Histoire de la Chine contemporaine
L’empire Qing à la fin du XIXe siècle
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CHAPITRE 1:
L’EMPIRE QING A LA FIN DU XIXe SIECLE.
C’est un siècle de révolution, où la Chine a véritablement changé. La République populaire de
Chine de notre fin de XXe siècle, début du XXIe siècle n’est pas du tout cet empire
traditionnel ressuscité.
§1.
La crise de l’empire confucéen.
A. L’autonomie de la civilisation chinoise.
Jusqu’à l’ouverture du début des années 1840, la Chine est une civilisation culturellement
autonome, avec « des » civilisations. L'histoire du XXe siècle est une globalisation, une
unification du monde par l’Occident. Les civilisations non européennes sont altérées. Peut-on
dire qu’à la fin du XXe siècle il y ait encore des civilisations?
La Chine est une civilisation avec ses fondements idéologiques, son système de valeurs, son
organisation sociale, ses institutions propres, qui diffèrent de ceux de l’Occident.
B. L’empire confucéen.
Il repose sur une conception unitaire du monde. Le Fils du Ciel (Tianzi) a une responsabilité
cosmologique, de l’harmonie universelle, entre la nature et la société des hommes. L’empire
repose sur les rites. Le gouvernement des hommes consiste à faire observer les rites (li). Les
relations entres les hommes sont prescrites; ce sont les cinq relations (wu lun):
La relation entre le souverain et le sujet.
La relation entre le père et le fils.
La relation entre le frère aîné et le frère puîné.
La relation entre le mari et l’épouse.
La relation entre les amis, qui est la seule relation qui se joue sur un pied d’égalité.
Ceci a une influence civilisatrice qui s’exerce par l’exemple d’un comportement vertueux
(ganhua). Cette responsabilité civilisatrice doit s’exercer à l’égard de ceux qui vivent en
dehors de l’ère de la civilisation chinoise, c'est-à-dire les barbares, ceux qui ignorent les rites.
Les relations entre la Chine et les pays étrangers prennent place dans le cadre rituel du
système tributaire centré sur la Chine. Il s’agit de relations inégales entre une puissance
suzeraine, en l’occurrence la Chine qui est le centre de la civilisation, et des vassaux que sont
les royaumes barbares.
Ensemble, le Fils du Ciel et ses fonctionnaires sont responsables de l’harmonie universelle, et
cela, selon une hiérarchie de responsabilité.
Le Fils du Ciel est le responsable de son empire devant le Ciel, le gouverneur est responsable
de sa province devant le Fils du Ciel, le magistrat d’un xian est responsable de son xian
devant le gouverneur provincial, le père de famille est responsable des membres de sa famille
devant le magistrat du xian.
Une série de concours (keju) sanctionnent l’étude de la tradition textuelle confucianiste, « les
classiques » c'est-à-dire la conformité à l’orthodoxie confucéenne. Ils sélectionnent une élite à
la fois morale et sociale qui se sent investie de la transmission de la morale confucéenne. Ce
sont les lettrés.
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La réussite aux concours mandarinaux permet d’accéder au grade, au statut, de lettré, qui
s’accompagne d’un certain nombre de privilèges. Le dernier des concours mandarinaux
sélectionne les fonctionnaires de l’empire. Mais ce sont une minorité.
Ils sont la clef de voûte de l’empire confucéen. C’est une élite politique et sociale qui tient son
statut de l'État. En Europe les élites ne tiennent pas leur statut de l'État (parfois la noblesse est
en porte-à-faux avec le pouvoir royal).
Les lettrés détiennent le savoir, le pouvoir et la terre. Hors, la terre est la source principale de
la puissance économique et sociale de cette société paysanne.
Le statut social est autant la source que le résultat de la puissance terrienne. La classe
dominante chinoise est ainsi plus large que celle des lettrés.
Cette classe dominante est désignée par le terme « shen », que l’on traduit en anglais par
gentry, on peut dire en français une classe de notable.
Cette classe dominante est à la fois rurale (ceux qui dominent dans les sociétés villageoises) et
urbaine (car les villes sont essentiellement les sièges de l'administration). Dans, une ville
chinoise, ceinte de murailles, on trouve les yamen c'est-à-dire les résidences des
fonctionnaires.
Depuis le XVIIe siècle, les shen fusionnent avec les marchands. Cette osmose reflète la
montée d’une activité capitaliste très liée à l'État. Notamment, les marchands de sel jouissent
du monopole de l'État sur ce produit. Cette élite s’urbanise de plus en plus, ce sont les
shencheng (pas sûr du pinyin!).
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, cette fusion est achevée d’être réalisée, les
shenshang sont désormais les notables urbains.
Cette élite exerce des responsabilités de gestion locale souvent liées aux travaux hydrauliques.
Elles lui sont reconnues tacitement par l'État et définissent une sphère des intérêts
communautaires.
Depuis à peu près 1860, elle a tendance à s’étendre au détriment de la sphère publique.
Les notables (la gentry) prennent en charge toutes les activités dans les villages. Les
fonctionnaires sont peu nombreux par rapport à la population totale et aux titulaires de grades
mandarinaux.
La Chine a peu d’administrateurs. Environ 1 pour 100 000 personnes. Or, les lettrés se sentent
investis de la même responsabilité confucéenne, de mission civilisatrice, que les
fonctionnaires. Il y a une masse de gens inemployés qui prétend à faire quelque chose dans
l’empire.
L’empire de la fin de XVIIIe siècle est en crise. Dès le début du XIXe siècle, des réformes
sont proposées. C’est ce que le sinologue américain Philip A. Kuhn appelle le programme
« constitutionnel » chinois (où il ne faut pas entendre « Constitution » au sens occidental,
mais plutôt comme réorganisation de l’empire).
Description des institutions de l’empire à la fin du XIXe siècle (1895):
Au sommet il y a le Fils du Ciel (l’empereur).
Autour de lui: la Cour; avec les membres du clan impérial ( de 700 à 800 personnes), le grand
secrétariat ou (Nei ge), le grand conseil (Junjichu) qui est dominé par les personnes
importantes du clan impérial.
Puis, il y a l'administration métropolitaine.
La plupart des grand fonctionnaires de l’empire sont à Pékin.
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Les six ministères (Liu bu) sont:
Le ministère des fonctionnaires.
Le ministère des finances.
Le ministère des rites.
Le ministère des châtiments.
Le ministère des travaux publics.
Le ministère de la guerre.
Le territoire comprend 18 provinces (sheng) qui constituent « la Chine propre », ainsi qu’un
certain nombre de dépendances comme le Tibet, le Qinhai, la Mongolie intérieure et la
Mongolie extérieure, la Mandchourie et le Xinjiang (Turkestan).
En 1883, le Xinjiang est érigé en province.
En 1907, la dépendance de Mandchourie sera divisée en trois provinces. On passe ainsi à 22
provinces.
Chaque province est administrée par un gouverneur provincial (Xunfu).
Il existe un gouverneur général ou vice-roi (Zongdu) à la tête d’un ensemble composé de deux
ou de trois provinces.
Les provinces étaient divisées en circonscriptions (fu) siégeait une préfecture, ces
circonscriptions sont elles-mêmes divisées en districts (xian). Le nombre de xian par province
est variable. Il peut aller d’une cinquantaine à 130 xian, comme c’est le cas du Zhili (province
autour de Pékin).
Le province du Sichuan est très étendue et densément peuplée. Sous les Qing il y avait
environ 1500 xian. Sous le Guomindang 1925 xian. La plupart des xian comptent entre
100000 à 300000 habitants. Certains xian sont beaucoup plus peuplés. Dans les années 1930,
le xian le plus peuplé de Chine compte 1 million et demi d’habitants, il se situe dans la
province du Jiangsu (au nord de Shanghai).
Les gouverneurs recourent à tout un personnel de secrétaires, d’agents de police, d’hommes à
tout faire, qui n’étaient pas membre de l'administration, et qui n’étaient guère aimé les
pauvres! Ce sont les lixu, qui aident en autre à prélever l’impôt.
C. Une société fondamentalement paysanne.
Au XIXe siècle, la population chinoise est estimée à 430 millions d’individu (auto-
estimations). Les chinois sont restés sur ce chiffre pendant au moins un siècle. Il s’agissait
surtout des chinois habitant dans les zones irrigables (c’est plus difficile de recenser les
habitant dans les fin-fonds des montagnes). Les paysans représentent plus de 90% de la
population. Les exploitations sont minuscules. Un foyer de paysan est composé de cinq à six
personnes (bref de la famille nucléaire). La superficie de ces exploitation diminue
constamment: deux hectares dans le Nord, un hectare dans le Sud en moyenne).
La grande propriété n’existe pas.
Le propriétaire foncier est un paysan propriétaire de terre qu’il n’exploite pas lui-même. Il se
contente de les louer à d’autres paysans. Ces fermages sont ses principales sources de revenu.
Selon une enquête pendant la guerre sino-japonaise, la part des terres affermées c'est-à-dire
loués par les paysan, par rapport à la superficie totale, était de 30 à 35%.
La part des fermier dans la population paysanne totale est également de 30 à 35%. C’est la
moyenne générale pour l'ensemble du pays, avec des différences selon les régions.
Dans le Nord du pays, bassin du Huang He et la Mandchourie, la part des fermiers est de
10%. Dans le bassin du Yangzi, elle est de 40%, et dans le Sud de la Chine (Guangdong,
Fujian) de 76%.
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Dans le Nord, il y a plus de paysans propriétaires que dans le Sud.
Le prix du fermage est très élevé. Dans les années 1930, le prix du fermage représentait 44%
de la valeur de la colte. C’est une condition misérable. Tous les paysans sont pauvres. Les
propriétaires fonciers sont juste un peu moins pauvres que les autres.
Il n’y a pas de marché national en Chine, sauf pour quelques rares marchandises parmi
lesquelles: l’opium. Le marché national est fragmenté en marché régional pour un certain
nombre de produits comme le sel ou la soie. Cette fragmentation du marché est due à
l’arriération des transports, à leur coût. La Chine dispose certes d’un important réseau de
voies navigables, ainsi que des canaux, mais ce sont des embarcations traditionnelles
(jonques). Il n’y a pas de routes. Les moyens de transports traditionnels sont lents et chers. Ce
qui pose des obstacles à la circulation des marchandises, c’est la nature de la société chinoise
et son histoire. Les poids et les mesures ne sont pas unifiés, le système monétaire non plus.
Il y avait à l’époque deux sortes de monnaie en Chine:
La monnaie d’argent sous forme de lingots: les taëls (ou liang), et une monnaie de cuivre
(enfilée sous des ligatures de sapèques). Mais le poids du taël variait d’une région à une autre.
Il y avait aussi en circulation des monnaies d’origine étrangères comme le dollar mexicain.
En outre, à cause des barrières douanières intérieures, les marchands chinois devaient
acquitter une taxe (lijin) perçue sur les marchandises en transit. La taxe est instituée à
l’époque de la rébellion des Taiping (au XIXe siècle).
Il existe une production en usine, mais elle est insignifiante.
§4.
La crise de l’empire confucéen.
Cette civilisation admirable et admirée a atteint son apogée au XVIIIe siècle, sous les Qing.
C’est une dynastie d’origine mandchoue, c'est-à-dire non chinoise (une dynastie allogène).
Le territoire à l’époque s’étend sur 13 millions de km2, il s’agit de l’extension territoriale la
plus vaste qu’a connu la Chine.
Toutefois le déclin s’amorce dès la fin du XVIIIe siècle. Au début du XIXe siècle, la
civilisation chinoise est en crise.
Cette crise a des racines à l’intérieur.
Elle est d’abord une crise démographique: il y a eu une très forte augmentation de population
au XVIIe et au XVIIIe siècle. C’est une crise des moyens de subsistances. L’historien
américain Mark Elvin qui a travaillé sur cette question parle du piège d’un équilibre à haut
niveau: c'est-à-dire que le niveau technique élevé permettant de nourrir une population très
abondante se heurtant à l’impossibilité d’en accroître le rendement constitue un obstacle à une
évolution. Cette crise se manifeste par des rebellions populaires qui éclatent vers la fin du
XVIIIe siècle. La fin du règne de Qianlong est marqué par la rébellion de la secte du Lotus
Blanc (Bai Lianjiao). Au début du XIXe c’est la rébellion de la secte des Huit Trigrammes
(Ba guajia). Surtout, en 1851, c’est la gigantesque révolution des Taiping, qui n’est écrasée
qu’en 1864. Ils avaient voulu établir le Royaume céleste de la grande paix, qui ébranlait la
légitimité de la dynastie des Qing. Elle a fait 20 millions de morts! Des régions entières ont
été dépeuplées.
Cette crise est aggravée par l’ouverture.
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§2.
L’ouverture.
A. L’expansion européenne.
Si l’empire chinois atteint son apogée au XVIIIe siècle, l’Europe connaît aussi de son côté
une très grande dynamique.
Cela débouche sur la modernité classique des XVIIe et XVIIIe siècles. La révolution
industrielle a lieu en Grande Bretagne dès le milieu du XVIIIe siècle, ainsi que les
phénomènes de révolutions politiques, et la volonté de nouvelles expansions outre-mer.
Cette nouvelle expansion européenne procède au XIXe siècle d’un impérialisme du free-trade,
qui est une expansion commerciale qui vise le domaine économique. Ce n’est pas encore
l’impérialisme colonial, ni d’occupation territoriale, qui apparaît plus tard (fin XIXe siècle).
B. Les guerres de l’opium et les traités inégaux.
L’Europe « ouvre » la Chine. Elle contraint l’empire chinois a établir avec elle des relations
fondées sur le principe du libre-échange. Elle le fait par les armes et les guerres de l’opium.
L’enjeu immédiat est celui du trafic d’opium auquel se livrait les marchands britanniques de
manière illégale (l’opium était prohibé en Chine). La première guerre de l’opium est conduite
les britanniques entre 1839 et 1842. Ils en sortent victorieux et imposent à la Chine le traité de
Nankin le 29 août 1842.
Puis vient la longue série des autres traités inégaux jusqu’au protocole des Boxers sigen
septembre 1901.
Ces traités sont dits inégaux, car ils sont tous fondés sur le principe de l’exterritorialité, c'est-
à-dire le droit pour un étranger de ne pas être jugé devant la justice chinoise, mais devant une
juridiction de son pays, et ce dans tous les procès, y compris les procès engagé par un
Chinois.
Les concessions sont des quartiers de certaines villes réservées pour la résidence, établies sur
le principe de l’exterritorialité. Par exemple, une concession est cédée à la Grande Bretagne à
Shanghai en 1843. Elle est devenue par la suite une concession internationale. Une concession
française est établie de même à Shanghai, toujours sur le principe de ces traités au XIXe
siècle.
Mais c’est un principe qui a été imposé par les Chinois aux Occidentaux, dans le sens de
l’attitude chinoise dans ses relations avec les étrangers.
Les Occidentaux ont réussi à imposer le principe d’égalité entre eux et la Chine suite à la
seconde guerre de l’opium de 1858 à 1860. La convention de Pékin, signée en 1860 autorise
enfin les nations occidentales à installer à Pékin des missions diplomatiques (ce que la Cour
avait toujours refusé jusque là).
L’ouverture est l’intégration brutale de la Chine dans un nouvel ordre mondial, inventé et
dominé par les nation de l’Europe et les États-Unis.
Cette intégration a été progressive, mais pas immédiate. Il a fallu les deux guerres de l’opium,
une série de traités inégaux qui ont construit entre 1842 et 1901, un cadre dans les relations
entre la Chine et l’Occident: le système des ports à traité.
Ce système n’est démantelé qu’à la Seconde guerre mondiale.
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