
Les Portugais, les Français et les Anglais ont pu établir des communautés chrétiennes,
notamment sur les côtes, où la présence des colons était plus forte. Moi-même venant de
Mangalore, sur la côte ouest de l'Inde, j'appartiens à cette catégorie de chrétiens. Mes ancêtres
se sont convertis apparemment à cette époque et notre christianisme est marqué par les traits
portugais et occidentaux en général
. Une troisième vague de conversion commença dans
l'Inde du Nord parmi les tribus abandonnées jusqu'alors par le reste de l'histoire de l'Inde. Ce
sont notamment les missionnaires belges qui ont converti un grand nombre de soi-disant
Adivasis
, les autochtones de l'Inde. Aujourd’hui, le nombre total des chrétiens de l'Inde est
d’environ 27 millions, un nombre certes important, mais une petite goutte dans l’océan si on
la place vis-à-vis de la population globale qui dépasse le milliard: seulement 2,7% de la
population indienne, dont environ 1,7% sont des catholiques.
Les églises protestantes, très nombreuses dans leurs dénominations, se sont mises en union
administrative formant seulement deux groupes: l'Eglise du Sud et du Nord de l'Inde
. Par
contre, il y a une certaine tension parmi les Catholiques des rites latin et orthodoxes. Ces
derniers étant plus nombreux, mais ayant peu de diocèses et évêques propres à leur identité
chrétienne, on remarque une tension constante entre les deux. L'Eglise latine et occidentale,
fortement soutenue par les pays colonisateurs avaient provoqué des tracasseries à ces
chrétiens orientaux. Plus tard ils ont diminué leur influence en les cantonnant uniquement
dans le Kerala, le reste de l'Inde, étant divisés dans les provinces ecclésiastiques latines. C'est
maintenant que les chrétiens orientaux réclament leurs propres diocèses dans le reste de l'Inde
pour leurs chrétiens en diaspora et exigent la pratique de leur liturgie en dehors de la région
du Kerala. Mais vu la petitesse du christianisme dans les masses hindoues de l'Inde, les
chrétiens oublient ou tentent de ne pas trop montrer leurs conflits intérieurs aux non-chrétiens
qui sont déjà déconcertés par tant de divisions à l'intérieur du christianisme. Dans les
discussions et la politique publique, il y a souvent un rassemblement des chrétiens formant un
front unique devant le pays.
La présence des chrétiens est ressentie avant tout dans l'Inde du Sud où ils sont plus nombreux
que dans le Nord. Héritiers des œuvres missionnaires, ils continuent de gérer surtout les
écoles et les hôpitaux, dont la qualité est appréciée par les populations de l'Inde. Cependant,
les chrétiens sont encore mal vus à cause de leurs liens avec les anciennes puissances
coloniales et leurs efforts pour les conversions. Les mots «mission» et «missionnaire» sont
chargés d'une connotation extrêmement péjorative et l’on s’en méfie.
Ce sont des chrétiens de Mangalore qui, avec les chrétiens de Goa, sur la même côte ouest de l’Inde, ont
comme langue le Konkani. Avec eux les chrétiens tamouls de la côte est, aussi anciens que ceux-ci, forment en
général un ‘contrepoids’ face aux chrétiens de Saint Thomas dans les affaires politiques internes de l’Eglise en
Inde, allant parfois jusqu’au Vatican. Cf. F. Pinto P.F., Konkani Christians of coastal Karnataka in Anglo-
Mysore relations (1761-1799 A.D). Mangalore, Samanvaya Prakashan, 1999; Mosses D., South Indian
christians, purity/impurity, and the caste system: death ritual in a Tamil Roman catholic community, in: The
Journal of the royal anthropological Institute, vol. 2, nr. 3, London, 1996, pp. 461-483; Lobo Michael,
Distinguished Mangalorean Catholics, 1800-2000: A Historico-Biographical Survey of the Mangalorean
Catholic Community. Mangalore, Camelot Publishers, 1999.
Van Tricht V., Le Père Lievens, Lamnay, 1920.
Paul R.D., The first decade: an account of the Church of South India. Madras, The Christian Literature
Society, 1958; Dhirendra K.S., The Church of North India : a historical and systematic theological inquiry into
an ecumenical ecclesiology, in : Studies in the intercultural history of Christianity, vol. 88, Frankfurt a. M. ;
Bern [etc.], P. Lang, cop. 1994.