II-Arguments en faveur d`un rôle du système immunitaire

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Mécanismes de l’immunosurveillance anti-tumorale
Eric Tartour,
Dominique Bellet, François Lemoine, Hélène Moins Teisserenc, Franck Pagès
I-Introduction ____________________________________________________________________ 2
II-Arguments en faveur d’un rôle du système immunitaire dans le contrôle de la prolifération des
tumeurs _________________________________________________________________________ 2
II-1.Arguments expérimentaux ____________________________________________________ 2
II-2.Arguments épidémiologiques __________________________________________________ 3
II-2-a.Déficits immunitaires primitifs d’origine génétique _______________________________________ 3
II-2-b.Déficits immunitaires acquis _________________________________________________________ 3
II-3.Arguments cliniques chez l’homme _____________________________________________ 4
II-3-a.Effet GVL (greffon versus leucémie) ___________________________________________________ 4
II-3-b.Régressions tumorales spontanées associées à une réponse immunitaire _____________________ 4
II-3-c.Corrélation entre la présence d’un infiltrat immunitaire et le bon pronostic clinique des tumeurs. _ 4
III-Reconnaissance des cellules tumorales par le système immunitaire : bases moléculaires de
l’immunosurveillance ______________________________________________________________ 4
IV-Effecteurs immunologiques impliqués dans l’immunosurveillance et la réponse anti-tumorale. 6
IV-1.Anticorps __________________________________________________________________ 6
IV-2.Lymphocytes T _____________________________________________________________ 6
IV-3.Cellules de l’immunité innée. __________________________________________________ 7
IV-3-a.Cellules Natural killer (NK) __________________________________________________________ 7
IV-3-b.Lymphocytes NKT _________________________________________________________________ 7
IV-3-c.Autres cellules ____________________________________________________________________ 8
V-Echappement de la tumeur à l’attaque immunologique _________________________________ 8
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I-Introduction
La théorie de l’immunosurveillance des tumeurs, d’abord énoncée par Paul Ehrlich au début
du XX° siècle, puis reprise par Frank Macfarlane Burnett et Lewis Thomas, reconnaissait au
système immunitaire un rôle majeur dans le contrôle de la prolifération des tumeurs. Elle
reposait sur différentes observations dont celles de William B.Cooley, qui avait retrouvé une
corrélation entre la régression de sarcomes osseux et la survenue de surinfection post-
opératoire par un streptocoque pathogène responsable d’érésipèle. L’hypothèse avait été
émise que la réaction inflammatoire secondaire à la surinfection pouvait aussi contrôler la
croissance tumorale. Aujourd’hui, la théorie des 3E proposée par Robert Schreiber a
prolongé et revisila théorie de l’immunosurveillance en stipulant que l’interaction entre le
système immunitaire et la cellule tumorale peut conduire à l’Elimination de la tumeur, à un
état d’Equilibre (maîtrise de la prolifération des cellules tumorales sans éradication) ou à un
Echappement de la cellule tumorale au contrôle immunologique. Cette dernière phase est la
seule visible cliniquement, ce qui conduit à penser que le système immunitaire est devenu
inefficace pour contrôler la croissance tumorale.
Par ailleurs, il existe souvent une vision cloisonnée de la cellule tumorale entre les
biologistes cellulaires et les généticiens d’une part et les immunologistes d’autre part. Il est
clair que le premier système de sauvegarde mis en défaut dans les cancers est un système
de biologie cellulaire résultant de l’incapacité de réparer des anomalies génétiques ou de
permettre à des cellules en cours d’immortalisation d’entrer en apoptose. Or un lien direct
existe entre ces défauts observés et le système immunitaire. Ainsi, certaines altérations
génétiques de l’ADN peuvent induire des modifications phénotypiques de la cellule
(mutations de protéines normales, expression sur la cellule tumorale de protéines de stress
(MICA, Rae)) reconnues par le système immunitaire.
II-Arguments en faveur d’un rôle du système immunitaire dans le contrôle de la
prolifération des tumeurs
II-1.Arguments expérimentaux
Des souris déficientes pour les gènes RAG (recombination activating gene), qui codent pour
des enzymes indispensables au réarrangement des gènes des immunoglobulines et du
récepteur T (TCR), sont totalement déficientes en lymphocytes B et T matures, et présentent
une fréquence accrue de tumeurs spontanées et de tumeurs chimio-induites par
comparaison à des souris sauvages. D’autres travaux ont confirmé ces résultats en montrant
que des souris déficientes en cellules ou molécules importantes pour l’immunité innée
(cellules Natural Killer, STAT (Signal Transducer and Activator of Transcription)) ou
adaptative (IFN, perforine…) développent également des tumeurs avec une fréquence
accrue.
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II-2.Arguments épidémiologiques
Une augmentation de la fréquence de certains cancers a été observée au cours de
différentes situations cliniques associées à un déficit immunitaire de type cellulaire touchant
les lymphocytes T. Dans la majorité des cas, les cancers retrouvés dans ces populations de
malades sont associés à des virus [sarcomes de Kaposi et herpès virus de type 8,
lymphomes et EBV (Epstein Barr Virus), cancers du col de l’utérus et papillomavirus].
L’incapacité de l’organisme atteint de déficit de l’immunité cellulaire à éliminer ces virus et
leur persistance prolongée chez l’hôte favoriseraient le développement de tumeurs.
II-2-a.Déficits immunitaires primitifs d’origine génétique
L’ataxie télangiectasie s’accompagne d’anomalies qualitatives et quantitatives des
lymphocytes T (hypoplasie thymique) associées à un déficit en IgG2, IgG4 et IgA. Ces
malades présentent une incidence accrue de lymphomes, de leucémies T et de maladies de
Hodgkin.
Le syndrome de Wiskott-Aldrich est une maladie génétique liée à l’X secondaire à une
mutation du gène WAS codant pour la protéine WASP, intervenant dans la polymérisation de
l’actine. Ces patients se caractérisent par un déficit immunitaire combiné avec initialement
une incapacité à produire des anticorps contre des antigènes polysaccharidiques, suivie
d’une anergie de leurs lymphocytes T contre différents antigènes. Ils présentent un risque
accru de développer un syndrome lymphoprolifératif secondaire à une infection par EBV.
La Trisomie 21 est le plus fréquent de tous les déficits immunitaires congénitaux. Il existe un
déficit fonctionnel des lymphocytes T et une involution thymique précoce chez ces patients.
Le taux de leucémie est vingt fois plus élevé que dans la population normale.
II-2-b.Déficits immunitaires acquis
En cas de SIDA non contrôlé, ce qui est plus rare depuis l’avènement des tri-thérapies anti-
virales, les patients peuvent présenter un sarcome de Kaposi, des lymphomes non
Hodgkiniens de type immunoblastique et des lymphomes de Burkitt. Une augmentation de la
fréquence de lésions prénéoplasiques anales ou du col de l’utérus liées aux papillomavirus
et pouvant conduire à des cancers a également été rapportée. Le risque augmente avec
l’intensité de l’immunosuppression (CD4 < 200/mm3).
Les traitements immunosuppresseurs (cyclosporine, azathioprine) prescrits lors de
transplantation d’organes peuvent aussi être impliqués. L’incidence de cancers (lymphomes
non hodgkiniens en particulier) chez ces patients immunodéprimés est multipliée par 100 par
rapport à la population générale de même âge. Certains lymphomes non hodgkiniens
peuvent régresser spontanément lors de l’arrêt des médicaments immunosuppresseurs,
renforçant la relation entre le développement de ces cancers et l’immunosuppression.
Certains patients transplantés ont développé des cancers de mêmes types histologiques que
des cancers présents antérieurement chez les donneurs et considérés comme guéris au
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moment de la transplantation. Ces observations suggèrent que des cellules tumorales
contrôlées par le système immunitaire étaient présentes de manière infraclinique chez le
donneur (phase d’équilibre) et que l’immunosuppression a déclenché l’apparition du cancer à
partir de ces cellules chez le receveur.
II-3.Arguments cliniques chez l’homme
II-3-a.Effet GVL (greffon versus leucémie)
Les allogreffes de moelle allogénique non déplétée en lymphocytes T du donneur sont
associées à un plus faible risque de rechute leucémique que les allogreffes déplétées en
lymphocytes T. Il semble donc que les lymphocytes T cytotoxiques du donneur exercent un
effet anti-leucémique qui réduit le risque de récidive. D'ailleurs, l'injection de lymphocytes T
du donneur (ILD ou DLI anglo-saxon) est parfois utilisée pour le traitement de rechutes
d'hémopathies malignes survenant après allogreffe de cellules hématopoïétiques.
II-3-b.Régressions tumorales spontanées associées à une réponse immunitaire
Des régressions spontanées partielles ou complètes ont été observées chez 1 à 2% des
patients atteints de cancer du rein ou de mélanome. Une réaction lymphocytaire T
cytotoxique dirigée contre les cellules tumorales a été démontrée dans certaines situations
cliniques privilégiées, suggérant fortement leur implication dans la régression de ces
tumeurs.
II-3-c.Corrélation entre la présence d’un infiltrat immunitaire et le bon pronostic clinique des
tumeurs.
Différents travaux ont montré que le niveau d’infiltration tumorale par des lymphocytes T, et
notamment des lymphocytes T-CD8 mémoires, était corrélée avec un meilleur pronostic du
cancer. De façon générale, la composante immunitaire intra-tumorale peut constituer un
nouveau type de biomarqueur, complémentaire des marqueurs conventionnels directement
associés à la cellule tumorale.
III-Reconnaissance des cellules tumorales par le système immunitaire : bases
moléculaires de l’immunosurveillance
L’identification et la caractérisation moléculaire du premier antigène tumoral chez l’homme
par le groupe de Thierry Boon, au début des années 1990, a constitué une étape décisive
pour l’immunologie des tumeurs. A la suite de ce travail pionnier, des centaines d’antigènes
associés aux tumeurs et reconnus par le système immunitaire ont été isolés. Ils sont
aujourd’hui classés en cinq grands groupes (Tableau 1) :
i) Les antigènes du groupe « cancer testis » (Ex Mage, NY-ESO1…) sont des
antigènes exprimés spécifiquement par le tissu tumoral en dehors d’une
expression ectopique par les cellules germinales. Les risques de reconnaissance
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de ces cellules germinales par les lymphocytes T dirigés contre ce type
d’antigène sont très faibles car elles n’expriment pas les molécules CMH
(molécules présentatrices de peptides aux lymphocytes T).
ii) Les antigènes de différenciation sont des antigènes exprimés dans un tissu
donné aussi bien par des cellules normales que par les cellules tumorales
correspondantes. L’induction de réponses anti-tumorales dirigées contre ces
antigènes expose donc au risque d’auto-immunité.
iii) Les antigènes exprimés uniquement dans les cellules tumorales peuvent
correspondre à des antigènes mutés (Kras, P53…), des idiotypes
d’immunoglobulines exprimés spécifiquement par le clone B tumoral ou des
néoantigènes générés à la suite d’une translocation chromosomique (Bcr-Abl).
iv) Des antigènes exprimés par des cellules normales peuvent être surexprimés par
la tumeur (Her2/neu, Muc 1…).
v) Des antigènes dérivés d’agents pathogènes : 15 à 20 % des cancers seraient
associés à des agents pathogènes, notamment des virus (papillomavirus et
cancers du col de l’utérus ou des voies aérodigestives supérieures, virus des
hépatites B et C et cancers du foie), mais également des bactéries (Helicobacter
pylori et cancer de l’estomac) ou des parasites (schistosome et cancer de la
vessie) chez l’homme.
Des sites internet sont accessibles pour une mise à jour régulière des antigènes tumoraux
disponibles. http://www/licr/org/SEREX.html
Tous ces antigènes peuvent être reconnus par des anticorps ou des lymphocytes T de
patients atteints de cancers. Ils constituent des cibles pour des stratégies d’immunothérapie.
Les antigènes tumoraux étant souvent également exprimés par des cellules normales, il est
attendu qu’une réponse anti-tumorale puisse s’accompagner d’une réponse auto-immune.
Les protocoles cliniques reposant sur le transfert de lymphocytes T anti-tumoraux, de
cytokines recombinantes (IL-2, IFN) ou d’anticorps immunomodulateurs comme l’anticorps
anti-CTLA-4 (ipilimumab), s’accompagnent de manifestations biologiques et/ou cliniques
auto-immunes le plus souvent bénignes (vitiligo, thyroïdite) mais parfois sévères
(entérocolite auto-immune). De premiers travaux ont rapporté une corrélation entre
l’apparition de ces manifestations auto-immunes et la réponse clinique à ces
immunomodulateurs.
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