Cours n°7 HMO (S2)- La radicalisation islamique Introduction : L’islamisme est un mot forgé par les politologues pour désigner l’islam radical dans deux sens : - radical car il revient aux racines de l’islam - radical au sens d’extrême au niveau politique voire « révolutionnaire ». L’islamisme est un mouvement à l’échelle du monde musulman et non restreint au monde arabe. Cet islamisme radical succède comme idéologie politique dominante au nationalisme panarabe plus ou moins laïc qui décline dans les années 60-70 ; aujourd’hui cette façon de voir est remise en cause car le nationalisme arabe n’était pas aussi laïc qu’on pouvait le dire. Un certains nombre de personnes vont passer du nationalisme arabe à l’islamisme. Dans les années 70, les gouvernements dans plusieurs pays musulmans et notamment dans les pays arabes sont menacés par des partis islamistes se réclamant d’une idéologie nouvelle. I. L’essor des mouvements islamistes dans le monde arabe 1. Le contexte : le tournant des années 1960 Ces mouvements islamistes sont liés aux mouvements de l’islam politique nés à la fin des années 30 comme les Frères Musulmans mais ils sont très différents. Des mouvements islamistes naissent dans les années 60 mais à cette époque sont encore marginaux car domine encore le nationalisme panarabe Elle va décliner dans les années 70, donc s’affirme l’idéologie dominante à la faveur de la défaite de 1967 qui est un coup fatal au nationalisme arabe et à Nasser qui l’incarnait (il meurt en 1970). L’essor des pays du Golfe dans le monde arabe est en partie lié au choc pétrolier de 1973 qui augmente leurs revenus, cela va aussi favoriser l’émergence de mouvements islamistes. Puis, apparition d’une nouvelle génération, + alphabétisés, n’ayant pas connu de luttes nationales, ne trouvent pas d’emplois donc s’engagent dans l’islam radical pour contester le régime en place. Ces nouvelles générations vont adhérer à des idéologies fondées dans les années 60 contestant la domination traditionnelle sunnite ou chiite. 2. Une double rupture : avec la théologie traditionnelle et avec le réformisme du début du XXe siècle Double rupture : rupture avec la tradition de l’islam sunnite et rupture avec l’islam réformiste du début du XXème siècle. L’islam codifie le droit civil donc intervient dans tous les domaines de la société, et pour certains ceci est une preuve que l’islam ne peut pas sortir le politique du religieux. Or cela est méconnaitre la tradition musulmane car dans les exégèses des théologiens sunnites il faut lutter à tout prix contre la « fitna », conflits et troubles inter musulmans, et il est ainsi préférable d’avoir un pouvoir musulman injuste qu’un pouvoir non musulman ou un pouvoir musulman renversé. Ainsi, les islamistes sont contre cette tradition. En effet, dans cet islam traditionnel, le jihâd est conçu comme une obligation collective (fard kifâya : si une partie de la communauté s’en charge, le reste en est déchargé) de lutte qui sert à protéger un territoire ou lutter contre des dissidents, c'est-à-dire qu’il est mené par des Etats. Les réformistes musulmans du XXème siècle tels que Mohammed Abduh sont très partisans de la séparation du pouvoir politique et du religieux, c’est pourquoi ce dernier n’a pas protesté quand l’islam n’était pas religion d’Etat en Egypte à l’époque alors qu’il était mufti d’Egypte. Ce sur quoi les réformistes (comme Rachid Rida) luttent ce sont les lois qui ne sont pas musulmanes mais européennes dans un pays musulman comme l’Egypte. De plus, le savant Ibn Taymiyya a théorisé le combat des musulmans contre d’autres musulmans mais il le fut dans le contexte de l’invasion des Mongols (ils sont musulmans mais on peut les combattre car ce ne sont pas de vrais musulmans), ses écrits vont être repris par l’islamisme radical d’aujourd’hui. Avec Rachid Rida, l’idée qu’on puisse combattre un Etat musulman ou des musulmans a fait son chemin. 3. Une nouvelle idéologie du jihad Une des idées au centre de cette nébuleuse un peu théorique c’est une définition restrictive de ce qu’est un « véritable croyant musulman » : parmi ces penseurs on trouve notamment l’égyptien Sayyid Qutb (1906‐1966), pendu par le gouvernement nassérien, de la même génération qu’Hassan al Banna, il a fait les mêmes études que lui, a travaillé dans le Ministère de l’Education, il est proche des hommes de lettres dans les années 30 (Taha Hussein, etc.) malgré des désaccord avec eux il débat. Il va se tourner à nouveau vers l’islam à la fin des années 40 notamment suite à une mission qu’il a fait dans les pays européens qui va le rendre farouchement anti-européen. Sayyid Qutb va être Frère Musulman, mais va être emprisonné, torturé, donc c’est dans ce contexte qu’il se radicalise. Il publie « A l’ombre du Coran » qui est une exégèse pas du tout orthodoxe ou classique et puis Ma`alim fi al-tariq qui reprend le premier livre mais avec beaucoup plus de radicalité. Le concept central est la jahiliyya (ignorance, société antéislamique), pour lui il y a des Etats musulmans impies même s’ils se considèrent musulmans comme l’Egypte de Nasser, il considère que ces Etats peuvent être combattus car n’appliquent pas vraiment la sharia, qu’ils sont dans l’ignorance, sans pour autant préciser ce que cela recouvre. Il justifie de façon théorique le fait de détruire l’Etat égyptien tel qu’il est, ainsi on utilise ses écrits pour prendre les armes contre un Etat musulman qu’on juge non-musulman. Les descendants de Sayyid Qutb vont être encore plus radicaux car dans les années 80 pour eux le jihad passe de l’obligation collective à l’obligation individuelle (fard `ayn), donc si on est un vrai musulman on doit lutter contre l’Etat non-musulman en question (comme l’Egypte de Sadate par exemple). D’autre part, dans cette théorie de l’islam radical on fait beaucoup de place à al « hijra » : quitter les « faux musulmans » ou non-musulmans comme étaient les mecquois au temps du Prophète vers une terre plus musulmane comme Médine, avec l’idée qu’on pourrait ensuite revenir par la suite dans ces territoires une fois qu’ils auraient été islamisés et respectueux de l’islam. Mawdûdî (1903‐1979) II. Les succès et revers politiques des islamistes 1. Vers la prise du pouvoir ? Egypte : jama‘at alislamiyya nées dans les années 1970, interdites après 1977. 6 octobre 198& : assassinat de Sadate. 2. Echec de l’islamisme politique, essor du fondamentalisme (G. Kepel, O. Roy) 2. Un phénomène politique dirigé contre la domination occidentale (F.Burgat) III. Des courants très divers 4 grands courants (Burési) : ‐ Courant traditionnaliste ‐ les fondamentalistes ‐ l’islam politique ‐ les neo‐fondamentalistes Oussama Ben Laden (1957 ou 1958 ‐), Ayman Zawahiri (1951‐).