LA CONVERGENCE LITHOSPHERIQUE ET SES EFFETS Un sujet de bac complet avec un exercice de géologie : http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/svt/eleve/bac/TS2004.htm un exemple d’un sujet oral (et pourquoi pas un exercice à 3 points !) : http://www4.aclille.fr/~svt/sujets_oraux/sujets_04/tso_con_pdf/tso_con_01.pdf de judicieux schémas : http://webpublic.acdijon.fr/pedago/svt/schemassvt/rubrique.php3?id_rubrique=46 Un référentiel Chapitre 1 – Convergence et subduction La chaleur interne de la Terre se dissipe grâce à des courants de convection mantelliques à l'origine du mouvement des plaques lithosphériques. Au niveau des dorsales océaniques, les mouvements ascendants de matière dans l’asthénosphère entraînent une création permanente de lithosphère océanique et une divergence des plaques. La lithosphère océanique âgée disparaît au sein du manteau au niveau des zones de convergence par un phénomène de subduction, qui compense la création qui se fait par accrétion au niveau des dorsales. On se propose d'étudier les caractéristiques des zones de convergence, les mécanismes de la subduction, ainsi que le magmatisme et le métamorphisme qui sont associés à ces zones. I. Les caractéristiques des zones de subduction La convergence se traduit par la disparition de lithosphère* océanique dans le manteau ou subduction*. Les marges continentales* de ces zones, appelées marges actives*, sont marquées par un certain nombre de caractéristiques qui les distinguent des marges continentales passives* étudiées en 1°S. La lithosphère océanique s'enfonce soit sous un autre continent (zone de subduction bordant la côte ouest de l'Amérique du Sud) soit sous un autre plancher océanique ( zone de subduction des Mariannes ou des Tonga Kermadec). A – La présence de reliefs particuliers La morphologie des zones de subduction est marquée par la juxtaposition de reliefs négatifs et de reliefs positifs. Reliefs négatifs : au niveau des zones de convergence et à l'approche d'une marge active, le fond océanique dont la profondeur moyenne est de - 4.000 m, s'abaisse nettement et dessine une fosse océanique* étroite et profonde pouvant dépasser - 10.000 m. Reliefs positifs : en surface, la fosse est bordée par une chaîne volcanique qui se présente soit comme un relief de montagnes marquant le rebord d'un continent (ex. : la cordillère des Andes) soit comme une suite d'îles volcaniques disposées en arcs (ex. : l'arc des Antilles ou celui du Japon). On observe parfois à l'arrière de l'arc insulaire*, un autre relief négatif qualifié de bassin d’arrière-arc* (ex. : la mer du Japon). B – Une importante activité magmatique Cette activité magmatique se traduit en surface par un volcanisme de type explosif (ex : la ceinture de feu du Pacifique). Les édifices volcaniques sont alignés parallèlement à la marge et leurs éruptions se caractérisent par leur violence (due à la viscosité du magma et à sa richesse en gaz). Les roches issues de ce volcanisme sont des roches magmatiques volcaniques* caractéristiques des zones de subduction dont le type est l'andésite*. On rencontre également des rhyolites*, roches volcaniques plus riches en silice. En profondeur, cette activité magmatique se traduit par la mise en place de plutons* de granitoïdes* issus d'un refroidissement lent. Ce sont des roches magmatiques plutoniques* ou intrusives dont le type est la granodiorite*. Les arcs magmatiques* portés par la croûte océanique ou continentale de la plaque chevauchante présentent donc la coexistence de roches plutoniques et volcaniques. C – Une forte activité sismique Au niveau des zones de subduction, l'activité sismique est intense et située principalement sous la plaque chevauchante. La profondeur des foyers sismiques* augmente lorsque l'on s'éloigne de la fosse océanique en direction de l'arc magmatique. Les foyers sismiques sont répartis sur un plan incliné appelé plan de Bénioff. Depuis le fond de la fosse, ce plan plonge sous le continent ou sous l'arc insulaire avec une inclinaison variable suivant les marges : plus la lithosphère océanique subduite est âgée, plus le pendage est important. La distribution des séismes révèle donc le plongement de la lithosphère océanique rigide dans le manteau qui est plus chaud et plus ductile*. D – Une répartition particulière des flux de chaleur Le flux de chaleur d'origine interne, relativement constant à la surface du globe, présente au niveau des zones de subduction des marges actives une double anomalie : entre la fosse et l'arc magmatique, le flux de chaleur est anormalement faible : il s'agit d'une anomalie négative qui est à mettre en relation avec le plongement de la lithosphère océanique. En effet, celle-ci reste froide car la vitesse à laquelle elle s'enfonce est trop importante pour qu'elle puisse atteindre l'équilibre thermique avec le manteau environnant plus chaud. au niveau de la cordillère ou de l'arc insulaire, le flux de chaleur est anormalement élevé : il s'agit d'une anomalie positive qui est à mettre en relation avec la présence d'une activité magmatique. En effet, ce flux élevé reflète l'ascension et l'accumulation des magmas à la base de la croûte de la plaque chevauchante. E – Des déformations lithosphériques importantes La lithosphère de la plaque chevauchante est intensément déformée : plis*, failles inverses*, chevauchements* dessinent des structures dont les axes sont plus ou moins parallèles à la fosse. Dans certaines zones de subduction où le plongement de la plaque subduite est peu accentué (Pérou, Antilles, Japon), on peut trouver au niveau de la fosse un prisme d'accrétion* sédimentaire plus ou moins développé. Les sédiments océaniques, bloqués par la plaque chevauchante et décollés du substratum de la plaque subduite, s’empilent en une série d’écailles plissées intensément, séparées par des failles inverses. Toutes ces structures témoignent de contraintes tectoniques compressives dues à la convergence, qui ont entraîné un raccourcissement et un épaississement de la lithosphère de la plaque chevauchante et des sédiments du prisme d’accrétion. II. Le moteur de la subduction A – Les mécanismes à l’origine de la subduction La disparition de la lithosphère océanique est la conséquence d'une modification de ses propriétés au fur et à mesure de son éloignement de son lieu de formation, l'axe de la dorsale. Au niveau de la dorsale océanique, la lithosphère océanique est mince et chaude. La limite lithosphère - asthénosphère, qui est une limite thermique située au niveau de l'isotherme 1.300 °C, est alors peu profonde. La densité d'une lithosphère océanique jeune est inférieure à celle de l'asthénosphère : la lithosphère océanique peut donc " flotter " sur l'asthénosphère. Au fur et à mesure de son éloignement de la dorsale, la lithosphère océanique se refroidit et l'isotherme 1.300 °C devient plus profond : la croûte océanique restant d'épaisseur constante, c'est le manteau lithosphérique qui s'épaissit aux dépens de l'asthénosphère. Ce refroidissement entraîne une augmentation de la densité de la lithosphère jusqu'à une valeur où celle-ci dépasse la densité de l'asthénosphère : la lithosphère océanique s’enfonce alors dans le manteau sous-jacent. Cependant, ce phénomène peut être retardé très longtemps par la cohésion de la lithosphère et la résistance exercée par l’asthénosphère. Mais le plongement de la plaque océanique âgée, dense et rigide est lié aussi à une poussée latérale exercée au niveau des zones de divergence. C’est à la faveur d’une rupture à la limite de la lithosphère continentale, plus légère, que la lithosphère océanique amorcera une subduction, qui sera amplifiée par la traction exercée par cette plongée. B – Le devenir de la plaque lithosphérique subduite En s'enfonçant dans l'asthénosphère plus chaude et donc plus déformable, la lithosphère océanique se réchauffe. Toutefois l'extrême lenteur de cet échauffement par conduction fait que la plaque plongeante reste anormalement froide et donc rigide jusqu'à des profondeurs importantes. Pour cette raison, les foyers sismiques sont présents jusqu'à des profondeurs atteignant 700 km et localisés uniquement au niveau de la lithosphère océanique subduite rigide. III. L’origine du magmatisme des zones de subduction A – Le métamorphisme* de la plaque subduite Au fur et à mesure de son éloignement de la dorsale, la lithosphère océanique s'hydrate par un phénomène appelé métamorphisme hydrothermal*. Cette transformation à l'état solide entraîne l'apparition de nouveaux minéraux hydratés aux dépens des pyroxènes et des plagioclases : une amphibole, la hornblende (faciès des amphibolites*, de moyennes températures et basses pressions) ; puis des minéraux verts, la chlorite* et l’actinote*, caractéristiques du faciès des schistes verts* (basses températures et basses pressions). Les gabbros* et basaltes* ainsi métamorphisés sont appelés respectivement métagabbros* et métabasaltes*. C'est donc une lithosphère océanique hydratée qui s'enfonce au niveau des zones de subduction. Gabbros et basaltes, entraînés vers de nouvelles conditions de pression et de température, subissent un nouveau métamorphisme dit de hautes pressions (car la profondeur augmente) et basses températures (car la lithosphère océanique reste " froide " en raison de la faible conductivité thermique des roches). Dans ces nouvelles conditions, les minéraux hydratés deviennent instables et se transforment ou interagissent entre eux pour donner de nouveaux minéraux plus stables : glaucophane* et jadéite* (faciès des schistes bleus*, de moyennes pressions et basses températures), puis grenat* et jadéite (faciès des éclogites*, de hautes pressions et basses températures) . Au cours de ces transformations on assiste à une déshydratation de la lithosphère océanique subduite. Les minéraux du métamorphisme permettent ainsi de retracer l'histoire d'une roche entraînée en profondeur, car chaque minéral est caractéristique d'un domaine de pression - température déterminé. Cette évolution au cours du temps peut être visualisée sur un diagramme Pression – Température - temps (diagramme PTt). B – La fusion partielle des péridotites de la plaque chevauchante On constate que, quelque soit le type de subduction, le plan de Bénioff est localisé à une profondeur d'une centaine de kilomètres environ sous l'arc volcanique. La genèse des magmas se situe donc à ce niveau. A cette profondeur, les péridotites* du manteau situées immédiatement au-dessus de la plaque subduite sont à une température de 1.000 °C. Les conditions de pression et de température sont telles que des péridotites sèches ne peuvent entrer en fusion partielle*. Mais la plaque subduite perd de l'eau qui, par percolation, va venir hydrater les péridotites, abaissant alors leur température de fusion partielle. Ainsi, entre 80 et 130 km de profondeur, la température de 1.000 °C suffit pour entraîner la fusion partielle des péridotites hydratées situées au-dessus de la plaque subduite. C – La formation des diverses roches magmatiques Les magmas chauds produits, fluides et moins denses, montent au sein de la plaque chevauchante. Certains arrivent en surface où ils donnent naissance à un volcanisme explosif andésitique. Dans d'autres cas, une grande partie de ces magmas cristallise en profondeur, donnant naissance à des plutons granodioritiques. Les roches issues de ces deux types de refroidissement présentent des structures différentes : - structure grenue* à l'œil nu et holocristalline* au microscope optique pour les roches plutoniques ; - structure hétérocristalline* et microlitique* pour les roches volcaniques. La composition minéralogique montre la présence de plagioclases, de pyroxène par exemple dans les andésites ; de plagioclases, de quartz et de biotite dans les granodiorites. Les rhyolites, roches volcaniques plus riches en silice, présentent des phénocristaux de quartz et de feldspath potassique. La genèse des granitoïdes, roches caractéristiques de la croûte continentale, est donc liée au phénomène de subduction qui apparaît comme le principal mécanisme à l’origine de celle-ci. L'ensemble des phénomènes étudiés a une cinétique très lente par rapport à l'échelle des temps humains puisqu'elle se chiffre en millions d'années (Ma). Il faut par exemple entre 50 et 80 Ma avant que la plaque océanique devienne suffisamment dense et 100 à 180 Ma pour que celle-ci s'enfonce dans le manteau. Les transformations chimiques au cours des réactions métamorphiques sont tout aussi lentes et nécessitent des millions d'années. Ces données sont à comparer avec la cinétique des réactions chimiques ou biochimiques qui ne prennent souvent qu’une fraction de seconde. Lexique Actinote : minéral de la famille des amphiboles appelé amphibole verte (domaine de basses températures et basses pressions). Arc insulaire : chapelet d'îles correspondant aux portions émergées d'un bourrelet bordant certaines fosses océaniques, du côté opposé à l'océan vers lequel il forme en plan un arc généralement convexe. Arc magmatique : zone de relief positif marquée par un magmatisme intense et située sur une plaque chevauchant une plaque plongeante. Asthénosphère : enveloppe interne de la Terre faisant partie du manteau supérieur, comprise entre 100 et 250 km de profondeur (certains auteurs la font descendre jusqu'à la limite inférieure du manteau supérieur c'est-à-dire jusqu'à 700 km de profondeur environ) qui présente un comportement mécanique ductile. Basalte : roche magmatique volcanique caractéristique notamment de la croûte océanique. Bassin d'arrière arc : bassin marin situé en arrière d'un arc magmatique qui le sépare du plein océan. Chevauchement : mouvement tectonique conduisant un ensemble de terrains à en recouvrir un autre par l’intermédiaire d’un contact anormal peu incliné. Chlorite : minéral vert commun dans les roches métamorphiques (domaine de basses pressions et basses températures). Ductile : se dit d'un matériel déformable à l'état solide. Eclogite : métagabbro ou métabasalte à jadéite et à grenat. Faciès métamorphique : ensemble de conditions de pression et de température pour lequel des associations de minéraux sont stables et caractéristiques. Faciès des éclogites : domaine de hautes pression et basses températures caractérisé par l’association de minéraux comme le grenat et la jadéite. Faciès des schistes bleus : domaine de moyennes pressions et basses températures caractérisé par la présence de glaucophane. Faciès des schistes verts : domaine de basses pressions et basses températures caractérisé par la présence de minéraux verts comme la chlorite et l’actinote. Faille inverse : cassure de terrain avec déplacement relatif des parties séparées où il y a chevauchement du compartiment situé au-dessus du plan de faille sur l'autre compartiment ; elle traduit un raccourcissement. Fosse océanique : dépression allongée de grandes dimensions, étroite et profonde de 5.000 à 11.000 m, et longeant des continents ou des archipels volcaniques au niveau des zones de subduction ; elle marque la flexion de la plaque qui commence à plonger sous une autre plaque. Foyer sismique : lieu où se produit une rupture brutale au sein des roches, sous l'effet de contraintes tectoniques, libérant une grande quantité d'énergie ; appelé aussi hypocentre du séisme. Fusion partielle : se dit d'un matériel présentant une phase encore solide et une phase liquide. Gabbro : roche magmatique plutonique caractéristique de la croûte océanique. Glaucophane : minéral de la famille des amphiboles de couleur bleue (domaine de moyennes pressions et basses températures). Granitoïde : terme désignant l'ensemble des diverses variétés de granite (ex : granodiorite…) Jadéite : minéral verdâtre de la famille des pyroxènes (domaine des hautes pressions et basses températures). Lithosphère : enveloppe interne de la Terre surmontant directement l'asthénosphère et comprenant la croûte terrestre et le manteau lithosphérique ; son épaisseur moyenne est de 100 km. C’est une couche à l'état solide et rigide qui présente un comportement mécanique cassant et peut donc être le siège de foyers sismiques. On distingue la lithosphère continentale de la lithosphère océanique qui naît au niveau des dorsales. Marge active : bordure continentale où la croûte océanique s'enfonce par subduction sous la croûte continentale (ex : bordure occidentale de l’Amérique du Sud) ; un cas plus complexe de marge active est celui où, entre la bordure continentale et la fosse, existe un arc insulaire, de nature également continentale ou intermédiaire, qui ménage entre lui et la côte un bassin d'arrière arc. Marge continentale : région immergée de la bordure d'un continent faisant le raccord avec les fonds océaniques. Marge passive : passage de la croûte continentale à la croûte océanique qui se fait au sein de la même plaque lithosphérique. Métabasalte : se dit d'un basalte métamorphisé. Métagabbro : se dit d'un gabbro métamorphisé. Métamorphisme : ensemble des transformations structurales et minéralogiques subies par une roche, à l'état solide, du fait d'une modification des conditions de température et/ou de pression. Métamorphisme hydrothermal : métamorphisme lié à la circulation de fluides (eau surtout) à température élevée. Péridotite : roche silicatée constitutive du manteau. Plaque chevauchante : dans une zone de convergence, plaque qui surmonte celle qui plonge. Plaque subduite : dans une zone de convergence, plaque qui plonge dans le manteau sous une autre plaque. Pli : déformation souple résultant de la flexion ou de la torsion de roches dans des contextes tectoniques de convergence. Pluton : massif formé de roches magmatiques plutoniques constituant une grosse masse ovoïde (batholite) ou une grande lentille. Prisme d'accrétion : zone sédimentaire caractéristique des zones de subduction où le plan de Bénioff est faiblement incliné. Lorsque la lithosphère océanique s'enfonce, les sédiments qu'elle porte se décollent et, comprimés, s'empilent sous forme d'écailles qui se redressent pour constituer un bourrelet s'épaississant jusqu'à émerger (prisme de la Barbade). Rhyolite : roche magmatique volcanique de couleur claire, riche en silice, à verre abondant et phénocristaux rares de quartz et feldspath potassique. Roche magmatique plutonique ou intrusive : roche issue du refroidissement lent d'un magma à une certaine profondeur. Roche magmatique volcanique ou effusive : roche issue du refroidissement rapide d'un magma qui s'épanche en surface constituant la lave. Structure grenue : se dit d'une roche montrant un assemblage de cristaux visibles à l'œil nu. Structure hétérocristalline : se dit d'une roche montrant des cristaux de différentes tailles et la présence d'une pâte vitreuse. Structure holocristalline : se dit d'une roche entièrement cristallisée. Structure microlitique : se dit d'une roche présentant des petits cristaux en baguette, visibles au microscope optique. Subduction : enfoncement de grande ampleur d'une portion de lithosphère océanique sous une autre portion de lithosphère de nature continentale le plus souvent ou de nature océanique. Chapitre 2 – Convergence et collision continentale Le processus de subduction conduit progressivement à la disparition d'un plancher océanique. Les continents qui bordent cet océan peuvent alors entrer en collision, ce qui provoque la surrection d'une chaîne de montagnes. Les Alpes franco-italiennes sont issues d'un tel phénomène à la suite de la disparition de l'océan alpin. Cet océan, né au Jurassique (il y a 150 Ma environ), s'est refermé vers la fin du Crétacé. La collision, qui se poursuit de nos jours, a débuté vers - 50 Ma. On se propose de retrouver les traces de l'évolution de la chaîne alpine, ses caractéristiques et son évolution tardive. On dressera alors un bilan de la dynamique de la lithosphère océanique, de l'ouverture océanique (étudiée en 1°S) à la naissance d'une chaîne de montagnes. I. Les témoins d’une ancienne lithosphère océanique A – La présence d’anciennes marges passives On observe dans la zone externe des Alpes des structures en blocs basculés* limitées par des failles normales*. Ces structures correspondent à la formation d'une marge passive*. Les failles normales témoignent d'un épisode d'extension. Cette extension a eu pour conséquence d'étirer et d'amincir une croûte continentale qui s'est fracturée par failles normales ; il y a eu naissance d'un rift continental* dont les deux bordures constitueront les marges passives. La sédimentation associée à ces blocs basculés a une origine marine. La fracturation de la croûte continentale et la distension associée ont entraîné un phénomène de subsidence* permettant ainsi la formation d'un bassin sédimentaire de plus en plus profond. L'observation de fossiles* marins comme les Ammonites* atteste de la présence d'une mer relativement profonde. Au sommet du bassin, au niveau de la crête des blocs, il se forme des hauts-fonds, voire des îles, où la sédimentation est beaucoup moins épaisse ou même absente (cf. programme de 1°S). Ces sédiments en forme d’éventail (sédiments syn-rift) datent du Jurassique inférieur et moyen. Ils reposent sur les sédiments ante-rift du Trias qui sont basculés comme le socle et affectés par les mêmes failles normales. Par-dessus, reposent en discordance*, les sédiments post-rift du Jurassique supérieur et du Crétacé, non affectés par les failles. Ceci permet de dater l’épisode de " rifting " (ouverture de l’océan alpin) au début du Jurassique (vers – 200 Ma). B – La présence de roches, témoins d’un ancien océan les ophiolites* : dans la zone médiane des Alpes (par exemple au Chenaillet), on observe à l'affleurement un complexe ophiolitique constitué par la succession de trois types de roches caractéristiques d'une lithosphère océanique : - des basaltes en forme de coussin, les pillow lavas*, roches volcaniques constituant le sommet de la croûte océanique ; - des gabbros, roches plutoniques constituant, sous les basaltes, le soubassement de la croûte océanique ; - des péridotites, roches constituant le manteau supérieur. L'âge de ces ophiolites alpines est variable et se situe entre - 150 et - 80 Ma (Jurassique sup. et Crétacé) Cette association de roches est donc très inhabituelle au sein d'une croûte continentale ; elle constitue un vestige d'une ancienne lithosphère océanique qui a été portée à plusieurs milliers de mètres d'altitude par un phénomène de charriage*. Ces roches ont subi des altérations (péridotites serpentiniseés) et gardent des traces d’un métamorphisme hydrothermal de basse pression (présence d’auréoles de hornblende autour des pyroxènes ou de minéraux verts dans les gabbros), mais elles sont peu déformées, signe qu’elles sont restées à la surface de la lithosphère (échappant à la subduction) et ont été épargnées par les déformations dues à la collision continentale. II. Les témoins de la subduction ante-collision A – Des minéraux caractéristiques d’une zone de subduction Les gabbros sont fréquents dans la zone interne des Alpes mais la plupart d'entre eux est métamorphisée. Ils présentent des minéraux caractéristiques de zones de hautes pressions et basses températures. Les métagabbros du Queyras par exemple renferment des minéraux appartenant au faciès des schistes bleus (glaucophane) ; ceux du Mont Viso renferment du grenat et de la jadéite caractéristiques du faciès des éclogites. Ces minéraux témoignent d'une subduction à plus ou moins grande profondeur (vers 30 à 50 km pour les roches ayant subi un métamorphisme dans le faciès des schistes bleus, 50 à 90 km pour le faciès des éclogites). B – La répartition des roches métamorphiques D'ouest en est, on assiste à un passage progressif de roches type schistes verts à des schistes bleus, puis à des éclogites : l'intensité du métamorphisme est donc croissante d'ouest en est, ce qui signifie que les roches ont été portées à des températures et surtout des pressions de plus en plus importantes. C'est donc dans cette direction que s'est effectuée la subduction qui a provoqué la disparition de l'océan alpin : la plaque alpine a plongé sous une plaque orientale, la plaque adriatique. III. Les marqueurs de la collision continentale A – Marqueurs tectoniques Lors de la phase compressive, les séries sédimentaires se plissent. Les plis* sont des déformations souples qui enregistrent le raccourcissement de la couverture sédimentaire. Les roches se fracturent au niveau de failles inverses* : le compartiment supérieur à la faille chevauche alors le compartiment inférieur ; ces failles traduisent aussi un raccourcissement. Le chevauchement* peut être de grande envergure et se produit lorsque des roches se déplacent sur plusieurs kilomètres et viennent recouvrir d'autres séries sédimentaires, à la faveur d’un contact souvent subhorizontal. On parle de charriage* dans les cas extrêmes : les terrains déplacés sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres, forment des nappes de charriage, traduisant aussi un raccourcissement. B – Marqueurs morphologiques Une chaîne de collision comme les alpes franco-italiennes est caractérisée par des reliefs élevés, atteignant plusieurs milliers de mètres, constituant des massifs orientés la plupart du temps parallèlement à l’axe de la chaîne. Ces reliefs élevés sont dus à des contraintes compressives qui ont entraîné un raccourcissement et des chevauchements* de grandes envergures ; la conséquence immédiate a donc été un épaississement de la lithosphère continentale. Ces déplacements lents ont nécessité plusieurs millions d'années. C – Marqueurs structuraux profonds Les profils sismiques, comme le profil " ECORS ", montrent que la chaîne des Alpes est caractérisée par: - une racine crustale* profonde qui témoigne d'un épaississement de la croûte continentale : la discontinuité du Moho* est à plus de 50 km de profondeur à l'aplomb des grands massifs. - un empilement d'unités crustales, séparées par de grands chevauchements traversant à la fois la croûte et le manteau. L'ensemble de ces marqueurs montre que les chaînes de collision sont des frontières de convergence marquées par un raccourcissement de l'ordre de 3 à 4 fois la longueur initiale des Alpes. En surface comme en profondeur, la réponse de la lithosphère à la convergence qui pousse deux plaques à s'affronter est donc un raccourcissement et un épaississement. Les reliefs créés en sont la conséquence : ce mécanisme est qualifié d'orogenèse*. IV. Bilan dynamique de la lithosphère A – La naissance d’un océan La croûte continentale étirée s'amincit ; deux futures plaques vont diverger de part et d'autre de cette zone. Un rift continental se met en place. A un stade plus avancé, des magmas, injectés dans l'axe de la déchirure, vont former de la croûte océanique qui s'intercale entre les marges continentales. Une invasion marine submerge plus ou moins tôt le rift ; la mer d'abord étroite, s'élargit progressivement en un véritable océan bordé par deux marges continentales passives. Dans les Alpes, la séparation des plaques européenne et adriatique (diverticule de la plaque africaine) est datée du Jurassique inférieur (vers – 200 Ma). B – L’expansion des fonds océaniques La dorsale océanique est une région où la lithosphère océanique est bombée, amincie et en extension. A ce niveau, l'activité magmatique issue d'une fusion partielle du manteau continue à produire de nouvelles portions de lithosphère océanique qui repoussent de chaque côté celles précédemment formées. Ce mécanisme d'accrétion est à l'origine de l'expansion des fonds océaniques. La lithosphère océanique subit des modifications en s'éloignant de l'axe de la dorsale : elle s'hydrate, se refroidit, s'épaissit et devient de plus en plus dense. Dans les Alpes, cette phase d’expansion océanique a duré environ de – 160 Ma à – 100 Ma (Jurassique supérieur et Crétacé inférieur). C – La disparition de la lithosphère océanique par subduction La lithosphère océanique âgée finit par s'enfoncer dans l'asthénosphère : c'est le phénomène de subduction, marqué par des reliefs remarquables. La zone de frottement entre plaque plongeante et plaque chevauchante est le siège d'une activité sismique importante. Les sédiments océaniques, peu solidaires du plancher, sont refoulés par la plaque lithosphérique chevauchante et s'accumulent en un prisme d'accrétion. Au cours de son enfouissement, la plaque plongeante subit un métamorphisme HP-BT et ses minéraux perdent de l'eau. Cette eau hydrate les péridotites du manteau de la plaque chevauchante et facilite ainsi leur fusion partielle à l'origine d'une activité magmatique. Un volcanisme intense et la mise en place de plutons de granitoïdes témoignent de cette activité. La subduction aboutissant à la fermeture de l’océan alpin s’est déroulée de – 100 Ma à – 50 Ma environ (en grande partie au Crétacé supérieur). D – La collision continentale La subduction qui provoque une disparition de plancher océanique, peut aboutir à la fermeture totale d'un océan, c'est-à-dire l'affrontement des deux masses continentales portées respectivement par la plaque plongeante et la plaque chevauchante. La faible densité de la lithosphère continentale s'oppose au "naufrage" des continents ; leur affrontement bloque donc la subduction. Les énormes contraintes compressives qui s'exercent alors provoquent des déformations intenses, un raccourcissement et un épaississement des blocs continentaux qui s'affrontent : une chaîne de montagnes de collision s'édifie (orogenèse). La collision entre l’Europe et l’Afrique, qui a engendré la chaîne des Alpes, a débuté au début du Cénozoïque, vers – 50 Ma et se poursuit actuellement. V. Evolution tardive de la chaîne Dès leur formation, les reliefs sont soumis à une altération et une érosion* intenses. En plusieurs dizaines de millions d’années, la chaîne est ainsi réduite à l’état de pénéplaine. La croûte continentale flottant sur l'asthénosphère, l'allégement considérable de toute la région entraîne une remontée progressive de la racine : c'est ainsi que des roches formées en profondeur sont ramenées vers la surface. Ce processus permet un retour à une épaisseur normale de la croûte continentale. Parmi les roches remontées vers la surface, des roches magmatiques plutoniques témoignent qu'à l'intérieur de la racine, des phénomènes de fusion partielle de la croûte sont intervenus. Lexique Ammonites : groupe de Mollusques Céphalopodes fossiles, caractéristique du Mésozoïque (ère secondaire), apparu au Trias et disparu à la fin du Crétacé. Blocs basculés : blocs de croûte continentale couchés, séparés par des failles normales, caractéristiques d’une marge continentale passive ; ils résultent du fonctionnement d’un rift continental avant océanisation. Charriage : chevauchement de grande ampleur (de la dizaine à plusieurs centaines de kilomètres). Chevauchement : mouvement tectonique conduisant un ensemble de terrains à en recouvrir un autre par l'intermédiaire d'un contact anormal subhorizontal. Collision : affrontement de deux lithosphères continentales au niveau d’un frontière de convergence, aboutissant à l’édification d’une chaîne de montagnes dite " de collision ". Discordance : contact anormal entre une strate sédimentaire et des couches plus anciennes plissées ou déformées, et souvent érodées, sur lesquelles elle repose. Erosion : processus de destruction des roches à la surface de la Terre par désagrégation physique par des agents mécaniques (variations de température, vent, action des eaux…) et/ou altération chimique. Faille inverse : faille qui se forme dans un contexte de compression, avec chevauchement du compartiment situé au-dessus du plan de faille sur l’autre compartiment. Faille normale : faille qui se forme dans un contexte de distension, avec effondrement d’un compartiment le long du plan de faille. Marge passive : transition entre une croûte continentale et une croûte océanique au sein d’une même plaque lithosphérique ; elle est le témoin de l’ouverture d’un océan. Fossile : reste ou moulage naturel d'organisme conservé dans des sédiments. Moho (ou discontinuité de Mohorovicic) : discontinuité chimique séparant la croûte terrestre (continentale ou océanique) du manteau supérieur ; sa profondeur varie de 5 km (sous la surface de la croûte océanique) à 70 km (sous les chaînes de montagnes). Ophiolites (du grec ophis, serpent, à cause de leur aspect qui rappelle la peau de ces reptiles) : ensemble de roches, appelé également " complexe ophiolitique ", comportant la succession péridotites, gabbros, basaltes, témoin de la présence d'une ancienne lithosphère océanique Orogenèse : tout processus conduisant à la formation de reliefs. Pillow lava : expression anglaise signifiant lave en coussin, du fait de la forme prise par ces épanchements basaltiques sous la mer. Pli : structure formée par la déformation souple (ductile) des roches. Racine crustale : épaississement de la croûte continentale à l'aplomb des chaînes de montagnes, le Moho pouvant descendre jusqu'à 70-80 km de profondeur. Rift continental : fossé d'effondrement limité par des bords surélevés avec une plus ou moins forte activité volcanique; le rift continental découle d'une tectonique en extension. Subsidence : enfoncement progressif du fond d'un bassin sédimentaire qui permet en particulier l'accumulation sur de fortes épaisseurs de sédiments qui se sont cependant formés sous une faible profondeur d'eau ; le terme s'applique aussi à l'augmentation de profondeur que subit la croûte océanique lorsqu'elle s'éloigne de la dorsale.