Mesure des diamètres de la Terre et de la Lune 1/2 Anaxagore et l'école ionienne Né à Clazomènes vers 500 avant J.-C., Anaxagore vint se fixer à Athènes, où il introduisit la philosophie, et appartint au cercle éclairé qui entourait Périclès. Condamné pour impiété parce qu’il avait soutenu une astronomie mécaniste, il retourna dans sa ville natale, où il mourut en 428. L’école ionienne, qui fleurit à Milet, en Asie Mineure, et dans l’île de Samos fut fondée par le premier grand nom de la science grecque: Thalès (640-562). Selon Thalès, la Terre est un disque circulaire flottant comme un morceau de bois sur une sorte d’océan dont la substance est source de tout et dont l’évaporation donne l’air. Anaximandre (611-545), disciple de Thalès, fit un progrès considérable en plaçant la Terre, isolée dans l’espace, au centre de l’Univers, et en faisant tourner autour, sur des roues de différents diamètres, les divers astres. Il estima la distance de ces astres, mais sans aucune base scientifique, plaçant même les étoiles plus près de nous que le Soleil et la Lune. Un siècle et demi plus tard, l’école ionienne devait encore être illustrée par Anaxagore, qui eut l’intuition de génie que les planètes et la Lune étaient des corps solides analogues à la Terre et lancés dans l’espace comme des projectiles. Il en déduisit la première explication exacte des éclipses de Lune, par immersion de celle-ci dans l’ombre de la Terre. Vers la fin du VIe siècle, alors que l’école ionienne était en plein essor, Pythagore (env. 530 av. J.-C.) fondait en Italie méridionale une nouvelle école, qui devait briller pendant plus de deux siècles. Pour Pythagore et ses disciples, le nombre règle tout: art, musique, science, astronomie. Les distances des planètes forment une série «harmonique»; ce sont les rayons de sphères concentriques tournant autour de la Terre. Ce besoin d’harmonie mystique conduisit Parménide (540-450 env.) à supposer la Terre sphérique, car la sphère «est le volume le plus parfait». Il est à remarquer que ce n’est que plus tard que la forme sphérique de la Terre fut confirmée par des voyageurs ayant observé les changements d’aspect du ciel à mesure qu’ils descendaient vers le sud. Mais Parménide n’eut pas d’idées plus précises que ses prédécesseurs sur la position des planètes. Eratosthène et l'école d'Alexandrie Savant grec, premier géographe de l’Antiquité, célèbre aussi comme bibliothécaire du musée d’Alexandrie, ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE (~ 275-~ 195) était contemporain d’Archimède (~ 287-~ 212), lequel lui adressa une lettre sur La Méthode , sorte de testament scientifique où le Syracusain révèle le secret de certaines de ses découvertes. Ératosthène, qui a sans doute suivi des études encyclopédiques à Cyrène, son pays natal, et été l’élève de Callimaque à Alexandrie, vint ensuite à Athènes, où il séjourna une vingtaine d’années, fréquentant des élèves de Platon et des stoïciens. Il s’y acquit, semble-t-il, une réputation telle que Ptolémée III Évergète l’appela à Alexandrie pour être précepteur de son fils. Mais Ératosthène s’y illustra surtout, de ~ 235 à sa mort, par ses fonctions de conservateur de la fameuse Bibliothèque. Auteur d’ouvrages de philosophie, de poétique, d’histoire, d’astronomie, de musique — dont il ne reste presque rien —, Ératosthène participa à la vie intellectuelle de l’époque. De ses ouvrages scientifiques mêmes il ne demeure que des fragments, des résumés ou des relations. C’est de l’école d’Alexandrie que nous sont parvenues les premières descriptions de mesures des dimensions et des distances des astres. Mesure des diamètres de la Terre et de la Lune 2/2 Ératosthène tira, de la documentation rapportée par le souverain, des Mémoires géographiques et une Mesure de la Terre. Il montrait, comme Aristote, que celle-ci était sphérique. La distance de la Lune fut déterminée avec une bonne précision par Aristarque, puis par Hipparque, en mesurant les dimensions du cône d’ombre lors d’une éclipse de Lune. Ils purent ainsi démontrer que le diamètre de la Lune était égal au tiers du diamètre terrestre (valeur exacte du rapport: 0,27) et que sa distance était de soixante rayons terrestres. En revanche, les Anciens n’eurent aucun moyen de mesurer la distance du Soleil et des planètes. La valeur qu’ils en donnèrent, probablement calculée d’après la durée de leur révolution apparente, n’est pas toujours la même, principalement en ce qui concerne le Soleil et les planètes inférieures. Ératosthène mesure la Terre Le «bibliothécaire» d'Alexandrie est en fait le directeur de tout le centre scientifique. Il dirige en outre l'éducation du prince héritier. De 235 à 195 av. J.-C., ce poste est occupé par Ératosthène, qui est à la fois mathématicien, historien, poète, astronome... C'est lui qui va réaliser la première mesure de la circonférence de la Terre. Vers 230, Ératosthène remarque qu'à Syène (aujourd'hui Assouan), ville située dans le sud de l'Égypte, le Soleil éclaire le fond des puits à midi le jour du solstice d'été: ses rayons sont alors parallèles à la verticale de Syène. Pour calculer l'angle entre la verticale de Syène et celle d'Alexandrie, c'est-à-dire la fraction de la circonférence terrestre qui sépare les deux villes, il suffit donc de mesurer l'angle entre la verticale d'Alexandrie et les rayons du Soleil, le jour du solstice d'été, à l'instant où il est midi à Syène. Or, les villes de Syène et d'Alexandrie sont toutes les deux au bord du Nil. Ce fleuve a une direction nord - sud; de ce fait, Syène est à peu de chose près sur le méridien d'Alexandrie: il est donc midi au même instant dans les deux villes. Ératosthène en mesure l'angle, qu'il trouve égal à «un cinquantième de tour», c'est-à-dire un cinquantième de la circonférence terrestre. La distance entre Syène et Alexandrie étant évaluée à environ 5 000 stades, la circonférence de la Terre vaudrait donc cinquante fois plus, soit 250000 stades ( env. 46000 km), résultat semblet-il très proche de la valeur correcte. Mais, plus que le nombre de stades, dont l'évaluation est entachée de nombreuses incertitudes, c'est surtout la méthode qui mérite d'être soulignée. Ainsi, dès 230 av. J.-C., les astronomes d'Alexandrie connaissent la taille de la Terre. Cela leur permet de calculer tout de suite celle de la Lune, ainsi que sa distance, grâce à une méthode imaginée cinquante ans plus tôt par Aristarque. Aristarque mesure la Lune Originaire, comme Pythagore, de l'île ionienne de Samos, Aristarque a travaillé toute sa vie à Alexandrie et y a réalisé des travaux d'astronomie considérables. C'est vers 280 ou 270 av. J.-C. qu'Aristarque a mesuré la Lune par une méthode simple fondée sur les éclipses. La taille de la Lune En effet, lors d'une éclipse de Lune, celle-ci traverse le cône d'ombre que projette la Terre. On peut alors comparer son diamètre à celui du cône d'ombre de la Terre: la section du cône est trois fois plus large que le disque lunaire. Assimilant le cône d'ombre à un cylindre, Aristarque décide que la section de cône a le même diamètre que la Terre: celle-ci est donc trois fois plus large que la Lune. Cette estimation n'est pas tout à fait correcte, car ce cône n'est justement pas un cylindre. Hipparque montrera cent ans plus tard, en corrigeant cette erreur, que le diamètre lunaire n'est pas égal au tiers, mais au quart de celui de la Terre.