Belle hellène
Fabienne Bergmann
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, judaïsme et hellénisme n'ont pas toujours été
antagonistes et nombre de mots grecs se sont intégrés à l'hébreu par le truchement de
la langue des Sages. À commencer par l'instance judiciaire juive suprême – le
Sanhédrin, , du grec συνέδριον – qui a même donné son nom à un traité de la
Michna, lequel énumère entre autres (10, 1) quels sont ceux qui n'ont pas droit au
monde futur. L'un d'eux est l'hérétique, (epikoros), celui qui n'accepte pas les
lois de la Tora ou dénie l'autorité des Sages. Le terme vient à l'évidence du nom du
philosophe Epicure.
Un autre mot grec, παρρησια, est une importation de nos Sages pour définir un
concept de droit quand ils traitent de ce qui se fait ou ne se fait pas
(beparhessia), en public, ouvertement, aux yeux de tous. Le status quo en vigueur en
Israël stipule par exemple (en hébreu : ledougma, étant un autre apport
grec) que les lois de cacheroute et du chabbat seront respectées , dans le
domaine public. Simple question de (nimous = politesse) diront les uns, pas tout
à fait (hogen = équitable), diront les autres…
Un haut lieu de la culture helléniste est le stade (Στάδιο). Nos Sages l'ont dénigré
mais, ce faisant, ils ont introduit en hébreu le mot (itstadion) qui figure
aujourd'hui dans nos rubriques sportives. Celles-ci, malheureusement, doivent aussi
parfois mentionner la , (andralamoussia), soit l'état de désordre, qui règne
sur ces stades quand les supporters y sèment la pagaille.
Le (praclit) est l'avocat, le juriste et dans l'expression (praclit
hamedina), le procureur de l'Etat. Celui-ci pouvait, du haut de sa (cathedra) –
la chaire ou le podium – envoyer un prévenu au (gardom), à la potence. Le juge,
quant à lui, doit être (pragmati, soit pragmatique, du grec πρᾶγμα,) et respecter
les exigences du (timione, du grec ταμεῖον), mot qui dans la langue des Sages
signifie trésor public, mais qui est surtout connu dans l'expression (yarad
letimione), perdre, qu'on emploie pour une fortune qui s'est volatilisée ou a été
gaspillée.
Et pour finir, voici une petite histoire. Un jour, dans une (akhsaniya, du grec
ξενία, hospitalité – soit une auberge ou un lieu d'accueil), à moins qu'il ne s'agisse
d'une (akhsaniyat noar) – une auberge de jeunesse – vint un couple –
(zoug) – bizarre. L'homme était (androgynos, androgyne) et, pour mieux
s'entourer de (mistorin, mystère), il faisait tinter le battant d'une cloche –
(inbal) – sur une ancre – (oguen). La femme avait un (itstroubal, une
pomme de pin) sur son chapeau. Pour dîner, ils commandèrent (melafefone, un