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Participation électorale des femmes
Lisa Young
Department of Political Science
University of Calgary
19 mars 2002
Le présent document donne un aperçu de la recherche effectuée sur la participation
officielle des femmes à la vie politique canadienne, comme électrices, membres de partis
politiques, candidates et législatrices. L’objectif est de renseigner les lecteurs sur le champ de la
recherche actuelle, ses forces et ses faiblesses, ainsi que de suggérer quelques avenues de
recherche semblables ou différentes sur la participation des minorités au processus politique
officiel.
L’étude de la participation des femmes au processus politique officiel a commencé dans
les années 70, inspirée par la mobilisation des femmes. Les pionniers de ce champ de recherche
semblaient en marge du courant des sciences politiques, qui avait jusqu’alors négligé cet aspect.
Pourtant, leurs études ont suivi de manière générale le courant dominant des sciences politiques,
tant par l’accent mis sur la scène politique officielle que par le recours aux méthodes empiriques
généralement acceptées en sciences sociales. Du reste, c’est très probablement compte tenu de
cette orientation et de ces méthodes que la littérature sur « les femmes en politique » est
désormais considérée comme une partie du courant empirique de recherche en sciences
politiques au Canada, même si on n’y voit qu’un domaine secondaire auquel on prête peu
attention.
Notre exposé sur les publications consacrées à la participation des femmes au processus
électoral s’articule autour de deux grands champs de recherche : la position des femmes dans le
processus politique et leur comportement dans l’arène. Le premier englobe les études sur les
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femmes en tant qu’électrices, leur participation aux partis politiques et leur candidature aux
élections. La recherche en ce domaine porte essentiellement sur l’absence relative des femmes du
processus politique officiel et sur les motifs de cette absence. Le deuxième champ de recherche
est celui du comportement des femmes sur la scène politique officielle, à titre de membres d’un
parti ou de législatrices. Une partie des ouvrages porte sur la discrimination vécue par les
femmes au sein des institutions politiques comme législatrices en butte aux abus de leurs
collègues ou comme chefs de partis vues avec plus de circonspection que les hommes par les
médias de masse. La majeure partie des auteurs entendent vérifier si la participation des femmes
à la politique a une incidence sur leur comportement ou sur les choix de politiques.
Section I : Où en sont les femmes?
Bien que la représentation féminine parmi l’élite politique ait régulièrement augmenté
depuis quelque trente ans, elle reste faible par rapport à ce qu’elle est dans d’autres pays et en
regard de l’idéal démocratique d’une représentation proportionnelle à leur poids démographique
général. Cela étant, les études convergent vers un thème : est le pouvoir, il n’y a pas de
femmes. C’est vrai autant en politique municipale que dans l’actuel cabinet fédéral. La majeure
partie de la littérature documente cette tendance, cherche à l’expliquer et suggère quelques
solutions.
Les femmes comme électrices
Le vote est la forme la plus élémentaire de participation au processus politique officiel.
Or, ce droit démocratique a été dénié aux femmes canadiennes jusqu’en 1920 (et même 1940 au
Québec et jusque dans les années 60 pour ce qui est des femmes autochtones). Après avoir
obtenu ce droit, les femmes sont restées moins nombreuses que les hommes à voter, jusque dans
les années 70, où elles sont alors devenues aussi nombreuses, voire plus qu’eux, à voter.
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Le vote est-il devenu une puissante ressource politique pour les femmes? Comme elles
représentent plus de la moitié de l’électorat et ont légèrement plus tendance que les hommes à
exercer leur droit, elles pourraient théoriquement, étant donné leur majorité numérique, avoir une
incidence considérable sur le processus politique. Pourtant, cette influence reste virtuelle.
Comme les hommes, les femmes ne votent pas en bloc. Leurs perspectives politiques
fondamentales divergent et leurs intérêts politiques ainsi que leur comportement électoral varient
en conséquence. Cependant, dans la mesure il existe des différences systématiques entre le
comportement électoral des hommes et celui des femmes on parle de fossé des sexes
électoral , les partis politiques montrent une certaine sensibilité aux préoccupations particulières
des femmes.
Il y a de ces fossés persistants pour ce qui est du parti préférentiel au fédéral. Ainsi, le
Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne conservatrice réformiste sont moins
appréciés des femmes que des hommes. Quant aux libéraux et aux néo-démocrates, ils sont
moins populaires auprès des hommes que des femmes. Quoi qu’il en soit, cette divergence s’est
rarement traduite en une source d’influence pour les femmes. Young (2000, p. 202) observe que
les leaders féministes canadiennes n’ont pas emboîté le pas à leurs homologues américaines, qui
ont tenté pour leur part de concrétiser les différences entre les sexes sur le chapitre des suffrages
et d’en faire une ressource politique. Cette réserve est due en partie à la tendance suivie par les
différences entre les sexes dans l’électorat canadien, le Parti libéral tirant plus avantage de la
situation Nouveau Parti démocratique (NPD) plus féministe. Par ailleurs, le fossé entre les sexes
sur la scène politique provinciale et municipale a été peu analysé.
D’où vient cette différence entre les sexes s’agissant d’inclinaison politique? Selon
Gidengil (1995) et Everitt (1998), les femmes sont plus préoccupées de bien-être collectif et
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donc plus favorables à l’État providence que les hommes, plus soucieux pour leur part de
politique macro-économique et, plus particulièrement, de taux d’imposition et d’endettement
public. Ces préférences expliquent en parti pourquoi le suffrage féminin favorise le NPD et les
Libéraux, relativement plus à gauche, aux dépens des partis de centre droit.
Les femmes dans les partis politiques
Les femmes militent dans les partis politiques canadiens depuis le début du XXe siècle ou
à peu près, mais jusqu’aux années 70, leur participation tenait surtout du rôle de soutien. Vers la
fin des années 60, le mouvement féministe a conduit les militantes à remettre en question le
caractère de leur action dans les affaires des partis. Le rapport de la Commission royale
d’enquête sur la situation de la femme au Canada a d’ailleurs encouragé cette orientation en
suggérant que les partis « libèrent » leurs auxiliaires féminines et encouragent les femmes à
prendre part à l’essentiel de la vie des partis.
Or, malgré leur activisme dans les trois grands partis nationaux de l’époque, les femmes
sont restées sous-représentées dans la plupart des volets de la vie des partis pendant toute la
décennie 1980-1990. L’étude la plus exhaustive sur le sujet est celle de Sylvia Bashevkin, dont le
rapport a paru en 1993 sous le titre Toeing the Lines. Bashevkin notait que plus un parti est
compétitif sur le plan électoral, plus grande est la sous-représentation des femmes. Elle concluait
en outre que les femmes se trouvaient confinées à des rôles traditionnels comme celui de
secrétaire d’une association de circonscription, dans des sortes de « ghettos de cols roses » au
sein des partis. Certains partis, et surtout le NPD au fédéral et dans quelques provinces, ont
adopté des programmes internes de promotion des femmes, qui ont un peu contribué à rehausser
la représentation féminine dans ces groupes (Praud, 1998).
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Un sondage fait en 2000 (rapport à paraître) auprès des cinq grands partis politiques
nationaux a montque les femmes restent minoritaires parmi les membres. Les auteurs, Young
et Cross, signalent que seules 38 % des membres des partis sont des femmes. La proportion varie
légèrement d’un parti à un autre : Parti libéral, 47 %; NPD, 46 %; Bloc québécois, 37 %; Parti
conservateur, 33 %; Alliance canadienne 32 %. Cette courbe est sans surprise, si l’on considère
que le NPD et le Parti libéral se sont dotées d’organisations axées sur la participation des femmes
alors que les autres partis évitent toute mesure du genre. La courbe suit en outre celle du fossé
entre les sexes observé quant au soutien de la population aux partis politiques. Dans le volet
consacré au recrutement des partis, le rapport de Young et Cross établit que les femmes sont plus
susceptibles de répondre à l’invitation de se joindre au parti que d’en prendre l’initiative. Elles
sont aussi plus susceptibles d’être recrutées pour soutenir l’investiture d’un candidat ou son
élection à la chefferie du parti. Une fois recrutées, en effet, les femmes ont des activités
différentes de celles de leurs homologues masculins. Malgré tout, Young et Cross notent aussi
que les membres féminins des partis politiques estiment ne pas avoir suffisamment d’ascendant
sur leurs colistiers l’exception des membres de l’Alliance canadienne) et sont généralement
favorables aux mesures destinées à accroître leur influence et le nombre de femmes élues à
diverses fonctions dans le parti.
Les femmes comme candidates
Les publications sur les femmes et la politique concernent pour la plupart les motifs de la
sous-représentation numérique persistante des femmes à la Chambre des communes, dans les
assemblées provinciales et dans les conseils municipaux. Les politicologues féministes ont
abordé l’étude de cette question dans les années 70, soit à peu près à l’époque le nombre de
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