Optimisation de l'activité d'homologation
"recyclage" pour les constructeurs automobiles :
Méthodes de contrôle et d'identification du
Véhicule de Référence
Jérémy DURAND*, Dominique Millet**, Pierre Tonnelier***
* DEA Conception de produits nouveaux
** ENSAM Laboratoire de Conception de Produits Nouveaux
*** PSA PEUGEOT CITROEN Service Recyclage
Laboratoire Conception de Produits et Innovation
Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers
151, Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
Jeremy.durand@mpsa.com, domin[email protected], pierre.tonnelier@mpsa.com
RESUME
Au cours des dernières décennies, la prise en compte de la contrainte environnementale dans le cycle de vie des produits
est devenue une préoccupation majeure de notre société. L’industrie automobile est directement concernée par cette
prise de conscience en tant qu’acteur industriel de grande échelle. Les contraintes imposées au secteur sont issues de la
directive européenne 2000/53/CE qui contraint les constructeurs au contrôle du taux de valorisation de leurs véhicules.
En 2007, les objectifs à atteindre seront la fabrication de véhicules valorisables à 95% et recyclables à 85% en masse.
Aujourd’hui les constructeurs sont donc confrontés à des exigences non rencontrées auparavant. Il leur appartient de
mettre en œuvre une véritable politique de suivi des taux énoncés. Dès 2007, les constructeurs devront être capables de
justifier des objectifs de valorisation et de recyclage. Le contrôle de ces objectifs sera régi par une Directive
Homologation fixant la procédure à suivre en matière d’homologation. Cette dernière oblige notamment les
constructeurs à présenter un dossier d’homologation pour chaque silhouette d’un véhicule. Sans cette homologation les
véhicules ne pourront pas faire l’objet d’une commercialisation européenne.
Ce contexte pose deux problèmes aux constructeurs automobiles, celui du contrôle de ces objectifs pendant la
conception et celui de la justification des taux atteints par silhouette. Bien que la Directive Homologation émette des
exigences en matière de justification, elle ne peut s’affranchir des spécificités de chacun des constructeurs et ne peut
donc pas leur imposer des outils génériques de suivi des taux. Il est souhaité que chaque constructeur soit capable
d’identifier le véhicule qui parmi toutes les variantes d’une silhouette représente le plus grand défi en matière de
recyclage, de valorisation et de réemploi. Ce véhicule est appelé « véhicule de référence » et son homologation
entraînera l’homologation, de fait, de toutes les autres variantes de cette silhouette.
La réponse à de telles exigences ne peut se faire que par la création d’outils spécifiques facilitant l’activité
d’homologation. Nous proposons dans cet article, un outil permettant d’évaluer l’impact des choix de conception sur
l’évolution des taux de valorisation et de recyclage.
Après avoir analysé le contexte de l’étude nous énoncerons la problématique de l’identification du véhicule de
référence. Puis nous présenterons la solution que nous avons élaborée pour répondre à cette problématique ; solution
basée sur une approche modulaire du produit automobile. Nous conclurons sur les gains apportés par cet outil dans
l’exécution de l’activité d’homologation imposée aux constructeurs. Pour enfin présenter les éventuelles perspectives à
donner à ces outils en vue de l’émergence d’une politique proactive de développement durable chez les constructeurs
automobiles européens.
MOTS CLES
Automobile, valorisation, homologation, conception, architecture produit
1. INTRODUCTION
La préservation de l’environnement est un thème d’actualité qui touche tous les secteurs industriels et plus
particulièrement le secteur automobile. La prise en compte de l’impact environnemental dès la conception
des véhicules est devenue une nécessité. Les premières actions ont été menées dans le sens de la réduction
des émissions de polluants avec notamment l’apparition des essences sans plomb. Puis les problématiques
d’allégement des véhicules ont été au centre des préoccupations. Aujourd’hui le cadre réglementaire s’est
renforcé avec la mise en place depuis 2000 d’une Directive concernant le traitement des véhicules en fin de
vie, les Véhicules Hors d’Usage (VHU). Cette Directive Européenne impacte un nombre important de
thèmes comme celui de la suppression des substances dangereuses (Cr6, Pb, Cd, Mg) contenues dans le
véhicule ou bien encore la dépollution des véhicules en fin de vie. Les exigences qui y sont présentées
concernent autant les constructeurs automobiles que les acteurs du traitement des VHU. Parmi ces items,
nous nous intéresseront plus particulièrement à celui lié à l’homologation des véhicules par rapport à leur
aptitude au recyclage.
1.1. Le traitement des Véhicules Hors d’Usage
Le traitement d’un Véhicule Hors d’Usage fait intervenir de nombreux acteurs [Tonnelier 02] : démolisseurs,
recycleurs, broyeurs. La coordination de ces acteurs ne peut se faire que par le soutien d’un modèle
économique viable. Mais, comme le montre Aggeri [Aggeri 98], l’unique motivation économique ne suffit
pas à pérenniser la gestion des Véhicules en Fin de Vie. Un cadre réglementaire a été mis au point pour
coordonner et réglementer l’activité des acteurs qui interviennent dans le cycle de vie du produit automobile.
Le traitement des VHU est assuré par deux acteurs, le démolisseur qui assure la dépollution (retrait des
liquides, batteries, pneus, etc…) et le démontage des pièces destinées à alimenter le marché de l’occasion et
le broyeur qui traite la carcasse du VHU, sortant du démolisseur, en vue d’en récupérer la matière. Ces deux
acteurs récupèrent de la matière qui sera soit recyclée ou réemployée (pièces d’occasions) soit valorisée
(récupération d’énergie issue de la combustion des matériaux) soit mise en décharge.
Les objectifs attendus en matière de réemploi, recyclage et valorisation des matières d’un VHU sont
aujourd’hui réglementés par la Directive Européenne 2000/53/CE
1.2. La Directive Européenne 2000/53/CE
La Directive Européenne 2000/53/CE fixe des objectifs précis à atteindre en matière de traitement des
véhicules. Ces objectifs sont le taux de recyclage et le taux valorisation. Au regard de cette Directive, il est
attendu qu’en 2007 les constructeurs justifient de l’atteinte par leurs véhicules d’un taux de valorisation de
95 % et d’un taux de recyclage de 85 %. Cela signifie que 85% de la masse du véhicule devra être constituée
de matériaux recyclables et 95% de matériaux valorisables
1
. L’affectation des matériaux à la catégorie
recyclable ou valorisable se fait au regard des technologies de recyclage existantes au moment du calcul. Il
appartient donc au constructeur d’assurer une veille sur les technologies de recyclages afin qu’il puisse
actualiser sa liste de matériaux à considérer comme recyclables.
La mise en application de ces critères par les constructeurs a contraint la commission des communautés
européennes à rédiger une proposition de directive concernant l’homologation des véhicules. Ainsi les
constructeurs ont pour obligation de montrer que leurs véhicules respectent bien ces critères au cours d’une
procédure d’homologation. Sans cette homologation les véhicules ne pourront être commercialisés.
1.3. Procédure d’homologation
Cette procédure d’homologation est définie par une Directive Homologation précisant l’item homologation
de la Directive Européenne 2000/53/CE. Cette Directive Homologation indique que tous les véhicules
commercialisés ou en cours de commercialisation en 2007 feront l’objet d’une homologation. Cette
homologation aura pour objectif de s’assurer du respect par les véhicules des objectifs énoncés dans la
Directive Européenne 2000/53/CE. Concernant le calcul des taux théoriques de recyclage et de valorisation
des feuilles de calcul au format ISO seront soumises à l’autorité compétente en matière de réception. Les
1
La connaissance des matériaux appartenant à chacune de ces catégories n’est pas nécessaire à la compréhension du
travail de recherche présenté dans cet article.
feuilles de calcul sont réglementées par une norme ISO (ISO 22628), le mode de calcul utilisé est basé sur la
répartition des matériaux du véhicule en plusieurs catégories. Pour réaliser le calcul du taux de recyclage ou
de valorisation, il est indispensable de bien connaître la composition en matière du véhicule. Il est également
obligatoire de disposer de la somme des masses de chacune des catégories de matériaux.
Par souci de simplicité les organismes d’homologation souhaitent que les calculs détaillés de ces taux soient
limités à un véhicule véhicule dits de référence. Ce véhicule sera choisi parmi les versions d’un type et
devra être celui qui constitue le plus grand défi dans le domaine des possibilités de « réutilisation », de
« recyclage » et de « valorisation ». Eu égard à cette exigence, PSA Peugeot Citroën devra être capable
d’identifier ce véhicule parmi les autres versions d’une même silhouette de véhicule. Un dossier
d’homologation devra être constitué pour chacune des silhouettes d’un type. Il sera composé du bilan précis
des masses et matière du véhicule de référence préalablement identifié. La Figure 1 précise les principes de
l’homologation énoncés plus haut.
Figure 1: Homologation par type (ex: 206)
Conformément aux indications fournies par la Directive Homologation, l’homologation recyclage des
véhicules portera sur une seule version d’un type. Ainsi pour un véhicule comme 407, il sera nécessaire de
réaliser deux dossiers d’homologation, le premier pour la berline 5 portes et le second pour le break. Tandis
que pour un véhicule du type 206 (Figure 1), il sera nécessaire de réaliser un dossier d’homologation pour les
silhouettes 3 portes, 5 portes, break et coupé cabriolet. Le nombre de dossier d’homologation est fonction du
nombre de silhouette d’un véhicule. Comme indiqué sur la Figure 1, il existe un certain nombre de
motorisation et de niveaux de finition pour chaque silhouette. Ces éléments variants ont une influence
particulière sur le taux de recyclage global du véhicule. Pour identifier le véhicule de référence pour chacune
des silhouettes il faut identifier les éléments qui varient afin d’analyser l’impact de leur variation. Il y a
autant de versions possibles d’une silhouette qu’il y a de combinaisons de moteurs et de niveau de finition.
Type : 206
Versions
Dossier
d’homologation
Silhouette A
Dossier
d’homologation
Silhouette B
Dossier
d’homologation
Silhouette C
Dossier
d’homologation
Silhouette D
Silhouette : 5
portes
Dans le cas de la silhouette 5 portes de 206 (silhouette A sur Figure 1) il existe en réalité une trentaine de
versions. Il faut donc identifier « le véhicule de référence » parmi toutes ces versions
Bien que l’identification du véhicule de référence paraisse simple en théorie de part son caractère
calculatoire, l’environnement industriel dans lequel cette exigence intervient génère de la complexité. Dans
la suite de cet article nous allons, tout d’abord, analyser le contexte du travail de recherche pour ensuite
énoncer la problématique et ses enjeux. Nous proposerons ensuite une réponse à cette problématique et
aborderons les questions relatives à sa mise en application. Nous exposerons les gains attendus grâce à la
méthode développée. Puis nous terminerons en explorant les perspectives à donner à ces travaux.
2. PROBLEMATIQUE
L’identification d’un véhicule de référence est, comme nous l’avons vu plus haut, nécessaire à
l’homologation d’une silhouette de véhicule. L’organisme d’homologation souhaite disposer du calcul
détaillé de la version déterminée comme étant le véhicule de référence et connaître le mode d’identification
du véhicule de référence. Les calculs détaillés du taux de recyclage et de valorisation devant être limités au
véhicule de référence, il est nécessaire de disposer d’un outil d’identification qui évite de réaliser le calcul
des taux pour chacune des versions d’une silhouette. L’outil permettra de s’affranchir de la complexité liée
au calcul du taux de recyclage, au produit automobile ainsi qu’à l’organisation dans laquelle il sera mis en
application.
2.1. Complexité liée au calcul du taux de recyclage
Le calcul du taux de recyclage et de valorisation est soumis à la norme ISO 22628. Cette dernière fixe le
mode de calcul à suivre et est basée sur une répartition des différentes familles de matériaux qui composent
le véhicule et de leur allocation dans différentes catégories (matériaux recyclables, matériaux valorisés
énergétiquement et matériaux mis en décharge). Pour la suite de notre étude nous considérons que le plus
grand défi en matière de réutilisation, de recyclage et de valorisation peut être apprécié par le suivi unique de
l’évolution du taux de recyclage. Aussi dans la suite de cet article nous nous focaliserons uniquement sur
l’étude de l’évolution de ce taux de recyclage. Toutefois la méthode proposée dans cette article peut être
appliquer au suivi du taux de valorisation.
Prenons pour exemple le véhicule nommé 407, ce dernier dispose d’une composition en matière présentée en
Tableau 1. Si l’on décide de modifier ce véhicule en remplaçant l’intégralité de sa structure actuellement en
acier par une structure en aluminium. Et si l’on considère que ces deux matériaux disposent de propriétés
équivalentes en terme de recyclage, on aurait tendance à penser très logiquement que ce changement est sans
effet sur le taux de recyclage. Or si l’on considère que ce changement de conception n’affecte que très peu le
volume de la structure, du fait de propriétés mécaniques équivalentes entre l’acier et l’aluminium à volume
constant. Il est clair que le poids de celle-ci est fortement impacté. Considérons que le volume de cette
nouvelle structure soit quasiment identique et que le ratio entre la masse volumique de l’acier et la masse
volumique de l’aluminium soit de 2 . La masse de la structure en acier étant initialement de 330 kg alors la
masse de la nouvelle structure devient égale à 220 kg pour la structure en aluminium. Dès lors on constate
que bien que le nouveau matériau dispose des mêmes qualités en matière de recyclage, l’effet de sa masse
volumique va modifier sans conteste la part de matériaux recyclables du véhicule et par conséquent modifier
le taux recyclage. Dans ce cas précis, l’effet sur le taux de recyclage est important puisque ce dernier passe
de 88% à 80.5%. Si en apparence les changements d’une telle structure semblent faibles, en pratique le taux
de recyclage du véhicule baisse de 7.5%.
L’unité du tableau
Matériaux recyclables
Matériaux non recyclables
est le kg
Eléments
dépollués
PP
PE
Verre
Divers
Plastique
Elastomère
Taux de
recyclage
Variante composée
d’une structure en
acier de 330kg
155
12
80
45
62
95
26
88 %
Variante composée
d’une structure en
aluminium de
220kg
155
12
80
45
62
95
26
80.5 %
Tableau 1 : Evolution du taux de recyclage par le changement de matériau de la structure en acier
Le calcul du taux de recyclage s’effectue en divisant la somme des masses de matériaux recyclables par la
masse totale des matériaux. Aussi il apparaît nécessaire de recourir à un outil d’aide à l’évaluation de
l’influence des choix de conception sur le taux de recyclage. Car la compréhension des mécanismes qui
régissent l’évolution du taux de recyclage devient complexe lorsque de nombreux sous ensembles du
véhicule évoluent.
2.2. Complexité intrinsèque au produit automobile
Les constructeurs automobiles diversifient, de plus en plus, leur offre de produits. Aujourd’hui, pour chaque
silhouette d’un véhicule le client est maître des caractéristiques optionnelles de ce dernier. Il peut donc
envisager un nombre important de combinaisons pour le véhicule qu’il souhaite acquérir. Les combinaisons
sont toutefois limitées par les associations techniques possibles. Il est, par exemple, impossible de souhaiter
disposer sur son véhicule, et de jantes en acier et de jantes en aluminium, dès lors, un choix doit être réalisé.
En résumé, pour une silhouette donnée il existe une multitude de combinaisons possibles en fonction des
options pouvant être installées sur la silhouette en question, pour la silhouette « 307 5 portes » le nombre de
versions est approximativement à 50.
Le rôle principal des constructeurs automobiles est un rôle d’intégration. La majorité des éléments qui
composent un véhicule sont fabriqués par des fournisseurs. Les stratégies de sous-traitance de l’automobile
ont conféré depuis quelques années une liberté grandissante aux fournisseurs dans la conception des sous-
ensembles. Dans le futur, ces fournisseurs seront amenés à fournir des sous-ensembles regroupant de plus en
plus de fonction. Le véhicule pourra être découpé en modules de tailles variables. La modularité du produit
automobile témoigne de sa complexité. Le rôle principal des constructeurs sera donc un rôle d’intégration et
de synthèse de ces modules. Pour notre travail de recherche, il est préférable de considérer le véhicule n’ont
plus comme un objet unique mais plutôt comme un assemblage de modules de plus en plus complexes. Ces
modules disposent d’un taux de recyclage qui leur est propre. Il est ainsi possible de simplifier
l’identification du véhicule de référence en procédant par approche modulaire.
Figure 2: Schématisation du principe de décomposition modulaire
Véhicule Complet
Toit Ouvrant
Climatisation
Finition intérieure
Motorisation
Répartition matériaux
Taux de
recyclage 82 %
Taux de
recyclage 90 %
Taux de
recyclage 80 %
Taux de
recyclage 95 %
Métaux
Verre
Plastique
PE
PP
Elastomère
Divers
Eléments
dépollués
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