Juillet 2003 n°208
Une version plus complète de ce bulletin est accessible sur le site de l'INRA www.inra.fr. sous son nom dans :
Information Scientifique et Technique puis Publications INRA en ligne.
Le signe ### dans cette version papier indique quelques développements supplémentaires ou des commentaires
additionnels consultables dans la version électronique. André BERKALOFF
e-mail : andre.berkaloff@igmors.u-psud.fr
Concepts et Techniques
1. On trouve chez la levure trois gènes codant des
sous-unités de la protéine catalytique de la
télomérase
La télomérase comprend une protéine catalytique
qui est une réverse transcriptase associée à un ARN.
Chez la levure et chez les Ciliés, la lomérase
fonctionne en permanence, tandis que chez l'homme,
par exemple, son activité est régulée et limitée aux
tissus en fort renouvellement.
Chez Euplotes, deux sous-unités ont été identifiées.
Deux des trois protéines caractérisées dans l'activité
de la télomérase, Est1 et Est3 (Ever shorter telomers)
sont des éléments régulateurs. La question est de
savoir si ces protéines régulatrices se retrouvent chez
les autres eucaryotes. V Lundblad; Current Biology 13
(13MAY03) R439-441 analyse un certain nombre
d'articles traitant de ce sujet. La régulation positive
par Est1 se retrouve partout. Il y en a même, trois
versions chez l'homme dont deux, hEST1A et
hEST1B (h pour human) sont effectivement associées
à la régulation de la télomérase. Curieusement une
surexpression de hEST1A entraîne une réduction
des télomères et des fusions chromosomiques
létales, mais cet effet est inversé en co-exprimant la
sous-unité catalytique de la télomérase.
L'une de ces protéines EST1 humaines, non
seulement participe à l'allongement des télomères,
mais encore les protège ensuite. Ceci est également
vrai pour Schizosaccharomyces cerevisiae.
Est1 de la levure sert probablement d'adaptateur
entre la sous-unité catalytique et la protéine Cdc13
fixée sur le chromosome. Curieusement la
télomérase est présente dans la chromatine
télomérique, même quand elle est inactive, ce qui
suggère qu'elle y est séquestrée dans la partie
subtélomérique et rendue active uniquement à la fin de
la phase S par recrutement par Est1 et Cdc13. Les trois
Est1 humaines se partagent-elles les fonctions de
l'Est1 de la levure?
On trouvera dans Z Karamysheva et al.; Cell 113
(30MAY03) 565-576, un article sur la reformation des
télomères dans le macronucleus du Cilié Euplotes
crassus. Un commentaire de G Cristofari et al.;
p.552-554 complète cette analyse. Usuellement tout
chromosome rompu donne lieu à une délétion
terminale (faute de centromère) avec reconstruction de
télomères, mais la cellule évite usuellement cette
situation. Les coupures doubles-brins peuvent, en
effet, être réparées par fusion non homologue bout à
bout, soit par recombinaison homologue. Les Ciliés
ont choisi, pour leur macronucléus, une
fragmentation chromosomique avec amplification,
ce qui suppose une reconstitution de néo-télomères.
Ils utilisent, pour ce faire, des isoformes de la réverse
transcriptase de la télomérase, comme cela vient
d'être montré. Euplotes possède trois gènes de cette
TERT (TElomerase Reverse Transcriptase) avec des
patrons d'expression différents. TERT-2 n'est exprimé
que lors de la formation du macronucléus.
L'activation de son gène est assurée par l'excision
d'un ADN non codant qui interrompt la séquence
dans la version micronucleus. Quand le macronucléus
est complet le gène est éliminé.
   
2.On trouvera dans J Zhang; Trends in Ecology &
Evolution 18 (JUN03) 292-298, une revue sur
l'évolution des gènes dupliqués, basée sur les travaux
de l'auteur, mais les plaçant dans un cadre général. Ce
n'est évidemment pas la première revue sur le sujet
depuis la livre de S Ohno "Evolution by Gene
Duplication, Springer (1970)", mais on y trouve des
données intéressantes, car on dispose maintenant de
nombreuses données de séquences génomiques plus
ou moins complètes, qui permettent de donner un
support aux cogitations théoriques.
Ces duplications sultent de crossing-over
inégaux qui engendrent des duplications plus ou
moins complètes avec maintien des introns en tandem
et de rétrotranspositions qui se traduisent par des
insertions plus ou moins au hasard avec disparition
des introns et des séquences régulatrices. Les
duplications par rétrotransposition ne peuvent
englober plusieurs gènes adjacents et, pourvues de
séquences régulatrices, ne peuvent être exprimées,
sauf dans les cas le hasard fait que l'insertion est
placée en aval d'un promoteur. Elles donnent
immédiatement un pseudogène (non expriet libre,
de ce fait, d'évoluer sans contraintes). .
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Ces duplications donnant ce que l'on appelle des
gènes paralogues, ont une fréquence très variable, ce
qui indique que leur prolifération est probablement
sélectionnée. Car il faut réaliser que la multiplicité des
gènes des immunoglobulines (avec des dizaines de
gènes) ou des cepteurs olfactifs en constituent des
exemples extrêmes.
Le millier de gènes de récepteurs olfactifs est un
exemple intéressant, car si la souris possède le même
nombre de gènes de ces récepteurs que l'homme (et
probablement les autres mammifères), 60% d'entre
eux ont dégénéré en pseudogènes chez l'homme,
alors que ce n'est le cas que de 20% d'entre eux chez la
souris, dont l'olfaction est un des sens primordiaux,
contrairement à ce qui s'est passé chez l'homme.
Ceci permet d'aborder le sort de ces duplications
au cours de l'évolution.
On a calculé qu'une duplication est stabilisée (on
dit fixée) fonctionnellement tous les 100 millions
d'années chez les eucaryotes, de la levure à l'homme.
La stabilisation d'un gène dupliqué dépend de la
sélection appliquée. Naissance et mort d'un tel gène
sont, certes, un évènement fréquent, mais la survie
dépend de la pression de sélection pour la fonction
assurée. La plupart du temps il y a pseudogénisation,
avec accumulation de mutations diverses amenant la
séquence au stade de séquence toute faite de réserve,
utilisée ou pas et, si elle ne l'est pas, devenant de plus
en plus aléatoire et donc neutre sur le plan évolutif. Il
existerait ainsi un pseudogène pour deux gènes
fonctionnels dans le génome humain. Un gène
dupliqué devient un pseudogène dans les quelques
premiers millions d'années suivant la duplication.
Il arrive, cependant, qu'un pseudogène puisse
assurer une fonction. Il existe un seul gène
fonctionnel de chaîne lourde variable
d'immunoglobulines chez le poulet. La diversité des
immunoglobulines est alors assurée par conversion
génique à partir des pseudogènes situés en amont de
ce gène. Les pseudogènes servent donc de réserve
génétique, bien qu'ils ne soient plus fonctionnels. La
variabilité utilisée est donc celle libérée par la
pseudogénisation (qui n'est pas contrainte du fait que
les gènes ne sont pas exprimés).
Le gène de la ribonucléase pancréatique des
ruminants a subi une duplication qui a eu lieu avant
la diversification des ruminants, il y a 35 millions
d'années. Or, chez les bovins, le gène dupliqué est
exprimé dans la semence et l'enzyme est
fonctionnelle, alors que, chez les autres ruminants,
elle est non fonctionnelle, ou le gène n'est plus
exprimé. Ceci indique que la séquence a très
longtemps été conservée sous la forme d'un
pseudogène avant de récupérer sa fonction chez les
bovins pour une raison inconnue.
La conservation des deux gènes issus de la
duplication peut être sélectionnée dans le cas de
produits géniques nécessaires en abondance. Ce
sont souvent des duplications par conversion génique
(il faut une conservation des séquences régulatrices et
des introns) qui sont à l'origine de ces duplications. Ils
sont alors soumis à une évolution concertée des
séquences, et une purification par sélection évite,
surtout, les divergences.
Une autre issue possible est la
subfonctionnalisation. Pas mal de protéines ont une
double fonction ou une double localisation de
l'expression, l'une majeure, l'autre secondaire. Une
divergence entre les deux copies permet d'amplifier
cette différence car la redondance laisse de la marge
aux variations des séquences. C'est le cas pour les
gènes dupliqués engrailed-1 et engrailed-1b du
poisson-zèbre. Il en existe un seul orthologue chez la
souris avec engrailed-1. Le gène unique de la souris
est exprimé dans les bourgeons des membres et dans
le système nerveux central, alors que ces deux
localisations sont distribuées entre les deux gènes
des poissons osseux.
Un exemple de divergence dans la fonction (issu des
travaux de l'auteur) est celui des singes colobidés. Ces
singes se nourrissent de feuilles, alors que les autres
singes sont consommateurs de fruits ou d'insectes. Ce
sont des "ruminants", qui consomment en réalité les
bactéries qui fermentent les feuilles. Ils possèdent, en
effet, une sorte de panse antérieure. Comme chez les
ruminants, ils produisent beaucoup de ribonucléase
pancréatique (permettant de bien recycler l'azote des
acides nucléiques). Le gène de la RNase1 est dupliq
en RNase1B chez le Colobe asiatique Pygathrix
nemaeus. (voir J Zhang et al.; Nature Genetics 30
(APR02) 411415. Le gène de la RNase1B a évolué
beaucoup plus rapidement que celui de la RNase1, les
substitutions non synonymes (donnant donner un
acide aminé différent) sont, en effet, beaucoup plus
nombreuses dans ce gène que dans sa copie originale
persistante. Reste à expliquer la persistance d'une
duplication fonctionnelle. Ce n'est pas une redondance
parfaite qui a été sélectionnée, mais une adaptation au
pH intestinal relativement acide (pH6,3) de ce colobe
(alors que celui d'un singe Rhésus est de 7,4 à 8) ou la
RNase1B est six fois plus active que la RNase1, alors
que le pH opt est le même avec 7,4 pour les deux
RNases. Par ailleurs, la RNase1 a une autre fonction,
mineure, qui est celle d'une RNase double brin. Cette
fonction est déprimée de 300 fois pour la RNase 1B. Il
y a donc une adaptation et une spécialisation des
deux gènes dupliqués.
On retrouve cette spécialisation dans les deux
opsines tiniennes des primates du Vieux Monde
permettant la perception du rouge et du vert liée à
deux substitutions. Mais ces "néofonctionnalisations"
peuvent comporter de très nombreuses substitutions et
l'on peut se demander quelle a été la fonction de la
protéine entre temps, pour qu'elle ait été conservée.
L'auteur traite ensuite des forces qui sont derrière
ces modifications géniques. La sélection est évidente
quand on observe nettement plus de mutations non
synonymes que de synonymes après la duplication. La
divergence peut résulter de l'apparition d'une nouvelle
fonction, faible mais utile, qui est alors l'objet d'une
sélection positive. Elle peut résulter également de
l'amélioration d'une fonction secondaire préexistante,
qui devient primaire dans un des deux gènes.
   
3.### Un article de chercheurs du TIGR (The
Institute for Genomic Research) discute des apports
respectifs de la "génomique " et des données de
l'évolution: JA Eisen et al.; Science 300 (13JUN03)
1706-1707.
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On commence, en effet, à réaliser comment
similitudes et différences entre nomes ont pris
naissance et quand elles sont apparues. Ces études
sont très souvent rendues possibles uniquement quand
la séquence complète du génome est connue et
inversement certaines études génomiques sont
facilitées par les données évolutives. L'intégration des
deux approches est suggérée par les auteurs
C'est ainsi que l'on pu montrer que les bactéries
hyperthermophiles sont probablement apparues
récemment, que les Microsporidies sont en réalité des
champignons, et non des protistes très anciens.
Les ramifications de l'arbre évolutif peuvent être
utilisées en génomique si l'arbre est solide. Cet arbre
permet de sélectionner l'espèce qui est la mieux
adaptée à une question donnée. Drosophila
pseudoobscura a été choisie pour un séquençage total,
car elle est relativement éloignée de D.melanogaster,
mais permet de repérer les régions régulatrices qui
doivent être relativement conservées. L'arbre évolutif
permet, par ailleurs, de sélectionner des espèces
encadrant les grandes transitions évolutives majeures.
Ainsi des génomes situé de part et d'autre de la
transition Pro-Eucaryotes ont permis d'identifier des
structures géniques absentes des procaryotes et
conservés au sein des eucaryotes. Les auteurs
pensent, ainsi, qu'il serait intéressant de séquencer un
Monotrème (ces premiers Mammifères comme
l'Echidné Echidna hystrix ou setosa, ou le platypus
Ornithorhynchus paradoxus)
Les transferts dits latéraux viennent parfois
perturber la nature ramifiée des arbres
phylogénétiques. Leur existence a bien été confirmée
par les séquençages complets. C'est en particulier, le
cas des îlots de pathogénicité chez les bactéries et
surtout des transferts géniques entre organites
(mitochondries et chloroplastes) et noyau de leurs
cellules hôte (plantes ou Plasmodium). Il faut
cependant se méfier, car de nombreuses anomalies ont
été expliquées un peu vite par ces transferts latéraux.
C'est ainsi que l'on a crû déceler des centaines de
gènes bactériens chez l'homme en 2001, ce qui a été
réfuté par au moins trois publications subséquentes
dès la même année. En réalité il est souvent difficile
d'identifier de tels transferts dans les nombreuses
anomalies de distribution, et ils sont probablement
rares et ils n'ont probablement pas beaucoup modifié
les arbres.
L'utilité de la phylogénie pour la prédiction de
fonctions est notée. Les auteurs reprennent l'exemple
des duplications totales ou segmentaires. L'âge des
duplications est un indice, des duplications récentes
sont souvent liées à un renforcement fonctionnel,
tandis que des duplications anciennes donnent lieu, le
plus souvent, à une divergence (voir §précédent).
   
5.### Les protéines destinées au noyau portent un
signal de ciblage (NLS) correspondant. Elles se lient
à un hétérodimère des importines (alias
caryophérines) et . L'importine reconnaît et lie
la NLS, tandis que l'importine transporte le
complexe à travers le pore nucléaire. La petite
GTPase Ran, qui régule les interactions entre les
récepteurs nucléaires et le fret introduit, assure la
directionnalité du transport. Ran dissocie
l'importine du complexe. Le complexe est alors
réduit à la charge fixée sur l'importine par la NLS.
Les transporteurs sont ensuite recyclés vers le
cytoplasme.
Il existe, dans la partie N-terminale de
l'importine liant l'importine (IBB), une
séquence auto-inhibitrice conservée sur le plan
évolutif qui régule la fixation de la protéine par la
NLS grâce à une obstruction intramoléculaire.
MT Harreman et al.; Journal of Biological Chemistry
278 (13JUN03) 21361-21369.
   
6. Des chercheurs du Memorial Sloan-Kettering
Cancer Center montrent que les SNAREs (Soluble N-
ethylmaleimidesensitive factor Attachment protein
REceptors) qui ont été évoquée à propos de la fusion
des membranes intracellulaires par interaction entre
une protéine de la vésicule (v-SNARE) et de la cible
(t-SNARE) permettent les fusions inter-cellulaires.
C Hu et al.; Science 300 (13JUN03) 1745-1749.
   
Les Productions Végétales
Les gènes et les génomes
7.### Des séquences de divers virus ont été
découvertes au sein des génomes de plantes. Cette
intégration n'a lieu que pour les quelques virus à ADN
des plantes, ou qui ont une phase ADN comme les
rétrovirus. Les séquences intégrées peuvent s'exciser
et donner lieu à une infection dite épisomale.
Trois para-rétrovirus, Banana streak virus (BSV),
Tobacco vein clearing virus (TVCV) et Petunia vein
clearing virus (PVCV), donnent lieu à des infections
épisomales (avec libération de leur ADN) lors de
stress dans certains génotypes de leurs hôtes (Voir
également le Bulletin de Février 2002 §22).
Dans le cas des BSV et TVCV, l'un des parents
doit porter la séquence sans pouvoir donner lieu à son
activation sous forme épisomale, et ce n'est que dans
des hybrides que cela peut se réaliser.
Une revue sur ces séquences intégrées qui
comprennent également les rétrotransposons est parue
avec G Harper et al.; Annual Review of
Phytopathology 40 (SEP02) 119-136.
Le génome du Banana streak virus est présent dans
tous les plants de bananes sains (ce qui exclurait la
possibilité de l'éliminer, comme on l'envisageait, en
1999, des cultivars usuels sans les séquencer
auparavant). On en trouve, en effet, deux classes.
L'une est constituée de séquences partielles qui ne
donnent pas lieu à infection et qui ne sont donc pas
dangereuses a priori. C'est le cas pour les bananes
desserts (par rapport aux bananes plantains). Elles
sont d'ailleurs très divergentes par rapport aux BSV
inductibles, et ressemblent plutôt au Cacao swollen
shoot virus. Les autres sont complètes et sont
probablement la source des infections induites par les
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stress en cultures de tissu (voir T Ndowora et al.;
Virology 255 (15MAR99) 214-220) chez les hybrides
M. acuminata x M. balbisiana. Ces séquences sont
alignées en tandem. Une de ces séquences complètes a
été clonée et elle est interrompue par des
réarrangements multiples. Elles sont insérées à deux
loci. Il est vraisemblable que ce sont des
recombinaisons entre répétitions qui engendrent la
forme épisomale dans ce cas.
Le Tobacco vein clearing virus est exclusivement
transmis à 100% par la graine chez les Nicotiana
edwardsoni (un hybride interspécifique
allohexaploïde entre N.clevelandii et N.glutinosa).
Symptômes et virions apparaissent uniquement dans
certaines conditions.
Une recherche systématique indique que ces
séquences peuvent être exprimées, car on les trouve
dans les banques d'ESTs (marqueurs de séquences
exprimées) chez la pomme de terre, la tomate et
Lycopersicum hirsutum.
Chez les Petunia hybrides probablement issus d'un
croisement P.axillaris ssp. axillaris par P.integrifolia
ssp. inflata, on trouve pratiquement toujours des
séquences du Petunia vein clearing virus (PVCV),
mais elles sont souvent incomplètes. Le cultivar
Himmelsroschen en contient, cependant, une version
complète. La distribution de ces séquences dans le
génome indique qu'elles sont issues de P.axillaris.
Il est évident que ceci doit être pris en compte dans
les études sur la sûreté des plantes, OGMs ou pas
(pensez aux boutures de bananiers commercialisées).
Les séquences existent et l'on ne peut les éliminer des
plantes cultivées, mais on doit déterminer si elles sont
activables ou non.
On peut également se demander s'il n'y a pas
interférence entre ces séquences et des transgènes
qui pourraient les activer. On n'en a encore aucun
exemple. Inversement des virus infectants peuvent
interagir avec ces séquences naturelles, comme on
l'a montré avec un Cotton leaf curl geminivirus. Le
CaMV peut donner lieu à une recombinaison en
laboratoire avec des séquences de transgènes
intégrées au génome, donnant de nouveaux virus,
mais on n'a jamais constaté de telles recombinaisons
dans la nature, et cela doit être très rare.
   
L'expression génique
8. Des ARNs doubles brins ou "short interfering
RNAs" (siRNAs) et des microRNAs (miRNAs)
simple brin participent à la régulation de l'expression
génique chez les animaux. Les premiers interviennent
en induisant la destruction des messagers
strictement homologues, tandis que les seconds qui
dérivent de courts précurseurs doubles brins
imparfaitement homologues de leur cible, et transcrits
à partir de séquences intergéniques endogènes,
freinent la traduction de ces messagers. Chez les
plantes, les deux provoquent le clivage des messagers
homologues (Voir le Bulletin de Février §17). La
protéine SGS2/SDE1, codant probablement une ARN
polymérase ARN-dépendante, permet la production
des siRNAs, tandis que DCL1 et HEN1 participent à
la production des miRNAs..
Le groupe de Vaucheret montre comment, chez
Arabidopsis, SGS2, SGS3 (une protéine de fonction
inconnue), AGO1 (une ARN hélicase) et HEN1 (Hua
ENhancer, une protéine à effets pleïotropes,
intervenant dans la spécification de l'identité des
étamines et des carpelles, mais probablement une
homologue de la RNase Dicer et de Carpel Factory,
voir le Bulletin de Décembre 02 §21) permettent la
production des siRNA impliqués dans la répression
post-transcriptionnelle "sens" des messagers (S-
PTGS) et que HEN1, mais pas SGS2, SGS3 ni AGO1,
contribue à l'accumulation du miRNA endogène de
miR171 et à l'hyperclivage du messager cible
Scarecrow par miR171. Enfin SGS2, SGS3, AGO1 et
HEN1 contribuent à la résistance de la plante au virus
de la mosaïque du concombre, ce qui n'est pas le cas
des siRNA. On peut d'ailleurs découpler les deux
types d'action de HEN1 par mutation. S Boutet et al.;
Current Biology 13 (13MAY03) R843-848.
   
Le développement
9. On commence à voir paraître des données sur la
formation des stomates. Une revue de JA Nadeau et
al.; Trends in Plant Science 8 (JUN03) 294-299 porte
sur ce sujet. Ce sont des produits de divisions
asymétriques et d'une division symétrique dont le plan
est orienté par des informations positionnelles entre
cellules. Contrairement à ce qui se passe pour les
stomates des monocotylédones qui sont disposés en
rangées, ceux des dicotylédones se disposent au
hasard dans l'espace et le temps durant la croissance
mosaïque de la feuille. Arabidopsis a permis de
dégager les règles du développement qui sont
rigoureuses, et celles qui restent flexibles. Ces
divisions assurent qu'il reste toujours une cellule non
différenciée espaçant les stomates.
La caractérisation des mutations dans TMM (TOO
MANY MOUTHS) et SDD1 (STOMATAL DENSITY
AND DISTRIBUTION 1) ont permis d'aborder les
mécanismes de distribution des stomates.
TMM permet la perception ou la transduction des
signaux qui orientent les divisions ou les empêchent.
Il code une protéine de type LRR-RLP (Leucine-Rich
Repeat Receptor-Like Protein). Comme d'autres
récepteurs de ce type, CLAVATA2 par exemple, ce
récepteur ne possède pas de domaine kinase pour
transmettre des signaux, et doit donc être associé à des
kinases.
SDD1 code une protéase de sérine de type
subtilisine. Elle doit cliver ou modifier un signal
protéique. On n'en sait guère plus pour l'instant.
   
11. On s'intéresse beaucoup au développement des
tissus ligneux. Pinus taeda (Loblolly Pine ou Pin à
encens) est un modèle utilisé. Le nome de Pinus
taeda contient 20 000 Mpb contre 125 Mpb pour
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Arabidopsis et 430 Mbp pour le riz. L'idée d'utiliser
Arabidopsis pour élucider ces mécanismes paraît
saugrenue. Et pourtant un article de M Kirst et al.;
Proceedings of the National Academy of Sciences USA
100 (10JUN03) 73837388 compare la formation des
tissus du xylème dans ces deux systèmes et constate
que sur 59 797 ESTs (Expressed Sequence Tags) des
tissus ligneux du pin issus de six bibliothèques
partielles obtenues à partir d'arbres d'âges différents,
90% ayant au moins 1000 pb de long ont des
homologues dans le génome d'Arabidopsis. Des
séquences assez longues sont nécessaires pour
détecter les homologues dans deux plantes ayant
divergé depuis 300 millions d'années, ce qui n'est pas
inattendu.
   
13.### Deux articles des chercheurs du groupe de
Caroline Dean au John Innes Centre décrivent un
mécanisme nouveau, intervenant lors de la floraison
saisonnière, mais d'une portée plus générale.
GG Simpson et al.; Cell 113 (13JUN03) 777-787 et
V Quesada et al.; The EMBO Journal 22 (16JUN03)
3142-3152.
Quatre signaux correspondant à des voies
distinctes régulent la floraison d'Arabidopsis: la voie
des gibbérellines qui est indépendante de la
photopériode, la photopériode (normalement les
jours longs) et la vernalisation (qui exige une
période de froid pour vérifier que l'hiver est passé). La
quatrième voie, dite autonome, correspond à un
signal qui pousse continuellement la plante à
fleurir. Elle est bloquée par un facteur de
transcription codé par FLOWERING LOCUS C
(FLC), qui réprime la transition florale via les deux
dernières voies. Quand cette répression par FLC est
débordée, l'équilibre entre ces voies est rompu et la
floraison est accélérée. FLC est commandé par
plusieurs gènes régulateurs dont FCA, une protéine
liant les ARNs. FCA (il paraît que ce nom n'a aucune
signification) régule la troncature des messagers au
sein de l'intron 3 et la polyadénylation de son
propre messager en association avec FY.
L'article dans Cell indique comment FCA régule
son propre messager. Le messager de FCA existe
sous quatre formes,  et  dont la forme la plus
courte, FCA- et la forme pleine taille, FCA- sont
les plus abondantes. La forme FCA résulte d'une
troncature au niveau d'un site de polyadénylation
situé dans l'intron 3 un codon stop est présent et
cette troncature donne une forme non fonctionnelle
de la protéine. Le maintien de ces deux formes est
indispensable à la floraison (article dans EMBO
Journal).
Il est vraisemblable que FCA recrute FY et tout le
reste de la machine de polyadénylation au site faible
de polyadénylation de l'intron 3 de son propre gène.
Il provoque ainsi une inactivation par troncature en
une FCA (non fonctionnelle), inactivation régulant
la quantité de FCA fonctionnelle.
Cette auto-régulation de FCA est commandée par le
stade de développement. Une surproduction de FCA
permet de déborder la répression de la floraison
normalement assurée par la stimulation de FLC par
l'expression de FRI (FRIGIDA). Voir à ce propos la
revue de CC Sheldon et al.; Current Opinion in Plant
Biology 3 (OCT00) 418-422.
   
14. Le gène de l'acyl-CoA oxydase (ACX4) des
acides gras à courtes chaînes fait partie de la famille
ACX qui assure conjointement la première étape de la
ß-oxydation des acides gras dans les peroxysomes
durant la phase précoce de la germination des plantes
oléagineuses.
On vient de caractériser les fonctions de ce gène par
insertion d'un T-DNA. Les graines des mutants acx4
voient l'activité de l'enzyme baisser de 98%, alors que
le catabolisme des acides gras à chaînes moyennes
n'est pas perturbé. La croissance des plantules n'en est
pas autrement altérée, sauf qu'elles accumulent de
grandes quantités d'acyl-Coa à courtes chaînes et
présentent une résistance à l'acide 2,4-
dichlorophénoxybutyrique, qui est normalement
converti en un herbicide, analogue de l'auxine, l'acide
2,4-dichlorophénoxyacétique par -oxydation. Les
mutants acx3 donnent lieu au même phénomène pour
les acyles à chaînes moyennes. Les doubles mutants
acx3acx4 avortent durant les premiers stades de la
germination, probablement à la suite du
recouvrement des spectres de substrats des deux
enzymes, entraînant une disparition totale de la -
oxydation des acides gras à courtes chaînes.
EL Rylott et al.; Journal of Biological Chemistry 278
(13JUN03) 21370-21377.
   
La Physiologie des Plantes
15. Une série de revues sur le métabolisme des
plantes est parue dans Current Opinion in Plant
Biology 6 (JUN03).Elles sont un peu disparates, mais
basées sur les récents apports de la génomique dans ce
domaine.
JE Lunn et al.; p.208214 (voir §16) discutent de la
synthèse du saccharose et de la complexité croissante
des voies de synthèse de cet élément clé du
métabolisme énergétique des plantes. On a récemment
découvert trois nouvelles familles de gènes de sucrose
phosphate synthase et plusieurs nes de sucrose
phosphate phosphatase. MG James et al.; p. 215
222 (voir le § 17) montrent que l'on n'est pas trop sûr
du nombre des différentes formes d'amidon-
synthases et des enzymes ramifiantes (liaison 1,6).
Les auteurs montrent que, dans l'albumen des
céréales, l'ADP glucose, monomère de départ de la
synthèse de l'amidon est produit dans cytoplasme
puis importé dans l'amyloplaste, contrairement à ce
qui se passe dans les organes de stockage des autres
plantes. Dans l'albumen des céréales, T Ritsema et al.;
p.223230 essayent de dégager la complexité de la
synthèse des fructanes, avec les multiples gènes
impliqués (voir le §19). Enfin PJ Eastmond et al.;
p.231235 analysent les gènes de synthèse du
tréhalose, dont la découverte récente éclaire
l'importance de ce métabolite des plantes. Le
tréhalose-6-phosphate, métabolite récemment
caractérisé semble avoir un rôle décisif dans le
métabolisme des sucres.
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