sciences de la vie et de la Terre TERRES AUSTRALES FRANCAISES Présentation géographique Les Terres Australes Françaises appartiennent au Territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises, (les T.A.A.F.), créé par la Loi du 6 Août 1955, et placé sous tutelle du Ministère des DOM-TOM. Ce territoire comprend 3 archipels : - Les îles subantarctiques de l'Océan Austral (Kerguelen, Crozet), - Les îles subtropicales de l'Océan Indien (St Paul et Amsterdam), - et un secteur antarctique (La Terre Adélie). (carte 1). Il est divisé administrativement en quatre districts symbolisés sur l'écusson emblématique des T.A.A.F. (fig. 2) par l'iceberg des Terres Antarctiques, la tête de Manchot de Crozet, la Langouste de St Paul et le Chou des Kerguelen. Dépourvu de populations permanentes, il est placé sous l'autorité d'un Administrateur supérieur . Actuellement le Terrritoire n'est desservi que par voie maritime ce qui en fait une destination exceptionnelle à notre époque (carte 3). Ces îles sont situées entre les 40èmes Hurlants et les 50èmes Rugissants dans une zone purement océanique (fig. 4). Elles sont soumises à des vents qui, en l'absence d'obstacles, soufflent avec violence et de façon quasi-permanente leur conférant un climat rude, alors qu'en réalité Kerguelen se trouve à la latitude de Paris! (la dissymétrie climatique est à relier avec l'inégale répartition des mases continentales entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud). Elles sont d'un grand intérêt par l'importance de leur Zone Economique Exclusive (370 Km au large des côtes) qui représente un domaine national aussi grand que l'Europe Occidentale. Ainsi l'île St Paul, 7 km2, constitue un teritoire maritime grand comme la moitié de la France (carte 1). Les réserves animalières les plus riches de France Ces écosystèmes sont riches, notamment par leurs colonies d'oiseaux dont la biomasse atteint 60t/km2. Une telle biomasse au km2 ne se rencontre que dans des écosystèmes artificiels d'élevage intensif (tableau 5). Ces chiffres ne tiennent pas compte de la biomasse des mammifères tels les éléphants de mer. Avec 3 millions de couples, les Iles Australes abritent plus de 50% des populations mondiales de 8 espèces et sous-espèces d'oiseaux. Par exemple, le Manchot royal avec 64% de la population mondiale (1million d'individus recensés pour la seule Ile aux Cochons), ou encore l'Albatros à bec jaune 88%. C'est dans les archipels de Crozet et Kerguelen que l'on trouve les plus riches communautés d'oiseaux marins connues dans les îles océaniques. Ainsi à Crozet se reproduisent 36 espèces d'oiseaux marins. La richesse de ces écosystèmes s'explique car ces petits coins de terres désolés ne concentrent pratiquement que des espèces marines, ne venant à terre que pour se reproduire mais exploitant de vastes aires océaniques de nourrissage. Bien que la spéciation ne joue pas beaucoup sur des espèces de haute mer, ces terres sont tellement isolées des autres régions du monde et depuis si longtemps que près de la moitié des espèces sont endémiques, propres à ces îles. De plus les conditions extrêmes poussent les espèces à des spécialisations pour la nourriture, la thermorégulation qui accentuent les processus évolutifs. Pour les endémiques, on peut citer la Sterne de Kerguelen, le Prion de Mac Gillivray, le Cormoran de Kerguelen, le Canard d'Eaton et le petit Bec en fourreau. Ces deux dernières espèces sont terrestres ce qui explique leur endémicité. Les T.A.F. ont donc une grande valeur patrimoniale tant faunistique qu'écologique car il est rare de trouver à notre époque des écosystèmes aussi intacts. L'importance primordiale des ces refuges semble paradoxalement mieux perçue sur le plan international que sur le plan national. L'Océan Austral : mer nourricière Contrairement au continent antarctique, recouvert d'une calotte glaciaire et presqu'entièrement stérile, et contrairement à 90% des autres océans qui sont des déserts biologiques, l'océan austral abrite un écosystème très productif. On peut tenter d'expliquer cette richesse par la présence de zones de convergences et de divergence. - Les vents (fig. 6) créent des courants superficiels (fig. 7) : les vents dominants soufflent de l'est aux abords du continent antarctique et provoquent un courant des eaux de surface dirigé vers l'ouest (courant côtier antarctique ou courant d'est). Au nord de 60° sud et jusqu'au tropique, les vents s'inversent et soufflent de l'ouest et par conséquent les courants marins de surface se dirigent vers l'est : ils forment le courant circumpolaire antarctique ou courant d'ouest. - La force de Coriolis : les particules en mouvement, en raison de la rotation de la Terre, sont déviées sur leur gauche dans l'hémisphère sud. De ce fait, les courants d'est et d'ouest divergent, c'est la divergence antarctique vers 60°S. Pour les mêmes raisons, les eaux de surface antarctiques entraînées vers les basses latitudes par les vents d'ouest convergent vers les eaux tropicales entraînées vers les hautes latitudes par les alizés, c'est la convergence subtropicale ou convergence subantarctique vers 45°S. Elle marque la limite nord de l'Océan Austral. - Les variations de la densité de l'eau, en fonction de la salinité et de la température (fig. 8), expliquent la convergence antarctique. Pour les océans, la densité de l'eau salée croît toujours avec la diminution de la température jusqu'à apparition de cristaux de glace. Pendant l'hiver austral, tout autour du continent antarctique, l'eau de surface se refroidit et la glace de mer se formant, sa densité est encore augmentée par l'accroissement de sa salinité. Une eau froide et salée se trouve entraînée vers le fond des océans. Ce courant de profondeur appelé eaux antarctiques de fond, atteindra le pôle nord en 500 à 1000 ans. Il provoque la remontée d'eau profonde, eaux profondes circumpolaires, venant des profondeurs des autres océans vers 55°S. Cette zone complexe, caractérisée par des tourbillons et des dépressions, est connue sous le nom de front polaire ou convergence antarctique. C'est la limite nord de l'océan antarctique. La température de l'eau de surface y passe de -1°C à 3,5°C en été et de -1,8°C à 0,5°C en hiver. Ces eaux apportent en surface les éléments nutritifs qu'elles contiennent (fig. 9). Cette zone est considérée comme une des régions marines les plus productives du monde (fig. 10). En général, dans ces basses latitudes, le milieu est hostile : la température basse, la lumière faible et la concentration peu élevée en sels minéraux limitent le développement du phytoplancton ou plancton végétal, premier maillon de la chaîne alimentaire. Au niveau des convergences/divergence, deux de ces facteurs deviennent simultanément plus favorables. Il en résulte une explosion du plancton végétal. En conséquence la biomasse zooplanctonique y atteint des records. On considère que le krill (fig. 11) en constitue 10 à 50 %. Les estimations varient de 125 à 750 millions de tonnes ce qui en fait l'espèce la plus abondante de la Terre. D'après les calculs, la production annuelle de krill atteindrait 300 à 1350 millions de tonnes. Ainsi, le krill joue un rôle clé dans l'écosystème marin antarctique et de ce fait de nombreux prédateurs tels baleines, phoques, manchots, autres oiseaux de mer, céphalopodes et poissons en dépendent pour leur alimentation (fig. 12). Exploitation du milieu par la faune Comme nous l'avons vu , il y a opposition entre ces petits points de terre isolés où viennent se reproduire des espèces marines et l'immensité et la richesse relative des zones de nourrissage. L'impact des communautés d'oiseaux et de mammifères sur les ressources marines environnantes est considérable, le prélèvement qu'ils effectuent , essentiellement poissons et krill, a récemment été évalué à 500 000 tonnes par an. A titre de comparaison les pêches françaises dans le nord-est Atlantique capturent annuellement 600 000 tonnes de poissons, mollusques et crustacés. Ainsi la faune de ces territoires est un indicateur des ressources de l'océan austral. Etudions maintenant quelques exemples de stratégies d'exploitation de ce milieu. Les Albatros Sur les 14 espèces qui existent, 10 nichent sur les îles australes où elles trouvent le vent nécessaire à leurs déplacements. En effet, l'Albatros géant avec une envergure de 3,5m pour un poids de 8-12kg a choisi le vent pour se déplacer sans dépense d'énergie (1%de son poids pour parcourir 1000 km). Un dispositif de tendons bloque ses ailes à l'horizontale pendant le vol plané. Ainsi, contrairement à la Frégate, oiseau tropical à grande portance, (2kg pour une envergure de 2m), qui peut planer en utilisant les ascendances, l'Albatros qui a besoin de vent, ne peut pas franchir la zone des calmes équatoriaux. Ces oiseaux qui passent 92% de leur vie en mer sont maintenant bien suivis : ils sont bagués depuis une quarantaine d'années d'autant plus facilement qu'ils sont peu farouches au moment de la reproduction, fidèles à leur lieu de reproduction et, que ce sont des oiseaux longévifs. En effet, bagués poussins il y a trente ans, ils se reproduisent encore. L'espèce a une stratégie de reproduction K c'est à dire qu'elle investit peu dans la reproduction (au maximum un petit tous les 2 ans). Chez l'Albatros fuligineux (fig. 13), la maturité sexuelle est atteinte au bout de 6 à 10 ans. La parade nuptiale dure plus de 2ans et est très complexe. Elle permettrait une synchronisation des deux partenaires indispensable pour l'élevage du jeune. La miniaturisation de l'électronique a permis, depuis 1989, d'équiper les Albatros de balise Argos (fig. 14), d'un poids de 160g, afin de les suivre en mer. Ainsi, on a montré qu'ils peuvent se déplacer de plus de 900km par jour, plus de 15 000 km en 33 jours et atteindre une vitesse de plus de 80km/h. On avait récupéré des Albatros, bagués à Crozet, en mer de Tasmanie. Bien avant, le 4 août 1887, treize rescapés du naufrage du Tamaris à Crozet avaient gravé au couteau des messages sur des couvercles de boîtes de conserves qu'ils avaient accrochés au cou d'Albatros. L'un de ces Albatros avait été retrouvé 48 jours plus tard sur une plage d'Australie. Les balises Argos ont complété ce que l'on savait déjà mais ont démontré que les Albatros se partagent la ressource : les Albatros à bec jaune exploitent le nord de la convergence subantarctique, les femelles d'Albatros géant pêchent au nord de Crozet jusqu'au 28°S tandis que les mâles exploitent le front polaire. Les Manchots Si les Albatros se sont adaptés au vent, en revanche les Manchots sont parmi les oiseaux de mer qui ont poussé le plus loin l'adaptation à l'élément liquide. En privilégiant la nage et la plongée au dépens du vol, ils atteignent des stocks de nourriture hors de portée des autres familles d'oiseaux de mer. Notons que les Pingouins qu'on ne trouve que dans l'hémisphère nord ont conservé l'aptitude au vol. C'est ainsi que dans les régions antarctiques et subantarctiques, cette adaptation extrême assure aux Manchots une réussite exceptionnelle, puisqu'avec seulement 7 espèces sur 44 (16%), ils constituent 52% des effectifs et surtout 92% de la biomasse d'oiseaux se nourrissant en mer. La nage et la plongée sont des modes de déplacement plus lents et énergétiquement plus coûteux que le vol. Par conséquent, les manchots exploitent des lieux de pêche où foisonnent les proies, krill, calmars et poissons. Les Manchots royaux de Crozet à eux seuls consomment 400 000 tonnes de poissons et de calmars pêchés sur le front polaire, comme l'indiquent les balises Argos dont ils ont été équipés (fig. 15). La ressource est partagée entre les différentes espèces (fig. 16). La spécialisation en fonction des lieux de pêche a probablement conduit à une spéciation au cours des temps géologiques, conduisant à la coexistence de 7 espèces. La période de reproduction qui dépend de l'abondance de la ressource alimentaire, varie selon les lieux de pêche et a entraîné un isolement reproductif. Comme les Albatros, la microélectronique a permis de les équiper non seulement d'une balise Argos mais aussi de sonde stomacale et de miniordinateur de plongée. La figure 17 montre que la nourriture est surtout pêchée de jour à des profondeurs atteignant 300m. Un système de reconnaissance individuelle et de pesée des Manchots à leur retour dans la colonie (fig. 18) a confirmé en particulier que face à la diminution hivernale des ressources marines, ils privilégient une stratégie augmentant leur chance de survie au détriment du succès de leur reproduction. Les poussins restent seuls pendant l'hiver austral sans manger pendant 3 à 5 mois. Les Pétrels Les Pétrels forment un groupe bien représenté avec 13 espèces sur 44 espèces d'oiseaux marins présents. Les récits des anciens baleiniers relatent comment certaines espèces de Pétrels apparaissent soudain venues de nulle part, dès qu'une baleine est tuée. Effectivement, on peut faire cette observation en jetant une éponge imbibée d'huile de foie de morue à la mer. Les Pétrels ont donc un odorat exceptionnellement développé pour des oiseaux qui n'a d'équivalent que chez le Kiwi et chez certains Vautours. Leur cerveau montre un développement important des zones de l'olfaction. Cette aptitude leur permet de détecter à des kilomètres à la ronde, le moindre cadavre flottant. L'impact des activités humaines La découverte des Terres Australes a commencé avec Amsterdam en 1522 et s'est poursuivie seulement en 1772 avec Crozet et Kerguelen. La présence de l'Homme est donc récente et, bien qu'elle soit épisodique, son impact est déjà sensible du fait de la fragilité des écosystèmes. Jusque dans les années soixante, l'Homme s'est comporté en colonisateur. Il a exploité sans ménagement les ressources terrestres et marines : phoques, otaries et baleines, langoustes et poissons. Les Baleines Dès 1792, des baleiniers américains, anglais et norvégiens font des campagnes. L' invention du canon-harpon en 1864 va permettre le développement de la chasse à la baleine qui ne deviendra vraiment intensive qu'avec les bateaux-usines à partir de 1925. Cette nouvelle technologie a entraîné la surexploitation des grandes espèces telle la Baleine bleue (100t, 30m) jusque dans les années 60. Cependant la diminution rapide de ses effectifs, a conduit les baleiniers à se reporter sur le Rorqual commun (14t, 25m) dès 1935. Ce scénario s'est répété dans les années 60, avec le Rorqual de Rudolph (15m) et dans les années 70 avec le petit Rorqual (10t) comme le montre la figure 19. On peut dire que depuis 50 ans, les baleines ne fréquentent plus les Terres australes. Finalement, aujourd'hui, en dépit du moratoire, le Japon et la Russie chassent encore la baleine mais dans l'Antarctique. Les frères Bossière avaient obtenu en 1893, une concession pour 50 ans aux Kerguelen. En 1908-09, ils ont créé Port Jeanne d'Arc pour la chasse et l'exploitation des baleines qui étaient alors menées par les norvégiens. Les frères Bossière ont donc été accusés de s'être contentés d'empocher les redevances des norvégiens qui ont détruit pendant des années les troupeaux de baleines et de phoques sans aucun contrôle jusqu'à leur extermination. Si bien, qu'en 1929, Port Jeanne d'Arc est abandonné. Les Otaries Leur sort est lié à celui des baleines. Exploitées pour leur peau, les otaries sont rapidement exterminées (en 1870 à Crozet), et dès 1919, leur chasse s'arrête. On a observé en 1976, la réinstallation d'une première colonie à Amsterdam dont les effectifs croissent depuis rapidement (fig. 20). On pense qu'en 1982, elle avait déjà atteint 65% de son effectif optimum. La ressource en krill, inexploitée par les baleines, a permis cette explosion démographique (fig. 12). Les Phoques L'éléphant de mer est le plus gros phoque de l'hémisphère sud. Après l'extermination des otaries et des baleines, son exploitation a permis aux chasseurs de se maintenir jusqu'en 1930. En 1893, les frères Bossière, avant de prendre leur concession à Kerguelen s'étaient documentés sur la richesse de cette ressource : ils avaient estimé que 1 200 000 éléphants de mer avaient été abattus en 100 ans. A la même époque, 15 000 éléphants de mer étaient tués par an à Crozet. Par la suite (1910-1964), des mesures de gestion ont été prises, restreignant la capture aux mâles adultes seulement. Au mois de février 1930, l'Austral quitte les Kerguelen avec à son bord 600t d'huile d'éléphant de mer. Environ 8000 têtes avaient été abattues au cours de la saison dont 500 dans la même journée par les hommes de René Bossière. La dernière entreprise phoquière à Kerguelen, 1957-62, n'a abattu que 3000 éléphants de mer. Notons que pour fondre la graisse des éléphants de mer, le charbon étant de mauvaise qualité au Kerguelen, on utilisait les manchots comme combustible. Ils étaient pressés et leur graisse était récupérée. Layard, en 1869, signale un navire de retour de l'archipel Crozet, avec une charge d'huile ayant nécessité la mise à mort de plus de 50 000 Gorfous. Les Langoustes (fig.21); C'est encore les frères Bossière qui exploitèrent le fabuleux gisement de langoustes de St Paul en créant en 1928, "la Langouste Française". Cet établissement employait 120 personnes. 6000 à 24 000 langoustes étaient pêchées par jour conduisant à la fabrication de 400 000 boîtes par saison. Mais en 1931, l'entreprise est abandonnée suite à une épidémie de béri-béri. Aujourd'hui, l'Austral de la SAPMER est le seul navire autorisé, depuis 1949; ses quotas sont de 350t par saison. Les langoustes sont congelées et exportées principalement au Japon. Néanmoins, les prises de l'Austral sont en diminution (1976-81 210t/an) ainsi que la taille des langoustes ce qui traduit une surpêche. Les otaries sont suspectées de contribuer à cette diminution de la ressource : en Afrique du Sud , on estime qu'elles prélèvent 8300t/an de langoustes alors que la pêche est de 5500t/an. Signalons, qu'à St Paul, les pêcheurs de la Langouste Française pouvaient se procurer sans effort le poisson nécessaire pour appâter les casiers. Mais l'ordre leur avait été donné, pour gagner du temps, d'utiliser les Gorfous. Chaque matin, les manoeuvres malgaches assommaient à coups de bâton 400 mâles, un nombre bien supérieur aux besoins. On voulait ainsi procéder à la destruction totale de la colonie accusant ces pauvres animaux, mangeurs de krill (fig.16), d'être de grands prédateurs de langoustes. Au congrès international de protection de la nature, en 1931, le géologue E. Aubert de la Rüe émet une protestation publique contre le massacre des manchots pratiqués à St Paul. Les poissons Contrairement à ce que l'on observe dans les mers nordiques, les ressources en poissons pélagiques sont presque inexistante dans l'Antarctique. La plupart des espèces sont démersales (vivant sur ou près du fond). Elles ont une faible fécondité et une croissance lente. L'exploitation dûe aux pêches a déjà eu de graves effets sur les stocks : rapide chute des rendements, diminution de la taille moyenne des poissons. Aux Kerguelen, l'espèce Notothenia rossi (fig. 20), ou Colin des Kerguelen qui était la plus capturée est dominée de loin maintenant dans les prises par Champsocephalus gunnari, le Poisson des glaces, (fig. 21). Les chercheurs français ont évalué que les prises maximales annuelles ne devaient pas dépasser 20 000t si l'on veut garder intacte la ressource. Au début des années 70, des tonnages de 200 000t ont été capturés par l'U.R.S.S. (80%), la Pologne, la R.D.A. et la Bulgarie. La pêche des femelles mûres avec des oeufs ("keraviar") est catastrophique pour le renouvellement de l'espèce. Aujourd'hui, le navire de la Marine Nationale, l'Albatros, a pour rôle de contrôler la zone économique exclusive.Pour l'anecdote, signalons que le 23 juillet 1993, le tonnier japonais "Zuiho Maru" a fait naufrage sur St Paul alors que sa présence dans les eaux territoriales françaises n'était pas signalée. Par ailleurs, on estime que plus de 40 000 Albatros se font prendre chaque année par des hameçons : ils se jettent sur les calmars utilisés comme appâts sur les palangres flottantes . Celles-ci, si elles ne sont pas suffisamment plombées mettent un certain temps à disparaître dans l'eau. Six des quatorze espèces d'Albatros sont ainsi menacées. Dans le cas de la pêche au chalut, les Albatros essaient de saisir le poisson remonté, accrochent leur bec dans les mailles et se font écraser. Ce facteur de mortalité accidentelle menace la survie des espèces d'Albatros et de Pétrels. Il expliquerait la chute, de moitié parfois, des effectifs des populations suivies sur les Terres Australes. Des simulations à l'aide de modèles mathématiques, permettent de montrer que les effectifs d'Albatros, de Pétrels et de Manchots sont beaucoup plus sensibles à des variations même minimes de la survie des adultes qu'à des variations de la fécondité, de l'âge de maturité sexuelle et de la survies des immatures. Les introductions volontaires Il n'y avait pas de mammifères terrestres avant l'arrivée de l'Homme. Il a cherché à acclimater des espèces d'abord pour l'alimentation d'éventuels naufragés, ensuite pour "valoriser" ces terres. Les frères Bossière espèrant renouveler la réussite des Malouines, de Patagonie, d'Australie et de Nouvelle Zélande, ont créé, en 1912, Port-Couvreux, pour l'élevage du mouton qui sera abandonné en 1931. Les lapins, présents depuis plus d'un siècle aux Kergelen ont modifié les communautés végétales (figure 25). Peut-on parler de valorisation dans la mesure où ils ont fait disparaître le Chou des Kerguelen aux vertus antiscorbutiques? Récemment, (en 1956?), un seul couple de chats aurait été introduit pour lutter contre les rats. Aujourd'hui, 10 000 individus se nourrissent de 1,3 millions d'oiseaux par an. Il s'agit de petits Pétrels fouisseurs de moins de 250g capturés à l'entrée du nid, et de Pétrels pouvant atteindre 1kg capturés dans le nid. Au cours de l'évolution, l'absence de prédateurs terrestres a rendu ces oiseaux peu farouches. Ils sont alors incapables d'échapper aux chats et l'effet de la prédation est décuplé par leur lente démographie. Le Renne introduit uniquement sur certains îlots s'est répandu rapidement grâce à son aptitude à la nage. En 1957, on a pensé élever le Vison pour utiliser les déchets de la chasse aux éléphants de mer. Il a disparu avec l'arrêt de la chasse. M. Heurtin, un réunionnais, et sa famille s'installent le 18 janvier 1871 à Amsterdam avec un troupeau de 17 têtes. C'est un échec, et le 19 août de la même année, ils sont rapatriés par un navire de commerce, laissant sur place le troupeau de bovins. Aujourd'hui, ils sont plusieurs milliers. Ils ont modifié complètement la végétation, ont défoncé les terriers de Pétrels, et ont privé les Albatros de matériaux pour leur nid. On peut également signaler les introductions de Mouflons, de Porcs, de Truites, d'Ombles et de Saumons. Les introductions involontaires Dans les cargaisons des navires sont arrivées les mauvaises herbes, les Souris, les Rats, les Blattes, les Charançons et les Mouches. L'impact des Rats qui se nourrisent des oeufs d'oiseaux est net. Dans l'Ile de l'Est, dépourvue de Rats, on compte 17 espèces de Pétrels fouisseurs tandis que dans l'Ile de la Possession, distante de 100km, et qui abrite des Rats, 8 espèces seulement. La Mouche bleue introduite a été favorisée par les carnages en tous genres et par sa stratégie plus agressive que celle de l'espèce autochtone aptère (fig. 26). Les marées noires Pour mémoire, le 15 février 1996, un pétrolier, le "Sea Empress", chargé de 130 000t de pétrole s'échoua au sud-ouest du Pays de Galle, menaçant 140 couples de Phoques, 1300 couples de Macareux et 300 000 couples de migrateurs reproducteurs attendus au mois de mars. Heureusement les T.A.F., loin des routes maritimes, sont à l'abri de ces catastrophes écologiques qui affectent régulièrement l'hémisphère nord. Les incendies Seules les îles de St paul et Amsterdam sont suffisamment sèches à un moment de l'année pour que des incendies puissent y être allumés. Toutes deux ont brûlé à plusieurs reprises. L'île d'Amsterdam couverte, à l'origine, entre 100 et 250m d'altitude, de forêts de Phyllica nitida, est aujoud'hui pratiquement entièrement nue. La présence de tourbe a maintenu des foyers pendant plus d'un an en 1974. Le tourisme Les taxidermistes d'autrefois ont laissé la place aux photographes. Ces derniers profitent de l'absence de méfiance des animaux pour pénétrer sur leur territoire et les perturbent dangereusement sans le savoir. C'est un problème nouveau qui demanderait un encadrement strict du tourisme, utopique dans le cas des navigateurs "solitaires", de plus en plus nombreux. Conclusion A la lumière de la courte histoire de l'Homme sur ces territoires, il apparaît qu'il faut les préserver plus que les exploiter. Crozet, Kerguelen, Amsterdam et St Paul sont régis par la Loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature en France. Un arrêté récent, juillet 1985, de l'administration des T.A.A.F., réglemente l'accès et la circulation dans les îles : des Apôtres, des Pingouins, des Cochons, Nuageuses, Clugny, Leygues et Roche Quille.