Sujet de stage : Sensibilité des prairies subalpines de l’Adret de Villar d’Arêne (05) au boisement spontané Equipe d’accueil : Laboratoire d’Ecologie Alpine, CNRS UMR 5553 Université Joseph Fourier Domaine universitaire B.P. 53 F-38041 GRENOBLE CEDEX 9 Responsable du stage: Sandra Lavorel Grigulis, K., Lavorel, S., Davies, I.D., Dossantos, A., Lloret, F., & Vilà, M. (2005) Landscapescale positive feedbacks between fire and expansion of the large tussock grass, Ampelodesmos mauritanica, in Catalan shrublands. Global Change Biology, 11, 1042-1053. Hooper, D.U., Ewel, J.J., Hector, A., Inchausti, P., Lavorel, S., Lodge, D., Loreau, M., Naeem, S., Schmid, B., Setälä, H., Symstad, A.J., Vandermeer, J., & Wardle, D.A. (2005) Effects of biodiversity on ecosystem functioning: a consensus of current knowledge and needs for future research. Ecological Monographs, 75, 3-35. Lavorel, S., Diaz, S., Pausas, J., McIntyre, S., Cornelissen, J.H.C., Garnier, E., Harrison, S.P., McIntyre, J., Pérez-Harguindeguy, N., Roumet, C., & Urcelay, C. (2005). Plant functional types : are we getting any closer to the Holy Grail ? In Terrestrial Ecosystems in a Changing World (eds J. Canadell, L.F. Pitelka & D. Pataki), pp. in press. Springer-Verlag. Lavorel, S., Quétier, F., Gaucherand, S., Choler, P., Clément, G., & Bornard, A. (2004) Past and present land use effects on subalpine grassland species and functional diversity. In European Grassland Federation Congress (eds A. Lüscher et. al.), pp. 287-289, Luzern, Switerland. Thuiller, W., Lavorel, S., Araujo, M.B., Sykes, M.T., & Prentice, I.C. (2005) Climate change threats to plant diversity in Europe. Proceedings of the National Academy of Sciences, 102, 8245-8250. Le stage se poursuivra par une thèse? OUI Dans ce cas, qui en serait le directeur? Sandra Lavorel (HDR) Sous quel type de financement ? Si possible bourse de l’Ecole Polytechnique ou Bourse BDI Sensibilité des prairies subalpines de l’Adret de Villar d’Arêne (05) au boisement spontané 1/ Contexte : La végétation des massifs montagneux est divisée en strates d’altitudes caractérisées par des formations végétales différenciées. Sous nos latitudes, la séparation entre l’étage subalpin (~1600-2300m) et l’étage alpin (~2300-2900m) constitue la limite naturelle des arbres et des forêts. L’étage subalpin qui nous intéresse ici est donc potentiellement un espace à résineux et à ligneux bas, les feuillus étant en théorie confinés en deçà de 1700m d’altitude. L’adret de Villar d’Arêne (05, Hautes-Alpes) qui constitue notre lieu d’étude se situe en bordure des Alpes internes sèches à proximité du col du Lautaret, véritable barrière climatique entre les Alpes du Nord et du Sud. Le climat y est de type sub-alpin avec des températures moyennes autour de -7,4°C en février et 19,5°C en juillet, une pluviosité annuelle moyenne de 956 mm et une durée d’enneigement de l’ordre de 5 à 6 mois par an. L’altitude des prairies est comprise entre 1830m et 2050m (Lavorel et al.2004). Ce lieu d’étude se trouve donc à l’étage subalpin et pourrait de ce fait être un espace forestier à résineux. D’autant plus que ce site est au carrefour de la vallée de la Guisane venant de Briançon, peuplée par le mélèze, le pin cembro et le pin à crochets et de la vallée de la Romanche, montant de Boug d’Oisans, peuplée par le hêtre et l’épicéa. Cependant, les prairies de Villar d’Arêne ont longtemps été activement exploitées. Elles ont été défrichées plusieurs siècles auparavant et ont été épierrées, aménagées en terrasses et labourées, fauchées ou pâturées. C’est cette utilisation passée des terres qui explique l’actuelle distribution de la végétation (Lavorel et al. 2004) et en particulier la dominance de diverses espèces de graminées telles que Bromus erectus, Dactylis glomerata ou Festuca paniculata. Les prairies sont aujourd’hui victime de la crise agricole et de la marginalisation des territoires enclavés peu productifs et ils subissent donc ce que l’on appelle la déprise agricole caractérisée par une sous exploitation voire un abandon des parcelles les plus difficiles d’accès. En particulier, la fauche subsiste aujourd’hui grâce à des obligations des agriculteurs vis-à-vis du Parc National des Ecrins dont la commune de Villar d’Arêne a le statut de zone périphérique et du classement Natura 2000 due à une grande richesse floristique du site. Comme toutes les grandes crises agricoles connues depuis la fin du 19° siècle, la déprise actuelle entraîne la perte de terrain de l’homme sur la nature et la multiplication de ce que l’on appelle les accrus, des zones de transition temporelle entre champ et forêt. Depuis quelques dizaines d’années, les vallées de Alpes ont connu ce phénomène et en particulier, le département des Hautes Alpes a vu entre 1983 et 1995 de l’ordre de 2000 à 4000 ha/an colonisés par des accrus (Curt et al.2004). La composition et la structure des accrus observés dépend de nombreux facteurs et en particulier du contexte écologique, anthropique et végétal environnant. Les enjeux de cet embroussaillement des terres agricoles en déprise sont importants, même si les décisions à prendre face à cette transformation ne sont pas évidentes. En effet, une surface boisée a un intérêt financier aussi bien qu’écologique et peut jouer des rôles de stabilisation du terrain ou du manteau neigeux, tandis que les prairies en cours de disparition sont des milieux d’une grande richesse floristique, d’un intérêt écologique du point de vue de la préservation d’un certain nombre d’espèces d’oiseaux ou de petits gibiers et ils ont l’avantage paysager d’être des milieux ouverts, favorables aux échanges et aux activités récréatives. Le choix d’action face à la multiplication des accrus n’est donc pas simple. 2/ Etudes et évolution : En plaine et à l’étage montagnard, il a été montré que si les éleveurs ne changeaient pas leur pratique pastorale, la propagation des ligneux se poursuivrait et que la plupart des prairies abandonnées se transformeraient en quelques dizaines d’années en formations arborées (Delcros 1993, MacDonald et al. 2003). On retrouve en effet de nombreuses publications de l’INRA et du CEMAGREF sur la végétation méditerranéenne et celle du massif central à ce sujet. En montagne, des vallées comme la vallée d’Abondance (74 Haute Savoie), ou la vallée de la Maurienne (73 Savoie) ont été étudiées a posteriori ou en cours d’enfrichement (Camacho O. 2004, Vanpeene Bruhier S. 1998). Et d’après Camacho 2004, en vallée d’Abondance, 40% de la surface encore pâturée est en cours d’enfrichement. Mais si l’étage subalpin est lui aussi actuellement sous-pâturé, il n’y a pas de modèle de dynamique des ligneux à cet étage, et l’on ne peut donc y faire des prévisions d’évolution. En effet les modèles de basse altitude doivent certainement être réétalonnés pour être prédictifs en altitude pour un certain nombre de raisons : - Tout d’abord les conditions abiotiques en milieux d’altitude sont très différentes de -celles trouvées en basse altitude, les sols y sont balayés par les vents et soumis à des variations de températures très importants, pas toujours favorables à l’installation des ligneux. - D’autre part, Callaway 2002 a montré que les interactions biotiques étaient généralement fortement modifiées, voire inversées à haute altitude et pouvaient donner lieu à des situations de facilitation considérable entre espèces. De ce fait la dynamique d’installation de ligneux en prairies subalpines va donc probablement être différente de celles observées en plaine ou en basse altitude. 3/ Modèles et étude des dynamiques : En plaine, il existe de nombreux modèles couramment utilisés pour les simulations de dynamiques agronome ou forestière. En agronomie, on retrouve le modèle de Balent (Balent et al. 1991) qui détermine la stabilité d’une prairie à partir des excédents de production de biomasse dû à un sous pâturage. Pour l’étude des successions végétales et en particulier en foresterie, on retrouve des modèles de type « pathway models » déterministes ou markovien, qui modélisent le passage d’un type de couvert végétal à un autre, ou des modèles de type « stand models » empiriques ou biogéochimiques qui simulent le passage d’un état à un autre sans prendre en compte le type de couvert, ou encore les modèles de type « individual plant models » de type gap-phase qui simulent les effets des variables environnementales sur le cycle de vie des plantes. Mais tous ces modèles ne répondent souvent qu’à une partie des questions que soulève l’évolution du paysage et en particulier l’étude des invasions. En effet celle-ci tout en prenant en compte les distributions de ressources, les variables environnementales et les perturbations regroupe quatre phénomènes tous complexes et difficiles à modéliser : la production de graines la dissémination des graines l’installation de la plantule dans un milieux de compétition/ facilitation la croissance de la plante dans une communauté préexistante LaMos ou Land Modelling Shell est une plateforme de modélisation du paysage qui a pour origine la volonté d’étudier le rôle des processus à l’échelle locale dans les effets des changements globaux. Cet outil rend possible l’exploration du rôle des différents processus dans la dynamique du paysage en conciliant : une cellule de succession, une cellule de perturbation, une cellule de dispersion et une cellule de flux des ressources (eaux et nutriments) (Higgins et al. 2003) 4/ LaMos : LaMos a été conçu pour comparer les modèles existants et permettre leurs analyses de sensibilité. Il peut aussi permettre d’assembler des modèles pré existants ou d’en écrire de nouveaux. La végétation est décrite dans LaMos sous forme de types fonctionnels et le paysage est découpé en unités basiques correspondant au pixel, dans lequel la végétation est uniforme. Comme les différents modèles de succession sont qualitatifs, LaMos crée des liens entre les fonctions de succession et les rôles de la perturbation et de la dispersion. D’autre part, LaMos prend en compte la topographie du terrain pour décrire la répartition de la ressource hydrique. Enfin LaMos permet d’observer un morceau de paysage et son évolution par les différents choix des conditions initiales, de la topographie, et des différents modèles de succession, perturbation et dispersion. Cette plateforme permet donc d’intégrer plusieurs niveaux de complexité et d’observer simultanément les dimensions spatiale et temporelle du problème. 4/ Travail de stage : Le but du stage présenté ici est donc d’étudier les évolutions spatio-temporelles qualitatives et quantitatives futures du paysage en zone subalpine soumise à la déprise agricole. Ce travail sera réalisé à l’aide de la plateforme de modélisation LaMos. Eventuellement, on pourra s’appuyer sur des données de colonisation existantes à d’autres étages de végétation. Un premier travail préliminaire de prise en main de LaMos nécessitera la compréhension et l’étude des différents modèles disponibles dans LaMos. Il s’agira en particulier d’étudier leurs limites et leurs éventuelles utilisations antérieures dans le domaine de la dynamique de formation des accrus. Il faudra d’autre part étudier avec précision les conditions initiales de notre station d’étude et sélectionner les espèces susceptibles d’envahir les prairies subalpines de l’Adret de Villar d’Arêne. Espèce pionnière de l’étage subalpin conduisant souvent à la colonisation ultérieure par le pin Cembro, le mélèze d’Europe ou Larix decidua demande une athmosphère sèche et des espaces lumineux, il ne craint pas le froid ni le vent, et apprécie les sols peu évolués. Larix decidua est souvent décrit comme un colonisateur efficace des pelouses et terrains d’altitude et c’est pour cela qu’il semble un colonisateur potentiel plausible pour les prairies de l’adret de Villar d’Arêne. Une expérience en pots sur Larix decidua sera donc mise en place afin d’étalonner les modèles avec cette espèce et la résistance des différents couvert-types de la zone d’étude à son installation. Enfin, l’étude d’une éventuelle colonisation par des ligneux bas (Vaccinum uliginosum, Juniperus communis) sera envisagée et l’on s’intéressera alors à ses conséquences sur les ligneux hauts et ainsi aux diverses successions envisageables. 5/ Perspectives : Au-delà des multiples intérêts agricoles dont on a parlé dans l’introduction, cette étude est pertinente quand à d’autres types de questions. En effet, les modifications des changements globaux sont actuellement une préoccupation majeure des écologues. En particulier de nombreuses études cherchent à savoir si une augmentation des températures et des teneurs en CO² n’entraînerait pas une « remontée » en altitude des plantes sensibles. Une bonne compréhension des phénomènes de colonisation des ligneux pourrait permettre de prédire dans quelle mesure les ligneux pourraient eux aussi coloniser de nouvelles zones altitudinales en fonction de ces modifications climatiques. 5/ Bibliographie : Acevedo, 1981 Théor. Pop. biology 19. 230-250 (modèle markovien) Balent et al. 1991, Dynamique de la végétation… : modélisation dans les pyrénées Etudes et recherches sur les Systèmes agraires et le développement 23. 1-48 Botkin et al. 1972, J. Ecol 60 849-872 Callaway 2002, Positive interactions among alpine plants increase with stress. Nature 417:844-848. Camacho O. 2004, Thèse du cemagref de grenoble Coquillard, 1995 Simulation of the cyclical process of heathlands. Ecol. Model 80 97-111 Curt et al.2004 Boisements naturels des terres agricoles en déprise cemagref coll GIP ecofor Delcros 1993, Ecologie du paysage et dynamique végétale post-culturale en zone de montagne. Thèse du cemagref de Grenoble Higgins S.I., Lavorel, S. and Revilla, E. 2003 Estimating plant migration rates under habitat loss and fragmentation. Oikos 101: No. 2: 354-366 Lavorel et al. 2004 Apports des traits fonctionnels végétaux pour l’évaluation écologique des trajectoires de gestion en milieux prairiaux. Fourrages 178, 179-191 MacDonald et al. 2003, Agricultural abandonment in mountain areas in Europe journal of environmental management 59 47-69 Pacala et Silander, 1985, Neighborhood models of plant populations’ dynamic Amer. Natur. 125 385-411 Vanpeene Bruhier S. 1998, Thèse du cemagref de Grenoble