PIB et conditions de vie Quentin - prepa-bl

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PIB et conditions de vie
« La seule chose que demande Saint-Pierre à ceux qui se présentent au paradis,
c’est qu’ont-ils fait pour accroître le PNB ? » J.K. Galbraith
« Le PIB de la Grèce a chuté de 7,2% au troisième trimestre 2012 », « la croissance du PIB allemand confirmée à 0,2% au
3e trimestre »… Hormis la plaisanterie, J.K. Galbraith rencontre ici une actualité tacite : la course au PIB, la gloire du résultat, la
mesure de la richesse parfaite... Cette mesure s’effectue aujourd’hui par l’intermédiaire du PIB, qui « correspond à la valeur
monétaire du total des biens et services produits pour la consommation finale à l’intérieur des frontières d’un pays au cours
d’une période de temps (généralement un an) » (Stiglitz, Principes d’économie moderne). Mais que traduit-elle réellement ?
L’imaginaire économique collectif participe d’une corrélation positive et soutenue entre une hausse du PIB et une amélioration
des conditions de vie (CDV). Par ces dernières, on entend l’accès à des biens et services spécifiques, un environnement sain, une
qualité de vie particulière… Cette imagination collective est-elle alors en cohérence avec la réalité objective des chiffres et de la
mesure ? Car, en effet, entre l’approche relativement objective de la mesure du PIB et celle plus subjective des CDV, y a-t-il une
relation d’ordre factuelle, théorique ou utopique ?
Quel est, en ce sens, l’impact du PIB sur les CDV, dans les pays développés à économie de marché ? Et d’un aspect
calculatoire, est-ce dans la composition du PIB de mesurer les évolutions des CDV ? La question nous porte ainsi vers un aspect
méthodologique qui nous pousse à nous interroger sur les conditions et les buts du calcul. Peut-on alors parler d’une corrélation
positive ou négative entre PIB et CDV, ou juste d’un procès à charge contre une dégradation d’un environnement et d’une
qualité de vie ? Nous serons finalement amenés à mesurer ce procès.
1. Le PIB et les CDV positivement corrélés, formant un processus autoentretenu
1.1. PIB et croissance : une amélioration des CDV
a) Les conséquences selon les différents calculs du PIB
 Conséquence d’une hausse du PIB mesuré par les revenus : hausse des rémunérations salariales, entrepreneuriales :
accroissement général de la demande
 Conséquence d’une hausse du PIB mesuré par la production : hausse des VAB et, par la loi de Say : accroissement
général de la demande
 Conséquence d’une hausse du PIB mesuré par les dépenses : hausse de la demande intérieure
b) Concrétisation sur les CDV
La consommation représente environ les 2/3 du PIB. Corrélée à une multiplication du PIB (par 30 depuis 1900 aux Etats-Unis par
exemple), on rejoint des tendances du développement économiques (Samuelson) : hausse du salaire réel, stabilité de la part des
salaires réels dans le revenu national… D’où différents effets :
 Effets économiques : hausse du niveau de vie, progression du pouvoir d’achat, hausse de la part des dépenses de
transports, de loisirs…
 Effets socioéconomiques : baisse du temps de travail, amélioration de la scolarité, amélioration des soins, hausse de
l’espérance de vie…
Exemple historique des 30 Glorieuses : TCAM en volume de 5% : nouveaux biens, hausse de la qualité de vie…
1.2. Une amélioration des CDV qui soutient la progression du PIB : une corrélation autoentretenue
a) Les conséquences sur les ressources humaines et le changement technologique
La progression du Pib influe sur la qualité de la main d’œuvre (compétences, connaissances, discipline) et accroît donc les
possibilités de progression du PIB : hausse de la productivité, secteur d’activité à rendement plus important, intensité du facteur
travaillistique… Ex des NTIC : une meilleure instruction ouvre des possibilités d’innovations nouvelles : qualités des
connaissances scientifiques et des techniques de l’ingénieur, savoir-faire de l’encadrement…
b) Les conséquences sur les ressources naturelles et la formation du capital
Meilleure connaissance des outils d’exploitation des ressources naturelles et découvertes de nouvelles ressources (gaz de
schiste par ex). De même, les équipements, les usines et les infrastructures à la base de la formation du capital sont organisés et
utilisés de façon plus productive. Tous sont liés à un système institutionnel nécessaire à leur progression, issu de la
rationalisation des populations et donc de l’accroissement des connaissances (Baumol et le lien entre innovation et institution).
1.3. Méthodologie et calcul : les prises en compte monétaire et temporel du PIB pour évaluer au mieux les CDV
a) PIB nominal, PIB réel et déflateur du PIB : traduction de l’inflation, des prix et impact sur les CDV
Attention à l’illusion économétrique de la hausse du PIB : peut se traduire par une hausse des prix : d’où prise en compte, non
du PIB nominal en monnaie courante mais du PIB réelle, évalué aux prix constants de l’année de base. Déflateur du PIB = PIB
nominal/Pib réel : il reflète « ce qui se passe au niveau général des prix dans une économie » (Mankiw). Il permet donc d’extraire
l’inflation du PIB nominal afin d’obtenir le PIB réel. C’est grâce à lui qu’on s’approche au plus des évolutions des CDV.
b) Les ajustements saisonniers
L’évolution de la production = évolution régulière dite « saisonnière » : sommet au quatrième trimestre. Variations saisonnières
entre dernier trimestre de l’année t et premier de l’année t+1 : fluctuation du PIB = fluctuation économétrique. Il faut donc
éliminer les variations saisonnières : ajustements saisonniers. PIB = indicateur annuel // CDV = expression d’une évolution lente.
2. Un PIB négativement corrélés aux CDV : dégradations, nuisances et renouvellement de la mesure
2.1. Les limites calculatoires du PIB équivoques face aux CDV
a) L’impossible prise en compte totale
La croissance du PIB réel est sous-estimé (mesure des changements dans la qualité) : ajustements inexactes dans certains
secteurs (finance, santé, informatique). De même, le PIB évalue de manière insuffisante la production non marchande :
éducation, infrastructures et santé sont simplement évalués à leurs coûts de production. Tout comme l’économie informelle, les
activités légales non déclarées ou le travail domestique (autoconsommation, autoproduction…) voire le travail bénévole ne sont
pas comptabilisés. Ce n’est en effet pas la valeur d’usage de l’activité que prend en compte le PIB mais celle marchande.
Dans des économies qui se développent expressément grâce aux services, quid de la mesure de la valeur de ces services ?
b) PIB, pauvreté et inégalité
Le PIB ne posant pas la question de l’utilité de ce qui est créé, ni des conditions sociales, il est limité : problème de la répartition
des richesses. Le PIB/hab ne dit rien des disparités nationales. De plus, hormis voiler les inégalités nationales, le PIB exagère la
pauvreté, notamment à cause des évaluations monétaires. D’où, selon J.P. Délas, une « minoration du PIB en proportion du
degré d’inégalité » (Economie contemporaine).
2.2. Les dégradations des CDV occasionnées par les excès du PIB
a) La question environnementale
Il ne prend pas en compte les dégâts occasionnés lors de la production, les atteintes au patrimoine collectif ou bien la
production d’externalités. Le travail payé est productif malgré la production d’externalités nuisibles ou inutiles, dégradant les
conditions de vie des populations : pollution, armement, épuisement des ressources naturelles… Les dépenses de réparation
sont mêmes des facteurs de croissance du PIB (« Vive les catastrophes, vive la croissance ! »).
b) Les nuisances
Bruit, panneaux publicitaires, accident de la route… PIB ignore le qualitatif. Les externalités négatives sont comptabilisées et
certaines positives ne le sont pas (« ce qui a de la valeur n’a pas de prix » Généreux).
2.3. De l’impossibilité du PIB dans la mesure des CDV. Quelle méthode pour évaluer les CDV ?
a) PIB et données sociales : les nouveaux indicateurs de « la richesse des nations et du bien-être des individus » S-S-F
On met en avant des constituants et des indicateurs objectifs des CDV, en mesurant les apports essentiels à la qualité de vie :
niveau de vie, durée de vie, niveau d’éducation, accès aux soins, accès à l’eau potable, inégalités sexuées… Indicateurs mis en
place par des Etats ou des institutions internationales (double prise de conscience ?) : PNUD, BM, FMI, ONG… Liste exhaustive :
IDH, IPH (1-2), indice d’Osberg et Sharpe, épargne nette ajustée, indicateur de progrès véritable, indice de santé social, BIP 40…
b) CDV et bien-être : une ouverture ?
La question environnementale : PIB vert, IBED, IBEE… Corriger le PIB en retranchant des dépenses et en insistant sur des
éléments oubliés par l’indicateur de richesse général. Le bien-être ? Sen et la part démocratique (privation de libertés et
capacité de faire). Donnée subjective ! Comment calculer ? Bonheur Intérieur Brut (BIB) au Bhoutan ?
3. « Contre le PIB » dans l’appréciation des CDV : un procès excessif ?
3.1. Doit-il être pris comme un indicateur de richesse ou comme indicateur des CDV ?
a) Un indicateur économétrique qui n’a de sens qu’en fonction des usages qui en sont faits par la réflexion et l’action
La naissance du PIB : unification du langage économique, convention sur les indicateurs, exhaustivité de l’information
économique : le PIB = indicateur avec des buts assignés. On ne peut pas reprocher à un indicateur qui n’a pas été construit pour
cerner le bien-être de fournir des chiffres qui ne correspondent pas à l’évolution de ce dernier.
Utilisation politique du PIB : Stiglitz : « le PIB est utilisé de manière erronée ». Utilisation libérale du PIB : « l’illusion néolibérale »
selon René Passet. Quelle place pour la richesse ? Une reconsidération ? PIB anticipé et l’évaluation potentielle de la croissance
b) Une simple valeur économique, comptable et mathématique
Le PIB ne mesure pas la richesse mais son accroissement. Il est indispensable dans la société contemporaine : ex de la répartition
de la VA entre salaires et profits. Il reste d’une grande valeur conceptuelle pour évaluer la performance économique. C’est une
valeur objective, qui condense une multitude d’information et qui ne peut donc être assimilée à la subjectivité caractéristique de
l’évaluation des CDV. « Lorsque les instruments de mesure sur lesquels repose l’action sont mal conçus ou mal compris, nous
sommes quasiment aveugles » S-S-F.
c) Subjectivité des CDV et disparités internationales
PIB dépend du système des prix et des salaires: il ne peut donc pas forcément refléter les CDV. Il n’y a pas de prix uniques,
même sur les marchés internationaux. Donc, comment prétendre évaluer les CDV par le PIB ?
De même, les conditions de vie sont assimilées à des variables et considérations socioéconomiques, propres à une culture, à un
environnement, à des décisions et à des choix sociétaux nationaux. La mesure de la différence et de la subjectivé ne passe pas.
3.2. Coût d’opportunité et réparation nécessaire
Il est difficile de comparer les marchés dans le temps quand les produits changent. De plus quel coût d’opportunité ? Si une
plage, après pollution, fait perdre toute l’activité à la région ? Exemple de la catastrophe de l’Erika (1999) : même si la pollution
et son nettoyage ont entraîné une hausse du PIB, qu’en aurait-il été si rien n’avait été fait au vue du potentiel touristique de la
région ? C’est la confrontation entre le résultat au moment t et à celui au moment t+1 qui permet de définir le choix à opérer : le
PIB n’est qu’une traduction économique de l’évolution de ce passage entre t et t+1.
Bibliographie
 Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse (1999) – D. Meda
 Du bien-être des nations : le rôle du capital humain et social (2001) – Rapport de l’OCDE
 Les nouveaux indicateurs de richesse (2005) – Gadrey & Jany-Catrice
 L’économie de l’environnement (2007) – Bontems & Rotillon
 Rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi – Richesse des nations et bien-être des individus (2009)
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