.s-1 pour
l’oxygène et 600 L.s-1 pour l’hydrogène.
Tout ceci est également refroidi par circulation de l’hydrogène liquide (qui au
final sert donc comme carburant, comme refroidissement et comme
pressurisant !)
Il y a également 2 autres petits réservoirs sphériques (en composite carboné et
titane) de 300 L et mis sous pression de 390 bars contenant encore de l’hélium
liquide, pour pressuriser les canalisations servant à l’alimentation des pistons
pneumatiques contrôlant l’inclinaison du moteur.
→ Nous venons d’étudier la composition de l’Etage Principal Cryotechnique, de
Vulcain et de ses réservoirs. Voici une image légendée récapitulative :
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Schéma de Vulcain et des réservoirs.
→ Maintenant, après avoir étudié de manière technique la fusée Ariane V,
nous allons étudier plus en détails les phénomènes physiques, mécaniques et
chimiques entrant en jeu lors de son lancement.
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II] La propulsion d’Ariane V , énergies et carburants.
Le but de cette seconde partie est d’étudier la propulsion d’Ariane V de manière
théorique, sous les aspects mécaniques, physiques et chimiques.
1) Etude physique et mécanique de la propulsion.
Nous allons d’abord étudier (et parfois démontrer) les lois physiques qui
régissent la propulsion du lanceur.
a) Le principe fondamental de la propulsion astronomique.
Isaac Newton écrivit, au XVIIème siècle : « Pour chaque action, il y a une
réaction opposée et égale ». C’est le principe d’action réaction, aussi connu sous
le nom de 3è loi de Newton, qui se traduit mathématiquement pour deux solides
A et B par :



FA / B  FB / A



FA / B  FB / A  0
C’est cette loi fondamentale qui permet la propulsion des fusées.
La fusée, une fois qu’elle a quitté l’atmosphère, ne peut pas faire appel au milieu
extérieur pour se déplacer, car elle évolue dans le vide (les forces extérieures
comme les forces de gravitations des corps environnants sont négligées).
L’application du principe d’action réaction à un système isolé comme ici la
fusée dans l’espace nous dit que la somme des forces intérieures s’exerçant sur
le système est nulle. Donc, pour un système à n particules distinctes :


 Fi j  0
[ i , j ][1, n ]
(1)
Si l’on considère maintenant la fusée comme un assemblage de deux systèmes,
la structure principale et les gaz éjectés ({fusée}  {structure} + {gaz éjectés}),
on peut affirmer que les forces intérieurs s’exerçant sur le système {fusée} sont
des forces extérieures qui s’exercent sur chacune des deux parties, c’est-à-dire
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les forces exercées par les gaz sur le système {structure} et les force exercées
par la structure sur le système {gaz}.
On peut maintenant appliquer le Principe Fondamental de la Dynamique (ou 2è
loi de Newton) à chacune de ces parties, qui dit que dans un référentiel galiléen,
la somme des forces extérieures s’appliquant sur un système est égale à la
dérivée par rapport au temps de la quantité de mouvement :


dP
 Fext de.chaque. partie  dt


P  mV où
avec
d’inertie.
(2)
m est la masse du système et V la vitesse de son centre
(Et donc, lorsque la masse du système reste constant au cours du temps, on
retrouve :




dmV
dV
 Fext  dt  m dt  ma
où a est l’accélération de son centre d’inertie)
D’après ce que nous venons de dire, on peut donc injecter l’équation (2) dans
l’équation (1) :

 Fi j  
[ i , j ][1, n ]
 par intégration :

dPde.chaque. partie
dt

0
(3)

 Pde.chaque. partie.  cste
→ À partir des 2è et 3è lois de Newton, nous avons donc pu établir le fait que
les quantités de mouvement sont conservées, et nous allons pouvoir en déduire
le principe de la propulsion.
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Considérons maintenant la fusée, « constituée » de la structure principale et des
gaz éjectés, de masse m, de vitesse V et avec W la vitesse d’éjection des gaz, à
un instant t et un instant t’=t+dt.
On applique la conservation de la somme des quantités mouvement de chaque
partie donc :


P(t )  P(t  dt )
mV = (m+dm)*(V+dV)–dm(V+dV-W)
(Les deux signes en gras s’expliquent par le fait que « dm » soit négatif.)
Ce qui après développement donne :
0 = m*dV+dm*W
 m*dV = -dm*W
 dV  W
(*)
dm
m
 Par intégration :
∆V = -W*ln(m)+cste.
A t=0, donc V=0 donc
0 = -W*ln(m0)+cste
 cste = W*ln(m0)
Ce qui nous donne le résultat suivant :
∆V = W[ln(m0)-ln(m)]
 m0 

V

W
ln



 m
avec m0 la masse initiale de la fusée.
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Cette formule est appelée équation de Tsiolkowski (scientifique russe né en
1857 considéré comme le père de l’astronautique moderne), elle est l’équation
fondamentale de la propulsion astronautique.
Elle permet de remarquer que plus le rapport
plus l’accroissement de la vitesse sera élevé.
m0
est grand (donc plus m0 > m),
m
Ce phénomène peut d’ailleurs être observé par l’expérience de Tsiolkowski : sur
une barque, jeter le plus loin possible des objets assez lourds fait reculer.
b) La poussée et la vitesse d’éjection des gaz.
Des calculs précédents, on peut également exprimer la poussée des moteurs
créée par l’éjection des gaz en sens inverse du mouvement, qui permet donc à la
fusée de se propulser grâce au principe d’action réaction. Au décollage, la
poussée est verticale est orientée vers le bas.
On reprend l’équation (*) et on divise chaque membre par « dt », ce qui donne :
m
dV
dm
 W
dt
dt
Les deux membres de cette équation sont donc homogènes à une force
(masse*accélération), qui est en fait la force de poussée.
dm
est le débit massique de la fusée, c'est-à-dire la masse de gaz qu’elle rejette
dt
par unité de temps. Le débit massique est exprimé par q.
En repassant en quantités vectorielles, on obtient donc la formule suivante pour
la poussée de la fusée :


F  qW
avec toujours W la vitesse d’éjection des gaz.
On peut voir avec cette formule que la poussée dépend de la quantité de gaz
fournis et de leur vitesse d’éjection.
(En fait d’autres facteurs influent sur la poussée : la pression atmosphérique, la
pression à la sortie de la tuyère et la section de sortie des gaz. La formule
complète est légèrement plus compliquée et fait intervenir ces paramètres)
17
Appliquons cette formule à Ariane V, ce qui donne :
Fvide = q*Wvide
Fvide = 271*4000 = 1 084 kN, résultat qui concorde avec les caractéristiques
énoncées dans la première partie.
Une autre grandeur en rapport avec la poussée et caractéristique des moteurs est
l’Impulsion spécifique (Is). Elle correspond au temps pendant lequel la
consommation d’1 kg de carburant donne une poussée de 9,81N.
Is 
F
W

g *q g
avec g l’accélération de la pesanteur terrestre (g = 9,81m.s-2).
En appliquant ce calcul à Ariane V (pour l’EPC), cela donne :
Is = 4000/9,81 = 408 s, ce qui concorde avec les caractéristiques de Vulcain
énoncées dans la première partie.
Un bon moteur est un moteur avec une Is la plus grande possible : ainsi la
poussée est plus répartie dans le temps, et moins soudaine et « explosive ».
La vitesse d’éjection des gaz, que nous avons utilisé dans les calculs précédents,
est une autre grandeur caractéristique de la fusée et de son moteur. Néanmoins,
sa démonstration étant plutôt compliquée (et demandant un niveau et des
connaissances plus élevés que les miens !), nous allons juste nous contenter de
voir sa formule et quels sont les paramètres rentrant en jeu.
Cette formule se démontre normalement en partant des principes de la
thermodynamique et en les appliquant aux gaz éjectés par la tuyère.
1

 mR   Pe  
W 2
Te 1  

  1 M   Pa 





avec :
- γ le rapport entre la capacité calorifique à pression constance (Cp) et la
capacité calorifique à volume constant (Cv).
18
- Te et Pe les température et pression dans la chambre de combustion du
moteur lors de l’éjection, Pa la pression atmosphérique.
- R la constante des gaz parfaits.
- M la masse molaire du carburant utilisé.
Cette formule barbare nous montre donc que la vitesse d’éjection des gaz
augmente lorsque la température d’éjection augmente, et lorsque la masse
molaire du carburant diminue.
→ Nous venons donc de voir quelles étaient les principales lois physiques
régissant la propulsion d’Ariane V et des fusées en général.
Voici une image qui illustre très grossièrement le principe fondamental qui
permet à la fusée de se propulser même dans le vide en l’absence de matière
grâce à la force de poussée provoquée par l’éjection des gaz chauds canalisés
dans la tuyère, à savoir le principe d’action réaction ou 3è loi de Newton.
Nous allons maintenant étudier quelles sont les réactions chimiques qui se
produisent dans les moteurs d’Ariane V et qui lui fournissent l’énergie
nécessaire à la fusée pour se propulser.
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2) Etude chimique de la propulsion, oxydants et réducteurs.
L’énergie nécessaire à l’éjection des gaz (qui doit être la plus élevée possible
pour fournir une poussée maximale) provient de réactions chimiques qui ont lieu
au cœur du moteur de la fusée.
Il faut d’abord que nous définissions deux termes essentiels : les ergols et les
propergols.
Les propergols sont les produits actifs éjectés par le système propulsif, tandis
que les ergols sont les constituants initiaux des propergols qui fournissent de
l’énergie seulement une fois combinés.
La réaction entre les ergols est une réaction d’oxydoréduction : un oxydant de
forte électronégativité, c’est-à-dire qui attire plus les électrons, ici appelé
comburant, réagit avec un réducteur de faible électronégativité, ici le
combustible/carburant. Cette réaction met en jeu des échanges d’électrons, et
crée un courant électrique et donc une énergie. Plus la différence
d’électronégativité entre l’oxydant et le réducteur est grande, plus la réaction
produit d’énergie.
Pour dégager un maximum d’énergie, on cherche donc à faire réagir des
oxydants puissants tels l’oxygène O, le fluor F ou le chlore Cl, avec des
réducteurs forts tels l’hydrogène H, le lithium Li, le beryllium B, le bore B,
l’aluminium Al, le carbone C, ou l’azote N, dans une réaction appelée
combustion (= réaction d’oxydoréduction très puissante faisant réagir un
comburant et un combustible et nécessitant une certaine énergie d’activation).
L’électronégativité des réactifs n’est pas le seul facteur qui entre en compte dans
la puissance de la réaction : en effet, on a vu précédemment que plus la masse
molaire M est faible, plus la vitesse d’éjection est grande.
On peut aussi retrouver cette caractéristique en regardant la formule de l’énergie
cinétique Ec :
1
mv²
2
Ec
v  2
m
Ec 
Donc on voit bien que la vitesse diminue plus la masse de l’élément éjecté est
importante, ce qui intuitivement est logique car il est plus facile d’accélérer des
particules légères que des particules plus lourdes.
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• Penchons nous maintenant sur les oxydants, et voyons voir quels sont ceux qui
peuvent être utilisés dans la propulsion de fusées :
- L’oxygène est le plus utilisé (c’est d’ailleurs celui utilisé par l’EPC
d’Ariane V), car il est peu dense (d=1,27) et donc plus facilement
stockable
- Le fluor libère plus d’énergie que l’oxygène, mais a pour inconvénients
d’être plus dense (d=1,51) et donc lourd, de réagir avec de nombreux
matériaux constituant la fusée, et de plus d’être polluant et toxique pour la
couche d’ozone lorsqu’il réagit avec l’hydrogène de l’air.
- Le chlore quant a lui libère moins d’énergie que l’oxygène, et est deux
fois plus dense que ce dernier. En plus, lors du contact avec l’hydrogène,
de l’acide chlorhydrique (très polluant !) se formerait, son utilisation
comme comburant ne serait donc pas très utile surtout à côté de
l’oxygène.
- L’azote n’est pas un oxydant à proprement parler, mais de nombreux
composés azotés (comme le peroxyde d’azote N2O4, utilisé dans l’EPS
d’Ariane V) renferment de l’oxygène et sont de bons oxydants, en plus
d’être hypergoliques (nous pouvons donc approfondir un peu la définition
données lors de l’étude de l’EPS : deux ergols hypergoliques s’embrasent
par simple contact entre eux sans apport d’oxygène (comburant) extérieur
car l’oxygène est apporté par l’un des deux ergols !). Ils peuvent être
conservés à l’état liquide pour des températures relativement peu
importantes ce qui permet un stockage facile.
• Voyons voir maintenant quelques réducteurs :
- L’hydrogène est l’élément le plus léger et le carburant le plus utilisé (c’est
le cas dans l’EPC/Vulcain d’Ariane V). Sa masse molaire est faible et il
libère une assez grande quantité d’énergie. Sa faible densité permet de le
stocker dans des réservoirs moins volumineux, mais sa température
d’ébullition très basse (20°K = -253°C) est assez difficile à maintenir.
- Certains hydrocarbures comme le kérosène sont assez utilisés et
produisent une énergie importante car ils contiennent beaucoup d’atomes
d’hydrogène.
- Les composés azotés peuvent également être utilisés en tant que
réducteurs ! Comme par exemple l’hydrazine N2H4 (contenant donc de
l’hydrogène), liquide entre 2 et 115 °C, même s’il y a des risques
d’explosion au contact de l’air. Des dérivés de l’hydrazine comme la
MMH (utilisée hypergolique dans l’EPS avec le peroxyde d’azote) ou
l’UMDH sont maintenant bien plus utilisés, car plus stables et moins
chers que l’hydrazine de base.
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Terminons par quelques valeurs d’impulsions spécifiques de différents couples
oxydant/réducteur :
Oxydant
O2
O2
N2O4
N2O4
Combustible
H2
UMDH
N2H4
UMDH
Is (s)
440
310
292
285
→ Les réactions chimiques fournissant l’énergie à la fusée sont donc des
réactions d’oxydoréduction entre ergols. Dans une dernière partie, nous allons
étudier les deux différents types de propergols et voir quelles sont les principales
différences de propulsion entre les deux.
3) Les propergols.
« Propergol » désigne à la fois le carburant et le comburant qui en réagissant
entre eux fournissent l’énergie nécessaire à la propulsion de la fusée.
Les moteurs de fusées, utilisant des propergols sont dits « autonomes » car ils
amorcent des réactions de combustion sans apport d’oxygène extérieur.
Au cours du lancement de la fusée, on doit faire varier le rapport entre la masse
de comburant et la masse de combustible appelé rapport de mélange de telle
sorte qu’aucun des deux ne soit en excès à la fin du vol.
Nous allons voir qu’il existe deux types de propergols (et donc deux « types de
propulsions ») :
- les propergols liquides
- les propergols solides
a) Les propergols liquides.
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