EEC Congrès Budapest 2004 Antonio Scattolini:
A la recherche de l’harmonie établie lors des célébrations chrétiennes
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A LA RECHERCHE DE L’HARMONIE ETABLIE LORS DES
CELEBRATIONS CHRETIENNES
C’est une musique qui t’accueille dès le début. Parfois il s’agit d’un chant liturgique
catholique que tu connais bien ; parfois d’un air prenant et émouvant de l’un des chorals de
Bach ; d’autres fois d’un hymne ayant une harmonie ancestrale, une ambiance orientale et un
contenu théologique profond. Tu es dans une église décorée ou dans un temple austère. Tu es
entouré de gens qui te sont familiers et d’autres dont le visage t’est inconnu. Au fond de
l´espace il y a une table et trois chaises sont assis le père Antonio, curé catholique, Leticia
pasteur de la Communauté vaudoise, et père Gabriel, prêtre de l´Église Orthodoxe Roumaine.
Ils ont l´air de se connaître bien. Leurs regards et leurs gestes témoignent de l´amitié et de la
sympathie. Les trois adressent à l’assemblée leur salutation initiale et la rencontre peut
commencer. Les personnes présentes dans l´église commencent à lire un psaume : c´est la
voix du peuple de Dieu, dont les membres prient ensemble. Un lecteur proclame ensuite un
texte de l´Évangile, puis on garde le silence pour quelques minutes. Leticia se lève et propose
son sermon à partir de la Parole de Dieu. La tradition des Églises Réformées met l´accent sur
l´écoute des Écritures et sur leur place centrale dans la célébration. Pour ces raisons c´est elle,
pasteur vaudois, qui prend la parole en premier. Sa réflexion devient un écho de l’Évangile
selon la sensibilité protestante. Letícia approfondit chaque fois un passage de catéchèse
christologique: Jésus est le fils bien aimé du Père (Transfiguration), le Maître assis à la table
de la Cène, le Messie crucifié etc. Pour certains parmi les fidèles catholiques et orthodoxes
c´est la première fois qu´ils entendent une homélie de la part d´un pasteur protestant: la Parole
du Dieu annoncée par des paroles humaines d’un ministre d’une Église différente. Après le
discours de Letícia c’est le père Gabriel qui prend la parole. C´est magnifique de le voir se
lever dans son habit long et noir, dans sa soutane avec le chapeau typiquement orthodoxe sur
sa tête. La couleur dominante de son habit c´est le noir. Par contraste, il tient dans sa main une
icône aux couleurs éclatantes représentant la Transfiguration, la Cène et la Crucifixion. Tout
le monde dans l´église a reçu la copie en couleur de cette icône. Père Gabriel explique la
partie lue de l´Evangile à l´aide des icônes. Son interprétation est à la fois semblable et
pourtant tout à fait différente de celle de Leticia. Rencontre après rencontre, les icônes nous
font goûter par leur héritage extraordinaire la saveur de la synthèse de la foi contenue dans ces
images de l’Église d’Orient. Ces images surgissent de l´écoute de la Parole, de la célébration
de la liturgie divine, de la transmission de la théologie et de la littérature des pères de l´Église
des premiers siècles du christianisme. Sur la même feuille, à côté de la copie de l´icône
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orthodoxe il y a celle un chef d´oeuvre chrétien occidental que l´on pourrait dire
«catholique ». C´est au père Antonio de parler après le père Gabriel. Son discours commence
par quelques remarques historico-critiques, soulignant la dimension exégétique de l’œuvre
d’art concernant la péricope évangélique. Les gens commencent à se rendre compte petit à
petit qu´il s’agit de chefs d´œuvre qui interprètent la Parole de Dieu d´une manière
extraordinaire, de telle sorte que finalement ils deviennent de vraies homélies en couleurs.
Malheureusement il y a beaucoup de personnes qui n´ont jamais appris de leur vie à lire les
images et donc il leur manque aussi l’aptitude à « écouter par les yeux». Dans le cas
quelqu’un les introduit dans ce monde de « apocalypsis cum figuris» (révélation par des
images), ils découvrent leur foi dans les images. Les ministres des trois communautés
chrétiennes de Vérone ont présenté le même texte de trois points de vue différents, qui se
renvoyaient l’un à l’autre convergeant vers le même mystère de Jésus Christ. Après cela on
laisse un temps de parole aux participants : ceux-ci peuvent réagir librement : poser des
questions, prier, exposer leurs propres pensées et rendre témoignage du rapport entre
l’Évangile et leur propre vie. C’est un événement extraordinaire de voir que les fidèles des
Églises différentes qui d’ordinaire sont sur des chemins parallèles, lors de cette rencontre
partagent les uns avec les autres la richesse de leurs traditions : paroles, images, chants et
théologies! Le dialogue n´est plus un rêve, il devient connaissance, reconnaissance et
appréciation des différences!
Cette rencontre dont je vous ai parlé est l’une des étapes d’un parcours nommé
«Symphonie des célébrations chrétiennes». Pour nous de Vérone, elle a été une nouveauté
suscitée par le Saint Esprit. C’est la deuxième année que l´on travaille ainsi. idée vient du
Service Catéchétique Diocésain, du service du Dialogue et de l’Oecuménisme et du Diocèse
de Vérone. Don Antonio, directeur, a fait ses études à Paris à l’ISPC, et c´est qu´il a
rencontré Regine du Charlat, directrice de l´Institut des Arts Sacrés lors du cours
« Communication de la Foi». Ensemble ils ont approfondi un rapport nouveau entre art et
catéchèse. Voyons ce qui est à la base de cette expérience.
Nous nous sommes po la question : « Pourquoi ne pas essayer un parcours
catéchétique à partir de notre riche tradition iconographique comme lieu de synthèse de notre
foi en Jèsus Christ ? Pourquoi ne pas intégrer dans notre dialogue le voir et l’entendre?
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Personne n´a jamais dit que la voie unique pour vivre le mystère du Christ dans notre cœur
c´est l’ouïe et le raisonnement rationnel.”
1
.
Tout au début on n´a visé que l´Eglise Orthodoxe par cette idée, mais finalement on a
décidé d´en informer aussi Letizia, pasteur de la communauté vaudoise. Après de nombreux
entretiens avec les chefs de trois communautés chrétiennes de la ville et avec l’accord du
vicaire chargé de la pastorale nous avons fixé les buts suivants:
- créer un espace les rencontres oecuméniques pourraient avoir lieu en plus
de la semaine de prière en faveur de l´unité des chrétiens;
- partager le chemin christologique et catéchétique en se concentrant sur les
textes de l´Évangile lus à l´occasion des fêtes;
- trouver des moyens pour que des adultes s’écoutent et partagent leur foi avec
leurs diversités;
- présenter et partager la beauté des différentes créations artistiques, en mettant
au centre du dialogue le fait que l’art est une expression sans mot, réalité
spéciale «capable de détruire les distances considérables et de lier les réalités
tout à fait différentes».
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Toutes les rencontres sont des dialogues trilatéraux avec les trois dimensions, que sont
le texte, l’image et la foi, en vue de nous enrichir d’expériences et de compréhensions dans la
vie de foi. L’un des participants disait ceci : « C’est magnifique dans notre catéchèse
oecuménique de découvrir un geste, un regard, un détail dans l’une ou dans l’autre oeuvre
iconographique et de nous rendre compte en même temps que ces détails font partie du texte
de l’Évangile présenté, mais que nous ne les avions jamais remarqués. C’est ainsi que l’image
reflétant le texte, touche directement notre vie ».
Afin de pouvoir comprendre l´image aussi bien que le texte, il ne faut remplir qu´une
seule condition: contempler l´image avec la même attitude sérieuse que s´il s´agissait de la
lecture d´un texte classique ou de l´étude critique d’un document que nous devons situer sur
le plan historique. De cette manière les images comme la musique sont devenues de vraies
points de rencontre, de dialogue entre l’Évangile et la vie des chrétiens, et de plus le berceau
d’une rencontre plus riche que celle établie seulement sur des mots, parce qu’elle est centrée
sur la sensibilité et les émotions comme voie de connaissance et de réflexion. La redécouverte
de l´iconographie occidentale et orientale a permis aux participants (environs 50-60
1
Voir: Rahner, K. La société humaine et l’Église du lendemain, Cinisello Balsamo (Mi) 1986, p. 455-490.
2
BRUNER, J. La connaisance. Études sur la main gauche, Milano 2000, p. 96.
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personnes) de (re)lire l’Évangile dans toute son épaisseur « charnelle/sensible» comme le seul
lieu de rencontre entre l’homme et le Dieu de Jésus Christ. Pour ces raisons, on a choisi des
oeuvres de différentes époques (Moyen Age, Renaissance, époque Baroque et Moderne) et de
différents pays (italien, flamand, français, grec, russe, roumain) afin de montrer la diversité
extraordinaire des expressions artistiques avec leurs différentes sensibilités.
La tradition protestante est caractérisée par le manque général des images, c’est ainsi
que nos frères vaudois sont gênés dans ce domaine, mais en revanche l’idée leur est venue
d’offrir leur héritage musical unique, s’exprimant surtout dans les chorales de Bach, qui
donnent à leur liturgie austère un ton particulier. Il ne faut pas oublier que les rencontres ont
eu lieu toujours à des endroits différents, permettant ainsi aux chrétiens d’être reçus dans les
églises de chacune des confessions. Ceci a ajouté une autre dimension à leur partage!
On peut constater que l’émotion esthétique est devenue le paradigme et le lieu du
dialogue de cette catéchèse oecuménique. La contemplation des images, le fait d´éprouver une
émotion spirituelle lors de l´écoute d’un choral ont rendu possible l´acquisition de ritables
et de profondes expériences tout à fait différentes d’une seule approche intellectuelle. A
l´occasion de ces rencontres on a découvert que la sensibilité est probablement l’expérience
essentielle d’une communauté vivante et non seulement centrée sur la dimension réflexive.
L’émotion sensible nous nous a appris beaucoup de choses. On peut dire que l’émotion
esthétique a eu une force révélatrice particulière par laquelle les fidèles se sentaient
particulièrement « dévoilés» les uns par rapport aux autres. est vrai qu’on a du donner des
noms aux sentiments et exprimer leur signification par des paroles, mais en même temps il ne
suffisait pas de les expliquer, il fallait les vivre. Il fallait qu´ils quittent la catégorie des
notions et deviennent réalité, de «chair et de sang ». Pour pouvoir éprouver ce dont on vient
de parler, les participants ont du suivre les chemins de la création artistique. On peut donc
parler d´une sorte spéciale de connaissance et de dialogue qui a atteint le public mais pas
uniquement par l´intermédiaire de notions ni d’éléments objectifs. C´était une expérience
peut-être moins «explicative» mais certainement plus « impliquante» au niveau du dialogue
entre croyants. Cela nous fait peur au niveau théologique et souvent on le disqualifie. Les
émotions vécues ont révélé aux participants quelque chose d’essentiel sur eux-mêmes et sur la
réalité de leurs différentes communautés. C´est ainsi que les connaissances mutuelles des
participants ont atteint un niveau plus élevé. La beauté éprouvée a été une grâce divine, une
récompense extraordinaire. Les chefs d´œuvre artistiques choisis témoignaient sans mots du
don grâcieux «sans intérêt» et de la gratuité de l´existence infinie de Dieu qui a entaun
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dialogue avec nous «parce qu´il vit que cela était bon»
3
. « Être bon» c´est une expression qui
exprime une émotion! Alors bien avant son analyse, l’œuvre d’art était là, face aux
participants, comme un don, comme un événement, comme une manifestation de la foi qui
émerveille et qui appelle à la question du sens. Dans toutes les rencontres l´art était devant
nous, comme le visage d’un chrétien d’une autre église qui me regarde et m’interpelle sans
rien dire, tout en exprimant beaucoup. On ne peut pas le dire avec précision, mais il y a du
sens en tout cela. Et ce sens est vrai puisque les tableaux ont regardé les participants comme
on regarde le visage d’un autre.
Les oeuvres artistiques ont révélé plusieurs niveaux de signification renvoyant à la dimension
symbolique, que revêt la technique et la créativité humaine. Les symboles nous donnent à
réfléchir et à dialoguer. On pourrait continuer à réfléchir sur l’effet des images qui a rendu
visible l’invisible. L´art nous a touché, nous a ébloui et remis en questionil est devenu le
point de départ d’un processus de changement de représentations formées dans chaque
tradition ecclésiale. (…)
Par conséquent on a eu la possibilité de découvrir de nouvelles perspectives pour vivre sa foi
qui n’auraient pas pu naître sans la rencontre avec l’œuvre d’art de l’autre tradition . Nous
avons ainsi expérimenté que l’art a eu le pouvoir d’augmenter « iconiquement » l’expérience
indicible de la foi chrétienne. Geneviève Hébert donne une définition pour souligner
l’importance de la présentation d’un chef d’oeuvre: «Contre l’habitude et l’objectivation
distanciée, contre l’instrumentalisation utilitaire, l’œuvre porte au jour le monde intérieur
d’une expérience émotionnelle qui bouscule le déjà connu, le trop connu, et ouvre un autre
chemin de connaissance ».
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C’était l’art qui avant de se révéler, nous a fait bénéficier de notre
propre révélation en nous dévoilant les uns devant les autres. Selon Ricoeur cela remet en
question la conception classique de vérité comme «adequatio» au réel, étant donnée que l’art
ouvre son chemin vers la réalité suivant sa propre logique. L’art possède une importance
incontestable dans le domaine de la pensée et du dialogue et cela concerne aussi la théologie,
notamment en ce qui concerne la relation « corps-esprit ». Contrairement à tout spiritualisme
et intellectualisme désincarné, les images ont visé les yeux du « cœur croyant » par les
émotions esthétiques suscitées ; le corps a pu devenir ainsi le lieu de l’expression explicite de
nos pensées intimes. Les participants, réconciliés avec eux-mêmes, ont appris à dialoguer per
la médiation du corps. Ainsi les œuvres ont pris une valeur sacramentelles.
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3
Voir: DEI VERBUM 2: "Placuit Deo..."
4
AA .VV., Ratio Imaginis. Esperienza teologica, esperienza artistica, Firenze 2001, p. 110.
5
Idem p. 111.
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