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LA GLOBALISATION PAR LE BAS
LES PRIX DU MARCHÉ : LA VÉRITÉ SUR LES COÛTS ? (p 239)
Afin de bien situer le commerce équitable, il faut tout d'abord constater qu'il occupe une place sur le marché
international, avec des produits tels que le café, la banane et les vêtements et participe ainsi à la globalisation.
Le commerce équitable est une activité commerciale. On peut me dire qu'il travaille avec les acteurs
commerciaux et qu'il est régi par les mécanismes du marché. Les premiers sont les compagnies qui produi-
sent et commercialisent ses produits : les coopératives de café, les plantations de bananes et les ateliers de
couture, mais aussi les revendeurs, les transporteurs, les grossistes et les supermarchés.
Le commerce équitable intervient sur le marché et il en accepte les règles : le prix d'un produit est fixé en
fonction de certains facteurs tels que l'efficacité, la concurrence et la qualité du produit.
Le mouvement pour un commerce équitable ne remet pas en cause l'économie de marché en soi, en re-
vanche, il en attend quelque chose de positif, il veut en corriger fondamentalement les effets secondaires de
façon à ce que les répercussions sociales soient toutes autres. (…)
LES PRIX DU MARCHÉ : LA VÉRITÉ SUR L’INTEGRATION DES COÛTS ? (pp 244-248)
Le secteur de la banane illustre bien les lacunes du marché en ce qui concerne l'intégration des coûts.
Une multinationale comme Chiquita produit en Amérique centrale une caisse de banane de cinq dollars cin-
quante. Le prix FOB de 5,50 dollars la caisse de 18,14 kg est supposé être le prix du marché pour la banane,
c'està-dire le prix d'une denrée de qualité, réalisé de la façon la plus efficace et donc au coût de production le
plus bas. Or, si cette compagnie peut fournir à ce prix, ce n'est pas seulement parce que c'est une entreprise
professionnelle oû l'efficacité et la productivité ont priorité. Si elle peut produire ses bananes pour 5,50 dollars,
C'est parce que la compagnie Chiquita a une longue tradition de pratiques politiques louches et de répression
des travailleurs. Les droits syndicaux leur ont été systématiquement refusés. Lorsqu'à l'issue d'une lutte très
dure, ils parvenaient tout de même à s'organiser et à obtenir de meilleures conditions de travail, la compagnie
déplaçait sa production et allait s'installer dans une autre région.
De plus, elle n'a jamais assumé aucune responsabilité pour l'environnement. La productivité a toujours été
très élevée et en dépit des risques d'infection dus au climat tropical, l'utilisation de produits chimiques garant-
issait un produit parfait. Les effets désastreux pour l'environnement ont toujours été ignorés.
Le prix du marché de Chiquita reflète les rapports de force dans la société. Les coûts de production ne
tiennent pas compte des frais sociaux et environnementaux, car Chiquita a développé un concept politique
connu sous le nom de la « République de la banane » : un gouvernement faible, qui manipule et opprime les
partenaires sociaux. L'effet de cette politique se traduit en terme de prix. Il est de 1,75 dollar la caisse de ba-
nanes. Le prix intégral des bananes d'Amérique centrale est de 7,25 dollars. Intégral signifie que la production
a été efficace, à un coût de 5,50 dollars, et durable, le coût de la durabilité revenant à 1,75 dollar. Dans les
7,25 dollars, les coûts sociaux et environnementaux sont compris, c'est le prix de marché d'une production du-
rable. Le soi-disant prix de marché de Chiquita est en réalité le prix politique des bananes et il exprime le taux
de répression. En Equateur, on produit même pour 4,50 dollars. L'exploitation systématique de la main-
d'oeuvre est encore pire dans la région des Andes qu'au Costa Rica. En Equateur, le salaire d'un journalier est
de 4 dollars alors qu'au Costa Rica, il s'élève à 10 dollars.
Le prix des bananes au label Max Havelaar est de 7,25 dollars, c'est le prix intégral et durable, un prix qui
reflète la réalité.
UN PRINCIPE ÉCONOMIQUE : LE CALCUL DU PRIX DE REVIENT INTÉGRAL
Petit à petit, nous avons défini l'idée de « commerce équitable ». Elle se résume à trois points.
La production du commerce équitable sous-entend une production et un marketing économique-
ment efficaces.
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Nous aspirons en priorité à fournir un produit de qualité dans le cadre d'une production efficace. Le commerce
équitable doit être conforme au marché dans le rapport qualité-prix. Une dure réalité se cache derrière ces
mots, car les lois du marché sont impitoyables. Elles le sont pour un produit de qualité inférieure et pour un
prix de revient trop élevé. Le consommateur qui achète les produits du commerce équitable exige lui aussi un
café de qualité, une belle banane et des vêtements bien coupés. La qualité est donc la première condition
pour accéder au marché. Le prix est étroitement lié à la qualité. Le rapport qualité-prix est donc déterminant.
Ce dernier doit être concurrentiel par rapport à celui du marché. Le producteur est sous le joug des lois du
marché. Par ces temps de course à la productivité, d'innovations technologiques, d'extension et de restructu-
rations, la tendance est à la baisse du prix de revient.
Le producteur, surtout s'il produit pour le marché international, devra sans cesse s'efforcer de baisser ses
coûts de production et en même temps améliorer la qualité de son produit.
Le commerce équitable plaide pour de meilleures conditions de commercialisation afin de donner au
producteur les moyens d'investir dans l'amélioration de la production et dans la qualité. La mise à la disposi-
tion de nouvelles technologies et l'échange d'expériences entre les producteurs est une des fonctions im-
portantes du réseau qui se forme autour des initiatives de commerce équitable.
Les organisations de coopération ont un rôle important à jouer, en particulier dans l'amélioration de la position
des producteurs faibles ou marginalisés. L'aide financière et l'assistance technique visent à supprimer les re-
tards en matière de productivité et d'efficacité de la production.
Les impératifs concernant la production s'appliquent également au marketing. Le commerce équitable doit
proposer une structure de marché réduisant au minimum les frais de transaction. L'inefficacité entrne des
coûts plus élevés et par conséquent la perte des marchés.
La production du commerce équitable est socialement durable
Le deuxième aspect dans la définition du commerce équitable concerne l'intégration des coûts réels de main-
d'oeuvre dans les frais de production. II apporte ainsi une correction significative par rapport à la pratique du
marché.
Dans le prix du produit, on retrouve les coûts d'une production tenant compte de l'aspect humain. La concur-
rence ne se joue pas au niveau de l'exploitation du travail.
On impose au marché un cadre dans lequel est fixé le coût réel du travail. Cela signifie en premier lieu la re-
connaissance du droit de s'organiser. Les paysans montent des coopératives et les travailleurs adhèrent à un
syndicat.
Dans de nombreux pays, les revendications pour le droit de s'organiser sont loin d'être acceptées, ce qui mon-
tre à quel point ce droit est primordial. En collaboration avec, et dans certains cas, à l'encontre des re-
sponsables, il faudra définir des conditions de travail acceptables. Les coûts des conventions collectives
représentent une partie du prix de revient du produit.
La production du commerce équitable est écologiquement durable
Le troisième aspect concerne l'intégration des coûts environnementaux de la production. aussi, le com-
merce équitable apporte une correction fondamentale à la pratique de l'économie de marché.
Dans le prix du produit, on retrouve les coûts d'une production respectueuse de l'environnement. La concur-
rence n'est pas fondée sur les coûts environnementaux.
Dans le secteur agricole du commerce équitable, on relève cinq thèmes importants : les coûts de la protection
de la biodiversité, la prévention de la pollution des eaux et de l'érosion, le contrôle, la réduction et la suppres-
sion des pesticides et des engrais chimiques, la diminution des déchets, leur recyclage et l'utilisation du com-
post. Dans le secteur industriel, on retrouve un certain nombre de ces points, mais ceux propres à ce secteur
restent à préciser.
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En bref : le commerce équitable est une pratique commerciale fondée sur le principe de l'efficacité sur le plan
économique, de la durabilité sociale et écologique. Le prix intégral est l'instrument permettant de réaliser ces
normes. Ainsi défini, le commerce équitable relève de l'économie.
Résumons ce que le commerce équitable n'est pas car la liste des malentendus est longue :
Le commerce équitable s'engage pour une économie durable : une économie à la fois efficace et respec-
tueuse de l'homme et de l'environnement. Les aspects humains et écologiques de la production sont définis
en termes économiques. Les mesures à prendre dans ces domaines sont devenues une question de survie
pour tous et donc une question économique. Les coûts économiques de la paupérisation et de la marginalisa-
tion de la majorité de la population du tiers-monde ne font qu'augmenter. Nous devrons miser sur une écono-
mie durable à l'échelle mondiale. L'intégration des coûts sociaux et écologiques est urgente. L'économie
mondiale sera durable ou elle ne sera pas.
Le commerce équitable interpelle la liberté de choix du consommateur, il est à l'avant-garde en matière d'in-
tégration des aspects sociaux et environnementaux dans les pratiques de l'économie mondiale. Le consom-
mateur peut, d'ores et déjà, choisir des produits qui reflètent le prix de revient réel. Il existe ainsi une partie du
marché qui fait figure d'exemple dans la façon dont le marché devrait fonctionner. Le mouvement du com-
merce équitable doit chercher la confrontation avec le marché traditionnel. Notre but n'est pas de faire fonc-
tionner comme nous le souhaitons une petite partie du marché. Il est d'obtenir que des multinationales telles
que Douwe Egberts, Chiquita, Levi's et Nike se convertissent à une production durable.
Le commerce équitable n'est pas une organisation d'aide au développement, pas même sous
sa forme la meilleure.
Le commerce équitable n'est pas un élément perturbant qui proposerait des conditions com-
merciales artificielles sur le marché.
Le commerce équitable n'est pas le curé qui prend la place du marchand.
Le commerce équitable ne capitule pas devant la pensée en terme de marché.
Le commerce équitable n'encourage pas l'inefficacité de la production en proposant un marché
protégé.
Le commerce équitable ne se limite pas à travailler avec des producteurs défavorisés dont la
position justifierait une protection des prix.
Le commerce équitable ne se veut pas un marché marginal.
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