Ainsi, on ne démontrera jamais la vérité d’une hypothèse. Le lot de chacune est d’être tôt ou tard infirmée en tout ou en partie et d’être remplacée
par d’autres propositions. Si la réalité ne cesse de se transformer et si les modèles et les méthodes d’observation et d’analyse progressent, il ne peut
en être autrement.
Le véritable chercheur ne s’efforcera jamais de prouver à tout prix la valeur d’objectivité de ses hypothèses. Il cherchera à en cerner les limites
dans l’espoir de les parfaire, ce qui implique qu’il les remette en question. Cela ne peut évidemment être envisagé que si le chercheur formule ses
hypothèses empiriques sous une forme telle que leur infirmation soit possible, ou, pour reprendre l’expression de Karl Popper, que si ses
hypothèses « falsifiables ».
Cette qualité postule deux conditions :
1re condition : Pour être falsifiable, une hypothèse doit revêtir un caractère de généralité. Une proposition qui ne possède pas ce caractère général
ne peut faire l’objet de tests répétés et, n’étant pas falsifiable, ne peut être tenue pour scientifique. Ce problème de l’articulation entre le général et
le singulier se pose de manière très différente selon la discipline et les ambitions du chercheur.
2e condition : Une hypothèse ne peut être falsifiée que si elle accepte des énoncés contraires qui sont théoriquement susceptibles d’être vérifiés.
Les véritables scientifiques formulent leurs hypothèses de façon à déduire à partir d’elles des faits observables qui pourront les confirmer si elles
sont adéquates ou !! les infirmer si elles ne le sont pas.
Cette seconde condition permet de comprendre le critère de vérification d’une hypothèse que suggère Popper : une hypothèse peut être tenue
pour vraie (provisoirement) tant que tous ses contraires sont faux.
Il faut noter que les critères de scientificité de Popper ne peuvent être appliqués de la même manière dans les sciences naturelles et dans les
sciences humaines.
Le principe d’intersubjectivité est le fait de rendre public les résultats de la recherche et les soumettre à la critique mutuelle.
Pour diminuer ses biais, le scientifique fait parvenir ses recherches sur le « forum » des chercheurs compétents de la discipline (instance de
jugement à laquelle il doit se référer). « La critique est le nerf de la science » (Eysenck).
Diverses règles conditionnent l’épreuve d’1 débat loyal dans la « République de la Science » : - le refus du dogmatisme et de l’argument d’autorité
- un travail de précision terminologique et d’opérationnalisation des concepts
- la clarté et l’évitement des ambiguïtés et des résultats.
C’est un devoir moral de tous les intellectuels de tendre vers la simplicité et la lucidité.
L’objectivité en sciences sociales est d’ores et déjà rencontrée par la mise en oeuvre de dispositifs de recherche explicites et contrôlables à
l’intérieur d’une communauté scientifique. Le caractère public de la recherche et la critique mutuelle sont d’une importance essentielle.
Principe d’intersubjectivité au niveau des enjeux. Les questions que l’on pose à la réalité évoluent entre autre en raison de mécanismes internes à
la communauté scientifique (changement de paradigme). Toute recherche s’inscrit dans un processus d’accumulation qui implique la prise en
compte de l’état de l’art, le respect de règles épistémologiques élémentaires, la communication des résultats et l’exposition du travail à la critique de
la communauté scientifique. Un certain nombre de règles demandent à être respectées.
2 types d’erreurs : surestimer son travail d’une part, et faire à peu près n’importe quoi par manque de déontologie professionnelle d’autre part. Il
s’impose donc de bien situer l’ambition scientifique de la recherche.
3 : On attribue généralement certaines spécificités aux sciences sociales par
rapport aux autres sciences, qu'en est-il exactement ?
1)Ce qui est spécifique aux sciences sociales est que celles-ci ont affaire à des activités auxquelles ceux qui s’y engagent confèrent du sens. Or, nous
ne pouvons pas comprendre le social correctement si nous ne cherchons pas à saisir les multiples significations qui y ont cours. Les hommes
ne vivent pas dans les mêmes espaces sociaux, ce qui nécessite de multiplier les recherches et rend plus difficile la recherche d’invariants
communs à tous.
Le chercheur en sciences sociales doit répondre aux exigences de la rupture épistémologique. Il doit donc faire un effort constant de
distanciation par rapport au sens commun. Néanmoins, pour prendre en compte les significations que les individus confèrent à leurs
actions, le chercheur doit prendre le sens commun au sérieux, reconnaître le rôle essentiel qu’il joue dans les activités sociales, puisque c’est lui
qui permet aux personnes d’orienter leurs conduites, de développer un véritable savoir social. Le discours scientifique ne doit donc pas se
construire nécessairement en opposition au sens commun mais « en l’assumant pour le dépasser. Le chercheur doit plutôt reconnaître
au sujet sa compétence réflexive c'est-à-dire qu'il doit admettre que le sujet étudié puisse contribuer à la ratification et correction de son
analyse. Le chercheur doit, à cette fin, établir un dialoguisme rigoureux avec l’objet étudié.
2)Le sujet observé, se situant dans un contexte marqué par des significations, conserve la « liberté » d’agir. Le chercheur doit être conscient que le
fait d’être étudié peut provoquer des comportements atypiques ou non naturels parmi les sujets observés. Dans les sciences de la nature, on
peut aussi assister à une réactivité de l’objet par rapport à l’observation. Néanmoins, nous devons relativiser ces dires. Même si, dans les
sciences de la nature, il arrive que le sujet observé réagisse à l’activité du chercheur, nous ne pouvons tout de même pas parler de «liberté»
d’action!
3)Tout discours scientifique est un type de langage qui a pour particularité de prétendre saisir la raison ou la signification des choses. Les sciences
sociales, tout comme les autres sciences, doivent définir leur objectivité en faisant apparaître des invariants, des lois de validité générale dans
leur champ. De ce point de vue, il n’y aurait pas de différence de statut épistémologique entre les différentes sciences ; simplement les
sciences sociales auraient davantage de chemin à parcourir pour être suffisamment accomplies, et contrôlables à l’intérieur d’une communauté
scientifique.