Etablissement du Lien Entre Le Changement de Climat et la Productivité des Arbres au Parc National de Ranomafana , Madagascar par Patricia C. Wright, Benjamin Greene. Jessica Scirbona, Paul Rakotonirina, Armand Razafitsiafajato, Jean de dieu Ramarolahy, and Paul Rasabo, Stony Brook University, Stony Brook, New York, USA and Centre ValBio, Ranomafana, Madagascar EBAUCHE sans CHIFFRES OU TABLEAUX Cet exposé est preparé pour l’Atelier de Conservation International “Changement de Climat à Madagascar- 28-31 janvier 2008 1 SOMMAIRE Madagascar possède des niveaux d’endémisme et de menace de disparition les plus élevés pour plus d’espèces que n’importe quel autre pays du monde (Myers et al., 2000, Mittermeier et al., 2006). A Madagascar il y a de bonnes raisons montrant que même une perturbation de faible envergure peut avoir un impact important sur la dynamique des forêts et les populations de faune et flore (Dehgan, 2003, King et al., 2005, Wright, 2006, Irwin, 2006, Arrigo-Nelson, 2006). La faune et flore de Madagascar est alignée étroitement sur les systèmes naturels qui ont servi d’exemple par une hibernation de 6 mois des petits mammifères et amphibies, et la reproduction strictement par saison chez les lémuriens et la plupart de la faune (Wright, 1999, Wright et al., 2005). Plusieurs espèces de lémuriens sont en voie de disparition (Mittermeier et al., 2006) et ces espèces seront davantage mises à l’épreuve par les changements de climat (Dunham et al., 2008). Afin de mieux comprendre l’impact du climat sur la faune et la flore dans les forêts tropicales humides de l’Est de Madagascar, notre équipe de chercheurs du Parc National de Ranomafana a procédé au suivi de la température journalière, de la précipitation journalière, et de la phénologie journalière et de la production de fruits de plus de 200 arbres individuels, ainsi que la démographie des lémuriens et leur comportement en matière de nourriture. Bien que nos données montrent que la moyenne du total des précipitations annuelles ne change pas, nos données suggèrent pourtant un accroissement des mois de saison sèche. En réponse à ces différences climatiques subtiles, des changements de modèles de fructification sont remarqués pour certaines espèces d’arbres. L’impact de phénomènes majeurs d’envergure mondiale tels que El Nino sur la productivité de fruits a été noté aux Amériques et à Bornéo 2 (Foster, 1982, Wright et al., 1999. Harrison, et al., 2000, Hughes et al., 2000). Comme il est signalé dans l’étude de suivi des arbres présenté ici, El Nino et les années de sècheresse affectent également la productivité des arbres à Madagascar. Il a été établi par des documents que les évènements de El Nino ont augmenté en fréquence au cours de la dernière décennie (Federov and Philander, 2000, Timmermann et al., 1999) . Nous avons des données préliminaires qui suggèrent une diminution de la reproduction réussie des lémuriens au cours des années ayant des saisons sèches prolongées (King et al., 2005, Wright et al., 2008). Nous avons trouvé que la survie des lémuriens diminue de 65% pendant les années d’El Nino et notre modélisation mathématique de la population des lémuriens suggère qu’on peut s’attendre à un problème grave de disparition même au sein des aires protégées (Dunham et al., 2008). L’analyse des données de température journalière sur une période de 20 ans n’a pas montré la hausse de température élevée ou l’augmentation de température annuelle dans la forêt tropicale humide. Toutefois les températures minima au cours de la saison froide ont été plus élevées pendant les dix dernières années comparées à la décennie précédente. Une analyse future établira si cette température minimum plus élevée a un effet sur la reproduction des arbres. Notre recherche à long terme fait remarquer l’importance du suivi d’une large gamme de changement d’écosystème conjointement avec le suivi des tendances de précipitation et de température dans le temps pour comprendre les conséquences d’une grande portée sur la biodiversité. INTRODUCTION Madagascar est le foyer de plus de familles et de genres endémiques que tout autre « point chaud » de conservation du monde, et des taux élevés de perte d’habitat et de perturbations anthropogéniques menacent sérieusement les espèces indigènes (Myers et al., 2000). Plus de 80% de couverture forestière a déjà été perdue et les populations de plusieurs 3 espèces restantes sont petites et fragmentées (Whitmore, 2000). Le gouvernement de Madagascar s’est récemment engagé à augmenter ses aires protégées de 1,7 million d’hectares à 6 million d’hectares (Goodman & Benstead, 2005). Alors que beaucoup de recherches ont été entreprises, discutant des effets de la perte d’habitat et des pressions de la chasse sur la viabilité des populations de la faune et flore (Irwin et al., 2005, Lehman, 2002, Lehman et al., 2005, Mittermeier et al., 2006), les effets déconcertants des changements de climat récents et des cycles de climat mondiaux tels que les Oscillations Australes de El Niño (ENSO) ont été rarement abordés (Dunham et al., 2008). Etant donné le rôle potentiel du changement de climat provoqué par l’homme dans la modification de la fréquence des événements de ENSO (Fedorov & Philander, 2000; Timmermann et al., 1999), il se fait sentir un besoin critique d’évaluer l’impact des changements du climat sur les modèles frugifères des bois de la forêt qui à leur tour affectent la viabilité des population de faune et flore. La fréquence élevée de l’ENSO au cours des quelques décennies passées a soulevé des questions quand à la manière dont le changement de climat provoqué par l’homme est en train d’affecter ou affectera la fréquence de l’ENSO (Fedorov & Philander, 2000; Timmermann et al., 1999). A Madagascar et en Afrique Australe, il a été établi par document que les événements de l’ENSO causent la sécheresse (Thomson et al., 2003) et les changements de végétation (Ingram & Dawson, 2005) qui peuvent affecter de façon négative la faune et flore (Gould et al., 1999; Wright, 1999). La perspective d’augmentation des événements ENSO à Madagascar est décourageante étant donné la sévérité des autres menaces anthropogéniques pour sa biodiversité. Une étude récente a montré que les effets immédiats d’une année de ENSO peut diminuer les populations de lémuriens de 65% (Dunham et al., 2008). 4 D’autres indications montrant que le changement de climat affecte la faune et flore sont données dans deux études sur la démographie des lémuriens. Une étude démographique du sifaka de Milne Edward (Propithecus edwardsi Mayor et al., 2004) a montré que les tailles des groupes sont variables mais que l’ensemble des populations peut diminuer (Pochron and Wright, 2003, Pochron et al., 2004). Quand l’effet de la précipitation sur la survie des enfants en bas âge a été examinée (King et al., 2005), on a trouvé que le climat peut avoir un impact sérieux. Les résultats des années de comparaison ayant plus de mois de saison sèche à ces années ayant plus de précipitation égale ont montré que la survie des enfants en bas âge a été affectée de façon négative par l’augmentation des mois secs (Wright, 2006; Wright et al., 2008). Cette même tendance a été trouvée dans une étude à long terme des démographiques du Eulemur fulvus rufus au Parc National de Ranoamafana (Overdorff et al., 2008). Afin d’isoler l’impact de plusieurs variables possibles qui peuvent affecter ces populations de faune et flore tels que l’exploitation forestière sélective historique, les événements de prédation ou les changements démographiques stochastiques (Pochron and Wright, 2003, Karpanty and Wright, 2006, Arrigo-Nelson, 2006), nous avons examiné l’effet d’une température journalière, de précipitation mensuelle et des années de ENSO sur la nourriture de la faune. En procédant au suivi de la production de fruit des arbres des forêts tropicales humides à Ranomafana au cours des 20 dernières années, nous pouvons cibler l’impact que le temps et le climat ont sur la production frugifère et le modelage. METHODES Au Parc National de Ranomafana, situé à (21 degrés, 16’ 38’’ Sud, 47 degrés 23’ 50’’ Est) nous avons effectué le suivi d’arbres individuels mûris sur une période de 20 ans. Le statut 5 de reproduction et l’éclat des feuilles nouvelles ont été évalués tous les mois pour 25 espèces d’arbres à voûte et à mi-étage entre 1987 et 2007. Cette première série de 25 espèces comprend 15 genres et 17 familles. Quatre exemples de chaque espèce ont été choisis à l’origine en 1987 pour un total de 100 arbres. En 1997 quatre individuels de 25 espèces supplémentaires ont été ajoutés à la phénologie. Ceci augmente l’échantillon mensuel suivi à 50 espèces (200 arbres) pour plus de 26 genres et 19 familles. Les familles représentées par trois des espèces ou plus comprennent les Clusiaceae, les Myrtaceae, les Moraceae, les Sapindaceae, les Lauraceae, and les Anacardiaceae. Les arbres morts sont remplacés par de nouveaux individuels des mêmes espèces. A l’origine, tous les arbres avaient un dbh supérieur à 10cm et des individuels mûris étaient choisis. Au cours des dix premières années, les mesures de la croissance par dbh ont été prises tous les cinq ans. Au cours des dix dernières années le dbh a été mesuré tous les ans. Les couronnes des arbres ont été évaluées du sol par des botanistes locaux qui ont reçu une formation au Jardin Botanique du Missouri en utilisant des binoculaires. Le statut de reproduction a été noté sur une échelle de cinq points. Les arbres stériles ont été notés zéro. Les arbres ayant une structure de reproduction de un à 25% de la couronne portant des structures reproductrices ont été notés un. Les arbres ayant 26–50%, 51–75% et 76–100% de la couronne portant des structures reproductrices ont été notés respectivement deux, trois et quatre. Ces données sont utiles pour la comparaison des modèles de fructification et de floraison aux changements de précipitation et de température au cours de cette période de temps. Ces données ont été récemment introduites dans un tableur Excel pour analyse. Au cours des seize premières années de cette étude (1987-2003), les quantités de précipitations journalières ont été mesurées en utilisant un cylindre de précipitation standard en unité métrique, placé dans un espace ouvert près de la cabine de recherche à l’intérieur du parc. 6 En 2003 un cylindre de précipitation a été placé dans un espace ouvert près du Centre ValBio, à peu près à un kilomètre au nord est de la cabine de recherche originale. Un thermomètre maximum minimum comportant une température mesurée en unité Centigrade a été placé sous la voûte à l’intérieur de la forêt près de la cabine de recherche de1987-2003. Une personne est responsable de la collecte des données de précipitation et de température à 6h du matin tous les jours. Ces données sont introduites dans l’ordinateur toutes les semaines. RESULTATS Les quantités de précipitations annuelles au cours de la période de vingt ans ont varié de la hauteur de 1794mm en 1997 à plus de 4000mm en 1996. En moyenne, 3000mm de pluies par an sont tombées sur le Parc National de Ranomafana de 1987-2007. Cette moyenne de précipitation est comparable à la moyenne de la station météorologique nationale des précipitations de Ranomena et Ranomafanana de 1960-1980. Toutefois, une différence de modèle est notée , quand la variabilité de la précipitation est examinée chaque mois. Comparées aux décennies précédentes, les années 1987-2007 avaient plus de pluie au cours de la saison de pluie et plus de mois qui contenaient moins de 100mm de pluies. Entre 1960 et 1985, 90% des années comportaient 11 ou 12 mois “humides” de plus de100mm de pluies, alors que de 19862007 60% des années comportaient des mois ayant plus de 100mm de pluies. Le suivi de la production de fruit des arbres a montré que la fructification individuelle des arbres était extrêmement variable avec moins du quart des arbres suivis produisant des fruits tous les ans. En comparant la décennie 1987-1996 à la décennie 1997-2007 la productivité de fruit tombe d’une moyenne de 25% à une moyenne de 9% des arbres produisant des fruits. Bien que l’on ait des fruits toute l’année, les mois d’avril à août montrent peu de fructification et sont limités à deux ou trois espèces de fructifications chaque mois au cours de cette période. Certains 7 arbres ne portent pas de fruits l’année qui suit les années de ENSO. Ces résultats préliminaires montent une diminution considérable de la production de fruit au cours de la dernière décennie à Ranomafana et cette baisse de la mise à disposition de nourriture pourrait aboutir à un impact négatif sur les populations de faune. DISCUSSION La conservation de la faune de Madagascar a été une cible du gouvernement de Madagascar et des partisans de la protection de l’environnement au cours des quinze dernières années (Myers et al., 1987, Myers et al., 2000, Mittermeier et al., 2005). Le déboisement galopant de 1,7-4,7% des forêts qui restent à Madagascar, ainsi que la chasse à la nourriture pour les hommes ont été des facteurs majeurs menaçant la biodiversité (Irwin et al., 2000, 2005, Lehman, 2002, Achard, 2002). Bien que des rapports sur les effets négatifs de la sècheresse sur les populations de lémuriens dans le sud de Madagascar où prévaut la sècheresse aient été publiés (Jolly et al., 2002, Gould, 1999), il n’y a pas eu de vérification dans tout le pays si le changement climatique a affecté et comment il a affecté la biodiversité. En procédant à l’examen des vingt années consécutives de comptes-rendus sur les populations de lémuriens, les arbres tropicaux, les précipitations et les températures à un site (Parc National de Ranomafana ), nous commençons une tentative de compréhension des dynamiques entre le changement climatique et la biodiversité dans les forêts tropicales humides de l’est de Madagascar. Bien qu’il existe des bases de données plus courtes (2-6 ans) recueillant la floraison et l’activité de production de fruits sur les arbres malgaches des forêts sèches de l’ouest de la Forêt de Kirindy (près de Morandava) et de Beza Mahafaly (au sud de Tuléar), le projet de Phénologie de l’Arbre de Ranomafana est la seule base de données qui a procédé au suivi des arbres individuels sur une période de vingt ans à Madagascar. En même temps nous avons 8 recueilli la précipitation journalière et les températures maxima minima pour cette même période de vingt ans. Nos analyses préliminaires de ces bases de données du Parc National de Ranomafana montrent que le climat et la productivité des arbres forestiers peuvent être étroitement reliés. Les données accumulées de Ranomafana suggèrent que les cycles changeants du temps dans le monde peuvent composer avec le déboisement et la chasse pour accélérer la menace aux populations de faune et flore. Nous savons actuellement que la fécondité moyenne des lémuriens a baissé de plus de 65% pendant les années de El Niño (Dunham et al., 2008). De plus, il y une plus grande mortalité des lémuriens en bas âge au cours des années ayant une saison sèche prolongée (King et al., 2005, Wright, 2006, Wright et al., 2008). L’analyse présentée dans ce document montre que la productivité de fruit dans cette forêt a diminué de moitié pendant la dernière décennie. Le fait que cette baisse de production de fruit peut être liée aux années qui ont plus de mois de saison sèche peut indiquer que le changement de climat est une cause partielle de cette diminution. De plus, les augmentations de température peuvent également avoir un impact négatif sur la productivité de fruit et la dynamique énigmatique des forêts qui peut avoir un impact négatif sur la survie de la faune et flore. Des preuves récentes de Costa Rica suggèrent que pendant les années ayant des températures minima plus élevées, l’augmentation de la circonférence des arbres des forêts humides tropicales s’arrête (Clark and Clark, in press). Si une augmentation des températures minima arrête également la croissance des arbres dans les forêts tropicales humides de Madagascar et que ceci est ajouté au manque d’activité de reproduction dans ces bois de forêt, cette tendance pourrait avoir un impact majeur sur la condition physique à long terme des espèces menacées de disparition qui dépendent de ces arbres pour leur nourriture. 9 Les bases de données phénologiques de la durée et de l’exhaustivité de cette série de données sur Ranomafana sont rares dans les tropiques. Joseph Wright sur l’Ile de Barro Colorado, David et Deborah Clark à Costa Rica, Tim O’Brien en Indonésie et Colin Chapman dans la forêt de Kibale en Ouganda ont des séries de données comparables au cours de cette période de temps (voir Chapman et al., 2005a, b; Clark, 2007; Wright et al. 1999). Il est important de prendre une approche comparative pour comprendre les effets du climat sur les arbres tropicaux dans le monde entier. Nous avons donc besoin de considérer l’impact sur les populations de faune en voie de disparition et de développer des stratégies de gestion efficaces. 10 REMERCIEMENTS A Madagascar nous voudrions remercier l’Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (ANGAP), le Service des Eaux et Forêts, et le Ministère de l’Environnement, les Eaux et Forêts et le comité du CAFF/CORE de nous avoir autorisé à effectuer cette recherche. Nous adressons tous nos remerciements à B. Andriamihaja et à A. Feistner ainsi qu’aux personnels du MICET, du Centre ValBio, et de ICTE pour l’assistance logistique qu’il nous ont apportée. Le financement du suivi à long terme a été fourni par le David and Lucile Packard Foundation, Douroucouli Foundation, le Wenner-Gren Foundation, le John D. and Catherine T. MacArthur Foundation, le National Geographic Society, National Science Foundation, Earthwatch Institute, et Stony Brook University. Nos remerciements vont aux regrettés Georges Rakotonirina et Michael Todd pour la mise en place du système d’arbre de Phénologie en 1987. G. Rakotonirina et William Rakotonirina ont tous les deux pris des données pendant la première décennie. Notre reconnaissance va à l’endroit de Tiana Razafindratsita et Aimee pour la collecte de beaucoup de données sur le climat pendant les dix premières années. Jukka Jernvall nous a gracieusement prêté son aide pour l’analyse des données. Nous voudrions exprimer notre appréciation à Lee Hannah de 11 Conservation International pour nous avoir invité à partager nos données lors de l’Atelier du Changement de Climat qui se tient à Madagascar du 28-31 janvier. 12 REFERENCES Achard, F., Eva H. D., Stibig H., Mayaux P., Gallego J., Richards T., Malingreau J., 2002. Determination of deforestation rates of the world's humid tropical forests. Science 297, 999-1002. ANGAP, 2003. Carte de localisation du Parc National de Ranomafana. Map by Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées/FTM, Ranomafana. Arrigo-Nelson, S. J. 2006. The impact of selective logging on feeding patterns in an endangered lemur, Propithecus edwardsi, in Ranomafana National Park, Madagascar. Unpubl. Ph. D dissertation, Stony Brook University, NY. Arrigo-Nelson, S.J., and Wright, P.C. (2004). Differential fruit consumption in rainforest of Madagascar: The impact of selective logging on food selection by Propithecus diadema edwardsi. 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