TEMA V. La grammaire de la métaphore 4.1. L'analyse du contexte syntaxique À l'ancienne perspective substitutive, paradigmatique, les néo-rhétoriciens opposent aujourd'hui une perspective interactive, contextuelle, qui rend compte des rapports établis entre le terme propre est le terme figuré: „au lieu de poser ces relations in absentia entre le sens figuré du terme employé et le sens propre d'un terme reconstitué, les néo-rhétoriciens les ont posées entre le sens de mots co-présents dans l'énoncé (...) Le principe du changement de sens d'un seul mot cède ainsi la place à celui d'une signification figurée attachée à une combinaison lexico-syntaxique. Un tel changement d'optique a entraîné la collision de deux types distincts de figures, la métaphore et la comparaison, qui reposent sur un rapport de ressemblance, implicite ou explicite“ (I.Tamba Mecz, 1981: 25). Nous réservons un sous-chapitre à part à l'analyse de la comparaison métaphorique (v. infra, 4.2.). Revenons à l'intérêt que suscitent aujourd'hui les éléments non figurés du cadre linguistique avec lesquels le terme figuré est syntaxiquement lié dans un contexte minimal (définitoire). La métaphore est ainsi envisagée comme une relation – R – qui s'établit obligatoirement entre deux termes: un terme propre – Tp –et un terme figuré, –Tf ou Tm (terme métaphorique). Dans son étude Métaphore et syntaxe, J. Tamine (1979) essaie de localiser les cadres syntaxiques privilégiés de la relation qui unit le terme propre au terme figuré. Nous adoptons sa typologie, que nous considérons supérieure à celle de Ch. BrookeRose (1958). Ses critères distinctifs sont la nature de l'outil syntaxique qui supporte la relation R entre les deux termes et la partie du discours à laquelle appartiennent respectivement le Tp et le Tm. On distingue deux rubriques principales: a) Les métaphores où le Tp et le Tm n'appartiennent pas à la même partie du discours. Elles se répartissent dans les configurations suivantes: V –Adv, dans le groupe verbal; N– Adj, dans le groupe nominal; Sujet – Verbe ; 120 Verbe –Complément(s), dans le groupe verbal. Dans ce cas, le terme métaphorique peut être n'importe lequel des deux termes liés par la relation syntaxique indiquée. Cette première grande catégorie coïncide avec les métaphores in absentia de la rhétorique classique, mais J. Tamine ne fait plus appel à la notion de substitution chère à la tradition (le terme métaphorique est donné comme remplaçant un hypothétique terme propre, absent du contexte, qui doit être reconstruit). De ce fait, même la Rhétorique générale (1970), qui partage le modèle substitutif avec la tradition rhétorique, enfermait la métaphore dans une fonction subalterne, puisqu'elle n'était qu'un synonyme plus expressif du terme propre. b) Les métaphores où le terme propre – Tp et le terme métaphorique –Tm – sont coprésents et appartiennent à la même partie du discours, soit des noms, soit des infinitifs. Lorsque les deux termes sont des noms, ils se répartissent dans les cadres syntaxiques suivants: Verbe + Nom (être, verbe copule exprimant l'équivalence); Apposition. Assignant à plusieurs termes la même fonction grammaticale, elle pose ces termes dans une position comparable et fait d'eux un paradigme; Préposition, (essentiellement de,1 qui exprime des valeurs multiples) + Nom. Ces métaphores recouvrent les figures in praesentia. J. Tamine propose le tableau suivant, qui représente toutes les configurations syntaxiques possibles de la métaphore: MÉTAPHORES Tp et Tm n'appartiennnent pas Tp et Tm appartiennent à la à la même partie du discours même partie du discours Tp et Tm sont deux Tp et Tm sont VAdv N Adj VN2 noms deux infinitifs appoApposi Tm=V Tm=N être de être sition –tion 1. On définit généralement les métaphores en être: - N1 est N2 comme l'expression de l'identité, de l'équivalence. J. Tamine propose, pour ce type de métaphores, le terme définitionnel „identification“, parce que "l'intérêt du cadre, dans le cas des métaphores, est [...] d'identifier des éléments 121 entre lesquels n'existe aucune relation préalable“, et que leur „identité“ affirmée traditionnellement „n'est que le résultat de l'identification produite par la configuration“(op. cit. : 68). Tamine prouve par l'analyse distributionnelle que ce cadre syntaxique est loin d'exprimer uniquement l'équivalence. Elle distingue trois configurations particulières: - N1 est le (ce, son) N2, où le déterminant de N2 est défini. Ce cadre est considéré comme celui de l'identité; - N1 est un N2, où la présence d'un déterminant indéfini devant N2 fait que l'objet auquel renvoie N1 soit classé dans la catégorie que designe N2, classification qui est le seul résultat de la syntaxe, en l'absence de relation sémantique préconstruite entre N1 et N2. Cette structure est proche de la définition; - N1 est Ø N2. L'absence de déterminant devant N2 détermine le fonctionnement de celui-ci comme adjectif. N2 se borne alors à apporter une qualification à N1; 2. Comme les constructions en être, les configurations en de offrent un cadre syntaxique dans lequel les relations entre les deux substantifs sont „les plus vagues, les moins syntaxiquement définies [...] un cadre polysémique et ambigu, N1 de N2, qui permet de jouer sur plusieurs relations entre deux substantifs“ (idem : 69). Au contraire, pour les métaphores in absentia, qu'elles soient nominales ou verbales, „les relations entre verbe et sujet (et / ou complément) sont beaucoup mieux définies et plus strictes, les verbes se caractérisant par une sélection particulière“ (ibid.), dont il faut tenir compte. Dans cette perspective, J. Tamine critique la dérivation, par une „série d'ellipses“, que G. Genette opère, à partir des métaphores in praesentia, pour aboutir aux métaphores in absentia. Voilà ces types possibles de structures analogiques proposées par G. Genette (1970): 1. comparaison motivée: Mon amour brûle comme une flamme. 2. comparaison non-motivée: Mon amour ressemble à une flamme. 3. assimilation motivée: Mon amour (est) une flamme ardente. 4. assimilation non motivée: Mon amour (est) une flamme. 5. assimilation motivée sans comparé: Mon ardente flamme. 6. assimilation non motivée sans comparé: Ma flamme. (véritable métaphore) Pour G. Genette, le choix entre les diverses configurations semble donc n'être soumis à aucune contrainte que le désir d'insister plus on moins sur la motivation du rapprochement entre le terme propre et le terme figuré. Il considère seulement le type 122 6 comme une véritable métaphore. Qu'on se rappelle l'analyse semblable de ces structures „dérivationnelles“, à partir de la structure comparative avec comme, que M. Le Guern (1973) entreprit, avec une critique semblable à celle de J. Tamine concernant la réduction progressive de ces structures qui est forcée, inadéquate pour expliquer la spécificité du phénomène métaphorique: „Malgré la ressemblance des structures grammaticales, il est donc abusif de rapprocher la métaphore in praesentia de la similitude“ (M. Le Guern, op. cit.: 56). Dans le cas d'une métaphore „in absentia“, établie entre le terme métaphorique –verbe et un (ou plusieurs) actants nominaux (sujet / complément(s)), la tendance de certains chercheurs à la ramener à une métaphore nominale doit être critiquée 3. 3. Les constructions appositives „in praesentia“ ont la configuration syntaxique N1 Ø N2 (N1–N2) non spécifique et qui n'est pas soumise à des restrictions sémantiques dans le cas des emplois métaphoriques. Tamine s'emploie à „démonter“ les mécanismes des métaphores verbales „in absentia“, qui pourraient faire croire à une spécificité syntaxique du figuré, représentée par: a) les changements de construction, b) la présence dans l'emploi figuré d'un complément obligatoire qui est facultatif dans l'emploi propre et c) l'extension de propriétés. a) S'il est vrai qu'un verbe en emploi métaphorique n'a pas toujours la construction du sens propre, il est tout aussi vrai que ces métaphores cessent peu à peu d’être reliées au sens propre et se lexicalisent. Or, ceci n'est pas particulier à la métaphore, parce que les différences de construction syntaxique du verbe (et de ses dérivés) est un critère utilisé par les lexicographes pour choisir entre polysémie et homonymie; les homonymes se distinguent par leurs propriétés syntaxiques et dérivationnelles différentes. Il ne s'agit donc pas là d'un phénoméne particulier à la métaphore. b) D'autre part, le complément d'un verbe métaphorique n'a pas un comportement particulier; il est une spécification parmi d'autres dont il ne se distingue que du point de vue sémantique. À comparer: assaisonner la salade (d'une vinaigrette) /vs/ assaisonner son discours de plaisanteries. c) Les extensions de propriétés sont dues aux cadres syntaxiques spécifiques à certaines classes lexicales, appliqués, par un „calembour syntaxique“, à d'autres items lexicaux qui, de ce fait, en acquièrent les propriétés sémantiques. Par exemple, les 123 „noms de qualité“, dont la configuration syntaxique se caractérise par: l'absence de déterminant devant le N2 de la configuration N1 de N2; l'accord imposé à N1 par N2 et la présence en N1 d'un nom de qualité le plus souvent péjoratif (imbécile, crétin, salaud, espèce, etc.) peuvent réaliser également des qualifications figurées ou non: Son grand dadais de fils / ma vipère de voisine. Dans ce cadre qualitatif peut être inséré un nom qui n'est pas un nom de qualité: Son colonel de mari, qui a un effet d'appréciation, tandis que Son imbécile de mari ou Cet ours de Jacques ont un effet de classification. On peut considérer alors qu’: „En définitive, quel que soit le type de métaphores considérées, aucune ne peut être caractérisée par un fait de syntaxe qui l'oppose au propre de façon spécifique. La frontière du propre et du figuré n'appartient qu'à la sémantique et à la pragmatique [...] Ce qui ne signifie pas pour autant que la part de la syntaxe soit négligeable puisqu'au contraire, en l'absence d'un accord entre les cadres et les variables lexicales, c'est la syntaxe qui porte la responsabilité de l'interprétation d'ensemble à attribuer aux métaphores“ (J. Tamine, op. cit : 78). Cette approche de la métaphore en relation avec ses cadres syntaxiques privilégiés nous conduit à définir cette figure comme „la rencontre dans une configuration particulière de deux termes incompatibles“(ibidem). Les autres figures apparentées sémantiquement à la métaphore, qui sont fondées sur la même notion de ressemblance, s'en distinguent par le critére de l'étendue de la figure, de sa dimension syntaxique: l'allégorie, le parallèle, la métaphore filée dépassent le cadre de la proposition, n'apparaissant pas dans des structures syntaxiques précises, „privilégiées", comme c'est le cas de la métaphore. C'est pourquoi elles ne font pas l'objet de notre étude. En échange, nous pouvons illustrer les structures syntaxiques privilégiées présentées ci-dessus par des exemples tirés du monde animal. A. Métaphore où le terme propre Tp et le Tm (terme métaphorique) n'appartiennent pas à la même partie du discours (métaphores „in absentia“)4: V– Adv (rarissime): J'ai été plaqué deux fois. Et vachement (Montherlant, in Petit Robert.) Elle est vachement bien. Il nous aide vachement.5 N– Adj, où le Tm est l'adjectif (structure très fréquente) une mer moutonnante, une faim canine, une voix chevrotante, une révolution larvée (qui n'éclate pas). V –N, structure qui recouvre deux situations: - le terme métaphorique est le verbe: 124 Le coeur me piaffe de génie (Laforgue) Se laisser dindonner de cette façon par les femmes (Zola - in Lexis) Un farouche vent d'ouest parcourait, en hennissant, la vallée (Duhamel, in Lexis). - le terme métaphorique est le nom (sujet, complément du verbe ou terme d'adresse): Une nourrice portant quatre lardons6 (Barbusse, in Petit Robert) N'aie pas honte, mon petit lapin –Zola, in Petit Robert (dans cet exemple on observe la correlation entre la structure impérative et l'appellatif hypocoristique). B. Métaphores où le terme propre et le terme figuré appartiennent à la même partie du discours (métaphores in praesentia). Le Tp et le Tm sont des noms: - liés par le verbe - copule être, exprimé ou sous - entendu, qui marque l'équivalence. Etre à la fois, ou plutôt faire alterner en soi, la Bête et l'Ange [...] que l'homme le veuille on non, la nature l'y forcera ... (Montherlant) Si l'âme est un oiseau, le corps est l’oiseleur (G. Nouveau) L'homme est un animal raisonnable. Elle est chatte. Il a été vache avec moi. (dans ces derniers exemples, on observe l'emploi adjectival du nom métaphorique, qui n'a pas de prédéterminant). - le Tm est une apposition. Elle peut intégrer un démonstratif, qui atténue l'équivalence, en la rapprochant de la simple comparaison: L'ennui ... cet aigle aux yeux crevés (A. Bernier) Le degré fort juxtapose les termes: "La censure, serpent, l'ayant mordue au pied" (Hugo) ou le vers bien connu d'Apollinaire: "Bergère ô tour Eiffel / Le troupeau des ponts bêle ce matin" Cette structure est la plus rapprochée d'un „paradigme développé dans un syntagme“ (Rhétorique générale). - les termes sont liés par une préposition (de ou à). Le terme métaphorique peut être soit en position de déterminé, soit en position de déterminant. Les métaphores en de ou à reproduisent des compléments: - de quantité: une nuée d'enfants; 125 - de qualité: Mon chien puant de voisin. Il est à remarquer que ce cadre syntaxique du nom de qualité permet l'interchangeabilité des termes. On dit tout aussi bien: une chienne de vie comme une vie de chien un chien de temps comme un temps de chien Avec le terme métaphorique en position de déterminé, cette structure est beaucoup plus expressive: un grand cheval de femme. Cette structure existe aussi en roumain: o cadră (zână) de fată, un munte de femeie, etc. - d'attribution. La Rhétorique générale considère que ces constructions, du type La rosée à tête de chatte (A. Breton), fréquentes chez les poètes, peuvent être facilement réduites à un „degré zéro“: la rosée à irisations. Ce génitif d'attribution se rencontre plus rarement dans les métaphores usuelles ;7 - de matière: Tes yeux de fougère, tes cheveux de soie, etc Ce type de métaphores qui cultivent l'ellipse de l'intersection sémique (v. H.Morier, 1989:688), largement utilisées dans le langage poétique et même dans la langue courante, s'imposent par leur pouvoir de suggestion: la formule métaphorique Tp-de-Tm (A de B) „a une valeur qualificative extrêmement riche, parce qu'elle tire de la substance un ensemble de qualités qui forment une synthèse de sensations“ (Morier, loc. cit.): des eaux d'émeraude, des tresses d'ébène, une robe d'innocence sont des métaphores poétiques. La langue populaire cultive, dans ses formes poétiques, de telles métaphores: tes yeux de fougère, ta bouche de fraise, qui connaissent aussi la forme Tm-de-Tp (B de A), par inclusion apparente: la fougère de tes yeux, la fraise de ta bouche, la soie de tes cils, etc. Voilà comment H. Morier analyse la métaphore les fougères de tes yeux: „la forme arquée, les stries délicates, le caractère sylvestre et sauvage du végétal auront envahi la conscience: la teneur de «l'inclusion» imposera sa richesse“. Une mention à part mérite l'emploi adjectival du nom métaphorique. H. Morier considère que le nom adjectivé employé dans la langue vivante n'a pas la fonction intersectionnelle du substantif épithète, malgré l'apparente synonymie des expressions. Le nom adjectivé prête au déterminé toute la substance du déterminant (souligné par Morier). En disant: „«Elle a un air Saint-Germain-des-Prés», je veux dire, certes, un air déluré, mais, en outre, une affectation de bravade, un regard assuré comme un défi à la société, la camaraderie de la bohème existentialiste“, etc. (ibid.). Pour Morier, l'opération du nom adjectivé est une qualification substantielle dont le signe est celui de l'union: Tp U Tm (A U B) et non plus celui de l'intersection. 126 C'est un trait de la langue parlée qui passe petit à petit dans la langue littéraire. On dit couramment: un succès monstre, un vache tombeau, avec invariabilité morpho-syntaxique du déterminant qualifiant. Morier fait une distinction de principe entre métaphore par ellipse du comparant et métaphore „essentielle“. Dans le cas de l'ellipse du comparant, celui-ci peut être soit réduit tout entier à l'intersection exprimée linguistiquement: „Le brillant Chantecler fait exploser l'aurore“ soit, en même temps qu 'il y a ellipse d'un sous ensemble significatif du comparant, il y a aussi ellipse de l'intersection: „Le banyan de la pluie“ (Saint-John-Perse), où la partie évocatrice du comparant (les lianes) n'est pas nommée, mais seulement sous-entendue. De telles structures appartiennent à la langue poétique. Quant aux „métaphores essentielles“, elles sont les plus elliptiques: le comparé (Tp) n'est pas nommé et la teneur (le tertium comparationis) reste généralement implicite. La langue courante, de communication, offre des exemples assez fréquents: on dit d'une personne qui semble divaguer qu'elle „a une araignée au plafond“. L'anglais dit, dans la même situation, que cette personne a une abeille sous le bonnet (to have a bee in one's bonnet) et le roumain qu'elle „a des frelons dans la tête “(a avea gărgăuni la cap). De telles constructions pourraient être prises pour de simples descriptions, sans intersection quelconque avec une autre réalité. Elles sont proches des paraboles christiques; pour qu'elles sugèrent au-delà d'elles-mêmes une autre réalité, en doit les prendre pour des signes à double entente. L'indice révélateur en serait „une certaine étrangeté, un caractère sublimé ou onirique“; les référents eux-mêmes possèdent une puissance de signification seconde et, de plus, il y a les mythes et les topoí connus qui forment le „savoir partagé“ des interlocuteurs. Le type réalisé par ellipse du comparé, fréquent en poésie, est représenté dans la langue courante par l'énigme: „Qu'est-ce qui ressemble à un oiseau, qui ronfle comme un ogre et qui porte plus d'hommes dans ses flancs qu'un cheval de Troie? - Un avion“. Pour reconstituer le comparé manquant, il faut plusieurs points de repère, le contexte de la métaphore jouant un rôle déterminant. Le syntagme nominal métaphorique Nom– Adj ou Adj.– Nom, où le déterminant peut être un adjectif qualificatif, un adjectif verbal ou un numéral: - dénominations "figuratives": cheval marin un oison bridé 127 cheval alimentaire un chien coiffé cochon marin cochon cuirassé - dénominations "translatives", dans lesquelles le sens figuré est réalisé par le contexte : un chien couchant un âne bâté une oie blanche un chat fourré un canard boîteux une chauve-souris un jeune loup8 Souvent, l'adjectif n'a que le rôle de renforcer, de raviver l'image associée au terme de base, comme dans un âne bâté, un oison bridé. d) Les structures en expansion: Chaque terme de la structure binaire canonique peut avoir des déterminations supplémentaires: un vilain petit canard (le membre le moins beau d’un groupe) un vieux cheval de retour (un récidiviste) le coup de pied de l'âne pied-de-mouton-blanc (terme dénominatif),etc. Les adjectifs à rôle argumentatif, comme vrai, véritable, ont la fonction d'imposer „la vérit“ de la métaphore. Ils sont surajoutés dans le syntagme nominal, uniquement dans le cas des métaphores expressives, sans apporter une information sémantique véritable; ils „signalent“ seulement la présence d'un sens métaphorique pragmatique. Voilà des exemples: c'est un vrai cheval de labour; c'est un vrai mouton. Au contraire, l'adjectif faux peut entrer dans des composés: un faux-bourdon (la 4-ème corde du violon). Structures syntaxiques des termes d'adresse Dans le chapitre précédent (v. supra 3.6.1.) nous avons affirmé que, formel– lement, insultes et hypocoristiques se distinguent. Les injures peuvent avoir les structures syntaxiques suivantes: - Nom: Têtard! Cochon! 128 - Article défini + Nom: Oh, la vache! - Adjectif + Nom: Pauvre cloche! Sale bête! - Nom 1 - de - (adjectif) - Nom 2 C'est la structure la plus complexe et la plus usuelle de l'injure. Le premier nom a les réalisations habituelles: espèce de ..., peau de ..., face de .... En voilà des exemples. Peau de vache! Espèce de sale merdeux! Face de rat! Crotte de chien! Peau d'hareng! La structure Nom de... est spécifique pour les jurons, qui ne sont pas identiques aux insultes.9 Les hypocoristiques présentent les formes: - Nom: Poussin - Nom à suffixe diminutif: Poussinet - Adjectif + Nom: Petit poussin. - Possessif + (Adjectif) + Nom: Mon (petit) poussin. Cette structure qui inclut un possessif est représentative pour l'hypocoristique. Les exemples sont abondants: ma biche, mon (petit) lapin, mon poulet, ma chatte, mon petit canard, etc. Toutes ces structures, accompagnées d'une intonation spécifique, assurent une des fonctions des injures et des hypocoristiques, qui est la fonction phatique (la prise de contact avec l'interlocuteur). En quelque sorte, on peut parler d'un élément explétif, redondant dans leur emploi, soumis plutôt à l'expression de l'affectivité et à l'usage (leur présence n'est pas vraiement nécessaire au sens de la phrase, car l'interlocuteur est tout proche, en face du sujet parlant). Une deuxième fonction importante qu'on doit assigner à ces structures, toujours exclamatives, est la fonction émotive. Selon la place que le terme figuré (le comparant – B) occupe par rapport au comparé (le terme propre –A), on peut destinguer deux orientations possibles de la métaphore: vers la droite (AB) ou vers la gauche (BA).10 Toutes les structures syntaxiques métaphoriques qui illustrent cette classification ont été étudiées par H. Morier (op. cit). . Les comparaisons métaphoriques. Si un énoncé comme: „Ses joues sont fraîches comme les roses“ n'est pas une figure, elle apparaît par la suppression de l'élément qui exprime la base de la comparaison: Ses joues sont comme les roses, qui est une comparaison métaphorique. Comme introduit une similitude partielle, l'équivalence n'étant jamais posée. 129 Si la métaphore in praesentia présente le phénomène d'assimilation – les roses de ses joues – et la métaphore in absentia celui d'incompatibilité textuelle – sur son visage, deux roses (substitution totale), l'élément relationnel de la comparaison interdit la commutabilité. Comme introduit une équivalence faible entre deux réalités qui ont peu d'éléments communs. Les variantes contextuelles de comme sont: comme si, ainsi que, le (la) même, pareil (le) à, sembler (à), semblable (à). Pour Olimpia Berca et alii (1984), la comparaison reste un trope, à condition qu'elle soit l'émanation du subjectivisme du sujet parlant et qu'elle poursuive un effet de persuasion. Le manque du signe d'égalité entre le comparé et le comparant impose son caractère d'approximation, la conscience de la non-identité entre les deux termes étant toujours présente (tandis que la métaphore identifie le comparé au comparant). Tudor Vianu (1957), mettant face à face métaphore et comparaison, considérait que le processus intellectuel générateur était le même, la différence provenant de la forme extérieure et des valeurs esthétiques qui leur sont attachées. La Rhétorique générale observait qu'entre la comparaison canonique introduite par comme et la métaphore in absentia qui représente la pure substitution, les divers auteurs ont employé un large éventail de structures grammaticales intermédiaires, destinées généralement à atténuer le caractère relationnel du comme(Dubois et alii, 1970: 114). Le comportement syntaxique des verbes métaphoriques appartenant au champ des noms d'animaux domestiques L'étude des verbes métaphoriques (bases et dérivés) appartenant au champ des noms d'animaux domestiques nous a permis d'opérer un classement en plusieurs groupes, selon leurs traits sémantico-syntaxiques et pragmatiques. (1) Un premier grand groupe est contitué par les verbes de communication verbale, qui possédent le trait [+Transmissif (+Interpersonnel)] (v. O. Galaţanu, 1988: 33) Ces verbes illocutionnaires sont des verbes marqués d’un trait [+Affectif (+Evaluatif)]. Ils apparaissent dans certains contextes spécifiques: dans la position d'ouvreur de phrase ou dans une proposition incise, comme tout verbe de communication verbale: „Il grogna, maussade: - Ça ne te regarde pas“. (J. L. Curtis, Les forêts de la nuit). 130 - „Viens ici, beugla- t- il sur un ton aigu”. O. Galaţanu (op. cit.: 73) considère que l'insertion en général (proposition incise et mention) attire l'attention sur la nature du rapport entre l'explicite et le sujet d'énonciation et donc relève de la modalisation au sens large, de la subjectivité dans le discours, surtout au cas du discours rapporté. L’auteur s'occupe aussi, dans le cadre plus lange de l'analyse des verbes de communication, de la sous-catégorie des verbes à caractérisant incorporé, du type: bafouiller, balbutier, bégayer, qui ne sont pas figurés. De tels verbes connaissent une lecture descriptive (locutionnaire), une lecture illocutionnaire et une lecture en tant que verbe d'énonciation: balbutier 1 = „articuler d'une manière confuse et hésitante“ VERBE D'ÉNONCIATION balbutier 2 = „s'exprimer en articulant mal, d'une manière confuse et hésitante“ LECTURE LOCUTIONNAIRE balbutier 3 = „dire d'une manière confuse, hésitante“ LECTURE CONSTATIVE [+AFFECTIF] En lecture locutionnaire, ces verbes sont toujours intransitifs, sans avoir une lexicalisation du rôle Destinataire. O. Galaţanu (op. cit: 141) considère ces verbes, dans la catégorie desquels elle inclut aussi des unités métaphoriques telles aboyer, beugler, glapir, hurler, mugir, gueuler), comme des verbes constatifs [+ Veridictoire (+ Affectif)]. Une analyse semblable peut être appliquée à toutes ces unités figurées verbales [+Transmissif] que nous avons trouvées, dans le champ des noms d'animaux domestiques, ayant en commun le sème [+Cri spécifique de l'espèce X]. Lecture locutionnaire Lecture illocutionnaire Le vieillard chevrotait son indignation Le vieillard chevrotait dans son coin. à qui voulait l'entendre. („Le vieillard parlait d'une voix („Le vieillard communiquait d'une tremblotante dans son coin“). voix tremblotante son indignation à qui voulait l'entendre“). Le Destinataire de ces verbes en lecture illocutoire [+Constatif (Affectif)] peut être explicité sous la forme d'un nom en datif ou sous la forme d'un groupe prépositionnel: après N, contre N. Par le régime syntaxique, la lecture locutionnaire s'oppose donc à la lecture illocutoire: (PARLER + Caractérisant) /vs/ (DIRE, transmettre + caractérisant) 131 Verbes illocutionnaire. métaphoriques Anonner Sujet d’énoncé (Locuteur)11 SN 1 Aboyer SN 1 Bêler SN 1 Beugler SN 1 Braire SN 1 glapir (clapir) SN 1 Couiner SN 1 Miauler SN 1 Mugir SN 1 Roucouler SN 1 auprès de N Grogner SN 1 Contre, après N Verbe (Réalisation superficielle de la structure profonde) [+Transmissif(+Interpersonnel)] Destinataire à N12 en lecture Contenu propositionnel SN 2 SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) SN 2; que P (Indic.) N. B. L’unité caqueter n'apparaît pas dans ce tableau, car son sens originaire „émission verbale“ + „caractérisant“ concernait aussi les êtres humains. Tous ces verbes sont des formations onomatopéiques. (2) Des verbes d'action; le plus souvent ce sont des termes spécialisés. –verbes transitifs qui incorporent un complément instrumental: bouveter, chatonner 1 ou enchatonner (celui-ci incorpore un locatif: „monter une pierre précieuse dans un chaton“), chevaler, chevronner, pigeonner1–ou non: enchevaucher, cochonner, moutonner 1. – verbes intransitifs: glousser, hennir (rire + caractérisant). L'emploi transitif à complément d'objet indirect est possible: 132 Elle trouvait ça tellement drôle qu'elle en gloussait (Queneau). – verbes statiques et duratifs, qui sont des verbes intransitifs: chatoyer, chatonner2. – verbes transitifs ou intransitifs, comme canarder: "Le chasseur canarda l'oiseau" (tira dessus à couvert) -vb. transitif; Ce clairon canarde. Ce navire canarde" - verbe intransitif. (3) Des verbes de mouvement, qui sont intransitifs: caner, moutonner 2. (4) Des verbes d'événement [+ Causatif], qui sont des verbes transitifs: pigeonner2, dindonner, avachir. (5) Des verbes d'événement [+Inchoatif], qui sont des verbes intransitifs pronominaux: se moutonner, s'avachir, se chevaucher: Le ciel se moutonne (Le ciel se couvre de petits nuages moutonneux). Le statut lexical des néologismes métaphoriques Chaque jour, de nouveaux „effets de sens“ apparaissent dans les discours des médias ou dans le discours familier. Un tel effet encore ressenti comme nouveauté sémantique, est, par exemple, celui du verbe frapper dans un contexte comme: Je suis frappé de sa sincérité (de son cynisme). N. Ruwet (apud J. M. Mortureux, 1974: 31) a étudié en deux homonymes les verbes français „physiques" et „psychologiques“, reconnaissant qu'entre eux il y a des relations sémantiques particulièrement étroites. Il conclut sur l'incapacité actuelle de la grammaire générative à rendre compte du lien existant entre les deux séries de verbes, du type frapper: „... nos conventions sont muettes sur le caractère métaphorique ou non des verbes «psychologiques» (...). Le problème de la métaphore est un problème central sur lequel la grammaire générative a achoppé jusqu'à présent“, reconnaît-il. M. F. Mortureux propose certaines méthodes linguistiques qui, appliquées aux faits de l'analogie, permettraient l'étude de la néologie, formelle et / ou sémantique: - une analyse du fonctionnement du nouveau signe dans les discours (fréquence, distribution), ce qui permettra d'examiner son insertion dans le stock lexical et les conséquences qui en découlent tant dans le domaine de la morpho-syntaxe (comme le fait que le nouveau dérivé peut se mettre à son tour à fonctionner comme base), que dans le domaine sémantique (démotivation, analogie sémantique ...); - les produits de l'analogie sémantique qui se fondent aussi sur une motivation formelle peuvent bénéficier d'analyses transformationnelles analogues à celles qui rendent compte des produits de l'analogie formelle; 133 - l'analyse distributionnelle est à même d'offrir des critères pour décider si l'on doit considérer tel signe comme polysémique ou voir en lui deux homonymes. J. Bastuji (1974) propose, pour l'étude linguistiques de la néologie de sens sur les unités simples, trois approches complémentaires: une analyse syntagmatique définissant la combinatoire de l'unité dans la structure de phrase. Elle partage l'opinion de N. Chomsky présentée dans Aspects de la théorie syntaxique (1965), selon laquelle les Noms ne portent que des traits inhérents, tandis qu'aux Verbes et aux Adjectifs sont assignés des traits de sélection (contextuels) spécifiant les SN avec lesquels ils se combinent. La linguistique moderne considère que toute variation régulière dans la distribution définit une unité lexicale discrète. Le Dictionnaire du français contemporain (DFC), qui s'en réclame, fragmente le mot polysémique en une suite synchronique d'homonymes. Bastuji considère que la polysémie reste tout de même la loi de fonctionnement sémantique pour tout unité lexicale. Un même processus se réitère indéfiniment: les variations contextuelles discursives produisent un sens nouveau (effet de sens); les contraintes d'invariance lexicale figent ces variations en un petit nombre de distributions codées, les homonymes; enfin, de nouvelles valeurs peuvent apparaître à partir de ces homonymes. La néologie lexicale doit être appréhendée à l'intérieur de cette contradiction dynamique, en évitant les deux excès contraires: éliminer tous les néologismes de sens en les considérant comme de simples réalisations des virtualités combinatoires inscrites dans le lexique et la syntaxe, ou bien privilégier le discours et enregistrer toutes les occurrences qui marqueraient quelque nouveauté dans le contexte. une analyse contextuelle plus large spécifiant les modes d'introduction et d'explicitation du néologisme (définition d'introduction, guillemets, renvoi à un énonciateur, isotopies discursives, etc.). une analyse paradigmatique, opérant par commutation de l'environnement. Par exemple, „un créneau pour une nouvelle gauche“ c'est comme „un créneau pour ranger sa voiture le long d'un trottoir“. Cette commutation entre séquence explicite et séquence implicite construit un rapport proportionnel où s'articule la néologie sémantique. La véritable création néologique, fait observer J. Bastuji, instaure des rapports sémantiques nouveaux, accompagnés d'une modification conjointe des traits de 134 sélection (contextuels), du signifié / référent et du domaine de référence. 13 Quant aux lexies complexes, leur statut lexical ne va pas sans problèmes. Leur nouveauté „ne tient pas à la combinatoire des signifiés, mais à la valeur référentielle de néologisme syntagmatique ainsi produit“... Lorsqu'on a affaire „à des syntagmes qui ne satisfont pas clairement au principe d'inséparabilité des éléments, et lorsque leur spécificité sémantique se limite à la référence que la plupart des linguistes excluent résolument de leur champ d'investigation, peut-on raisonnablement décider que de telles séquences sont des unités de langue et non pas seulement de discours? Doit-on les considérer comme des néologismes, c'est-à-dire comme des formations lexicales suffisamment stables?“ (J. Bastuji, op.cit.: 14). L’auteur observe „la fréquence significativement très forte de la néologie syntagmatique sur le SN“ dans la presse politique portant sur les élections législatives de 1973 (observation valable aussi pour notre corpus), lié à la constitution, voire à la prolifération d'objets nouveaux. Ces objets ne sont pas seulement des objets physiques, mais surtout des référents idéologiques. La différence, „non négligeable, tient à l'importance de la médiation discursive. Lorsqu'il s'agit d'un objet physique, cette médiation tend rapidement à s'abolir, tant est claire la relation référentielle entre le signifié et la chose; mais elle peut demeurer nécessaire à l'explicitation d'une notion complexe ou plus abstraite (...) dont la relation signifié – référent n'existe pas en dehors du ou des discours qui la fondent en opérant un découpage spécifique dans la réalité“ (op.cit:18). Elle conclut: „L'unité lexicale est à la fois unité de langue et unité de discours, et intéresse donc la relation entre langue et monde, langue et société, indéfiniment construite et reconstruite par la médiation discursive. Le chagement de domaine traduit la diversité des expériences sociales et le besoin de communication; la présupposition et la référence sont des actes visant à modifier les rapports sociaux. La bataille des mots est aussi une bataille pour les choses et pour le changement des choses. L'analyse linguistique, qui se limite aux règles de constitution des unités et à l'examen de leurs rapports mutuels, doit ici laisser la place à l'analyse du discours et /ou à la socio-linguistique“ (pag. 19). La néologie sémantique (qui est de nature surtout figurale: métaphorique, métonymique, synecdochique, ou une extension de sens) crée donc un nouveau référent et une nouvelle combinaison stable en langue, c-est-à-dire un signifié14, qu'on peut approcher dans le cadre de la polysémie autant que la motivation sémantique (figurale) reste encore perceptible. 135 Notes 1. Au sujet de cette construction, v. J. Tamine, Les métaphores en de: le feu de l'amour, in „Langue française“, no 30 / 1976. 2. V–N est donné comme symbole de tous les cas où un verbe est associé à un nom, quelle que soit la fonction syntaxique du nom 3. Cette tendance à la réduction des métaphores verbales à une métaphore nominale se retrouve dans la Rhétorique générale (1970). Dans l'énoncé : le coeur me piaffe de génie, le verbe piaffe est ramené à la métaphore nominale reconstruite „cheval“, d'où l'équivalence coeur = cheval, qui permet l'explication du processus métaphorique par l'intersection sémémique. C'est aussi la conception théorique de Olimpia Berca et alii (1984), qui oppose métaphore coalescente (le terme propre et le terme figuré sont coprésents) à la metaphore impliquée (dans laquelle soit le terme propre, soit le terme figuré est elliptique; quand l'ellipse affecte le terme figuré, le décodage métaphorique est assuré pas des inductions verbales ou adjectivales et par des greffes nominales). Il paraît que dans de tels cas, la seule analyse correcte est celle en termes de violation classématique, (incompatibilité des traits contextuels). Au fond, ces deux analyses doivent être envisagées comme des explications complémentaires et non pas contradictoires d’un même phénomène linguistique. 4. Ce type de métaphores correspondent aux „dénominations figuratives“ étudiées par A. J.Greimas (1966). 5. Pour l'explicitation des termes métaphoriques appartenant au champ des noms d'animaux domestiques, voir l'Annexe. 6. lardon, n.m (vx) Trait piquant, raillerie. (Pop.) Petit enfant (Techn.) Petit morceau de métal servant à boucher une fissure (Petit Robert). 7.Henri Morier offre une analyse poussée de toutes les structures syntaxiques possibles de la métaphore poétique dans l'article Métaphore, in Dictionnaire de poétique et de rhétorique, 1989, pp. 676-748. 10. Un jeune loup est un politicien jeune et ambitieux, dans l’argot de la presse politique. Par extension, on dit „les jeunes loups du sport, du spectacle, du disque“(in Petit Robert). 11. Nom d'un chien! est un juron courant, choissi par Gérard Gréverand comme titre de son dictionaire, sous-titré: „Les animaux dans les expresions du langage courant“, 1988. Un juron est une expression, le plus souvent métaphorique, grossière et familiaire, qui sert à exprimer l'indignation, le mécontentement; gros mot servant d'imprécation. On observe que son adresse n'est pas précisée, quoique le juron soit entièrement redevable à la situation. 12. En général, l'énoncé métaphorique procède du comparé au comparant (A->B), du connu à l'inconnu, du réel à l'imaginaire, affirme Henri Morier (op. cit.). C'est la démarche progressive d'André Breton qui parle d'une „rosée à tête de chatte". Morier appelle une telle métaphore dextrogyre (étymologiquement, le terme signifie „tourné vers la droite"). ;dans la forme B de A, la représentation imagée est donnée la première, avant le comparé. Lévogyre („oriéntée vers la gauche“), une telle metaphore va de l'inconnu vers le connu, le premier terme étant le terme métaphorique. 14. Dans la littérature de spécialité, on fait la distinction entre Locuteur (pour nous, il est le sujet d'énoncé, d'un verbe DIRE) et Sujet d'énonciation (l'émetteur de l'énoncé) Par exemple, dans l'énoncé: Pierre est parti, dit-il, il est le Locuteur. De telles distinctions sont utiles dans l'analyse du discours rapporté, car le 136 Sujet d'énonciation (SE) laisse les marques de sa subjectivité dans l'énonciation même. Eu principe, il peut établir une distance énonciative entre lui et son discours, permettant la non-coïncidence modale évaluative: Il pose (affirme) l'évaluation comme appartenant à un Ressenteur. Cette situation se manifeste dans le cas des verbes „d'évaluation médiate“ du type déprécier, déconsidérer (v. Anca Cosăceanu, 1981:117). Dans le cas d'un verbe de communication verbale métaphorique, la modalisation, implicite, est entièrement redevable au Sujet d'énonciation (SE), qui s'identifie au Ressenteur, considérons-nous. 15. Eu français classique et littéraire, le verbe métaphorique aboyer connaissait un Destinataire exprimé par un groupe prépositionnel: après N, contre N: „Nous avons de tous côtés des gens qui aboient après nous" (Molière), au sens de „réclamer, crier contre". 16.La linguistique générative, qui ne prend en compte que la compétence d'un locuteur - auditeur idéal, appartenant à une communauté linguistique complètement homogène, étudie exclusivement la langue comme système de règles et / ou de signes. Elle exclut de son champ de recherche le changement linguistique et le fonctionnement réel de la langue dans la société. 17.L'opposition signifié / référent correspond à l'opposition compréhension / extension des logiciens. Définir un terme en compréhension (ou en intension), c'est donner ses propriétés distinctives, donc son signifié (la métaphore exploite ce type de définition). Définir un terme en extension, c'est énumérer les objets du monde auxquels il s'applique; l'extension correspond à la référence, „ plus précisément à la somme de toutes les références qui pour ce terme sont actualisables dans un discours". Pour les lexèmes figurés, le changement dans l'extension est une conséquence du changement dans la compréhension. QUESTIONNAIRE 1.Qu’est-ce qu’on comprend par métaphore in praesentia ? 2. Qu’est-ce qu’on comprend par métaphore in absentia ? 3. Construisez trois phrases avec des verbes métaphoriques d’émission vocale. 4.Quelle est la construction syntaxique typique des termes d’adresse ? 5. Qu’est-ce que la métaphore filée ? 137