LE BIOGRAPHIQUE - Lettres Histoire Géographie en Lycée

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Le biographique
Quelles sont les approches de la
notion d’individu dans les
programmes de français et
d’histoire de seconde
professionnelle ?
Les programmes de seconde
professionnelle donnent une place
importante à l’individu. En lettres, il s’agit
d’étudier les notions de personnage et de
héros mais aussi de s’intéresser à l’auteur
et aux lecteurs. La mise en relation entre
personnages de fiction et personnes
réelles est explicite : En quoi l’histoire du
personnage étudié, ses aventures, son
évolution aident-elles le lecteur à se
construire ? ou Les valeurs qu’incarne le
personnage étudié sont-elles celles de
l’auteur, celles d’une époque ? Le
programme d’histoire demande de mettre
l’accent sur l’importance des individus
pour comprendre leur rôle d’acteur. Ainsi,
les sujets d’étude sont abordés à travers
des situations qui peuvent être centrées
sur un homme, un groupe, qui symbolise
ce mouvement, cette évolution, cet
événement.
La distinction entre personnage de
fiction et personnage historique n’est pas
aussi évidente qu’une première approche
peut le laisser penser. Toute biographie,
que ce soit celle d’un écrivain ou d’un
personnage historique, est une
construction, une lecture orientée d’un
parcours. Un personnage de fiction se
nourrit de la vie de l’auteur et s’inscrit dans
un contexte culturel. Les deux approches,
littéraire et historique, permettent donc de
comprendre la société à travers l’individu.
1- Approche terminologique
Le substantif personne, dont est
issu le terme personnage, est synonyme
d’individu. Le mot latin "persona" désignait
un masque de théâtre. Or, en littérature, le
terme personnage a d’abord été employé
pour qualifier chacune des personnes qui
figure dans une œuvre et qui doit être
interprétée par un comédien, une
comédienne. Par extension, on parle de
personnages de poèmes, de romans. Le
personnage de littérature est donc un
protagoniste. Il peut avoir plusieurs places
dans le récit, personnage central ou
personnage secondaire. Cette notion de
place renvoie alors à une autre définition
de personnage : « personne qui joue un
rôle social important et en vue ». Le
personnage littéraire se définit souvent à
mesure qu’avance le récit, à travers son
statut social, son caractère (sa
"personnalité"), ses goûts, tous les
éléments constitutifs du portrait, apportés
de manière directe ou indirecte par
l’auteur. Cette caractérisation donne un
aspect réaliste au personnage de fiction et
permet au lecteur de le cerner, de
s’identifier à lui ou de le détester.
On peut ainsi étudier et classer les
personnages, selon des sortes de clichés,
des personnages-types. Le personnage
historique en littérature est inspiré d’un
personnage ayant réellement existé. Objet
d’étude ou d’extrapolations, le récit de sa
vie ou de ses aventures dans le roman
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historique peut être très éloigné du
personnage réel. Il est issu du réel mais
évolue dans une fiction historique. Le
personnage historique réel est un homme
ou une femme dont l’Histoire a retenu le
nom pour son action, sa notoriété, sans
considération de valeur ou de mérite.
À l’origine demi-dieu de la
mythologie antique, le héros désigne, par
analogie, un personnage légendaire
auquel on prête un courage et des exploits
extraordinaires. Au XVIe siècle, est qualifié
de héros celui qui se distingue par ses
exploits ou son courage dans le domaine
des armes. Ce caractère héroïque est
conféré, à l’époque moderne, à tout
individu digne de l’estime publique par sa
force de caractère, son génie ou son
dévouement à une cause, à une œuvre.
Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le terme
héros devient synonyme de personnage
principal d’une œuvre de fiction. Cet
emploi ne sous-tend donc pas de
caractère exceptionnel ni même
exemplaire. La notion de héros n’a pas de
spécificité propre en histoire. Si certains
personnages historiques peuvent être
qualifiés de héros, il semble que cette
qualité soit plutôt attribuée à des groupes
d’hommes en vertu de leurs faits d’armes :
les soldats de la Grande guerre, les
résistants… À titre individuel, le
personnage historique dont l’action a
entraîné l’admiration et dont l’Histoire a
gardé le nom, a souvent été qualifié de
Grand homme.
2- La notion d’individu dans le
cours de français
Certaines des connaissances (le
héros romantique, le héros réaliste et le
personnage de roman) que les élèves
doivent acquérir au cours de leur
formation en seconde professionnelle
demandent à l’enseignant d’aborder
l’histoire littéraire, sans qu’elle ne soit pour
autant considérée comme une finalité.
L’histoire littéraire, mais aussi l’histoire
culturelle, doivent permettre
de donner du sens à un texte
Il s’agit d’étudier des œuvres
littéraires en s’attachant à leur
compréhension plutôt qu’en les réduisant
à des supports pour la mise en place
d’outils d’analyse du discours. Ainsi,
l’histoire littéraire, mais aussi l’histoire
culturelle, doivent permettre de donner du
sens à un texte : ce ne sont que des outils
de lecture. Mais ce sens doit aussi être
compris dans le milieu qui l’a produit et
reçu ; la question « Les valeurs qu’incarne
le personnage étudié sont-elles celles de
l’auteur, celles d’une époque ? » suppose
des connaissances d’histoire et d’évolution
culturelle. Un roman, un héros, ne peuvent
s’étudier de manière totalement
intemporelle. Ainsi, l’approche de l’histoire
littéraire, tout comme celle de la
biographie de l’auteur, pose un problème
de méthode et de place. Il s’agit de
parvenir à les rattacher à l’explication du
texte. C’est pourquoi il semble difficile
d’imaginer une méthode-type.
L’approche historique est une des
manières de faire acquérir la capaci
« Comprendre en quoi le personnage
porte le projet de son auteur »
Ces approches de l’histoire
littéraire doivent différer selon les
séquences (et leurs problématiques) et ne
peuvent y figurer systématiquement en
une même place. La connaissance du
mouvement littéraire peut ainsi être
apportée par l’enseignant avant ou après
la lecture ou peut être construite pendant
la lecture. Elle peut aussi dans certains
cas, avec un minimum d’informations
apportées par l’enseignant, servir de
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problématique à une séance. Si l’on
connaît les écueils de la présentation de la
vie de l’auteur en ouverture de l’étude
d’une œuvre ou d’un texte, il ne faut
cependant peut-être pas rejeter
systématiquement cette pratique. Ainsi,
partir de la vie de l’auteur (et présenter les
liens qu’il entretient avec son époque)
peut permettre d’aborder l’époque de la
parution et donc de la placer dans son
contexte historique, politique,
philosophique, social ou encore artistique.
Cette approche historique est une des
manières de faire acquérir la capacité
Comprendre en quoi le personnage porte
le projet de son auteur. La connaissance
de la vie d’Alfred de Musset apporte ainsi
des éclairages essentiels à la lecture de
Lorenzaccio. Ce parti pris est aussi une
manière d’incarner le texte et de le
rapprocher des élèves.
Le romantisme s’incarne
dans son héros
Pour illustrer un autre type
d’approche, prenons l’exemple de l’étude
du personnage romantique. Il s’agit
d’aborder le romantisme à travers ses
personnages afin que les élèves puissent
d’eux-mêmes tirer le bilan d’un
mouvement à travers l’étude d’extraits
représentatifs. Ainsi, plutôt que d’ouvrir
une séquence sur le héros romantique par
un point notionnel abstrait, il parait plus
intéressant de partir de l’œuvre. On peut
par exemple proposer un groupement de
textes articulé autour du personnage
romantique et axer dans un premier temps
les entrées de lecture autour de l’individu
afin de faire ressortir les points communs
entre ces héros littéraires du début du
XIXe siècle et d’en tenter un ou des
portraits. En effet, le romantisme s’incarne
dans son héros : un être sensible dont le
désœuvrement se traduit par une vie de
bohême et d’abus mais aussi un être
animé par un idéal social, une volonté de
lutter contre les injustices, de libérer le
peuple. Le questionnement aboutira à
constater l’ancrage du personnage
romantique dans sa société et son combat
pour de nouvelles valeurs. Il sera alors
possible à l’enseignant d’apporter
(magistralement ou à partir de textes et
documents historiques) un éclairage
historico-politique qui permettra de mieux
comprendre les luttes et les valeurs des
personnages étudiés. La séance suivante
peut porter sur une étude de la
caractérisation dans le roman romantique
et l’implication du narrateur. À partir de
ces deux entrées, les élèves pourront
écrire un paragraphe présentant les
grands axes du romantisme littéraire et les
caractéristiques du personnage
romantique. L’activi d’écriture peut
également être fictionnelle : écrire un
portrait de personnage incarnant le
romantisme jusqu’à la caricature par
exemple. Pour conclure la séquence, il
parait intéressant d’élargir la présentation
du romantisme et d’en dresser une
présentation culturelle. Armés d’outils
d’analyse, les élèves peuvent étudier en
groupes de travail d’autres représentations
du romantisme à travers des tableaux, des
extraits de pièces de théâtre et de
poèmes. Il s’agira d’en dégager les
thématiques essentielles et de
comprendre en quoi ils s’inscrivent dans le
courant romantique. Pour compléter cette
présentation, et pour que les élèves
perçoivent l’étendue des domaines du
courant romantique, une découverte de
quelques compositeurs peut être
envisagée. On peut d’ailleurs aussi
imaginer ouvrir la séquence par cette
écoute ; demander aux élèves d’écrire
quelques phrases sur les images et les
sentiments qu’elle leur évoque et de
revenir sur ces premières impressions en
fin de séquence.
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Le personnage de roman porte les
préoccupations
d’une société à un instant donné
Aborder la notion de personnage
de roman et son évolution permet de
couvrir un large champ littéraire en
proposant l’étude de textes patrimoniaux
mais aussi la découverte d’auteurs
contemporains.
Le personnage est longtemps
demeuré l’élément central du roman, le
moteur de la fiction, sans pour autant
garder les mêmes caractères. Le
personnage se modifie au rythme de
l’évolution de la forme du roman et des
projets de leurs auteurs. Il incarne d’abord
des idéaux de sa communauté puis des
figures plus singulières. Dans le même
temps, il passe d’une certaine forme
d’abstraction à une caractérisation
réaliste. Souvent méconnu en raison de
l’accent mis sur le combat d’idées, le
roman des Lumières est pourtant
quantitativement très important. Il touche
un public de plus en plus large et subit la
censure car on lui reproche son
immoralité. En effet, le roman du XVIIIe,
qui ne s’adresse plus uniquement aux
élites, offre quelque chose de nouveau
aux lecteurs : l’identification. Le
personnage remplace le héros ; il incarne
l’homme avec toutes ses faiblesses, ses
doutes, et est ancré dans la société
moderne. Le personnage, aux origines
souvent modestes, illustre une volonté et
une possibilité d’ascension sociale. Le
personnage du XVIIIe est donc un témoin
du passage de l’Ancien régime au monde
moderne. À cette même époque, le roman
d’éducation fait évoluer le personnage au
fil de ses initiations. Il ne s’agit plus
uniquement d’un trajet de personnage à
travers la société (le personnage parvenu)
mais de son trajet personnel. Le XIXe
siècle s’attache particulièrement à ce
roman du présent. Plus que le récit, c’est
le personnage, l’individu, qui est au centre
du roman comme en attestent les titres
éponymes : Madame Bovary, Boule de
Suif, Eugénie Grandet… Les romans
réalistes et naturalistes racontent des vies,
souvent inscrites dans une généalogie. Ce
sont bien des vies d’hommes et de
femmes de leur siècle, toute leur identité
en témoigne : leur patronyme (Étienne
Lantier, Gervaise Macquart), leur langue
(le sociolecte). Ainsi, le narrateur de
Germinal utilise le même niveau de
langue, le même argot, que les
personnages. Le retour du personnage
d’un roman à l’autre (le personnage
reparaissant) participe à cette impression
de réel ; le personnage existe puisque son
existence ne s’arrête pas à la fin d’une
œuvre.
L’évolution essentielle du début du
XXe siècle, influencée par la naissance
des sciences humaines, tient surtout en la
caractérisation du personnage et au choix
du point de vue. Pour laisser plus de place
à l’interprétation du lecteur, mais aussi
plus de liberté au personnage et ne pas le
figer dans un destin écrit par son créateur,
les romanciers abandonnent le narrateur
omniscient et introduisent le "monologue
intérieur".
Parallèlement, les caractéristiques
externes du personnage sont très souvent
réduites à un strict minimum. Dans les
années 1960 le Nouveau roman choisit de
supprimer le héros pour des personnages
médiocres ou insignifiants. Si le
personnage est aussi central dans les
romans des XVIIIe et XIXe siècles, c’est le
résultat de l’évolution de la société, de la
naissance de l’individualisme. C’est
pourquoi selon Alain Robbe-Grillet, le
roman de personnages disparait au XXe
siècle. Le personnage n’est pas maître de
ses actions, il est déterminé par son
inconscient et son origine socio-
économique. Il existe des concordances
historiques entre formes romanesques et
types de société. L’objectif du Nouveau
roman est donc de replacer le roman dans
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la réalité du monde moderne. Si le
personnage semble reprendre sa place
dans le roman réaliste contemporain, il
présente cependant des caractéristiques
communes avec le personnage du
Nouveau roman. On retrouve une forme
d’effacement, la mort de l’individu qui n’est
plus vraiment en lutte contre la société
mais en lutte contre lui-même. Le héros
est confron à sa « transparence », sa
solitude, au vide social et existentiel, et ne
sait que faire de sa liberté. Dans les
années 70-80 deux nouvelles conceptions
du personnage s’affrontent : les
personnages fantaisistes, décalés d’une
littérature narrative et les personnages
issus de personnes réelles des récits de
filiation. On constate que la littérature
s’inquiète du passé historique et introduit
les traumatismes du XXe siècle dans
l’héritage de ses personnages.
Cependant, ces récits de filiation
demeurent des romans et ne peuvent être
qualifiés de récits puisque la part de la
fiction reste présente. Ce mélange entre
fiction et réalité se retrouve dans les
"fictions biographiques" qui restituent des
moments dans la vie de personnages
célèbres, peintres, écrivains, musiciens.
Enfin, dernier exemple de personnage réel
intégré à la littérature, le protagoniste de
fait divers qui permet lui aussi aux
romanciers contemporains de partager
leurs interrogations et inquiétudes
concernant la société.
Ainsi, quels que soient son statut,
sa fonction, le personnage de roman porte
les préoccupations d’une société à un
instant donné. Le personnage de roman
ne peut être considéré seul ; il est au cœur
d’une relation avec l’auteur et le lecteur. Si
l’on considère que l’approche historique
est aussi un moyen d’éclairer le présent à
la lumière du passé, on peut alors amorcer
une réponse à la question posée : « En
quoi l’histoire du personnage étudié, ses
aventures, son évolution aident-elles le
lecteur à se construire ? »
Les connaissances liées au champ
linguistique peuvent aider à la
compréhension de l’évolution de la
forme et du rôle du personnage de
roman
Il semble donc envisageable de
travailler la notion de personnage à travers
un groupement de textes qui soulignerait
comment on est passé du héros au
personnage, un personnage transfor
par ses aventures mais aussi ses
interrogations. Les connaissances liées au
champ linguistique de l’objet d’étude
peuvent dans ce cas véritablement aider à
la compréhension de l’évolution de la
forme et du rôle du personnage de roman.
Ainsi, si les procédés de la désignation et
de la caractérisation ont déjà été étudiés
dans une séquence sur le personnage
réaliste ou romantique, un questionnement
soulignant leur présence et leur absence
permet d’aller vers la compréhension de
l’évolution du personnage proposée en
problématique de séquence. De même,
l’énonciation dans le récit, et notamment
l’utilisation des points de vue, peut être
présentée comme relevant de choix
d’auteurs correspondant à une époque,
une époque littéraire, intimement liée à
son contexte historico-sociétal.
3- La notion d’individu dans le
cours d’histoire
Alors que dans les librairies non
spécialisées les livres d’histoire des
rayons du même nom accordent de plus
en plus de place aux biographies
historiques, il y aurait comme un risque à
valoriser l’utilisation de la biographie pour
l’enseignement de l’histoire : celui de
réduire l’histoire à la petite histoire, au
petit roman familial.
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