Tritons et salamandres
Les tritons et salamandres sont les
rois et les reines des étangs, des
lacs et des marais. Comme tous les
nobles, ils ont des modes de vie
bien variés, se permettent quelques
vacances aquatiques, des goûts de
luxe et de grandeur, comme la
salamandre géante, des moyens de
défense bien efficaces, des liens de
famille très tordus, des histoires
d’amour peu simples, mais aussi
une vie passionnante, que nous
vous invitons à découvrir. Bienvenue
au château !
Les espèces
Ils ont conquis la terre ferme il y a quelques centaines de millions
d’années, ils se sont divisés, ont donné naissance à nos petites bêtes :
plongez dans la fabuleuse famille des amphibiens !
Cousins des mares
Les tritons et les salamandres font partie de la classe des amphibiens. Au sein de cette immense classe
(mais qui ne contient que trois groupes), on trouve l’ordre Caudata, également appelé les urodèles. Deux
noms bien différents, pensez-vous ? Que nenni, ils signifient la même chose ! Caudata vient du latin
caudatus, « pourvu d’une queue », urodèle du grec : ouros (queue) et dêlos (visible). En effet, la plupart
des amphibiens n’ont une queue qu’au stade larvaire, alors que les urodèles la gardent toute leur vie
durant.
Cet ordre regroupe neuf familles, réparties en soixante-deux genres et trois cents quatre-vingt espèces. Les
livres grand public ne font guère plus de différence à partir de là : dix de ces genres sont alors
communément appelés « tritons », on parle des « salamandres » pour tous les autres, avec la petite
précision suivante : les tritons sont aquatiques et les salamandres terrestres.
On verra que cette dernière conclusion n’est pas toujours vraie. Quant au classement, on peut s’y tenir et
considérer comme synonymes « urodèles » et « salamandres et tritons ». Mais vous trouverez nos vrais
tritons et salamandres au sein de l’ordre des urodèles, dans la famille des salamandridés.
Le plus petit des urodèles est un plethodontidé qui vit au sud du Mexique et qui mesure 27 mm la queue
de 14 mm comprise.
La plus grande espèce est la salamandre géante qui peut atteindre 1,80 m et peser soixante-cinq kilos.
Habitants du Nord
On trouve la plupart des urodèles dans l’hémisphère Nord. On les rencontre en Europe, en Aise centrale et
septentrionale, en Afrique du Nord, en Amérique du Nord et au Mexique.
Au Sud, on trouve tout de même une ou deux espèces : quelques membres de la famille des Hynobiidae et
Salamandridae (sud-est asiatique), d’autres peuvent se voir en Bolivie centrale et au Brésil méridionial. La
salamandre géante, elle, habite en Chine.
Les tritons et les salamandres se rencontrent aussi bien au niveau de la mer que jusqu’à environ 4500
mètres d’altitude où existe encore une humidité suffisante pendant une partie de l’année. On y remarque
une grande spécialisation : certains urodèles sont devenus arboricoles ou rupicoles (dans les rochers),
d’autres exploitent uniquement les eaux souterraines pour survivre.
Familles primitives…
Le sous-ordre des Cryptobranchoidae regroupe les espèces les plus primitives dont la fécondation est
externe. Il est divisé en deux familles : les cryptobranchidés et les hynobiidés, qui ne se ressemblent pas
beaucoup.
Les cryptobranchidés : cette famille comprend les ménopomes et les salamandres géantes. Ils vivent
dans l’eau courante et respirent par leur peau formée de grands replis. Ils n’ont encore que des fentes
branchiales, leur métamorphose n’est pas tout à fait complète.
Les hynobiidés : ils comptent trente-cinq espèces et neuf genres, dont la longueur n’excède jamais
vingt-cinq centimètres et qui vivent toutes en Asie, hormis la salamandre de Sibérie qui atteint l’ouest de la
Russie (Europe).
… et familles évoluées
Les sept familles évoluées (cinquante genres, trois cents cinquante espèces) sont regroupées dans le
sous-ordre des Salamandroidea. On observe chez ces espèces une fusion de l’os angulaire et du
préarticulaire à la mâchoire inférieure (les cryptobranchidea ont les deux os de la mâchoire inférieure
nettement séparés l’un de l’autre).
Les sirènes : cette famille possède de nombreuses particularités, ce qui a poussé des scientifiques à
les placer dans un sous-ordre séparé, ou même dans un ordre différent. Elles gardent leurs branchies
toute leur vie, elles ont de petits yeux, pas de membres postérieurs, presque une forme d’anguille. Elles
vivent dans le sud-est des Etats-Unis ainsi qu’au Mexique.
Les protéidés : on y trouve les protées et les nectures. Les premiers ont été nommés ainsi par le
naturaliste Laurenti par analogie à Protée, le dieu qui pouvait changer d’aspect à son gré. Leur découvreur
pensait qu’il s’agissait de la forme juvénile d’un dragon. Les nectures habitent aux Etats-Unis où, une
légende voulant qu’elles aboient, elles sont appelées chiens d’eau. Les protéidés ne perdent jamais leur
branchies et nont pas de paupières.
Les ambystomatidés : les trente espèces vivent au sud de l’Alaska et au Canada.
Les dicamptodontidés : les quatre espèces se localisent au nord-ouest des Etats-Unis.
Les amphiumes : on pourrait prendre les trois espèces pour des anguilles un corps long, une vie
enfouie dans la vase, fentes branchiales et branchies internes –, s’ils n’arboraient pas quatre minuscules
membres. On les trouve au sud-est des Etats-Unis, mais les apercevoir n’est pas facile.
Les salamandridés : ce sont nos « vrais » salamandres et tritons ! Cette famille comprend une
soixantaine d’espèces en quatorze genres différents. Les espèces de dix genres sont appelés tritons, les
quatre autres sont nommées salamandres. Ils ont colonisé toutes sortes d’habitats on les rencontre
d’ailleurs chez nous. On les reconnaît à leurs couleurs vives.
Les pléthodontidés : il s’agit de la plus grande famille des Caudata. Les deux cents quarante espèces
connues, réparties en trente genres, vivent en Amérique du Nord, au centre de la Bolivie, à l’est du Brésil.
En Europe, on n’en rencontre que quelques-uns en Sardaigne et au sud-est de la France. Ils sont aussi
nommés salamandres sans poumons, puisqu’ils respirent par la peau.
Légendaire salamandre
Les salamandres ont été le sujet de nombreux contes et légendes et cela depuis bien longtemps. L’origine
de leur nom tient sa phonétique d’un mot arabo-persan qui signifiait « qui vit dans le feu ». Il n’y a pas si
longtemps, on pensait que la salamandre jaune et noire d’Europe pouvait traverser un mur de flammes
sans se brûler. En anglais, elle est d’ailleurs nommée fire salamander, en allemand Feuersalamander.
François 1er le fameux roi français de la Renaissance auquel les salamandres doivent leur célébrité
avait fait représenter sur ses armes une salamandre au milieu des flammes, et dont la devise était : « J’y vis
et je l’éteins ».
Cette association du feu et de la salamandre vient sans doute de la Forêt-Noire en Allemagne. Autrefois,
les bûches étaient empilées près des maisons, offrant des abris idéaux pour nos salamandres. En hiver,
lorsque le bois était introduit dans la maison et jeté dans la cheminée pour être brûlé, les salamandres,
sous l’effet de la chaleur, se réveillaient et tentaient de s’enfuir, comme si elles surgissaient des flammes.
En Egypte, la salamandre était le hiéroglyphe représentant l’homme mort de froid et plus tard, elle est
devenue un symbole chez les alchimistes.
Quant au triton, son nom vient de la mythologique gréco-romaine : Triton était le prénom que portait le fils
de Neptune et Amphitrite. C’était une créature bizarre qui avait le bas du corps en queue de poisson, mais
était humain à partir du ventre. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Eh oui, Walt Disney s’en est
sûrement inspiré !
En mal d’ancêtres
Comment se portaient les salamandres il y a quelques millions d’années ?
Les scientifiques ont encore aujourd’hui bien du mal à apporter une réponse à cette question. Les premiers
fossiles remontent au jurassique supérieur, c’est-à-dire il y a cent cinquante millions d’années. Mais on
situe l’apparition des urodèles il y a de 63 à 3 millions d’années.
Il est néanmoins possible de retracer une partie de leur histoire en se projetant il y a 350 millions d’années.
C’est à peu près à cette époque que des poissons un peu plus évolués, qui vivaient près du bord dans les
bas-fonds des marais, ont conquis la terre ferme pour devenir des amphibiens. Mais ce n’était qu’une demi-
conquête, puisque ces batraciens ne sont jamais parvenus à se détacher complètement du milieu
aquatique, devant régulièrement retourner dans l’eau (reproduction…). On n’oublie d’ailleurs pas que leur
nom d’amphibien vient du grec : amphi signifie « double » et bios « vie ».
En 1726, on retrouva les fossiles d’une salamandre géante. M. Scheuchzer, chercheur suisse à qui l’on
attribua les mérites de la découverte, pensa qu’il s’agissait du corps d’un humain, « témoin du déluge »,
appelé Homo diluvii testis. Un siècle plus tard, on s’aperçut de l’erreur et notre amphibien fut correctement
nommé Andrias scheuchzeri.
Petit roi, petite reine
Salamandre à deux
lignes
Certes, ils ne règnent pas et des prédateurs les guettent sans cesse,
mais ne trouvez-vous pas qu’ils ont une petite allure royale ? Reine du
feu et roi des mers s’allient pour vous donner un splendide spectacle.
Lézards sans écailles
Les urodèles ressemblent à priori à des lézards sans écailles. Linné, père de la taxonomie moderne
(science de la classification), a d’ailleurs pris, lors de ses premières observations, la salamandre pour un
lézard et a entrepris de placer toutes les nouvelles espèces de ce genre qu’il découvrirait avec les reptiles.
Le corps des salamandres sont lacertiformes. Leur tête assez petite est plus ou moins distincte de leur
corps, mise à part pour les espèces complètement aquatiques où la tête est allongée, comme une anguille
(dans ce cas, leurs membres sont très courts).
Leur queue est presque aplatie, munie d’une crête chez les espèces qui vivent le plus clair de leur temps
dans l’eau. Quant à celles qui vivent sur la terre, elles en possèdent une plutôt arrondie, parfois légèrement
comprimée. Quelques-unes d’entre elles ont même développé pour cet organe la faculté d’attraper quelque
chose, comme le ferait un éléphant avec sa trompe.
La queue des urodèles mesurent entre dix et vingt centimètres. Parfois, elles s’en séparent volontairement
et la régénèrent ensuite.
Multipeaux
Après leur maturité sexuelle, salamandres et tritons continuent à grandir, ce qui explique la perte périodique
de la couche superficielle cornée de leur peau. La mue diffère selon les espèces : la peau s’en va par
lambeaux ou tout d’un coup, jusqu’à une fois par semaine. L’exuvie est ensuite dévorée par son ex-
propriétaire.
La peau des urodèles renferme trois types de glandes, réparties sur toute la surface du corps : il existe des
glandes muqueuses, séreuses et mixtes ces dernières étant moitié muqueuses, moitié séreuses.
La peau recouverte de glandes muqueuses est homogène et collante. A terre, elle protège les animaux du
dessèchement et permet les échanges respiratoires. Dans l’eau, elle maintient la pression osmotique
interne (équilibre des sels et de l’eau dans les fluides du corps) et sert de lubrifiant pendant la nage : nos
amphibiens à la peau lisse sont ainsi à l’aise pour se déplacer dans le milieu aquatique.
Les glandes séreuses produisent une sécrétion granuleuse qui répand une odeur bien particulière. On les
trouve sur la partie supérieure de la tête, derrière les yeux, sur la queue et les côtés du dos.
Quant aux glandes mixtes, elles produisent à la fois des substances séreuses et muqueuses et sont
répandues sur toute la surface du corps.
Certains pléthodontidés, ambystomatidés et salamandridés possèdent encore une quatrième glande,
appelée hédonique, qui joue un rôle sexuel. La glande que le mâle arbore sur son menton est remarquable.
Les salamandres et les tritons n’ont pas toujours la peau lisse. Quelques fois, elle est même rugueuse ou
affiche un aspect verruqueux cela est dû aux glandes venimeuses.
Les urodèles les plus aquatiques ont certes la peau lisse qu’on leur connaît. Mais dès que les espèces
gagnent la terre ferme, elle se fait rugueuse.
Les couleurs sont aussi diversifiées que les matières. On rencontres des salamandres et tritons brunâtres,
jaunes, gris, blanches, roses… Des dessins ornent leur peau. Les couleurs criardes sont le plus souvent
situées sur le dos et les flancs : chez des espèces, on les voit uniquement chez le mâle pendant la saison
de reproduction, chez d’autres, c’est toute l’année, et chez les deux sexes, que l’on peut les admirer.
Les tritons à taches rouges aiment que leur vie change de couleur ! Cette espèce, qui vit dans l’est des
Etats-Unis, passe deux à trois ans à terre sous une phase colorée de rouge, puis retourne à la vie
aquatique en revêtant une livrée verdâtre ornée de taches rouges de chaque côté du corps.
Un squelette souple
Le crâne des urodèles est d’abord formé de cartilages. Ils s’ossifieront durant la croissance. On y trouve
aussi des os de membrane. La forme et la disposition de ces os crâniens tiennent une place importante
pour la classification des espèces.
La colonne vertébrale est divisée en cinq régions : cervicale (une seule vertèbre), dorsale (de 11 à 63
vertèbres), sacrée (une vertèbres), sacrocaudale (2 à 4 vertèbres) et caudale (de 20 à 100 vertèbres pour
les os de la queue !).
La plupart des espèces ont quatre doigts aux membres antérieurs, cinq aux postérieurs.
Normalement, les urodèles ne possèdent pas d’ongles, mise à part deux espèces asiatiques où les orteils
se terminent par un étui corné, une petite griffe noire.
Où les observer ?
Les meilleures saisons pour observer les salamandres et les
tritons sont le printemps de février à avril et l’automne, et bien
évidemment pendant la nuit.
Dès février, nos batraciens se mettent à sortir à la quête d’un(e)
partenaire. Au mois de mai, ils se font déjà plus rares ; ils
réapparaissent dès l’arrivée de l’automne (septembre). Lors des
nuits douces et pluvieuses, les femelles mettent bas, les
retardataires s’accouplent.
En hiver, restez au chaud chez vous, et les urodèles feront de
même. Notez cependant que si vous vous trouvez en montagne
(dès 300 m d’altitude), vous aurez peut-être la chance d’assister
à un déplacement précoce des tritons qui, dès décembre, se
dirigent déjà vers des mares de reproduction.
Drôle de bouche
Les salamandres et les tritons n’ont pas de glandes salivaires. Ceux et celles qui passent leur vie dans
l’eau ont une langue de type dit primaire : il s’agit d’un simple repli sur le fond de la bouche, sans muscles
et donc peu mobile.
Les espèces terrestres ont une langue bien plus développée, utilisée pour la capture des proies. Les dents
sont petites, implantées sur les bords des mâchoires supérieures et inférieures, mais aussi sur le plafond
de la bouche. Elles jouent parfois un rôle sexuel. Les larves aussi ont de vraies dents, contrairement à
celles des grenouilles.
Respirer à tout prix, à toute sorte
La respiration chez les urodèles est diversifiée. La plupart possède des poumons qui ont l’aspect de sacs.
Les pléthodontidés en sont dépourvus et les échanges gazeux ont lieu à travers la peau et les muqueuses
de la gorge et de la bouche. Les tritons, eux, utilisent le même système, mais doivent remonter
régulièrement à la surface pour respirer. Les salamandres géantes, en aquarium, viennent reprendre leur
souffle toutes les vingt-cinq à quarante minutes, mais on peut imaginer que dans les eaux vives, riches en
oxygènes, cette remontée est moins fréquente.
La respiration cutanée est aussi utilisée par des espèces qui connaissent le système pulmonaire, par
exemple lorsqu’elles hibernent dans l’eau.
Les larves ont des branchies et quelques salamandres les conservent une fois adultes. Les axolotls
mexicains ont des branchies externes qui sont en fait des touffes rouges accrochées sur la tête comme des
cheveux. Les amphiumes ont des branchies internes.
Un cœur pour la vie
Le cœur n’est qu’un seul ventricule où sangs artériels et veineux se mélangent partiellement. Les
amphiumes renferment d’ailleurs les plus grands globules rouges de tous les vertébrés. Leur nombre
s’accroît lorsque le sang n’est plus assez oxygéné.
Le cerveau est petit, le système nerveux assez simple. Les yeux sont grands. Il n’y a pas d’oreilles
externes. Les vibrations sont
ressentie à travers les
mâchoires ou les os voisins
du crâne. Mais les urodèles
arborent aussi des organes
sur la ligne latérale qui leur
permettent de détecter les
changements de pression de
l’eau, les courants et les
vibrations de basse
fréquence.
Le cloaque est situé sous la
base de la queue il contient
les organes reproducteurs,
mais aussi les orifices
urinaires.
Rester enfant
à jamais
Chez les amphibiens, il existe un phénomène bien connu des scientifiques : la néoténie. Il s’agit d’individus
qui atteignent leur maturité sexuelle, tout en conservant de nombreux traits caractéristiques des larves.
Il existe plusieurs formes de ce retardement puéril. La néoténie totale concerne les larves qui ne
grandissent jamais et ne pourront jamais se reproduire. La néoténie temporaire est une métamorphose
retardée : la salamandre est une immense larve. Enfin, la néoténie partielle, appelée aussi pædogenèse : la
maturité sexuelle apparaît dès le stade larvaire. Là aussi, plusieurs possibilités sont présentes : soit la
métamorphose ne peut être activée, ou bien elle peut l’être, mais sous traitement hormonal. Un exemple :
les axototls, urodèles aquatiques qui ne vivent que dans un seul lac du Mexique, ont souvent été élevés en
captivité. Lorsqu’on injecte aux néoténiens une hormone thyroïdienne, ils perdent leurs branchies et
deviennent terrestres.
Peau de mue d’un
triton
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