ceux qui pourraient un jour aider leurs rares prédécesseurs à en
relever les débris. Cependant l'Église de France, ainsi pauvre et
dévastée, ayant à peine un calice pour y boire le sang de son Maître,
l'Église de France avait vaincu ses ennemis. De cette révolution si
puissante, que l'esprit humain avait préparée par trois siècles de
travaux, qui avait enfanté tant d'hommes et d'événements
extraordinaires, aucune doctrine n'avait pu sortir. Elle avait détruit
une monarchie, gagné des batailles, épouvanté l'Europe, tout fait,
excepté ce qui change le monde. Si elle était venue deux cents ans
plus tôt, la France eût été calviniste et républicaine ; mais on avait
franchi le point où l'erreur a encore assez de consistance pour être la
foi commune et le lien d'un peuple ; on était arrivé à celui où l'erreur
ne peut plus unir deux hommes entre eux, et où elle demeure comme
ensevelie dans son triomphe. Quoique l'Église de France fût
travaillée par un schisme sourd
, qui déchirait ses entrailles depuis
cent cinquante ans, il fut impossible à la révolution d'établir un culte
national. La France ne croyait ni au schisme, ni à la Raison, ni à
l'Être suprême, tour à tour reconnus par la. république. Le moment
solennel était venu pour elle de croire à tout ou à rien. Je dis le
moment solennel, parce qu'après celui où la vérité règne sans
contestation, il n'en est pas de plus grand sur la terre.
En effet, ce qui sauve et perpétue l'erreur, c'est la portion de
vérité qui y est mêlée, et l'autorité qu'elle s'attire par là. Plus l'erreur
augmente, plus elle perd de vérité, plus aussi son autorité diminue,
parce qu'elle ébranle toujours davantage les fondements qui lui
restaient dans l'intelligence. Les esprits s'étonnent de voir l'erreur
s'enfuir devant eux ; ils la poursuivent sur cette pente où elle est
emportée : mais, à mesure qu'ils font un effort pour la saisir, elle se
dissout, elle leur échappe plus vite, comme un fantôme dont la réalité
s'évanouit devant ceux qui le touchent de trop près, jusqu'à ce que
tout à coup l'erreur cesse de faire corps, et l'homme se trouve seul,
nu, sans croyances, haletant en face de la vérité. C'est le moment que
Le jansénisme.