Février 2000
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
PROBLEMATIQUE DES ENDOTOXINES EN DIALYSE
DANS LE MILIEU MEDICAL
MOTS - CLE
endotoxines / dialyse / hémodialyse / dialysât / ultrafiltration / pyrogène / membrane / test du LAL /
lipopolysaccharides
RESUME
Dans le milieu médical, l’hémodialyse permet par ultrafiltration sanguine de pallier à une ficience
rénale. L’eau utilisée (dialysât) doit être exempt d’endotoxines (lipopolysaccharide) d’origine
bactérienne. Les substances pyrogènes, détectées par le test du LAL sont éliminées par différentes
méthodes de dépyrogénation.
PROBLEMATIQUE DES ENDOTOXINES EN DIALYSE DANS LE MILIEU MEDICAL
INTRODUCTION
La dialyse (ou diffusion) est l'échange de solutés entre deux liquides de composition différente à travers
une membrane semi-perméable [1]. L'application médicale de cette technique, l'hémodialyse, est un
traitement largement utilisé pour épurer le sang en cas d'insuffisance rénale avancée. L'hémodialyse
réalise un échange de solutés et d'eau entre le plasma du malade et une solution de dialyse (dialysât)
[2]. Ce dialysât est un mélange d'eau osmosée (épurée et ne contenant plus de sels minéraux) et de
solutions concentrées en éléments essentiels. La composition du dialysât est soigneusement ajustée
pour permettre l'extraction sélective des composés polluants le courant sanguin et d'en préserver les
éléments essentiels. Cette ultrafiltration du plasma résulte d'une différence de pression modérée
entre le sang et le dialysât, de l'ordre de grandeur de la pression artérielle, soit 20 kPa (140 mmHg) [3].
L'eau servant à la préparation du dialysât provient du réseau et n'est pas stérile, elle nécessite donc un
traitement. Malgré celui-ci des bactéries dîtes Gram - ont la possibilité de se multiplier assez rapidement
dans l'eau pure sans aucun nutriment. Elles résistent également aux désinfectants [4]. Certains
constituants de la paroi des bactéries Gram -, les endotoxines, peuvent exercer des effets biologiques
sur les patients même en l'absence de bactéries. Elles correspondent au composé
Lipopolysaccharidique (LPS) [5]. L'élément toxique du LPS est la partie lipidique communément
désignée comme le lipide A [6]. Les endotoxines ont un poids moléculaire variable estimé entre 100000
et 900000 daltons (1000 à 2000 daltons pour le lipide A). Elles sont thermostables, elles gardent donc
leur propriété après chauffage (exemple : résistance à l'autoclave). Leur pouvoir toxique n'est neutralisé
ni par le formol, ni par les antisérums [7]. L'endotoxine est une molécule pyrogène dont les
conséquences croissantes en fonction de sa concentration sont : des réactions fébriles, un état de choc,
une coagulation sanguine, un état de faiblesse, une diarrhée, une inflammation jusqu’à une hémorragie
intestinale, un trouble de la coagulation : fibrinolyse (dégradation enzymatique de la fibrine, constituant
protéique principal des caillots sanguins) [6]. Il existe également une hypothèse selon laquelle de petites
quantités d'endotoxines, insuffisantes pour produire des réactions fébriles pourraient contribuer au
développement de l’amyloïdose, complication bien connue de la dialyse chronique [8].
Les problèmes qui se posent sont de savoir pourquoi les endotoxines sont présentes, comment elles
sont détectées et comment elles sont éliminées.
COMMENT EXPLIQUER LA PRESENCE DES ENDOTOXINES ?
L'eau rentrant dans la composition du dialysât est obtenue à partir d'eau de ville, après passage dans
une station de traitement [1]. L'eau de dilution est donc une eau potable de laquelle on élimine des
substances potentiellement toxiques pour les malades, à savoir : les inorganiques solubles (dont les
métaux lourds), les organiques solubles (dont les chloramines), les bactéries et les pyrogènes [7].
L'INSTALLATION DE TRAITEMENT DE L’EAU DE DILUTION DES SOLUTIONS CONCENTREES
(cf. figure 1)
- Premier étage de traitement : passage de l'eau de ville sur un filtre à sable puis filtration 5 à 10
microns, passage dans les résines des adoucisseurs, filtre à charbon pour déchlorer, filtre anti-colloïde.
- Deuxième étage de traitement : passage de l'eau à travers un ou deux osmoseur(s) en série,
stockage ou non de l'eau osmosée, départ de la distribution de l'eau dans une boucle avec présence ou
non au départ d'une microfiltration à 0.1 micron ou d'une ultrafiltration.
- Troisième étage de traitement : captage de l'eau de la boucle par une vanne et distribution à un
générateur par un tuyau allant de la vanne à la machine. L'eau continue de circuler dans la boucle 24
heures sur 24. Celle non réutilisée revient au deuxième étage de traitement, soit dans la cuve d'eau
osmosée après filtration, soit en amont du dernier osmoseur [4].
Figure 1 : schéma de la chaîne de fabrication de l'eau pour dilution des concentrés de dialyse et du dialysât [5]
L’INSTALLATION DE TRAITEMENT
Les sites de prolifération bactérienne
L'installation de traitement ne permet pas toujours d'avoir une eau de qualité microbiologique
irréprochable. En effet, elle peut présenter des sites de prolifération bactérienne. Ces bactéries ne
sont plus présentes dans le dialysât grâce à l'ultrafiltration. En revanche, les endotoxines ayant pu
passer à travers la membrane, se retrouveront dans le dialysât.
Les éléments du circuit favorisant la prolifération sont :
- Les filtres à cartouche : ils sont constitués de feutre, de coton tissé ou de fibre de verre dans
lesquels les micro-organismes s’enchâssent. Ces derniers y trouvent des matières organiques
également retenues qui vont leur servir de substrat et de ce fait permettre leur développement.
- Les adoucisseurs et les désioniseurs : les germes se logent dans les infractuosités de la résine
échangeuse d'ions et s'y multiplient. Ils deviennent alors difficiles à déloger malgré le lavage des résines
à contre-courant, lors de leur régénération.
- Les filtres à charbon actif : ils constituent un site privilégié pour la croissance des micro-organismes.
Leur structure microporeuse offre une très large surface de fixation aux germes. Ils prolifèrent d'autant
plus facilement que l'effet bactéricide du chlore est annihilé du fait de sa destruction, catalysée par le
charbon.
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B1
B2
B3
A : Sites favorables à la prolifération bactérienne
B : Eléments nécessaires pour l’ obtention d ’une eau ultra pure B1 :Osmoseur inverse, B2 :
Ultrafiltre; et d ’un dialysât stérile et pyrogène B3 : ultrafiltre
A
Eau de
ville Prétraitement Osmose
inverse
Cuve
de stockage
Boucle de
recirculation Tuyau
d’alimentation
Générateur
2ème étage
de traitement
1er étage
de traitement 3ème étage
de traitement
- La cuve de stockage : son volume est assez important afin d'assurer la poursuite de la séance
d'hémodialyse en cas de coupure d'eau ou de défaillance du circuit de traitement. Malgré la recirculation
continu de l'eau, les mouvements de fluides y sont réduits et la relative stagnation favorise également le
développement des micro-organismes [9].
- Les autres facteurs favorisant la contamination par les endotoxines sont : le tuyau reliant la boucle
au générateur de dialyse (matériau souple utilisé, chlorure de polyvinyle, facilite l'adhérence des germes
à la paroi) ; le circuit hydraulique du générateur de dialyse qui de par sa complexité favorise la fixation
des germes ; le passage des produits bactériens à travers les membranes de dialyse et la
contamination du dialysât (la contamination bactérienne fongique et endotoxinique est supérieure
dans le dialysât comparée à l'eau, celui-ci est un milieu idéal de croissance bactérienne) [9].
Le dialyseur
Le procédé à contrôler impérativement est la membrane semi-perméable du dialyseur car elle est
directement en contact avec le sang du patient. Le passage des endotoxines au travers des membranes
de dialyse reste un fait controversé et de nombreuses études sont en cours. Une des hypothèses est
que les endotoxines, par hydrolyse et en présence de détergent, peuvent se scinder et donner des
molécules plus petites. Leur passage au travers des membranes de haute perméabilité devient alors
possible. La seconde hypothèse pour ce phénomène serait liée à la nature de la membrane. En effet,
les LPS passeraient à travers les membranes telles que le polysulphane, l'AN 69, le cuprophane et le
PAN (polyacrilonicrile). Enfin, le passage des endotoxines pourrait être aussi du à l'intégrité de la
membrane (tableau 1) [7].
Fragment d'endotoxines
Membranes intactes
Franchissement
(2 à 20 kilodaltons)
Stimulation des cytokines pour 50 pg/mg
Endotoxines
Membranes réutilisées ou/et
endommagées
Franchissement
Endotoxines
Membranes intactes
Stimulation des cytokines
Passage par rétrofiltration
Tableau 1 : Nature du franchissement en fonction des endotoxines et du type de la membrane
En France, le dialyseur est une source d'infection moins importante car sa réutilisation est interdite,
contrairement à l'Angleterre et aux États-Unis par exemple.
LE PROBLEME DE LA RETROFILTRATION
Plusieurs phénomènes physico-chimique sont utilisés en Hémodialyse, l'HDF (hémodiafiltration)
combine les phénomènes de diffusion (transfert passif de solutés au travers de la membrane sans
passage de solvant) et de convection (ou ultrafiltration, transfert simultané à travers de la membrane,
du solvant et d'une fraction de son contenu en soluté grâce à une pression hydrostatique) [10]. La HDF
induit des pertes liquidiennes du fait de la convection, qui sont compensées par la réinjection d'un
dialysât (rétrofiltration). Celui-ci est de composition et de conductivité proche de celle du plasma et
doit être exempt d'endotoxines donc stérile [11].
COMMENT DETECTER LES ENDOTOXINES ?
La qualité des eaux pour dilution des concentrés de dialyse et pour préparation injectable est fixée par
la Xème édition de la Pharmacopée Européenne de janvier 1993. L'eau doit contenir moins de 100
CFU/ml (Coliform Faecal Unit) et un taux d'endotoxine inférieur ou égal à 0,25 UE/ml (Unité
Internationale d'Endotoxine) [4]. C'est pourquoi il est nécessaire de faire une recherche et un dosage
systématique de ces dernières. A l'heure actuelle pour les endotoxines après le test du lapin pour
pyrogène, la méthode du LAL (Lysat d'Amoebocyte de Limule) semble le test le plus fiable et le plus
reproductible [7].
LE TEST DU LAL
L'addition d'une solution contenant des endotoxines à une solution de lysat provoque une turbidité, une
précipitation ou une gélification du mélange. En effet, les cellules de l'hémolymphe d'un crabe, le
Limulus polyphémus ont la particularité de se gélifier en présence de quantité même très faible
d'endotoxines [11]. Seule la gélification est utilisée comme point d'équivalence dans l'essai de la
pharmacopée. Il existe des méthodes quantitatives, fondées sur la mesure du degré de turbidité ou de
concentration d'un colorant libéré par la lyse d'un peptide chromogène (qui produit de la couleur). Elles
peuvent être adaptées au contrôle de qualité après validation.
Phases préliminaires
La vitesse de la réaction dépend de la concentration en endotoxine, du pH (6,5 - 7,5) et de la
température (37°C +/- 1°C). La réaction nécessite aussi la présence de cations bivalents, d'un système
enzymatique favorisant la coagulation et de protéines coagulables dans le lysat. Le produit satisfait à
l'essai seulement si sa teneur en endotoxines bactériennes est inférieure à la limite spécifiée. Avant de
procéder à l'essai des endotoxines sur la préparation à examiner, plusieurs étapes sont nécessaires :
- étalonnage des endotoxines : la mise au point du test de recherche des endotoxines a nécessité
l'établissement de produits de référence de manière à ce que les utilisateurs puissent évaluer leurs
étalons de travail. L'étalon d'endotoxine PBR (préparation d'endotoxine de référence) est titré par
rapport à l'étalon international d'endotoxine de l'O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé). Son
activité est exprimée par unité internationale d'endotoxines par millilitres. L'unité internationale
d'endotoxine est définie comme l'activité spécifique d'une masse donnée de l'étalon international ;
- vérification de la sensibilité du lysat : la sensibilité est définie comme étant la concentration
minimale d'endotoxine qui donne un gel solide dans les conditions de l'essai. Cette sensibilité est testé
en présence et en absence du produit à examiner. Il ne doit pas exister de différences significatives
entre les deux valeurs obtenues. Elle est exprimée en unité d'endotoxine par millilitres.
Il est nécessaire de démontrer que l'échantillon n'est ni inhibiteur, ni activateur (facteurs
d’interférence). Le phénomène d'inhibition se traduit par une diminution apparente de la sensibilité du
lysat, l'activation quant à elle va se traduire par une augmentation apparente de celle-ci. L'hypothèse
nulle (absence de facteur d'interférence) est acceptée lorsque la sensibilité du lysat, en présence du
produit, n'est pas inférieure à 0,5 fois ni supérieure à 2 fois la sensibilité du lysat seul. Pour pallier à ces
interférences, le moyen le plus courant est la dilution. Lorsque la dilution dépasse un certain seuil
appelé "seuil maximale valide" (MVD), il est possible d'employer d'autres procédés tels que filtration,
dialyse ou addition de substances déplaçant les endotoxines adsorbées. Les procédés employés pour
éliminer ces facteurs d'interférence ne doivent entraîner ni augmentation ni diminution de la teneur en
endotoxines du produit à examiner. Le LAL - RM (LAL Reactive Material), interférence positive, est une
molécule non pyrogène qui peut faire réagir le test LAL de la même façon qu'une endotoxine. Le LAL -
RM est une substance qui se retrouve dans les extraits de dialyseurs; on pense qu'il s'agirait d'une
substance provenant d'un phénomène intrinsèque sur les membranes de dialyse. Les protéines
plasmatiques, interférence négative, pourraient se lier aux fragments d'endotoxines, formant alors un
complexe incapable d'activer le LAL [12] [13].
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