BRIGUER

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BRIGUER
Idriss Deby brigue un nouveau mandat ! Voilà ce qu’on a entendu plus d’une fois avant cette élection
présidentielle dont l’existence même est contestée au Tchad. Mais on sait que malgré les remises en
cause du processus électoral, l’actuel chef d’Etat se présente de nouveau devant les électeurs, pour
être reconduit dans ses fonctions. Bien souvent en effet, on utilise ce mot lorsqu’un candidat non
seulement se présente, mais se représente, et tente ainsi de prolonger son mandat par un autre. On
dit alors qu’il se succède à lui-même, cliché courant, mais correct, que la langue journalistique utilise
abondamment, et qu’on a entendu à propos de ce même Idriss Deby, lui-même coutumier du fait.
Mais attention, le verbe briguer ne porte pas avec lui cette idée qu’on veut être renouvelé dans ses
fonctions. Il signifie seulement qu’on désire, qu’on ambitionne d’occuper une certaine fonction. Et
qu’on le fait savoir. Alors, lorsqu’il s’agit d’une élection, cela signifie qu’on s’est porté candidat, et qu’on
sollicite le suffrage des électeurs.
Mais la brigue ne va donc pas toujours avec l’élection. Si on sait qu’un poste est vacant, on peut se
déclarer intéressé : on le brigue aussi, même si la décision doit être prise par une seule personne, ou
un groupe qui n’a nul besoin de voter pour nommer le titulaire. On brigue donc aussi bien un poste qui
se décidera par élection, qu’un poste qui se décidera par nomination. Et aujourd’hui, le mot n’est pas
spécialement péjoratif. Alors qu’il l’a été, et qu’il peut d’ailleurs encore l’être dans d’autres contextes,
quand il signifie autre chose.
Le mot vient de l’italien. D’où vient-il ? On ne sait pas trop, peut-être de brigand mais ce n’est pas sûr.
Et son premier sens est dispute, querelle, ce qui atteste bien de son passé batailleur. Mais le plus
étonnant, c’est que le mot a encore un sens assez négatif, même s’il est rarement employé, et si on ne
le trouve, dans ce sens, que dans des contextes assez littéraires. Briguer, c’est donc faire jouer toute
une intrigue pour obtenir ce qu’on veut, travailler dans le secret, derrière le dos des gens. En un mot
intriguer, comploter, conspirer.
Et le mot intriguer est également d’origine italienne. Oh ! Ce n’est pas que les Italiens soient par nature
plus intrigants que les autres. Mais on se souvient peut-être de la réputation des Italiens à la cour des
rois de France à la fin du 16ème siècle et au début du 17ème, à l’époque des reines de Médicis et des
Concini. On racontait qu’ils agissaient par ruse, s’infiltraient dans les coulisses du pouvoir,
manoeuvraient et manipulaient. Peut-être étaient-ils plus habiles que les Français. En tout cas ce
pouvoir, ils l’ont eu, et ils en ont conservé une image un peu sulfureuse de courtisans manipulateurs.
Ce qui fait que maintenant, lorsqu’on parle de briguer un poste, on entend presque qu’on ambitionne
ce poste. A priori, le mot n’est pas susceptible d’être pris en mauvaise part. Et pourtant, comme il n’est
pas très fréquent, il a lui aussi comme une cape de conspirateur. Comme si celui qui ambitionne n’était
pas à la hauteur de ses ambitions.
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